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12 août 2018, 15:50
Volupté  Libre 
Le goût contenait autant de souvenirs que l’odeur ; c’est ce que me dirent mes sens lorsque j’avalai cette longue gorgée de chocolat-citrouille. Le liquide épais coula dans ma gorge et se répandit dans mon estomac, réchauffant mon corps et me plongeant dans une douce torpeur. Quand je rouvris les yeux, Narym me regardait en souriant. Même si ses épaules étaient tournées vers la fille, il me regardait moi et son regard miel était d’une extrême douceur. Je n’avais aucune idée du moment où son regard scrutateur s’était transformé en douceur ; peut-être était-ce une conséquence de notre isolement. C’était tellement plus simple ainsi.

La table bougea soudainement et je regardai le banc d’en face qui venait d’accepter sur sa surface la Fille-à-la-moue. Cette même moue se dessina sur mon visage, mon corps se crispa à la soudaine proximité avec la fille et je rapprochai Ricke de moi en un mouvement possessif. Si elle avait entièrement sa place dans le décors, ma peau qui se recouvrit de frisson me prévient que je n’allais pas apprécier de la voir s’approcher plus encore.

Elle n’était qu’à une longueur de bras. Si je tendais le nez, si je comprimais mes poumons je pourrai sentir son odeur et rajouter un élément à son identité. D’ici, je pouvais apercevoir la cascade de ses cheveux châtains sur ses épaules et le contraste entre sa peau et ses yeux était plus saisissant encore. Elle avait des traits délicats et fins. Assise, nous faisions la même taille ; ses yeux pouvaient couvrir les miens.

Quand elle parla, sa voix résonna dans mes oreilles ; la musique de ses mots étaient douce à entendre. La douce brise de la fatigue pesait sur mon crâne et je posai un coude sur la table pour reposer ma tête dans le creux de ma main. Je vissai mes yeux sur la bouche de la fille et j’écoutai paisiblement ce qu’elle avait à dire. J’entendis ses mots, je compris leur signification mais cela ne parvint pas à ma compréhension. Je n’avais pas besoin de comprendre puisque Narym était là pour cela.

Je me tordis le cou pour l’apercevoir. Il but une longue rasade de bièraubeurre puis regarda la nouvelle venue avec un froncement de sourcils. Ses yeux semblèrent l’analyser, il but ses paroles autant que le liquide dans son verre ; lui n’entendait peut-être pas la mélodie mais sa compréhension pouvait tout capter.
Narym était toujours attentionné envers les autres. C’est sûrement pour cela qu’il était celui que je supportais le plus.

« Je m'appelle Ebony. On est censés être ici pour passer quelques jours à Londres pour fêter mon anniversaire, mais mon grand-père avait du travail et ma soeur bah... Elle est allée retrouver des potes. »

Je me tournai mollement vers elle. Elle avait une soeur. Elle était seule. *Et alors ?*, me dis-je. Ce n’était pas une fatalité d’être seule. Je plongeai dans son regard. La paume de ma main écrasait ma joue et mes yeux me piquaient. La moue de ses lèvres se prononça et ses yeux lumineux brillèrent d’un quelque chose de dérangeant. Je soupirai en baissant la tête. Je me souvins de ma première année puis de la seconde ; avais-je souffert de la solitude ? Je ne croyais pas. Je ne savais plus. Aujourd’hui j’étais ici, avec Narym, loin de Poudlard. La solitude n’était pas une donnée que je prenais en compte pour mesurer l’intensité de mes journées.

« Je vois, » dit Narym. Moi, je ne voyais rien du tout. Mais lui, il avait un sourire sur les lèvres, je l’entendis sans même le voir. « Alors joyeux anniversaire, Miss Ebony ! Tu as bien fait de venir voir Aelle, ta soeur ne semble pas être la meilleure compagnie pour cette soirée, n’est-ce pas ? »

Sa voix était douce comme la citrouille qui m’embaumait de son odeur.

« Je m’appelle Narym Bristyle et voici ma soeur, Aelle. » Il se tourna vers moi et me lança un regard appuyé. Je le regardai sans rien dire et sans réagir, observant d’un oeil bovin ce qui se déroulait autour de moi comme j’aurai regardé un spectacle.

Je haussai les épaules et pris une nouvelle gorgée qui cacha à mes yeux le visage de ladite Ebony. Ce prénom ne me disait rien, était-elle réellement à Poudlard ? Mon coeur fit une embardée et en abaissant ma tasse je scruptai à nouveau le visage de l’enfant. Que savait-elle ? *Peut-être que je pourrai…*. Mon coeur s’agita encore dans ma poitrine et je regardai Ricke, une moue pensive s’inscrivant sur mes traits.

Narym se leva. Il était grand, Narym, même si ce n’était rien à coté de Zakary. Je le regardai en trifouillant les feuilles de Ricke :

« Où tu vas ? » lui dis-je.

J’avais une certain réticence à le laisser sans aller. Surveillant du coin de l’oeil l’autre enfant, je me demandai si c’était par crainte de me retrouver avec elle.

« Ne t’en fais pas Ely, me sourit Narym, nous devons fêter comme il se doit l’anniversaire de ta camarade. » Il se tourna vers elle et se pencha sur la table posant ses deux mains sur le bois épais. « Qu’aimerais-tu boire pour ton anniversaire ? Je te l’offre en tant que grand-frère d’une de tes camarades de classe ! »

Je levai les yeux au ciel. Narym avait le don de tout accepter des autres, même sans raison. Si cela ne tenait qu’à moi, il serait resté à sa place sans devoir se coltiner cette politesse. Personne n’avait rien à contredire si rien ne se passait.

