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16 janv. 2020, 01:15
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans



Dans la sinuosité de mes teintes, j’avais une crampe.
Crampe de couleur, crampe de nuance, crampe de douleur ; une absence de liquide. Une crampe — tout au fond — dans mon esprit. *Je…*. J’observais le Noir si Noir, celui qui dilatait mes toiles au ralenti crissant.
Où étaient passées mes précieuses toiles ?
*C’est…*. Il n’y avait plus rien, à part ce Noir.
Crampe torsadée, et mes pensées qui faisaient un nœud douloureux. Je n’avais jamais aimé le silence, et pourtant j’aurais donné mon âme pour l’entendre en cet instant. Entendre le Silence. Silence dans ma tête, j’en rêvais, alors que tout était si bruyant.
Crampe.
J’étais tellement proche du regard de Noir que je pouvais sentir son étendue, son haleine crispante, allongée sur une piste qui se finit sur un horizon, inaccessible, trop long. *Que…*. Une petite boule blanche montra le bout de son nez, sur cette ligne d’horizon. Une minuscule boule blanche qui avait l’air d’être dans une colère Noire.
*Merlin*.

Hors d’question !

Un éclaboussement si soudain que je sentis mes épaules s’affaisser dans mon corps. Ma tête en crampe hurla encore plus fort, le silence que je détestais était une chose que je suppliais à présent. *Je…*. La continuité de mes pensées pataugeait. J’étais dans une flaque créée par la petite boule blanche. Elle grimaçait avec ses dents sabrées.
Je m’accrochais à ma précieuse potion, j’attrapais ma fiole comme une liane de réalité. Mais la réalité n’existait plus face à cette colère. *Elle est en…*. Une colère que je ne pouvais pas supporter, mes larmes ruisselaient, je les sentais se défenestrer à travers mes yeux. *Pardon*. C’était.
Trop tard.

J’t’ai dit que j’la prendrais ta potion !

Ma tête fusionnait avec mes cervicales, le Noir se transformait en une couleur plus vive, plus antique, plus… Merlin.
Infernale.
Le glissement se faisait dans les recoins de Cette couleur-là. Ce Pourpre.

Alors t’approche pas !

Un rouge tellement foncé qu’il en devenait violacé, gonflé comme la gorge d’un crapaud, prêt à vomir son passé. *Zachary*.
Aelle. Elle était là. Oui, juste en face de moi.
Avec sa bouche ouverte et ses lèvres qui s’apprêtaient déjà à faire hurler le
POURPRE
*Je...*.

T’APPROCHE PAS !

Mon cœur s’envola, laissant une trainée de rouge dans son sillage, barbouillant mes fresques de son vomi. *Zachary d’Aelle*. Son regard
POURPRE
perçait mes yeux, et le noir disparut totalement. Aelle.
*Aelle*. Je perdais le contrôle ?
À cause d’Elle. Aelle. *AELLE*. Elle s’énervait comme l’enculé de Zachary.
*Putain*.
Ma crampe pataugeait.
Ma tête me faisait tellement mal.
Et la dilatation d’une teinte disloqua mon regard.

Il était là, debout comme un prince. Un prince déchu tellement de fois dans mon cœur qu’il ne ressemblait plus à rien. Son statut se résumait à être cette douleur. À être cette couleur
POURPRE
sans réelle consistance, alors qu’il avait arboré tant de belles nuances. Le prince non-prince, j’observais sa bouche en biais et son regard vitreux. Pourtant, je ne ressentais plus rien face à cette douleur qui habitait mon corps. C’était spécial comme sensation, unique dans son type, singulière dans son expression. Je m’étais habituée à la douleur, à celle qu’il m’avait infligée alors qu’il était encore Prince.
Pourtant.
Pourtant, il n’était qu’un souvenir, ce statut. Cette Couleur. Elle avait disparu avec sa bouche tordue et son regard mouillé ; je l’avais presque totalement oublié.
Zachary n’était plus qu’un souvenir qui me paraissait vieux, antique dans ses encres.
Pourtant.
Pourtant, Aelle réveillait ce
POURPRE
Prince. Elle était en train de colorer à nouveau ce PUTAIN DE PRINCE.

