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11 déc. 2017, 12:05
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
36

L’ART DE L’ILLUSION


Une fois encore, je fus surprise par l’audace de Kristen. Mes paupières s’alourdirent sous le poids du baiser qu’elle déposa sur mes lèvres ; mes pensées virevoltèrent comme si elles étaient dispersées aux quatre vents, et c’est avec un regret certain que j’accueillis la rupture de cette proximité si soudaine et spontanée. Quand je rouvris les yeux, Kristen se tenait presque à mon niveau, pratiquement accroupie à mon côté. Je la fixai tendrement, buvant ses paroles — je le reconnais sans rougir — comme une adolescente aveuglée par l’amour ardent qui lui brûlait la poitrine. J’étais comme prisonnière d’un charme, car si mon cerveau enregistrait toutes les bonnes intentions de ma compagne de manière inconsciente, je luttai pour déchiffrer les mouvements de ses lèvres que je brûlai d’embrasser de nouveau.

Mon envoutement se rompit quand Kristen se redressa puis s’en retourna à sa place. Je clignai des yeux en retrouvant mes esprits et pris conscience qu’elle me tendait la célèbre Baguette de Sureau. Je ne sais pas pourquoi les doigts de ma main droite s’arrêtèrent à quelques centimètres de l’objet sans pouvoir s’en saisir, mais le blocage était palpable dans mon esprit, tout comme la puissance brute qui se dégageait de cette oeuvre. Un oeil non entrainé ne pouvait remarquer cette baguette, d’une finition assez grossière finalement, mais un coeur versé dans l’étude des magies fondamentales ne pouvait que s’enflammer pour l’énergie primaire qui émanait d’elle. Cette énergie faisait se dresser les poils sur ma nuque. J’y distinguai du bon comme du mauvais ; un mélange de volontés contraires qui conférait à l’objet une aura étourdissante. Je relevai mes yeux vers Kristen, soudainement inquiète du pouvoir dont elle avait hérité.

« C’est une idée, mais elle ne trompera que les yeux, pas les coeurs, répondis-je. Pour paraître réelles, les illusions puisent directement dans l’imaginaire de leurs victimes. Je peux t’apprendre à masquer l’apparence de cette baguette, mais je n’ai pas le pouvoir de t’apprendre à la faire taire. Son aura est extrêmement grande, Kristen… je n’ai, à ce jour, jamais rien perçu de si doux et si violent à la fois. C’est une magie qui dépasse de loin ce que j’ai pu étudier à Beauxbâtons, et je n’étais pas mauvaise élève en la matière, comme tu peux le deviner. Pour ne rien te cacher, son pouvoir m’effraie. La grande majorité des sorciers se laisseront distraire par sa musique, mais les quelques uns doués d’une réelle sensibilité magique se poseront des questions que les plus sages résoudront aisément. Contre ces derniers, mes illusions ne pourront rien, alors je t’en prie, sois prudente. »

J’expirai mes craintes par le nez en laissant mes épaules s’affaisser. Je ramenai ensuite mon regard sur la Baguette de Sureau.

« Imagine que la magie fondamentale, celle qui nous entoure à tout instant, est comme une poussière invisible qui se dépose sur tout ce qui nous entoure. Chacun de nos mouvements la soulève et la disperse autour de nous, puis elle se dépose à nouveau au même endroit en attendant le prochain mouvement. Imagine à présent que tu puisses tendre un tissu invisible sur ta baguette pour que les grains de magie fondamentale se déposent dessus, visualise bien ce tissu dans ton esprit car il est la clé. A présent, ne cherche pas à donner une apparence en particulier à ta baguette, car l’apparence qu’elle prendra sera différente selon qui la regarde. Pour la grande majorité de ceux qui te connaissent, ils verront en elle la baguette que tu possèdes depuis toujours, mais les étrangers, eux, verront autre chose ; une forme que ton esprit ne peut pas imaginer. Pour que l’illusion tienne, garde toujours à l’esprit que le tissu invisible maintient les particules de magie fondamentale sur ta baguette. Et maintenant regarde… »

Je saisis ma baguette magique dans ma manche tout en glissant mon autre main par-dessus la Baguette de Sureau. Son apparence se changea au passage de ma main, rapetissant à vue d’oeil, puis prenant les couleurs et les irrégularités du houx et du chêne blanc que Kristen connaissaient parfaitement bien. La Baguette de Sureau ne broncha même pas. Ce qui était somme toute assez surprenant à constater. L’âme de cette baguette n’était peut-être pas si orgueilleuse que je l’avais imaginé.

« Tu devras répéter l’opération chaque matin, expliquai-je en levant mes yeux vers Kristen. Et si tu vois quelqu’un attarder trop longuement son regard sur ta baguette, répète discrètement ce que je viens de te montrer pour renforcer l’illusion. A toi maintenant... »

Je claquai des doigts après y avoir agglutiné une étincelle de magie pure. La Baguette de Sureau retrouva aussitôt sa véritable apparence. Je me tassai contre le dossier de ma chaise en délaissant le contact de ma baguette magique pour observer Kristen à l’ouvrage.
12 déc. 2017, 23:15
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
Kristen écouta Aude avec l’attention d’une élève captivée par son professeur. Elle réfléchissait avec tant d’expressivité qu’on aurait pu croire que son intérêt était feint. Il était trop idéal pour être possible. Bien sûr, elle serait prudente. Elle n’avait pas envie que la possession de cette baguette finisse par la tuer ; ce n’était pas du tout dans ses projets. Seulement, elle préférait tout de même que ce soit elle qui l’ait, et par conséquent, elle aurait à fournir des efforts supplémentaires pour réduire du mieux possible le danger.