13 août 2018, 16:51
Volupté  Libre 
Ce n'était clairement pas mon genre de m'incruster comme ça avec de parfaits inconnus et pendant une seconde je me demandais si j'avais fait le bon choix, mais le garçon avait l'air si gentil, tellement bienveillant. La fille n'avait pas l'air de s'intéresser le moins du monde à ce que je racontais. Elle se tenait le menton dans le creux de sa main semblant s'ennuyer au possible. On aurait presque dit qu'elle allait s'endormir. Que fallait-il faire pour l'intéresser? J'avais l'impression de me retrouver face à un mur ayant un mécanisme spécial pour lui permettre de s'ouvrir, sauf que je n'avais pas la clé du problème. Je ne savais pas s'il y avait besoin d'une clé ou s'il fallait résoudre une énigme. En fait, c'était comme se retrouver devant une énigme à résoudre sans avoir l'énoncé permettant de la résoudre, sans avoir aucun indice. Cette fille était l'Enigme. Mais je ne me décourageais pas. Ma prochaine mission consistait à essayer de la comprendre et s'il me faudrait encore des années pour le faire, j'y arriverais. Je ne tolérais pas l'échec.

Sa main écrasait sa joue déformant son visage, mais même comme cela, elle restait intrigante et mystérieuse. Ses yeux devaient visiblement la piquer car ses paupières battaient plus vite qu'habituellement. Etait-elle réellement fatiguée?

D'après le garçon, Narym qu'il s'appelait, ma mystérieuse inconnue était sa soeur et elle s'appelait Aelle. Aelle... C'était joli comme prénom ça Aelle et sans trop savoir pourquoi, je trouvais que ça allait bien avec ses petits yeux. J'avais des yeux perçants et mystérieux, mais ses yeux marrons avaient un certain attrait aussi. Ils semblaient pétiller et cela m'intriguait. 

Narym était franchement gentil. Il faisait tout pour me mettre à l'aise et avait bien compris que ma vie n'était pas très facile. Je décidais donc de lui rendre sa gentillesse en répondant à ses sourires par des sourires et en lui répondant le plus amicalement possible que je le pouvais, sans pour autant lui lécher les bottes, j'allais juste faire un peu plus d'efforts que d'habitude. 

Quant à Aelle, je décidais de me comporter de la même manière qu'elle, c'est-à-dire de ne pas plus faire attention que ça à elle. J'avais seulement envie de passer une bonne soirée alors si elle avait décidé de ne pas m'aider pour cela, tant pis, je me débrouillerais très bien sans son aide.

 " Enchantée Narym et Aelle. Elle n'est effectivement pas de la meilleure compagnie, mais il faut dire que nous ne nous entendons pas très bien alors je suppose que c'est normal... "

Ma voix avait commencé à changer récemment. Beaucoup de personnes pensaient que seuls les garçons muaient, mais les filles avaient également un changement dans leur voix. Je savais que la mienne paraissait assurée et assez mâture pour une petite fille de mon âge et j'en étais ravie. C'était l'impression que je voulais donner, paraître plus âgée que je ne l'étais en réalité. 

Je me tenais droite sur ma chaise, scrutant les personnes autour de moi du coin de l’œil comme j'avais pris l'habitude de le faire. Des gens continuaient d'arriver par la cheminée et je me demandais comment tout ce petit monde pouvait entrer dans un endroit aussi petit. J'avais beau avoir pu prendre conscience de tout ce qu'il était possible de faire avec la magie, j'étais toujours émerveillée devant certaines choses.

 " C'est très gentil de votre part. A vrai dire, mon anniversaire est passée depuis deux mois, c'était le 14 février... Mais comme j'étais à Poudlard, il n'y a pas eu d'occasion avant.  "

Le garçon se leva alors et Elle lui parla encore continuant de faire comme si je n'existais pas. Il me demanda ce que je voulais boire ce à quoi je répondis un chocolat à la citrouille. Alyssa m'aurait regardée de son regard réprobateur en m'entendant commander une telle boisson. Rien que le fait que j'aille parler à des inconnus m'aurait probablement valu un regard de ce style. Nous ne nous ressemblions pas beaucoup, mais je savais qu'on tenait ce même regard de notre famille, c'était probablement une des seules choses que nous avions en commun... Un regard dédaigneux et réprobateur. Je me demandais si Madi l'avait aussi, plus les années passaient et plus son souvenir s'effaçait. Machinalement, je mettais ma main dans ma poche pour toucher la photo que j'avais trouvée pendant les vacances, quelques jours plus tôt. Depuis, elle était toujours avec moi, dans ma cape et heureusement qu'elle avait un sortilège de longévité parce qu'à force d'être triturée elle aurait probablement été illisible.

C'était une photo de Madison faisant du surf, ou plutôt allongée sur une planche de surf. Je m'étais longtemps demandée à qui appartenait la main que l'on voyait en bas à gauche de l'image. Avait-elle un copain ou une copine? Elle avait l'air de beaucoup aimer la personne en tout cas. Le tatouage de la chouette, elle l'avait fait en Australie, peut-être pour se rappeler d'où elle venait étant donné qu'elle était principalement entourée de Moldus? 

Machinalement, j'avais sorti cette photo et je l'avais posée sur la table. Je me fichais pas mal de savoir ce qu'Aelle ou Narym pouvaient en penser, un élan de nostalgie me donnait envie de voir la photo de ma grande soeur. J'aurais voulu pouvoir la revoir ou avoir de ses nouvelles... *Madi, tu fais quoi en ce moment? Est-ce que tu es toujours en vie? Est-ce que tu fais vraiment du surf? Et cette photo pourquoi ne me l'as tu pas envoyée?*

Après avoir trouvé cette photo, j'avais cherché en vain une quelconque lettre l'accompagnant. Je soupçonnais mon grand-père de l'avoir cachée ou déchirée afin que je ne la trouve pas. Je n'avais pas pu lui demander d'information car peu de temps après ma découverte, il était parti, laissant le soin à Aly de m'accompagner au chaudron baveur pour fêter mon anniversaire. De plus en plus de mystères accompagnaient ma famille et je me demandais qui craquerait en premier... Eux ou moi?