Passe… Passe moi la potion.

Elle était en train de redorer son drapeau, de recoudre ce que j’avais disloqué après tant d’efforts. « C’est tout ». Et je… Je ne voulais pas perdre le contrôle.
Pourtant.
Ce qu’elle était en train de faire était inacceptable.

C’est tout ?

J’entendis ma propre voix trembler si fort qu’elle n’était plus qu’un hachage infernal. Ce n’était même pas une voix, ni un chuchotement, ni un murmure. C’était un frémissement, un hoquet de mots. « C’est tout ? ». Qui recommençait, encore ; et j’aurais voulu le faire recommencer, d’encore.
Ce frémissement bouclait dans ma tête, il se tortillait dans ma crampe noyée.
Ma tête immergée.
J’étais un bloc de…

C’est tout…

Je tremblais de mots. Je ne voyais plus rien, à part la réfraction du
POURPRE
dans mes flaques de regard.
Ça faisait combien de temps que je n’avais pas autant pleuré ? *C’est…*. Pas autant que Charlie, cet été. *Charlie*.
Je pouvais lui tordre son petit cou, Aelle.
À Aelle, pas vrai ?
Je pouvais le faire, mais j’en étais tellement incapable. *Fuir*. La seule chose que je pouvais faire… *Faire fuir*. Je ne savais pas faire.
J’avais toujours su penser, mais jamais faire.
La douleur poussiéreuse était en train de torsader ma gravure, comme un vulgaire ballon de baudruche. J’étais ridicule. Se rendre compte que je ne perdais pas réellement le contrôle était d’un ridicule à en pleurer.
*Aelle*. Je reprenais conscience de mon corps, de tremblements. *Merlin*. Je tremblais tellement.

Un pas.
En arrière.
Deux pas, en arrière, le plus loin possible d’Aelle — que je ne voyais pas, plus. Elle n’était qu’une forme quelconque dans mes deux flaques de regard.
J’attrapais ma baguette de ma main libre. Ma gorge était nouée d’une crampe.
Crampée.
Je ne m’accrochais à rien, lâchée dans le vide.
J’avais juste mal.
Mal.

*Fuir*. C’était tout ce que je voulais.

Fuir pour ne pas exploser en milliards de nuances meurtrières.

Dévale.

je suis Là ᚨ

04 févr. 2020, 16:33
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
L'heure de la chute des Masques devait sonner. 
Je n’étais pas en train de me battre, ni même de dessiner du bout de ma Détermination un quelconque moyen de parvenir à ce que je souhaitais. Je n’étais pas créatrice de mon propre chemin, ni même Artisane de mes émotions. Oh non, quelle belle folie que de croire cela. C’était là un rêve de gamin, un espoir d’une enfant désespérée. Je n’étais forte de rien du tout puisque sous le Masque de mon mensonge, j’étais seulement terrifiée.
Je balbutiais de terreur.
Regardez-moi, enfoncée dans mon fauteuil de misérable, pleurant mon envie de me laisser malmener par cette Grande à la Force d’une potion. Regarde-moi, Charlie, en train de me transformer en minable pour pouvoir te retrouver. Est-ce donc cela que tu m’inspires ? L’envie de m’écraser pour mieux t’atteindre ? Est-ce donc cela que je veux de toi, me faire avaler par ma Terreur, réduit en miette par la force d’un Regard ? 
Elle ne m’avait même pas touché, la Grande. Elle était seulement là, au-dessus de moi. Sa présence avait suffit à m’écraser et sa voix avait pu me réduire à supplier ; voilà désormais ce qu’il restait de moi : cet être balbutiant de terreur. 