Les explications d’Aude sur son art étaient véritablement passionnantes. Kristen, que les discussions sur la Magie animaient toujours, regardait dans le vague en faisant de son mieux pour effectivement percevoir la Magie du monde, elle imagina des particules de Magie dans laquelle elle se baignerait avec plaisir tout comme elle était entourée par l’air. Elle ferma les yeux et imagina l’univers qu’Aude lui décrivait. Les illusions étaient donc non seulement une manipulation de l’esprit, comme Kristen s’y était attendue, mais aussi une manipulation de la Magie dans son essence, ce qui était autrement plus impressionnant.

Le fait que l’illusion change d’un individu à l’autre pourrait poser problème, mais c’était après tout une protection pour la majorité. S’il fallait se frotter à une minorité plus curieuse et plus perspicace, Kristen trouverait bien autre chose.

Elle essaya tout de suite. Elle s’imagina une fois de plus l’univers de poussière de Magie dont Aude lui avait parlé et ce tissu invisible au-dessus de sa baguette, comme une toile d’araignée sur laquelle viendrait se fixer cette poussière. Elle imita Aude, passant sa main lentement devant sa baguette et s’imaginant tendant un tissu par-dessus. Elle était extrêmement concentrée. C’en était même assez comique : si ses camarades de classe avaient vu cette tête ! En bientôt trente ans, son visage concentré n’avait pas beaucoup changé. Il exprimait toujours ce désir intense de succès instantané produit par une haute dose d’effort. Ce visage qui disait : « je vais y arriver, bien sûr, si je n’y arrive pas malgré tous mes efforts, personne ne le pourra, du moins pas si vite que moi. »

Elle sentit sa nouvelle baguette contenir quelque chose, elle le visualisa passer dans sa main et créer cette toile invisible, comme si ça lui coulait des doigts. La baguette changea d’apparence, même pour elle. Kristen la voyait changer de forme, de couleur… Elle se demanda comment le regard pouvait à ce point être trompeur, comment les sens pouvaient être si peu fiables. Satisfaite, elle releva les yeux vers Aude et son visage se détendit.

« Merci, professeur…, dit-elle avec un sourire dans la voix. »

Elle reprit vraiment sa place autour de la table.

« Je te promets d’être prudente. Autant que je peux l’être… »

Elle voulait rassurer Aude, mais ne pouvait pas lui mentir non plus. Kristen pouvait être impulsive et foncer dans le tas, prendre des décisions en apparence raisonnables mais qui revenaient à se jeter dans le feu de l'action sans trop l’assumer. C’était son côté Gryffondor, il fallait qu’elle aille au-devant de ce qui se passait d'important, qu’elle soit dans le coup et qu'elle sache, finalement. Ce qu’elle avait osé remettre en question par fatigue plus tôt faisait trop partie d’elle pour qu’elle s’en débarrasse véritablement.

« Avant, il m’aurait été relativement égal de prendre des risques qui auraient pu conduire à une fin… qui aurait été un fin. Seule m’aurait dérangée la honte d’une sortie ratée. Mais maintenant, j’aimerais surtout repousser cette fin le plus loin possible. Donc, je serai prudente. »

Elle fit tourner sa tasse pour que la poignée soit placée horizontalement par rapport à son point de vue.

« J’aurais dû mourir hier soir. J’ai perdu face à lui. Je ne pouvais que perdre. »

Elle bougea encore sa tasse d’un doigt et cette fois fit en sorte que la poignée soit placée verticalement par rapport à elle, comme une flèche pointée vers elle.

« On a eu de la chance, d'une certaine façon. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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14 déc. 2017, 23:22
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37

LES NOIRCEURS


Voir Kristen réussir du premier coup me procura un intense sentiment de satisfaction. J’esquissai un sourire en hochant sensiblement la tête pour la féliciter. La magie qui émanait d’elle était proprement étourdissante, tant par sa capacité d’adaptation que par ses propriétés d’assimilation. Une véritable éponge ! J’avais déjà pu observer ces qualités indéniables par le passé — et encore au cours des évènements d’hier soir — et même si les occasions avaient été rares, l’effet était toujours saisissant, comme une redécouverte perpétuelle. D’où lui venait ce pouvoir ? Je l’ignorai proprement et simplement et ne cherchai pas à le découvrir, mais je ne pouvais que ressentir un peu plus d’admiration pour celle que j’aimais.

Je me détendis un petit peu en l’écoutant m’assurer qu’elle ferait preuve d’un peu plus de prudence à l’avenir, en partie parce que l’importance de notre relation pesait pour beaucoup dans la balance. Il m’était difficile de ne pas la croire, tant j’espérais que plus rien ne lui arriverait, mais une petite voix au fond de moi-même me mettait en garde contre un élan d’optimisme. Deux ans passés dans le giron de Poudlard m’avait appris que bien des forces oeuvraient contre les richesses de cette école. Tôt ou tard, un nouvel ennemi se dresserait, c’était une quasi certitude, encore que les récents évènements de Beauxbâtons avaient prouvé que Kristen disposait de ressources insoupçonnables et qu’il valait mieux y réfléchir à deux fois avant de s’en prendre à elle ou à son institution. Au fond, j’espérais simplement que notre récente victoire soit un signal assez fort envoyé aux ennemis de Poudlard. Une arme de dissuasion massive.