Reducio
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Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

15 août 2018, 10:50
Volupté  Libre 
La boisson chocolat-citrouille faisait partie de mon enfance au même titre que mes souvenirs du Chaudron Baveur ; c’était la saveur d’une soirée passer à écouter les bavardages de ma famille, l’odeur d’une visite sur le Chemin de Traverse. Quand je plongeais mes yeux dans le liquide marronnasse, je voyais le regard dégouté que posait Zakary sur moi et le sourire moqueur de Natanaël. Aujourd’hui, leur réaction aurait pû avoir la même température qu’autant : celle d’une dispute fraternelle. Aurai-je alors été aussi agacée que je l’étais dans mon enfance ? Me serais-je repliée sur moi, un léger sourire sur les lèvres ? Je me serais davantage vu sortir les griffes, crier sur un Natanaël hilare et un Zakary à la mine recroquevillée d’un dégoût exagéré. J’aurai agit ainsi parce que ‘Naël était un abruti qui ne me souriait plus et Zak’ un Grand Con qui me faisait peur.

Je surveillai la fille par dessus mes sourcils. Ma main s’était arrachée de mon genou et avait rampée vers celle de Narym qui reposait contre la table. Lorsque je m’étais rendue compte de ce que j’étais en train de faire, j’avais cessé tout mouvement et mes sourcils s’étaient froncés de frustration. Cette fille-là n’avait cesse de m’arracher mon frère. Mais je n’avais ni l’envie ni la force de lui en vouloir et cette fois-là ce n’était pas des sentiments feints : c’était ainsi ; l’intérieur de mon corps était calme et apaisée, je n’allais pas forcer la colère, tout comme j’avais décidé de ne pas forcer cette dernière à diminuer lorsque je la ressentais.

Sa voix était un mélange de sons. J’y entendais le roc de la maturité et la finesse de l’enfance. Elle allait parfaitement bien avec sa peau sombre et ses yeux clairs. Sa peau sombre et ses yeux clairs *Charlie*. L’éclair de la pensée me déchira la crâne et je fermai les yeux au dessus de ma tasse, le coeur partant en une embardée horrifiée. Charlie aussi avait les yeux clairs *émeraude* et la peau sombre. Je m’en rappelais parfaitement parce que je l’avais vu venir vers moi, éclairée par les flammes des bougies de la grande salle et le poids de cent regards.

Je secouai frénétiquement la tête pour me débarrasser de sa présence. Elle était comme un insecte particulièrement désagréable ; elle me tournait sans cesse autour, m’agressant avec moults souvenirs plus puissants les uns que les autres.
Étrangement ce fut la fille-à-la-moue, Ebony, que me sauva de la litanie dans laquelle j’étais plongée. De sa fine voix rocailleuse elle énonça sa boisson à mon frère qui, sans attendre, arracha ses mains de la table et s’en fut vers le bar. Les mots d’Ebony traversèrent la tempête Charlie et vinrent s'implanter dans mon crâne : elle venait de commander une boisson chocolat-citrouille. Je levai précipitamment la tête pour la mirer, feignant quelque peu ma surprise pour virer la toute petite Rengan de mon crâne habité de souvenirs.

Il n’y avait jamais personne qui commandait la citrouille mixée au chocolat chaud. Personne. C’était une boisson dénigrée de tous, peut-être légèrement mise de côté, mais qui n’en perdait pas sa saveur. Elle était en vogue dans le monde sorcier de longues années auparavant, paraîtrait-il ; mais ce n’était plus le cas aujourd’hui. Je n’avais guère de raisons à me réjouir que cette fille aime les mêmes boissons que moi. J’en avais, à vrai dire, rien à carrer de ce qu’elle buvait. Mais son choix signifiait deux choses pour moi qui m’apparurent clairement à l’esprit : soit elle faisait cela pour m’imiter, dans ce cas elle était plus malléable que n’importe quel marmot, soit elle se foutait de mon choix comme je me foutais du sien et alors c’était un Autre qui pouvait se démarquer parmis les Autres. Tout cela m'apparut alors que je la regardais de mon regard charbon le plus puissant, la voyant pour la première fois comme Ebony à la fine voix rocailleuse qui étudiait à Poudlard.

Songeuse, je jouai avec les feuilles de Ricke, un oeil sur Narym et l’autre sur cette fille. Cette dernière ne me lançait ni regard ni oeillage soupçonneuse. Elle ne me lançait rien du tout car elle gardait la tête baissée sur la photo qu’elle avait sortie du revers de sa cape. Un sourire s’afficha sur mes lèvres à cette constatation. Non pas le sourire joyeux ou attendri, le sourire qu’un Autre pourrait afficher de toute sa face d’ennui ; non, un sourire amer qui m’obligea à lutter contre les souvenirs qui l’accompagnaient. J’avais toujours eu un seul remède contre les Nuisibles de souvenirs : l’action.

« Les capes et leurs secrets…, » fis-je, ma voix rendue lointaine par mes souvenirs. Je plongeai le nez dans les feuilles de Ricke, ne laissant dépasser que mon regard qui regardait Ebony et sa photo. « Tu crois que si on les brûlait toutes, les secrets partiraient aussi ? »

J’arrachai mon nez de Ricke et me pliait sur moi-même pour atteindre le bout de mon banc ; un long bruit languissant s’échappa de ma bouche et je le laissai gagner en intensité, accompagnant mon effort, avant de laisser s’éteindre ma voix. J’attrapai ma cape de soirée que j’avais éjectée à l’autre bout du banc avant de me redresser, les yeux se baladant entre Ricke et Ebony. Je déposai la cape sur la table, entre la fille et Ricke - entre la fille et moi.