Je me rendais compte de tout cela. Je comprenais ma peur, mon désespoir, mon envie, mon Abandon. Mais je n’avais pas les outils pour lutter contre eux. Je ne pouvais qu’Être, sans contrôle, sans volonté, sans envie. Petit jouet entre les mains de cette Grande Perche. Depuis le début, rien n’avait changé, rien n’avait évolué. Depuis l’instant où cette rousse m’avait retrouvé dans la Salle Commune, je m’étais transformé en jouet — d’abord dans ses mains, puis dans celles de cette Blonde. Et avant elle deux, il y avait eu Charlie. Oh, quel beau jouet j’ai été dans ses mains. Retire ce masque. Celui de tes pensées. Rien ne sert de penser. La seule chose que tu crevais d’envie de faire, ma belle, c’était dire oui à tout. Oui, oui, car s’abandonner était tellement agréable. 

Elle dégueula, tout à coup.
Une parole, une unique.
« C’est tout. »
Ni un cri, ni une demande ; seulement deux mots crachés par une voix défaillante. Deux mots suffirent pour me figer. Deux mots suffirent à mon coeur pour le faire s’emballer. Et me voilà incapable de respirer, jouet de ma Terreur, Enfant effrayée.

Elle feula, tout à coup.
Une réalité, un espoir rêvé.
« C’est tout ? » et mes yeux s’agrandirent de terreur.
Elle m’envahit toute entière. Elle est dangereuse, me chuchotait-elle. Elle est folle.

« C’est tout… »
Et les larmes qui coulaient le long de ce visage. Comment faisais-je pour les voir alors que j’avais si peur ? Comment pouvais-je comprendre tant de détails de sa face puisque j’étais si effrayée ? J’avais peine à me démêler de moi-même, je n’étais plus qu’une boule imparfaite d’émotions, je ne pouvais bouger ni mes jambes, ni mes bras ; même ma baguette avait cessé de s’agiter dans ma main. Le temps sembla se suspendre. Il y avait elle et il y avait moi. Son regard ciel qui envahissait mes yeux. Sa présence et ses larmes qui m’arrachaient mon souffle. Il y avait elle, et elle engloutissait tout ce qui faisait que j’étais moi.

Elle s’éloigna et ma gorge se gonfla de larmes. Pas mes yeux, car ceux-ci étaient bien trop écarquillés, bien trop sec d’effroi. Mais ma gorge fut douloureuse tout à coup. Un désespoir immense s’affirma dans mon être et il était entièrement lié à l’éloignement de la fille. Elle creusait la distance. Un pas. Un second pas. Elle allait partir, me laisser là. S’enfuir avec ses larmes alors que je pourrissais de terreur. Elle allait m’abandonner, et Merlin je ne savais même pas pourquoi !
Comme s’il était attaché à elle, mon corps se pencha en avant. La force me venait de ma peur, de ma peur profonde, celle qui faisait palpiter mon coeur et s’étouffer mon souffle. Je me penchais d’abord, puis me levais finalement. Je lui fis face, à cette blonde, à cette Grande qui côtoyait la sortie avec une trop belle facilité. Je devais la retenir, je devais l’obliger à agir. Par Merlin, elle ne pouvait m’abandonner ainsi, pas alors que je lui avais donné mon accord pour faire ce qu’elle voulait de moi !
Derrière ma Peur grimpa ma fureur. Reflet de la première, elle avait la même force. Et si elle manquait de consistance, cela ne l’empêcha pas de s’inscrire sur mon visage et mes sourcils froncés, dans mon regard noir et mes poings serrés.

Un pas en avant m’approcha de la fille.
Mes bras tremblaient.

« Fais-le, putain ! »

Ma voix empressée.
Ma voix effrayée.

« T’en vas pas. Fais-le ! »

Mon envie étriquée.
Ma Peur.
Elle s’était exprimée. Maintenant, c’était à la Colère de prendre possession de moi. Je dévoilais mes dents dans une grimace de rage. Je n’avais rien à perdre, rien ! Je voulais seulement que cesse ce petit jeu. Elle, la rousse, Charlie ! Je voulais seulement les forcer à aller dans mon sens — vers moi, pas contre moi.