Mais Kristen ne semblait pas de cet avis. Mon sourire s’évanouit. L’entendre dire qu’elle aurait dû mourir face à Lui me souleva le coeur. Un monde où j’étais et où elle n’était plus m’était insupportable, même sur un plan purement imaginaire. Confortablement calée contre le dossier de ma chaise, je plissai les yeux en fixant Kristen avec fermeté, de façon à accrocher son regard.

« Nous t’avons eu, toi, répliquai-je, sans ambages. »

Je laissai un court silence faire son office, installant comme une tension entre nous. Tension que je pris sur moi de déchirer en mille morceaux en souriant de plus bel.

« Sans ta présence et tes amitiés, le monde ne compterait plus que onze grandes écoles de magie aujourd’hui, poursuivis-je en croisant mes jambes avant d’apposer mes mains l’une sur l’autre au contact de ma cuisse droite. Tu peux estimer que la chance y est pour quelque chose, mais je dois te dire que ta modestie t’aveugle en ce qui concerne cette affaire. Nul ne pouvait le vaincre, c’est vrai… tout du moins c’était vrai avant que tu n’entres dans la danse. Il t’a sous-estimé, comme il a toujours sous-estimé tout le monde. Il n’avait seulement pas la moindre idée du genre de femmes que tu étais. Il s’attendait peut-être à croiser une pâle copie de moi-même. »

Cette remarque me fit rire intérieurement car j’étais intimement convaincue qu’Il avait sentit la victoire lui échapper à partir du moment où ses lieutenants avaient montré leur incapacité à nous arrêter. Nul ne pouvait savoir ce que la magie de Kristen aurait inventé en dernier recours pour résister à Sa puissance démesurée, mais j’étais persuadée qu’elle aurait trouvé son chemin dans ce chaos absolu. Kristen pensait le contraire ; peut-être même qu’elle n’attribuait cette victoire qu’à l’arrivée de ces mages noirs — leur aura magique ne m’avait pas trompé comme elle avait certainement tromper les autres, même si la plupart des membres du groupe avaient essayé de masquer leur soif de magie noire. Le moment était peut-être venu d’en savoir un peu plus à leur sujet… maintenant que ma curiosité et ma prudence étaient à couteaux tirés pour établir la posture qu’il me fallait tenir.

« Kristen, je ne comprends toujours pas pourquoi ces hommes et ces femmes sont venus à notre secours, dis-je en ravalant mon sourire. Ni pourquoi ce monstre te tient en respect… mais leur âme était d’une noirceur évidente. Elle ne différait pas beaucoup de celle de… enfin, tu sais. »
15 déc. 2017, 12:15
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Kristen ne fut pas vraiment touchée par les paroles d’Aude, car elle n’y croyait qu’à moitié. Elle les accepta néanmoins et ne renchérit pas. C’était inutile de débattre là-dessus, puisqu’après tout, l’important était qu’on s’en soit sorti vivant… « On » excluant un certain nombre de personnes. Elle prit sa tasse entre ses mains.

Bâtards, infirmes et choses brisées.
La complexité, la noirceur et l’éclat aussi.

Ils, les Noirfangueurs, étaient venus grâce à Stanislav Stoyanov, probablement l’un des sorciers les plus dangereux du temps et leur chef. Il y avait encore quelque chose en lui qui l’avait poussé vers son frère, à vouloir venger son frère surtout. La vengeance était un sentiment facilement exploitable, d’autant que Kristen le comprenait parfaitement. D'ailleurs, ce qui lui avait donné sa force, hier, c’était autant la soif de vengeance que l’amour qu’elle éprouvait pour Aude, et l’un et l’autre étaient finalement liés. Elle se demanda si elle avait utilisé un seul sortilège correct, c’est-à-dire convenable, propre, qui n’était pas allé puiser dans ses pires sentiments. Elle n’en était pas sûre. Il lui semblait qu’elle avait tué le sorcier qui possédait le dragon. Oui, c’était ça, elle l’avait tué, en fait, elle l’avait tranché et il s’était vidé de son sang, ou de ses entrailles, ou quelque chose comme ça. Elle reposa sa tasse et regarda Aude comme une chose étrange.

Comment Kristen pouvait-elle ne pas lui faire peur, avec ses relations douteuses, sa Magie et ses actes ? Aude, qui était ce qu’elle était, aurait dû partir en courant depuis longtemps. Et si elle n’y avait pas pensé, les événements d’hier auraient dû la décider. Au lieu de ça : croissants, thé ou café, porcelaine.

« Peut-être que… »

Elle hésita. C’était vrai, elle avait préféré faire confiance à Stanislav Stoyanov, meurtrier, qu’à Aldérande Slughorn il y avait quelques mois. Elle avait adoré Bal, elle était entrée dans ses manipulations. Même quand elle n’était plus tout à fait elle-même, elle avait instinctivement eu quelque chose à voir avec Arseni, qui, s’il était du bon côté, avait une âme franchement troublée. Elle avait cherché à entrer en contact avec un évadé d’Azkaban qui était devenu le sorcier le plus recherché du pays – Aidan. Même s’il était innocent, on ne pouvait pas dire que c’était à l’époque une bonne fréquentation.

Aude était l’exception, la seule lumière qui l’avait attirée. Parce qu’elle était complexe aussi. Il y avait quelque chose derrière, une force incroyable, un potentiel de puissance véritablement attirant. C’était tout un ensemble de sentiments : l’idée de pouvoir devenir quelqu’un de meilleur, mais aussi cette force cachée, presque mystique… un tout, en bref, qui faisait d’Aude un aimant qui attirait cruellement Kristen, l’amie des monstres souterrains.

