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17 mars 2018, 13:19
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Fébrile, je respirai difficilement. Mon regard me paraissait brûlant tant il brûlait et la force que j'y mettais pour transpercer Tyr de mes yeux me faisait presque mal. Il me paraissait si insignifiant que je pourrais l'écraser pour lui faire ravaler son mensonge. Son courage me semblait soudainement être une horrible chose dont il se servait pour me frapper : je peux t'accompagner ! Je peux te prêter mon courage ! Mais il n'avait rien d'autre que son cache-œil qui finalement, ne servait qu'à montrer ce que ce garçon était : un menteur qui se cachait.

Je sais que tu sais ! aurais-je aimé lui hurler de toute ma rage. Bien sûr qu'il savait. Je pourrais le traîner jusqu'à la volière pour lui rafraîchir les souvenirs, s'il le souhaitait. Depuis cet instant, j'avais su qu'il la connaissait comme il me connaissait.

La scène paraissait irréelle avec ces visages carmins qui me fixaient et son œil unique à lui qui ne me lâchait pas ; mais elle prit tout son sens quand le garçon se décida enfin à réagir. Je fis un pas en arrière pour le laisser parler, comme si la vérité qu'il allait m'asséner serait trop difficile à supporter ; il allait lever son bras pour me montrer Charlie.

« Bien sûr que je la connais, » dit-il simplement.

Voilà. Il l'avait dit. Il n'avait pas levé son bras mais il l'avait dit, il la connaissais. Alors il savait qui elle était.
Alors il était un menteur.
*Menteur !*. Ma bouche se tordit affreusement. Ma rage faisait bouillir mon sang et trembler mes membres ; mes pieds nus se surélevèrent légèrement du sol pour préparer le futur saut qui me ferait rentrer dans le garçon.

Tout mon corps était concentré sur lui ; lui que j'avais cru sincère et assez différent des Autres pour me servir à quelque chose. Mais il était là et il était aussi inutile que ces idiots d'amis qui le regardaient la bouche grande ouverte. Il s'approcha de moi et contre toute attente, mes pieds se posèrent au sol : je ne ferais rien. Dans ma gorge grossissait une boule que je craignais de comprendre. Je retins ma respiration affolée lorsque Tyr passa tout près de moi pour s'arrêter dans mon dos. Je sentais sa chaleur au travers ma robe, elle me caressait la peau et m'hurlait de m'éloigner de lui. Je tournai légèrement la tête pour que sa silhouette apparaisse à l'orée de mon regard ; une odeur de pin flottait autour de lui et je respirai doucement pour la faire entrer dans mon nez, puis dans mon corps, comme Papa me l'avait appris.

« Je suis là pour toi, Aelle, » souffla-t-il soudainement.

Les narines emplit de lui, je ne bougeais pas. Sa voix, si proche, prenait un autre ton, comme si elle contenait mille secrets qui m'étaient destinés à moi seule. Il me parlait comme il n'avait jamais parlé à personne d'autre ; était-ce cela que d'exister pour quelqu'un ? J'écoutai et j'avais l'impression de ne rien y comprendre. Et pourtant, chacun de ses mots étaient comme une nuée qui obscurcissait plus encore ma vision : menteur, vérité, justice. Il parlait bien. Il parlait beaucoup le garçon-aux-cheveux-carmins. Il parlait tellement, le menteur. Menteur !

Je fis volte-face brutalement, les mots dégueulant de ma bouche tordue :

« Tu dis rien ! » braillai-je avant de me taire.

Il avait disparu.
Je fis un pas en avant, puis un second. Il n'avait pas disparu, il était là, au bout de la salle, déjà si loin et pourtant toujours présent. Il était parti sans m'entendre et c'est comme s'il me jetait en pleine face : je ne t'écoute pas car tu as tort, et j'ai raison. Mais je savais pertinemment que sous ces belles paroles inutiles, Tyr était un Menteur.

« Menteur, » ahanai-je difficilement, la voix rendue rauque par la colère.

Près de moi, l'Ami immobile cria et sa voix entra en  résonance avec la mienne ; j'alpaguai Tyr du regard, espérant qu'il se retourne, qu'il s'arrête, qu'il revienne avec Charlie. Qu'il ne me laisse pas seule ici, sans voie, sans raison, sans but. Qu'il ne me laisse pas seule ici.

Mais il avait disparu.

Je me penchai vers l'avant, le souffle court, puis répondant à une impulsion, je donnai un coup de pied dans le banc de la table des Gryffondor en lâchant un : « Merlin ! » plein de rage. Mon pied hurla sa douleur et je fermai les yeux pour la ressentir avec plus de force. Pitoyable Tyr !