« T'as peur ? » dégueulé-je tout à coup. « Hein, tu flippes, c’est ça ? Bah j’en ai rien à foutre ! » Oh, Merlin. *T’arrête pas !*. « J’m’en fous qu’t’aies peur ! J’te dis d’le faire, tu veux une preuve écrite aussi ? Hein, c’est ça qu’tu veux ? »

Mon souffle peinait à s’affirmer. La rage me faisait fondre.

« Putain, mais file-moi c’te potion ! » Le ton montait. Ma voix tremblait. Plus haute à chaque phrase. « J’en ai rien à fout’ de toi. » Plus destructrice.  « Je veux la potion, je veux Charlie ! » Plus douloureuse. « C’est quoi ton problème ? Quand tu veux un truc, fais-le ! »

Ma voix dégueulait hors de moi, incontrôlable comme mes émotions. J’avais déjà accepté de toute façon de n’être qu’un jouet dans les mains de cette fille, autant l’être jusqu’au bout, sans décider de ce que je disais, sans penser, sans réfléchir. Seulement ressentir.
Être ; avec brutalité.
Sentir ; avec sincérité.

« J’ai pas qu’ça à foutre de patienter trois plombes, alors… Donne-moi cette putain d’potion, qu’on en finisse ! »

16 févr. 2021, 04:39
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans



Courir. *Vite*. Merlin.

Fermer les yeux. Rester dans le *noir*
POURPRE
pour ne pas me noyer dans ma respiration trempée.

Est-ce que je respirais encore ? *Vite*. Je ne sentais plus mes doigts, de douleur. *Pourquoi ?*. Elle me fait mal. *Aelle ?*. J’ai
BESOIN
de courir !

Fais-le, putain !

Une masse me frappe le dos. *Arrête Zachary*. Mes yeux sont fermés, alors *pourquoi tu cries Zachary ? T’as vraiment besoin de crier ?* pourquoi tout est si
POURPRE
Je m’écrase contre la masse. Je m’enfonce dans sa dureté en espérant y trouver un peu de rien. Vide.
*Merlin*.
J’ai si mal.

T’en vas pas. Fais-le !

Des doigts aux ongles *sabres !* allongés s’enfonçaient dans ma poitrine. « T'as peur ? ». Cette colère. *Pourquoi ?*. Cette colère
CONTRE
moi ?!

Hein, tu flippes, c’est ça ?

Ce n’est pas de la simple colère, c’est encore pire que cela. « Bah j’en ai rien à foutre ! ». Une colère pleine de peur. « J’m’en fous qu’t’aies peur ! ». *Comme moi*. « J’te dis d’le faire, tu veux une preuve écrite aussi ? Hein, c’est ça qu’tu veux ? ». *T’as tellement peur*. Merlin, PUTAIN d’Aelle, tu me ressemble beaucoup trop.
C’est idiot, mais *je te vois* je te comprends.
Insupportable.
Je te vois bien mieux que la colère de Charlie, qui est très différente. Colère de larmes. Noyante. J’y repense encore, elle avait tellement pleuré à la maison. Je n’avais jamais vu quelqu’un autant pleurer. Les larmes ne lui allaient pas sur son visage.
C’était totalement différent pour moi, et PUTAIN de toi, Aelle. Les larmes nous vont tellement bien.

Dégoutant.

Putain, mais file-moi c’te potion !

Cette colère qui éclaboussait de ma propre couleur. Je ne sais plus si mes yeux sont ouverts ou fermés, mais je sais qu’ils brûlent mes toiles. Tout est en train fondre et mes couleurs vomissent. « J’en ai rien à fout’ de toi ». La même colère, mais colère
CONTRE
moi.
Rien ne changeait. *Merlin*. Je ne pouvais plus supporter cette horreur. « Je veux la potion, je veux Charlie ! ». Je n’ai pas ma place ici, je ne veux pas être la toile de Sa colère. *Merlin*. Je sens que mon corps est en train de se calmer ; et c’est la pire des choses. Il ne faut pas que je me calme. *Courir. Vite ! J’dois partir !*. Je suis dans le mur. À l’intérieur.
Tout est si dur dans mon corps. « C’est quoi ton problème ? Quand tu veux un truc, fais-le ! ». Aujourd’hui, j’ai fait le tour des colères. Je me rends compte qu’il me restait que la mienne à voir en peinture. *Aelle*. Merlin, elle n’était pas belle à voir. *’comme ça qu’je suis ?*. Je ne veux plus voir ça.