« …moi aussi, je suis comme ça. Ou, disons, gris un peu foncé. »

Elle sourit un peu, comme si c’était une blague, après tout. Elle enchaîna assez gravement :

« Tout le monde veut naturellement se venger. Ce sont les autres qui nous disent que c’est mal mais c’est instinctivement en nous. Alors, si les autres, ou même un autre nous dit qu'il faut se venger, on se laissera convaincre facilement. Et donc... on devient vite... alliés, quand il s'agit d'une même vengeance. Stanislav Stoyanov voulait venger la mort de son frère et il le fera certainement très bien. C’est combattre le mal par le mal. Ils ne sont pas véritablement venus à notre secours, juste comme ça. »

Elle fronçait les sourcils, les yeux rivés sur son index qui caressait le bord d'une petite assiette. Elle releva les yeux.

« Ils sont dangereux et cruels. Ils se revendiquent… héritiers de Grindelwald, en quelque sorte, et ne jurent que par la magie noire. Ils torturent, tuent, tuent aussi ceux qui s’opposent à eux et n’hésiteraient pas à détruire toute une famille d’opposants, du bambin jusqu’au vieillard. J’ai peu de doutes là-dessus. »

Elle se remémora ce moment : elle avait attrapé sa main, il l’avait aidée à se relever. Il ne semblait presque pas fou, alors. Personne n’avait eu le choix, mais elle se sentait honteuse, presque alliée de ces gens-là, du moins par un concours de circonstances et très temporairement. Encore une fois, elle se demanda pourquoi Aude ne partait pas en courant. Elle aussi devait avoir un truc avec les choses brisées, après tout.

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17 déc. 2017, 14:23
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38

LA TUEUSE


Aude demeura aussi silencieuse et immobile qu’une statue durant quelques instants, ses beaux yeux bleus posés sur Kristen. Même un Legilimens aurait rencontré quelques difficultés à décortiquer le fil de ses pensées à ce moment précis.

Soudain, avec la grâce d’un cygne déployant ses ailes, Aude détourna le regard en déplaçant le poids de son corps vers l’avant. Le bras gauche accoudé à la table, son menton délicatement appuyé contre le dos de ses doigts repliés, elle expira un soupir entre ses lèvres roses. Elle n’y entendrait jamais rien à la magie noire, mais elle avait goûté au désir irrépressible de tuer la nuit dernière. Il lui semblait que cela modifiait quelque peu sa perspective.

« Je voulais tuer, dit-elle avec calme. »

Elle décocha un regard vers Kristen dans l’espoir de saisir sa réaction en vol avant de reporter son attention quelque part entre la table et le mur.

« Suis-je moi même si différente d’eux désormais ? Je me le demande. »

Elle appuya machinalement l’index de sa main droite sur la cuillère en argent posée tout près de sa tasse de café. La cuillère lévita un court instant dans les airs avant de s’enfoncer dans le café encore fumant de sa tasse.

« C’est comme si je n’avais plus eu le moindre contrôle de moi-même. Une sorte de colère sourde à toute injonction. Quand nous avons été séparées l’une de l’autre dans les ténèbres, j’ai sentit mon coeur se serrer si fort… j’avais si peur pour toi que j’ai perdu le contrôle de ma magie… il me semble qu’elle n’était, alors, plus tout à fait blanche… s’il n’y avait pas eu ce bruit strident ni l’arrivée de ces individus, je crois… je crois bien que j’aurais tué de sang-froid le monstre dont la vie ne tenait plus qu’à un fil au bout de ma baguette. »

Un frisson fit se dresser ses petits poils blonds le long de ses avant-bras. Le front creusé par l’affliction, Aude se mit à tracer des cercles imaginaires au-dessus de sa tasse du bout de l’index droit. La cuillère en argent imita aussitôt le mouvement, remuant doucement le café sans jamais toucher le bord de la tasse.

« Gris… dit-elle, comme si elle répondait à un questionnement intérieur. Tu en as peut-être entendu parler. Une sorcière aurait récemment établi un pont entre la magie blanche et la magie noire. Ce n’est, je crois, qu’une expérimentation, mais elle a réussi à produire de la magie grise. Hier, j’en suis certaine, la mienne était noire. Aussi noire que mes pensées. »

La cuillère en argent s’immobilisa. Redressée, Aude ramena son attention sur sa compagne qu’elle caressa du regard comme on caresse le trésor de sa vie. Puis doucement, elle s’adossa de nouveau au dossier de sa chaise en ramenant ses mains sur sa cuisse tandis que la cuillère tintait contre le bord de la tasse.

« Quelque chose me dit que je n’hésiterai pas à en faire usage si on devait de nouveau attenter à ta vie. »

Un sourire complice éclaira ses traits.

« C’est que tu déteindrais presque sur moi. »
17 déc. 2017, 19:46
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Kristen était partagée entre deux réactions contradictoires. D’une part, elle savait qu’Aude était différente des autres, qu’elle n’aurait jamais rien à voir avec eux même si elle le voulait. Rien à voir avec elle non plus, d’ailleurs. De l’autre, elle craignait d’avoir sur elle une mauvaise influence. Elle se sentirait extrêmement coupable si elle commençait à faire d’elle quelqu’un de moins pur qu’elle ne l’était. Elle aurait alors détruit quelque chose de grandiose.

« On ne tombe pas là-dedans comme ça, sous le coup de la colère. Et même si tu pouvais l'utiliser une fois, ça ne changerait pas qui tu es. Les mages noirs se reposent davantage sur la magie noire, ça leur est plus… naturel. Chez toi, ce ne serait précisément pas naturel. »

Elle baissa les yeux sur sa main couverte de cicatrices.