« Y’a quoi dans celle-là, tu crois ? »

15 août 2018, 19:49
Volupté  Libre 
Je n'avais aucun souvenir de mes parents, ils avaient disparu alors que je n'avais que deux ans. Pendant mes premières années passées en Angleterre chez mes grands-parents, de nombreuses photos d'eux étaient visibles sur les murs, le rebord de la cheminée, dans le salon. Mais plus le temps passait et plus ces photos étaient remplacées par des photos de mes soeurs et moi. Je ne connaissais pas grand chose d'eux, si ce n'est ce que Madison avait pu me dire. 

A chaque retour de Poudlard pour les vacances d'été, nous dormions très peu de la nuit. Nous nous réunissions toutes les trois dans la chambre de Madi dans le fort que nous avions construit avec Alyssa en attendant notre grande soeur. Elle nous racontait son année, les petits potins, elle nous parlait de ses amis, des professeurs, des cours qu'elle avait eu. Et puis, lorsqu'il faisait nuit noire et que mes yeux commençaient à se fermer, elle revenait avec des chocolats chauds à la citrouille nous expliquant que c'était la boisson que notre maman préparait en guise de réconfort. A chaque fois que quelqu'un était malade, à chaque fois que quelqu'un s'était fait mal ou encore quand Madison avait eu sa première peine de coeur. 

Si j'avais commandé cette boisson, ici, c'était parce que j'avais besoin de me retrouver proche de ma famille. J'avais l'impression de ne plus avoir de famille, comme m'avait dit Alyssa quelques années plus tôt, notre famille était décimée. Nos parents avaient disparu, Madi était en Australie, notre grand-père aussi, Alyssa m'avait abandonnée et notre grand-mère... Elle était probablement dans son rocking-chair, un chat sur les genoux. Je parierais sur Ginger ou Kami, c'était ses préférés. Et moi, j'étais ici, dans le Chaudron Baveur, à parler à des inconnus pour combler le manque de cette famille qui n'existait plus. 

Sa voix me fit sortir de mes pensées d'un sursaut. J'avais voyagé tellement loin dans mes souvenirs que j'avais été comme arrachée au temps et au lieu actuel. Je m'étais retrouvée dans la chambre de Madison de nombreuses années auparavant goûtant à la joie d'être entourée et le retour à la solitude était brutal. Avais-je fait quelque chose pour mériter cela? Peut-être que si j'avais été plus aimable avec les gens à Poudlard, j'aurais au moins pu avoir une deuxième famille à laquelle me raccrocher.

J'avais toujours la photo dans la main et je regardais toujours vers le bas bien que mes yeux soient désormais dans le vide. C'est Elle qui me fit sortir complètement de mes pensées, me faisant sursauter.

« Les capes et leurs secrets… Tu crois que si on les brûlait toutes, les secrets partiraient aussi ? »

C'était une très bonne question. Les secrets ne seraient certainement plus dans les capes puisque les capes n'existeraient plus. Mais en même temps, les secrets n'avaient pas besoin de capes pour exister. Ils trouveraient d'autres endroits où s'infiltrer, d'autres endroits pour les accueillir. 

Aelle bougea alors, s'étirant pour atteindre le bout de son banc. *Mais qu'est-ce qu'elle fait? Elle cherche à faire de la gymnastique ou quoi ?!* Mais non, elle voulait seulement atteindre sa cape et la mettre sur la table... Entre nous. Elle me trouvait si pénible que cela pour mettre une deuxième barrière entre nous, en plus de la table déjà présente?

« Y’a quoi dans celle-là, tu crois ? »

Alors, maintenant elle voulait vraiment faire un jeu? Elle m'ignorait, m'engueulait, m'ignorait à nouveau pour finalement vouloir jouer à "Devine ce qui se trouve dans ma cape"? Etrange. Mais je décidais de faire un effort et de ne pas la remballer. Après tout, je me sentais seule et j'avais besoin de m'ouvrir à d'autres personnes à défaut d'avoir une famille sur laquelle compter.

 " Mmh... C'est une bonne question. De la poudre de perlimpimpim pour pouvoir nourrir ta plante ? T'as l'air de beaucoup l'aimer.  "

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

16 août 2018, 10:25
Volupté  Libre 
L’action visait à m’implanter dans le monde. Elle me plaçait dans le cours de la réalité et m’empêcher de divaguer. Néanmoins, les souvenirs étaient toujours présents et ils le seraient encore et encore, tant que je ne les aurai pas détruit un à un. Tandis que je mirais Ebony de mon regard charbon, la regardant par dessus Ricke comme pour cacher la moitié de mon visage, je ne pus m’empêcher d'intercaler Son visage sur le sien. Les deux filles ne se ressemblaient pourtant pas. *Celle-ci doit être plus jolie*, me dis-je sans tout à fait comprendre ce que voulait dire être jolie. Cette Ebony était bien plus grande que ne le serait jamais Charlie et Charlie était bien plus imposante et bouleversante que ne le serait jamais Ebony. Elles étaient en tout point différentes ; seule l’image était semblable. Mais il n’y avait rien de moins intéressant que l’image des gens. Aujourd’hui, l’image prenait une place prédominante dans mon crâne. Je regardais Ebony et je voyais une autre personne ; je me plongeai dans les yeux bleus-gris, je laissais courir mon regard sur cette peau brune, je regardais ses mains et ses cheveux.

Ma balade visuelle ne pouvait pas m’aider à me cacher de tout. Je voguai sur la peau d’Ebony pour que mon esprit continu à tourner en rond autour de la pensée qui me hantait sans s’en approcher. J’avais peur de me diriger vers elle ; quand j’essayais de le faire, mon coeur rebondissait dans ma poitrine. J’étais pourtant si proche du but, après des semaines de recherches infructueuses j’avais devant moi la seule source de savoir qui pouvait m’aider : une étudiante de Poudlard. Je coinçai ma lèvres entre mes deux rangées de dents, hésitante. Et si elle me disait que Charlie ne quittait pas l’autre Chinoise ? Serait-ce réellement important ? Je me foutais de ce qu’elles faisaient, je me foutais qu’elle passe son temps avec elle.