Mes paupières se serrent si fort qu’elles écrasent toutes mes gravures. Être rien. Juste rien. « J’ai pas qu’ça à foutre de patienter trois plombes, alors… ». Merlin, aujourd’hui, je les connais toutes, les Colères.
TROP TARD.
Je ne me suis pas enfuie. Je suis bloquée. Faire face à sa propre harmonie est un piège. Il n’y a pas de sortie. Le silence ne me gêne plus, il reste néanmoins étrangement vide. « Donne-moi cette putain d’potion, qu’on en finisse ! ». Même lorsqu’elle crie, c’est un silence que je vois.
*supporte plus la Colère*.
Aelle, ma chère toile. Je ne veux plus Savoir. Je ne veux rien savoir de ce qu’il s’est passé entre toi et Charlie, parce que ce serait comme découvrir ce qu’il se passe entre moi et cette étrange fille-au-regard-de-jade. Tu vois, j’ai peur de me mettre en Colère face à ce que je vais y trouver. Regarde-toi ; je ne veux pas être comme toi. Alors je m’arrête. Qu’est-ce qu’il m’a pris d’oser prétendre me comprendre ? Aelle, moi et toi, nous sommes des fresques qui gravitons dans une dimension différente de Charlie. On n’y arrivera pas. Il n’y a pas d’air — là-bas — pour moi. Encore moins pour toi. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir saisir la nuance de Charlie ? C’est un piège. Tout cela me dépasse. Je vais vomir. Ou alors exploser, je ne vois pas ce qu’il pourrait m’arriver d’autre. Je vois le sourire en biais du Prince non-prince, et sa voix de fille me terrifie. Il me donne envie de faire éclabousser mon estomac sur le sol. Mais… Merlin. Je n’entends plus mes pensées. Où sont-elles passées ? Par Dumbledore, ce Silence est beaucoup trop vide. Il y a un agglutinement qui se forme en dessin. Je ne contrôle plus rien. Alors je dérive. Ce n’est plus important. C’est dans ces moments-là que je comprends les choses les plus importantes. Je le vois. Je le sais. Les couleurs sont vives. C’est dans ces instants-là que je me suis rendu compte que je haïssais Zachary. Que j’avais un amour immodéré pour ma Mère. Que les enjeux Sociaux ne m’intéressaient pas. Que ma Peinture révélait bien plus de choses sur moi que tous mes dires. Que j’avais un attachement profond pour Nathaniel. Que j’allais bouleverser l’approche théorique de la Médicomagie. Que j’avais une délicieuse envie de coucher avec Louna.
C’était une fresque parfaitement chronologique, et j’allais y ajouter ma dernière toile.

Que je ne veux plus de Colère.


Mes larmes ont séché sur mon visage. Je les sens se craqueler sur ma peau comme du papier de verre.
Merlin, je ne veux plus *jamais* de Colère. Le calme m’emplit.
Une seconde.

*Pourquoi est-ce que personne ne voit la splendeur de mes couleurs ?*.

Touchée.
Deux secondes.
Une aiguille — de pinceau — si fine que la douleur se concentrait en un point unique dans ma vision. Une teinte violette. *Cyrielle*. Je savais déjà que c’était elle. L’injection m’emplit d’un râle d’extase. *Par le sang des Centaures…*. Elle formait mon plus grand regret ; alors que c’était celle que j’avais le moins connu.
Merlin, je regrettais si fort de ne pas lui avoir adressé la parole ce jour-là.
Elle, elle ne m’a pas regardé comme tous ces gens-Noirs-de-colère. Elle, elle m’a regardé comme si elle me voyait vraiment, dans ma propre couleur. Elle m’avait fait tellement peur. Je regrettais terriblement de ne pas avoir embrassé cet effroi. Mes larmes ne s’arrêtaient pas. *Cyrielle*. Son injection de blancheur violacée m’avait bouleversé toute ma perception. Nom d’un Sang-de-Bourbe, moi, moi j’avais tellement peur de tout changer.
Je l’avais fui en me réfugiant chez ceux qui me faisaient mal. Parce que, quelque part, ils me font moins mal que cette peur-là. Pourtant, je commence à comprendre. Un peu.
Que je préfère avoir mal de peur que d’avoir mal de douleur.
Je suis fatiguée de me faire éclabousser de ces forces dentées, dantesques ; Noires-de-Colère.