« En ce qui me concerne, à titre d’exemple… J’ai commencé à m’y intéresser ici, quand j’étais élève. En fait, sans vouloir me vanter, j’étais trop bonne élève pour me contenter de ce qu’on enseignait ici. En sixième année, j’ai fait partie de la délégation de Poudlard pour le tournoi des Trois Sorciers qui avait lieu à Durmstrang. J’ai compris qu’on faisait trop de choix sur l’enseignement à Poudlard, or, je voulais tout savoir. »

La pièce même, remplie d’ouvrages en tous genres, était l’exemple idéal de ce qu’elle disait.

« Je n’avais pas de mal à accéder aux livres de la réserve, avec l’autorisation de mes professeurs. Et j’ai fait mes propres recherches. D’abord, je ne voyais pas le problème à pratiquer la magie noire. Bien sûr, je ne pouvais pas le faire, mais en théorie, cela me semblait juste différent et tout aussi utile. »

Elle se livrait énormément et était un peu honteuse de raconter tout ceci.

« Et finalement… ça m'a fascinée. Je voulais expérimenter et repousser toutes les limites de la magie. Tu sais que je m’intéresse à tout. »

Elle marqua une pause.

« Parallèlement à mes études, je faisais mes propres recherches. Quand j’ai travaillé au Ministère, j’ai fait quelques écarts… Certains de mes collègues les voyaient d’un très mauvais œil, les autres faisaient comme s’ils ne voyaient rien. En tout cas, on ne pouvait pas me reprocher mon efficacité. Et à l’époque, l’efficacité était ce qu’il y avait de plus important. On ne se posait pas tellement plus de questions. »

En effet, la brigade dont Kristen avait fait partie avait un objectif : mettre hors d’état de nuire ce qui nuisait. On s’occupait naturellement des créatures dangereuses, mais aussi, et c’était plus problématique, des êtres qui n’étaient pas franchement des créatures mais qui présentaient un danger pour la communauté. Les harpies et les vampires en faisaient partie. Officiellement, on présentait les choses ainsi : « une créature mangeuse d’hommes a été anéantie. » Tout le monde était simplement rassuré de l'apprendre.

C’était là-bas que Kristen avait aiguisé son sortilège fétiche, le Sectumsempra qui lui servait d’épée à très longue portée.

« Dans mon entourage, tout le monde a fermé les yeux. Nathan et mes parents aussi. Pourtant, ils savaient. »

Elle ne leur faisait aucun reproche. Elle savait qu’à l’époque, elle les aurait envoyés paître s’ils lui avaient fait la moindre remarque. Elle aurait continué de toute façon, car elle faisait ce qu’elle voulait.

« Ensuite, j’ai voyagé un an en Allemagne. C’est là-bas que j’ai rencontré Baldur Feuerbach… le père d’Owen, donc. Tu te souviens quand je te parlais d’un homme qui avait grandement contribué à gâcher ma vie ? »

Elle hésita.

« Je suis responsable de tout, mais il m’a bien aidée. Il me fascinait autant que me fascinait sa magie. Et j’ai plongé avec lui. »

Sa tête s’embrouillait à force de s’expliquer. Elle voulut conclure :

« Tu n’es pas comme ça. Tu n’es pas comme moi. Mais imaginons. Si un jour je m’apercevais que j’ai une mauvaise influence sur toi… Je ne le supporterais pas et je préférerais… »

Nouvelle hésitation.

« …te laisser, comme tu dois être. »

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18 déc. 2017, 00:44
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39

LA BLESSURE QUI NE SE REFERMERA JAMAIS


L’attirance de Kristen pour la magie noire n’avait rien de surprenant à mes yeux. Un oeil entraîné ne pouvait pas négliger la nature des volumes qui garnissaient sa bibliothèque personnelle, tout comme un coeur sensible aux auras magiques ne pouvait fermer les yeux sur les sombres émanations de sa main gantée. A l’énoncé de sa vie brièvement résumée, je restai silencieuse en comprenant qu’elle réfutait catégoriquement les théories que je venais de lui avancer. J’esquissai même la naissance d’un sourire, consciente des moyens qu’elle était prête à déployer pour me préserver. J’écoutai donc la leçon avec d’autant plus d’attention que Kristen s’était toujours montrée peu bavarde sur son passé. A mesure que le récit se faisait de plus en plus tortueux, je sentis une forme de soulagement m’envahir. La magie noire n’avait pas l’emprise escomptée sur moi ; tout du moins ce que j’avais éprouvé ne correspondait que très peu au processus décrit par ma compagne. La sensation de soulagement se figea néanmoins en moi quand Kristen évoqua la possibilité de m’abandonner si cela devait me protéger.

Mécaniquement, je me dressai sur mes jambes sur le bruit disgracieux de ma chaise repoussée de quelques centimètres. Mon coeur battait si fort dans ma poitrine. J’avais la sensation d’avoir sentit un coup de poignard glacé le transpercer d’un coup net et sans bavure. Mes mâchoires étaient si contractées qu’elles me faisaient presque mal. Je ne pouvais détourner mes yeux de Kristen ni la regarder avec plus de colère que celle qui venait harceler les remparts de mon esprit à cet instant. Une crainte que je croyais endormie depuis plusieurs années venait soudainement de ressurgir des profondeurs de mon âme. Une crainte que les paroles de la femme que j’aimais plus que tout au monde venaient d’exhumer avec une violence inouïe.