Je laissai tomber ma tête en avant. Les feuilles de Ricke caressèrent mon front et m’apaisèrent quelque peu. Mon esprit tournait et tournait, m’entraînait dans des pensées que je ne pouvais pas comprendre. Un jour j’avais une envie en tête et le lendemain je ne parvenais plus à la saisir. Je voulais savoir ce qu’il se déroulait à Poudlard, la compétition, la vie ; et un autre jour tout cela disparaissait pour ne devenir que Charlie, Charlie, Charlie. Par tous les Mages réunis, je ne savais même plus pourquoi elle me hantait de cette façon. C’était une vermine dans mon crâne, une chose qui n’avait plus d’histoire ni de consistance. Je ne savais plus pourquoi elle était là.

« Mmh…, commença soudainement à dire Ebony. C'est une bonne question. De la poudre de perlimpimpim pour pouvoir nourrir ta plante ?  »

Je dû faire un effort pour me rappeler mes paroles avant de comprendre les siennes ; elles arrivaient à point nommé. Je pris une grande respiration avant de lever la tête et de la regarder, m’implantant dans le monde par cette seule action. Elle n’était pas différente qu’auparavant avec sa peau sombre et ses yeux clairs. Elle était toujours la même avec sa voix mature et enfantine. Au moins, je connaissais son histoire à elle : je savais d’où elle venait - d’ici même - et ce qu’elle était - une adepte du chocolat-citrouille. Avec elle, il n’y avait aucun risque.

« T’as l’air de beaucoup l’aimer. »

Je caressai Ricke, de ses branches à ses feuilles, le regardant se balancer mollement au rythme d’une brise inexistante. L’aimai-je ? Sûrement pas. Cette plante, c’était Natanaël. Et Natanaël n’était qu’un faux Grand Con immobile. Une moue sur le visage, je me tournai vers le bar. Narym y était adossé, il regardait par ici et quand il me vit, il me lança un grand sourire avec toutes ses dents. Je lui grimaçai un sourire en retour avant de me détourner en grognant.

« J’l’aime pas, dis-je en jetant un regard à la fille. Ou p’t-être que si. »

Je me penchai sur Ricke pour déposer un baiser sur ses feuilles ; je n’étais guère à l’aise à l’idée de dire des mots si forts à son encontre.

« Il s’appelle Ricke et il a pas b’soin de poudre de Perlimpinpin. Surtout pas en fait ! rajoutai-je en regardant Ebony avec de grands yeux. Ca l’tuerait ! »

Quel sorcier pouvait bien penser à mettre de la poudre de Perlimpinpin dans une plante ? C’était d’une idiotie inouïe ; cette fille-là était soit abrutie, soit elle avait grandit chez les moldus. J’optai pour la seconde option.

« Il a juste besoin d’eau, d’un peu d’soleil et voilà. »

Je ne savais pas réellement si cela était vrai ou non. C’était Natanaël qui aimait les plantes, moi je ne connaissais que les bases ; elles ne suffiraient pas pour ma plante. Ricke était un beau figuier d’Abyssinie, même s’il avait un air décrépi. Il était fier et fort. Je pouvais dors et déjà apercevoir la future figue qui pousserait sur une des branches inférieurs.

Finalement, je me tournai vers ma cape. Un jour, dans un autre endroit, en un autre temps, une autre cape avait également caché un secret des plus particuliers. Celle-ci ne cachait rien d’autre que l’odeur nauséabonde du placard de ma chambre.

27 août 2018, 11:38
Volupté  Libre 
Cette fille me fixait tellement. J'avais l'impression qu'elle me scrutait, cherchant à me comparer à quelqu'un d'autre, c'était assez dérangeant. Est-ce que je ressemblais à une de ses connaissances ? Une autre élève de Poudlard ou bien quelqu'un de sa famille ? Quelqu'un dont elle était proche ? Cela expliquerait pourquoi tantôt elle avait l'air de vouloir me repousser et tantôt elle avait l'air d'être intéressée par moi. Enfin, peut-être me trompais-je totalement...

« J’l’aime pas. Ou p’t-être que si. »

J'avais quand même beaucoup de mal à comprendre cette Aelle. Elle disait un truc et son contraire comme si elle ne savait pas quoi penser. Tout ce que cela m'inspirait était un esprit tourmenté. Elle avait l'air de vouloir quelque chose mais s'en oser le formuler et cela m'intriguait.
Toujours est-il que le geste qu'elle eut à l'encontre de cette plante - un baiser - prouvait qu'elle n'était pas aussi insensible à la plante et que malgré le fait qu'elle n'avait pas l'air de vouloir qu'elle ait autant d'importance elle en avait tout de même.

*Ricke... Drôle de nom pour une plante.* Enfin en réalité, donner un nom à une plante était déjà étrange en soi. 

« Ta plante a l'air assez en forme pour ne pas avoir besoin de poudre de perlimpinpin actuellement. Mais si jamais, c'est un remontant assez puissant. Enfin, pourvu que tu n'en mettes pas trop. » 

Mon grand-père , botaniste reconnu et passionné des plantes avait tant bien que mal transmis un peu de sa passion à chacune de ses petites filles. Même sans vouloir l'écouter, on ne pouvait pas passer au travers de ses conseils concernant les plantes. Bien évidemment, j'ai appris des choses durant les cours de botanique auxquels j'ai pu assistés ces deux dernières années. Je n'étais pas toujours attentive à tous les mots venant de mon grand-père, mais grâce à lui j'avais déjà de très bonnes bases dans la matière à force de l'écouter raconter ses découvertes durant les repas.