Mes yeux s’ouvrent.
Les couleurs ne sont plus en flaques. Mes larmes sont mortes. Je vois tout parfaitement, surtout la grimace qui me fait face, que je comprends bien trop. Je laisse une dernière pensée embrasser le doux-violent de Cyrielle *’je te retrouverais* ; avant de m’ancrer dans cette réalité.

Là, en bas, je vois les dents Noires dans ce regard, les mêmes que celles que j’avais étant plus jeune.
Merlin, c’est donc cela. *Aelle…*. Je la comprends si bien puisqu’elle n’est que moi, avec moins d’années. On se ressemble comme deux Strangulots.

Les longues tranchées asséchées sur mon visage me piquent légèrement, mais elles ne seront plus alimentées aujourd’hui. Mes larmes sont coupées, aussi sèchement que mes toiles lacérées.
Minuscules dents Noires qui me font de la peine. *Petite Aelle*. Quelque-part, je me demande encore ce que Charlie a osé lui faire ; mais je repousse cette idée. Elle n’est que traits sombres, sans la moindre délicatesse. Cette petite Poufsouffle n’est pas faite pour côtoyer Charlie, tout comme moi ; il n’y a que mon âge qui me permet de relativiser, et d’un peu mieux gérer cette sale gosse. *Si tu savais…*. Je me demande même si elle l’a connais vraiment. *Peu importe*.

Mon corps se réveille à nouveau de sensations. *Merlin !*. La fiole de Veritaserum est encore dans ma main !
D’un geste rapide, sans même y jeter un œil, je la range à sa place. Dissimulée. *Parfait*. C’est le moment.
De l’autre main, je serre ma baguette ; que je lève subitement vers la fille-aux-cheveux-cuivrés. La pointe à quelques millimètres de son cou. *Excuse-moi*. J’ai l’impression de demander le pardon à moi-même. *C’est pour toi que je f*. Ma pensée est découpée par la course de ma bouche : « Tais-toi ». J’appuie mon regard dans le sien, même si je n’aime pas cela. *Juste l’éloigner de Charlie, alors une chose intime ; le hibou, j’ai lu ta lettre*. Toujours menaçante avec mon arme et ma stature, j’enchaine mes mots : « J’ai lu ta lettre ». *T’es qu’une gamine*. C’est une enfant, malgré toute sa maturité, son illusion d’adulte brouillée.

Je suis calme. Il y a pourtant comme une agressivité qui perce dans mes teintes.
Une folle envie d’insulter cette gosse me tord l’estomac ; accompagnées de quelques petites menaces pour qu’elle fuit Charlie à tout jamais. C’est une torture de la voir dans une souffrance aveugle. Pourtant, je me retiens car elle est comme moi : et je n’accepterais pas qu’on me parle de cette façon, quitte à en perdre le contrôle. *Honteuse, elle devrait fuir, ou elle va se rebeller ; qu’importe, elle ne doit plus la voir, alors tu ne vas plus approcher Charlie*. Parfait. C’était la bonne solution.

Alors tu ne vas plus approcher Charlie.

Pour la première fois, j’ai l’impression que je peux plus ou moins prévoir les réactions de quelqu’un. Il me suffit de répéter mes propres phrases en analysant ma propre réaction, avant de les imposer à elle. *Si elle crie, je n’interviens pas ; si elle pleure, je la réconforte ; si elle fuit, je ne la laisse pas partir avant d’ajou…*. Ma conscience s’emballe, pendant que j’appuie la force de mon regard et que je gonfle mon corps.

je suis Là ᚨ