« C’est hors de question ! m’entendis-je m’exclamer. »

La peur de l’abandon était si profondément enracinée en moi que je sentis mes membres parcourus par des tremblements de rage, ceux que des décennies d’injustice avaient gravés sur les parois de mon coeur. Je me revis enfant : petite créature sans parents, seule, irrémédiablement seule, obligée de s’inventer des amis imaginaires à défaut d’en posséder de réels. Je me revis adolescente, aux côtés d’une illusion permanente, celle d’une soeur que la nature ne m’avait pas offerte. Je me revis jeune maman, contrainte de dissimuler l’existence de mon propre enfant, sans pouvoir lui donner tout l’amour que j’avais à lui offrir. Et je me projetai maintenant dans un futur incertain, aux contours flous, dans lequel Kristen me tournait le dos, s’éloignant progressivement pour disparaître à son tour. L’image me fendit à ce point le coeur que les larmes me montèrent instantanément aux yeux. Des larmes que je ravalai difficilement en me mordant la langue.

Nul autre que moi n’avait autant souffert de la solitude et de l’abandon. Nul autre que moi ne savait à quel point cette blessure irrémédiable avait longtemps saigné mon coeur. La ressentir de nouveau dans le creux de ma poitrine me plongea dans un état de détresse qui mit mon coeur au bord de mes lèvres. Je brûlai d’insulter Kristen de tous les noms, de lui infliger le dixième de l’effroi qu’elle venait d’éveiller en moi, pour que jamais plus il ne lui vienne à l’idée de proférer de telles paroles, mais j’en étais incapable. Au lieu de ça, je contournai la table et comme une prédatrice je fondis sur elle pour la coincer contre sa chaise.

« Je t’interdis de m’abandonner ! Tu m’entends ?! Je t’interdis de m’infliger ça ! PAS TOI ! Je ne le supporterais pas ! J’ai passé ma vie à me bercer d’illusions parce que je n’avais personne. J’ai passé ma vie à chasser des ombres et des fantômes du passé. Maintenant que j’ai le droit à un peu de bonheur, je t’interdis de me l’enlever ! Je t’interdis de m’infliger cette douleur ! Je ne m’en remettrai pas… je ne le mérite pas ! Je ne veux plus jamais t’entendre me menacer de m’abandonner pour mon bien ! Il n’en ressortirait aucun bien ! Aucun bien, tu entends ?! »

Ma colère était si grande à cet instant que je ne pus retenir mon bras. La gifle que j’infligeai à Kristen me déchira instantanément le coeur. Les digues cédèrent et mes larmes coulèrent sur mes joues.

« Et ceci pour que tu ne l’oublies jamais. »

Pleurer me vida de mon effroi, un peu comme s’il s’écoulait naturellement de mon corps pour glisser le long de mon visage crispé. La place que la peur n’occupait plus dans mon esprit me permit de comprendre la portée de mon geste. J’en pleurai deux fois plus et soucieuse de réparer le pire, je me penchai vers le visage de Kristen et déposai un baiser appuyé sur ses lèvres en passant ma main dans ses cheveux.

« Pardon, je ne voulais pas… »

Apeurée par ce que je venais de faire, je reculai, lui tournai le dos, puis marchai vers un coin de la pièce où je pouvais enfouir mon visage entre mes mains pour pleurer en silence. Kristen ne me pardonnerait peut-être jamais la main que j’avais levé sur elle, en tout cas je ne me sentais en aucun cas le pouvoir de me le pardonner, mais savait-elle à quel point je l’aimais ? A quel point je ne pouvais imaginer d’avenir qu’elle n’habitât pas entièrement ? Folle de chagrin, je tentai de remettre un semblant d’ordre dans mes émotions en respirant doucement par le nez, le coeur lourd, irrémédiablement lourd, du spectre de l’abandon qui pesait sur lui.
18 déc. 2017, 16:02
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
Elle sut qu’elle avait fait une erreur quand elle entendit racler la chaise. Kristen manqua de sursauter et regarda Aude avec un air stupide. Elle cherchait dix mille excuses dans sa tête mais ne put rien dire, car elle sentait que si elle ajoutait un mot, elle ne ferait qu’alimenter la colère d’Aude. Colère pour quoi ? Elle ne le savait pas encore. Elle n’avait pas l’impression d’avoir dit quelque chose qui pouvait lui valoir une telle réaction.

Aude cria alors que c’était hors de question. Face à elle, Kristen se sentait minuscule, comme une enfant qui se prend la plus belle réprimande de sa vie. Elle se plaqua contre sa chaise en attendant que ça passe, franchement impressionnée par l’attitude de sa compagne, dont les yeux commençaient à se remplir. Aucune larme ne coula, cependant. Pas tout de suite. Au lieu de ça, elle se jeta sur Kristen et la plaqua plus encore contre sa chaise. Kristen eut l’impression qu’elle aurait pu ne faire qu’un avec cette chaise, elle mourait d’envie de se fondre dedans.

Se plaquant plus encore contre le dossier, elle écouta les remontrances d’Aude en se répétant intérieurement qu’elle avait bien merdé et que c’était trop bête, que ce n’était pas du tout son intention. Elle n’avait pas vraiment l’occasion d’en placer une.

La gifle déclencha les larmes. Kristen était complètement soufflée par ce geste. Jusqu’alors, elle se tenait comme un enfant paralysé qui attend que la colère passe pour pouvoir s’expliquer, et là, elle était simplement ahurie. Elle, Kristen Loewy, venait de se prendre une gifle. Elle n’en revenait pas. Elle essaya de prendre la mesure de ce geste : est-ce que c’était irrémédiable ? Ses mots avaient-ils été si durs ? Elle ne comprenait pas selon quelle logique tout ceci arrivait.