Les repas dans la famille Blackburn se déroulaient beaucoup dans le silence depuis que Madison était partie. Lorsqu'elle était encore dans la maison, elle égayait les conversations, parlait de botanique avec notre grand-père, racontait ses aventures à Poudlard, des blagues, parlait avec Alyssa de son expérience et faisait tout pour me faire rire. Depuis qu'elle était partie, Alyssa faisait tout pour éviter les repas et lorsqu'elle ne le pouvait pas elle se contentait de se concentrer sur son repas priant intérieurement pour qu'il se finisse le plus rapidement possible, guettant du coin du regard si un quelconque hibou ne venait pas lui apporter un moyen de quitter la table au plus vite. Moi, j'étais morose. C'était dans ces moments-là que j'entendais vaguement mon grand-père me raconter des choses sur la botanique et les quelques astuces que j'avais retenues provenaient visiblement de là.

« Je ne sais pas ce que tu peux cacher dans ta poche. Ta baguette ? Une photo ? Un souvenir ? Quelques noises ou mornilles ? Un ou deux achats effectués dans la journée ? Il y a beaucoup de possibilité.  

 - Il y a par contre peu de possibilités quant à la suite de ta soirée. »

J'avais été tellement absorbée par ma conversation avec Aelle et le jeu qui s'était instauré que je n'avais pas entendu que quelqu'un s'approchait derrière moi. Sans avoir besoin de me retourner, je savais que c'était ma soeur. Il devait être une heure assez avancée désormais si Alyssa était revenue. Lentement je me tournais vers la nouvelle venue, croisant ses yeux furibonds et une lueur étrange dans ses yeux. De l'inquiétude ? Non, elle ne pouvait certainement pas s'inquiéter autant pour moi.

« Je t'avais dit de manger et de me retrouver dans la chambre après ton repas. Je suis rentrée et il n'y avait personne. Pas un mot. Et je te retrouve ici en train de tranquillement jouer. Tu te moques clairement de moi là ?

Et toi tu m'as laissée seule pendant une bonne partie de la journée alors que ce voyage était censé être pour fêter mon anniversaire. Est-ce que tu as une quelconque idée de comment j'ai pu me sentir seule ? Est-ce que tu as la moindre idée de ce que ça faisait toutes les années que j'ai passées seule avec mamie ?  

 - Peut-être que si tu n'étais pas aussi insupportable avec tout le monde tu aurais des amis et tu ne serais pas seule. Eh mais... Comment tu as eu cette photo ? »

Dans mes mains se trouvait toujours la photo de Madison que j'avais trouvée dans le bureau de mon grand-père avant qu'il ne parte. J'essayais précipitamment de la ranger dans ma cape, mais Alyssa fut plus rapide que moi, me l'arracha des mains et la déchira en mille morceaux sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Je la regardais, impuissante, des larmes dans les yeux que je tentais vainement de refouler, déchirer la seule photo indiquant que ma soeur aînée était encore en vie et qu'elle allait bien.

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

29 août 2018, 15:59
Volupté  Libre 
Je n’ai jamais voulu récupérer l’Autre cape et cela n’adviendra sûrement jamais. A partir du moment où Elle l’a fait sienne, l’habit ne m’a plus appartenu ; il était une part d’elle, l’une de ses parts qui me faisait frémir et à laquelle je ne souhaitais pas penser. Je secouai la tête pour la faire quitter mon esprit. Si seulement je pouvais l’en éjecter.

Une fois encore, la fille parvint à m’arracher aux langueurs de mes pensées. Sans elle, je serais resté le regard planté sur la cape à voir passer en boucle dans mon esprit l’image d’une petite fille gisant sur le sol. Sans elle, je ressentirai toujours les frissons que me secouaient la base de la nuque. C’est un regard tremblant que je levai sur Ebony avec aux lèvres, une moue que je ne parvins pas à effacer. Je la regardai sans agir alors que sa drôle de voix s’activait pour me dire des choses que je ne voulais pas entendre : il n’était inenvisageable que je puisse saupoudrer Ricke de poudre de Perlimpinpin ; je fronçai le nez en grognant. Je n’eu pas d’autre réaction que celle de planter mon regard dans les yeux si étranges de la fille lorsqu’elle se lança dans de vaines hypothèses de ce que pouvait cacher ma cape. Elle en était si loin de la vérité qu’un sourire se forma sur mes lèvres.

Je souriai encore quand je la vis s’approcher. Une grande fille qui ne me donna rien à voir d’elle-même si ce n’est son regard bouillant. C'est la seule chose que je vis quand je l’aperçu, me sentant toute petite assise sur mon banc face au grand corps svelte qu'était le sien. Son visage était inexistant, tant dans mon intérêt que dans le monde physique : ses yeux balayaient le reste. Son regard avait l'ascendant sur sa personne. Il était si brillant, si profond et si expressif que j’en restai bouche bée, oubliant instantanément tout ce à quoi j’étais en train de penser. Ne restait dans mon esprit qu’un vide douloureux qui ne cessait de scander un nom que je ne voulais pas entendre. Je m’abandonnai totalement à cette vision-là, celle d’une fille qui ne me regardait pas tant elle n’avait d’yeux que pour Ebony et seulement Ebony. Moi aussi je la regardai, Ebony ; elle avait une lueur dans le regard qui me fit grimacer et je me sentis soudainement gênée. Exactement comme si je venais d’assister à une scène intime et par Merlin, rien n’était moins intéressant qu’une scène intime.

Quand Ebony se retourna pour regarder cette grande fille aux yeux de feu, j’en profitai pour la regarder moi aussi, encore, mon coeur battant au rythme de la tension que je sentai dans l’air bien malgré moi. Il y avait, dans l’expression de la nouvelle venue, un détail qui m’aplatissait contre le sol. L’une de ces expressions qui nous font blanchir sans même qu’on ne puisse en comprendre la raison. C’est cela, elle était écrasante et je crois que cette sensation-là ne me déplut pas. A bien des égards, cette grande fille me rappelait la Toute-Molle qui s’était bien jouée de moi à Poudlard ; à ceci près qu’elle ne réveillait pas en moi les affres de la rage. Comme la Poufsouffle, elle était Présente, elle s’imposait avec une assurance qui, si elle n’était pas dû à l’âge, devait bien provenir du plus profond de son identité.