La suite la surprit plus encore, car à la gifle succéda le baiser. Les joues d’Aude étaient carrément mouillées de ses larmes, aussi celles de Kristen le furent-elles. Mais elle n’en demeurait pas moins bête. Elle ne put que regarder Aude s’éloigner. Elle était juste là, mollement assise sur sa chaise, une joue qui avait chauffé et les deux qui étaient humides, les bras ballants de chaque côté.

Qu’est-ce qui était plus fort : la gifle ou le baiser ? Fallait-il prendre en compte l’ordre chronologique, et donc, le baiser annulait-il le premier geste ? Est-ce que tout n’était pas foutu ? Il lui fallut quelques longues secondes pour se remettre les idées en place.

Depuis plusieurs années, elle entendait à droite et à gauche qu’elle était néfaste. Nathan ne lui avait pas dit explicitement, mais elle avait deviné que c’était ce que pensaient les parents de ce dernier. Ils répétaient que Kristen avait une mauvaise influence (une influence néfaste) sur leur fils. Et puis, suite à « l’accident » avec Owen et quand Kristen s'en était souvenue, c’était sa propre mère, Cordelia, qui lui avait laissé entendre qu’elle était néfaste et que par conséquent, elle ne pourrait plus être la mère de son fils. Finalement, elle avait fini par penser que c’était vrai, qu’elle était néfaste. Les parents de Nathan, sa mère, et elle-même plus que n’importe qui d’autre, lui avaient si bien répété ce mot qu’elle se l’était approprié tout à fait, en faisant presque un trait de caractère. Or, elle ne voulait pas être néfaste, surtout pas avoir une « influence néfaste » sur Aude. Si partir était la protéger, elle aurait pensé qu’il était plus responsable de le faire. Visiblement, ça ne pouvait pas marcher comme ça.

Pourquoi ? Parce qu’Aude l’aimait vraiment. Ça lui faisait peur. Bien sûr, elle-même l’aimait comme elle n’avait jamais aimé personne et la laisser lui aurait brisé le cœur. Mais elle se rappelait aussi qu’elle avait aimé un homme néfaste et que ça lui avait gâché la vie. Elle ne voulait pas reproduire ce schéma et cette fois, être la méchante, briser celle qu’elle aimait.

Ça lui faisait peur, mais elle fut beaucoup trop émue pour laisser sa peur prendre le dessus. Elle sortit de sa léthargie. Tant pis. Elle la garderait de toute façon, elle l’enfermerait pour l’empêcher de partir, même. Elle le lui avait déjà dit, comme une relative plaisanterie, quand elle était arrivée à Poudlard pour échapper à Ricoter. Aude resterait près de Kristen et Kristen resterait près d’Aude, pour le meilleur et pour le pire, voilà. Aude ne pourrait pas dire qu’on ne l’avait pas prévenue. Néfaste ? Peut-être, tant pis.

Elle se leva, faisant racler sa propre chaise. Ses pas jusqu’à Aude furent silencieux. Elle l’attrapa par la taille et la serra fort. Elle posa son front contre son épaule.

« D’accord. Désolée. Je ne le ferai plus. Promis. »

Elle ne savait pas trop quoi ajouter. C’étaient des excuses d’enfant.

« Tu m’as giflée, dit-elle en l’embrassant sur la joue. Tu es incroyable. »

Elle déposa sur sa joue de rapides petits baisers qui souriaient. Oui, tant pis.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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18 déc. 2017, 22:03
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40

DANS LE CREUX DE SA MAIN


Un frisson descendit le long de mon échine lorsque la chaise de Kristen racla le sol. Je fermai les yeux et me mordis la lèvre en priant les dieux qu’une porte ne claque pas dans la foulée. Mais aucune porte ne claqua ce jour là. Au lieu de ça, Kristen me surprit en me prenant par la taille. Je ne l’avais même pas entendu m’approcher ! Mais qu’importe, je laissai toutes mes craintes fondre sur le sol maintenant que le poids horrible de la culpabilité s’en était soudain allé de mes épaules. Je soupirai, soulagée de sentir la présence de Kristen m’envelopper. Le geste lent, tendre, je passai mes doigts sur les siens et me laissai emporter par le son de sa voix. L’entendre avait presque autant d’importance que le message qu’elle déposa au creux de mon oreille. C’était le symbole qu’elle ne partirait pas ; le symbole qu’elle peuplait l’instant présent.

Je rouvris les yeux. Mes larmes avaient séché. Ma joue me brûlait un peu plus à chaque nouveau baiser que Kristen y déposait. Comment pouvait-on à ce point passer de la frayeur au désir intense en l’espace de quelques secondes seulement ? La passion, me répondit ma petite voix intérieure. Je n’y trouvais rien à redire. L’amour que j’éprouvais pour Kristen ne nécessitait aucune autre preuve que celles qui venaient d’être données, tout comme celui qu’elle me vouait se manifestait à travers sa décision de se tenir contre moi.

Ne pouvant amenuiser le pincement au coeur qui se manifestait dès que je repensais à cette gifle, je me complus dans le silence. Je profitai comme jamais de la proximité de Kristen, savourant la simplicité de ce moment comme si nous venions de nous retrouver après des mois entiers de séparation. Guidée par une force intérieure, je pris sa main entre les miennes. Celle que la magie noire avait souillé jusqu’à former des cicatrices irrégulières sur son dos. Instinctivement, Kristen referma sa main, mais je l’obligeai à ne pas me résister en raffermissant ma prise.

« Laisse-moi faire, lui demandai-je davantage que je le lui ordonnai. »

Elle ne lutta pas malgré ses réticences enfouies. Délicatement, je repris l’exploration minutieuse de ses cicatrices. Je me fiai à mon seul sens du toucher, m’obligeant à conserver mon regard braquer droit devant moi. Les blessures qui filaient sous la pulpe de mes doigts conservaient le souvenir de leur création à travers l’émanation diffuse de magie noire qui, bien que réduite à un faible murmure, se débattait contre moi. Ma propre magie ne se propageait qu’à travers un chuchotement atténué, flairant sa rivale pour mieux la comprendre et s’en protéger.

« Nous n’avons plus à nous cacher, tu ne crois pas ? demandai-je à Kristen, l’air de rien, sans cesser mes caresses. »

Parce que je ne pouvais décemment pas me résoudre à laisser l’image de cette gifle perdurer dans nos esprits, je pivotai doucement sur moi-même en gardant la main de Kristen entre les miennes. De nouveau placée sous la lumière ardente de son regard, je me forçai à lui sourire pour ne pas paraître trop coupable. Je ne lui laissai pas le temps de réagir que je portai sa main meurtrie contre mon épaule. Là-dessus, je penchai ma tête jusqu’à ce ma joue repose contre le creux de cette main maudite. Maudite, certes, mais qui n’éveillait en moi ni répugnance ni crainte.

« Je te vois telle que tu es et je ne crains rien de ce qui émane de toi puisque tu m’aimes. »

Je relevai finalement ma tête, tournai mon visage, et déposai un baiser appuyé dans le creux de sa main que ma magie gardait inoffensive puis je la replaçai délicatement le long du corps de ma compagne. Soulagée.
22 déc. 2017, 11:34
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
C’était ça, Aude Luneau, forte et douce. Kristen mourait d’envie de prolonger ce moment, que chaque seconde soit une éternité. Mais il fallait penser aux choses sérieuses.

« Oui, dit-elle. »

Mais elle ne parvint pas à prononcer les mots qui allaient avec.

Ne pas se cacher l’une à l’autre, d’accord. Kristen aurait du mal à tout à fait assumer tous ses côtés sombres face à Aude, mais celle-ci l’acceptait visiblement telle qu’elle était. Alors, elle ferait de son mieux pour ne plus laisser de zones d’ombre au-dessus d’elle. Concernant les autres, en revanche, on dit bien…

… « Pour vivre heureux, vivons cachés. » Kristen n’était pas franchement de cet avis, puisqu’elle n’avait pas eu l’intention de cacher sa relation avec Aude. Elles étaient allées à la finale de la coupe d’Europe de Quidditch ensemble, sans problème. Quand elles étaient en présence d’autres personnes, elles ne faisaient pas vraiment semblant. Kristen se fichait de ce qu’on pourrait dire, car elle ne croyait même pas que cela puisse agiter qui que ce soit. Une femme avec une femme, et alors ? Elle ne pensait pas non plus que dans l’esprit de quiconque cela puisse poser problème. Elle-même n’y faisait pas attention. La directrice de Poudlard avec l’ancienne directrice de Beauxbâtons ? Pas de problème non plus. C’étaient deux âmes, rien de plus compliqué.

« Tu as raison, je ne souhaite pas me cacher… Ni à toi, ni aux autres, commença-t-elle. »

Elle hésita en regardant ailleurs un instant.

« D'ailleurs, si ça venait à se savoir, je me ficherais de ce qu’on dirait. Sauf que… »

Elle soupira en ramenant son regard vers sa compagne.

« Je ne sais pas comment réagirait Owen. Tu sais qu’il a quelques problèmes ici à Poudlard. Hier soir, quand je suis passée dans la salle commune de Serpentard, il a été… un peu difficile. Je l’ai convoqué ici cet après-midi. »

Elle avait réfléchi à quelque chose pour sa punition. En effet, il avait été particulièrement insolent envers Kristen, qui était tout de même censée être la directrice de l’école, et elle n’avait pas pu laisser passer ça, surtout devant tous les autres Serpentard. Ils auraient trouvé cela étrange. Kristen ne souhaitait faire aucun favoritisme – même si elle en ferait sans doute, sans même le vouloir vraiment. Elle ne voulait pas non plus que tout Poudlard sache qu’Owen était son fils : elle avait peur que cela complique les choses du côté de ses camarades et des professeurs. Ici, Owen était un élève lambda, sans aucun lien particulier avec la direction de l’école.

« Quand il a su que j’étais à Poudlard, alors que pendant longtemps on lui avait répété que je parcourais le monde, que j’étais loin parce que j’étais un genre d’exploratrice… il l’a très mal pris. Il a pensé que je l’avais abandonné pour les autres enfants qui sont ici. »

Ses lèvres se tordirent sur le côté et elle se mordit la joue : elle réfléchissait.

« Bien sûr, il n’est pas question de ça, mais j’ai peur qu’il le prenne comme un nouvel abandon… »

Elle fit « Mh. » et laissa ses yeux aller dans le vague. Quand la lumière des cheveux blonds d’Aude Luneau la ramena de ses pensées, elle conclut :

« Bon... Faisons comme il nous plaît, et... On verra bien ? »

C’était un peu une philosophie de vie (qui n’avait pas toujours porté ses fruits).

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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