« Je t'avais dit de manger et de me retrouver dans la chambre après ton repas, » commença la grande fille dont les yeux luisants m’alpagèrent dans leur éclat.

Ma bouche se tordit en un quelque chose de désagréable, entre un sourire et une grimace ; cette voix pleine de grâce et de colère contenue sonnait à mes oreilles avec la même splendeur que celle d’Ebony. *Sa soeur ?*. Si telle était le cas, la Fille-à-la-moue me paraîtrait alors d’une façon bien différente.

« Je suis rentrée et il n'y avait personne. Pas un mot. Et je te retrouve ici en train de tranquillement jouer. Tu te moques clairement de moi là ? »

Moi aussi je dardai Ebony de mon regard charbon ; j’attendai sa réponse avec la même intensité que l’Autre, mais ce n’était pas les mots qui m’importaient. J’entendai dans cet échange une mélodie qui me laissa sans voix, me plongea dans la douce béatitude de la Compréhension. Je ne savais pas ce qu’il y avait à comprendre, mais j’étais persuadé que la réponse était d’une importance capitale.

Je m’étais penché sur la table sans m’en rendre compte. Mon buste écrasait les Hauteurs de Ricke ; je ne pris pas la peine de le regarder lorsque je le décalai sur la droite, attentive à le préserver des ardeurs de ma béatitude. Je ne pouvais pas, même si je l’avais voulu, me détourner de ces deux Autres. Je voulais entendre, encore et encore, le son de leurs voix et voir l’éclat de leurs yeux ; si l’une les avait renversant, l’autre les avait transperçant. Se rendaient-elles compte de l’harmonie de leur échange ? Je perdis un contrôle certain sur mon propre corps. Dire que j’aimais cela était un euphémisme. Je m’engorgeai de la sensation de perdre ma consistance, me laissant aller à la seule vision d’une chose qui se contentait à elle seule de me rendre heureuse.

J'avais conscience de me laisser aller à quelque chose de nouveau et de différent. Avec Papa, j'avais appris à Sentir ce que les odeurs cachaient ; Maman m'avait appris à dénicher le Savoir de toute chose. Les sons n'avaient jamais eu d'importance pour moi et je commençais seulement à comprendre que les Autres avaient aussi leur dose de savoir. Je préférai amplement voir qu'écouter ; mieux encore, j'avais un attrait certain pour tout ce qui me permettait de me couper du monde et de tous les chemins qui pouvaient y mener. Leurs voix à Elles, à ces deux sœurs, ne devaient pas avoir une quelconque différence avec celle des Autres : aujourd'hui cependant, elles me parurent bien douces pour mon esprit et mon corps fatigué.

Je me sentis fondre sur la table, tant sous l'assaut d'une fatigue certaine que dans le spectacle qui se jouait face à moi. La main de la Grande-de-Feu s'approcha si vite de la table que je sursautai pitoyablement, me trouvant tout à coup plus raide qu'un arbre à vouloir l'empêcher de me toucher. J'écarquillai les yeux en avisant ce bras tout mate se saisir de la photo – celle-ci n'avait pas même eu le temps de piquer mon intérêt. Mon souffle se coupa et mes yeux ne manquèrent rien de la scène qui se joua face à moi ; les mains élégantes Détruisaient.

*Ouah...*

Il me semblait que ces mains-là n'avaient aucune autre façon d'être belles que dans la Destruction. Oui, la Destruction leur allait bien. Je jetai un coup d'oeil à Ebony pour constater que l’Écrasante, au regard si puissant, l'avait détruit avec la même efficacité que ses mains avaient réduit en poussière la photo. Je grimaçai cependant : l'eau contenue dans les yeux de ma compagne me réduisit au silence aussi sûrement que le regard de sa sœur l'avaient fait ; Merlin tout puissant, rien n'était plus dérangeant que les pleurs. Plus encore si les larmes coulaient aussi d'yeux chamboulant que ceux d'Ebony.

Je ne me sentis ni gêné, ni attendri par la mine toute froissée d'Ebony. J'étais seulement intriguée de voir ce regard de glace fondre d'une telle sorte ; ma bouche s’assécha et mon bouche se tordit en une grimace familière.

Tout à coup, je n'étais plus capable de dire si je voulais rester ou partir.

Je me penchai plus encore sur la table, aplatissant mes seins naissants sur le bois. Je tendis mon bras, les yeux fixés sur les tous petits morceaux déchirés qui s'étaient répandus sur la surface. Du bout des doigts, j'attrapai le plus gros et je le retournai pour en trouver le sens. Je crus apercevoir un éclat bleuâtre sur le morceau de photo ; je souris.

Tant bien que mal, je levai la tête pour regarder la Grande-de-Feu. Son regard m'empêchait de me relever ; je laissai filtrer l'air entre mes deux lèvres entrouvertes.

« J'préfère les tous p'tits comme ça qu'un grand truc tout moche, » ahanai-je d'une voix distraite, l'esprit emporté par la Puissance de la grande fille.

Puis je me tournai vers Ebony. Ainsi affalée sur la table, j'étais toute proche d'elle. Je levai le nez ; il me semblait sentir une odeur fort délicate. Celle-ci ne m'apporta aucune information.

« Parlez encore, dis-je à Ebony avec un sourire. J'vous trouve harmonieuses, toutes les deux. »

*Harmonieuses*
Il était bien plus agréable de se laisser aller à l'écoute. L'écoute était comme cette journée : simple. Je n'avais qu'à m'y plonger pour goûter tout à fait à sa saveur exquise. 

31 août 2018, 11:02
Volupté  Libre 
Je restais figée pendant un moment, des émotions toutes plus contradictoires les une que les autres me venant. J'étais triste, en colère et pleine d'incompréhension. Il était vrai que nous ne nous entendions pas très bien avec Alyssa, pour ne pas dire pas du tout, mais je ne comprenais pas ce qui pouvait déclencher une telle rage de sa part. Pourquoi semblait-elle penser que tout ce qui était arrivé était de ma faute ? Que s'était-il passé pour qu'elle me renie en tant que soeur et qu'elle déchire une photo montrant Madison ? Je ne comprenais plus rien, j'étais perdue. 

Mon incompréhension se transforma peu à peu pour rejoindre mon sentiment de colère. Il en fut de même pour ma tristesse. Alyssa n'avait pas à me parler comme ça, elle était ma grande soeur, elle était censée m'expliquer les choses, elle était censée prendre soin de moi et m'aimer. Mais tout ce qu'elle faisait c'était m'engueuler et me rabaisser. Elle m'avait toujours prise pour une gamine plus gênante qu'autre chose. 

Soudain, toutes les fois où elle m'avait rabaissée me revinrent en mémoire. Les moments où elle me croisait dans les couloirs de Poudlard et qu'elle racontait à ses pimbêches de copines que ça sentait les gamins par ici. Les nombreuses fois où elle m'avait dit que j'étais trop jeune pour comprendre et qu'il faudrait encore que je grandisse un peu. Ou encore quand elle faisait semblant de ne pas me voir sous prétexte que j'étais trop petite. 

Une colère sourde s'abattit sur moi. Toutes les parcelles de mon corps, allant de la plus petite cellule de mes pieds à la plus grande cellule présente dans ma tête vibraient de colère. Je n'étais certes pas toujours agréable avec tout le monde, mais rien ne justifiait que ma propre soeur se comporte ainsi avec moi. Rien ne justifiait qu'elle vienne m'agresser comme cela devant tout le monde alors que pour une fois je tentais d'avoir un semblant de communication avec quelqu'un. Si Aelle restait une personne encore assez étrange à mes yeux et que je ne savais pas vraiment ce que je ressentais à son égard, je commençais à me sentir en paix avec moi même avant qu'Alyssa ne débarque et qu'elle ne mette tout en l'air et elle n'avait pas le droit de m'enlever ce moment de bonheur. Elle n'avait pas le droit de débarquer quand ça l'arrangeait parce qu'elle n'avait plus d'amis avec qui passer du temps et qu'elle devait donc rester avec sa soeur faute d'avoir quelqu'un d'autre à qui parler. Elle ne pouvait pas me rejeter les trois quart du temps et venir me voir uniquement parce que ça l'arrangeait. Je voulais lui dire tout cela, tout ce que je pensais de ses manigances, mais quelque chose m'en empêcha, ou plutôt une petite voix. 

« J'préfère les tous p'tits comme ça qu'un grand truc tout moche »

Je la regardais alors, détournant les yeux de cette soeur que je voyais uniquement comme un élément gênant à mon développement. Je devinais vaguement qu'elle devait parler de ma photo dont elle avait récupéré un petit bout sur la table. Etait-ce une tentative de changement de sujet, voulait-elle que nous arrêtions de nous disputer ? Mais une deuxième phrase vint contrer cette pensée.

« Parlez encore. J'vous trouve harmonieuses, toutes les deux. »

Elle nous trouvait harmonieuses. Pendant quelques instants je me demandais si c'était une manière de faire une blague, de détendre l'atmosphère ou si des personnes allaient arriver en nous prenant en photo pour nous dire que ce n'était qu'une expérience. Mais je sentais le regard de ma soeur qui était bien réel. Je savais que tout cela avait une réalité et toute la colère qui bouillonna en moi explosa. Tel un volcan, je sentis toutes mes défenses, toute la retenue que je gardais habituellement exploser. J'avais beau ne pas toujours être agréable avec les personnes que je croisais, j'étais froide, sans pour autant leur crier dessus. Mais là, plus rien ne comptait. Je ne voyais plus les gens, je voyais seulement le sourire d'Aelle qui semblait nous observer comme des bêtes de foires, je sentais le regard d'Alyssa satisfaite d'avoir failli me faire pleurer et je ne pus retenir la tension qui m'étrennait. 

« C'est quoi ton problème à toi ?! Tu nous trouves harmonieuses et tu veux nous voir nous disputer ? Mais qui aime voir les gens se disputer au juste ?! Hein ? » 

J'inspirais alors fortement pour tenter de retrouver une voix un peu plus posée que cette voix étranglée qui était sortie de ma bouche. La rage était toujours présente mais allait désormais se symboliser par une froideur hors du commun qui serait à l'image de mon regard. Regard qui se dirigeait toujours vers ma camarade.

« Je suis venue te demander si ça allait, tu m'as repoussée comme si je venais te demander quelque chose de matériel ou que j'attendais quelque chose de toi alors que je venais seulement faire preuve d'un peu d'humanité. Sache que ce n'est pas tous les jours que je m'intéresse à quelqu'un comme on l'a si bien fait remarquer il y a peu de temps. » 

Je parlais bien évidemment de l'allusion de ma soeur au fait que j'étais insupportable, rechignant à lui donner de la considération en la dénommant. Je ramassais alors les minuscules morceaux de la photo et les balançais sur elle.

« Alyssa, c'est quoi ton problème aussi ? T'as toujours été jalouse de Madi, mais si tu étais plus agréable avec moi, peut-être que j'aurais plus de considérations pour toi. Tu m'as lâchement abandonnée.  » 

Cette diatribe m'avait épuisée. Je n'avais pas pour habitude de dire ce que je pensais. Je n'avais pas pour habitude de mettre ainsi les choses au clair. Je n'en pouvais plus de rester ici. Je ramassais les morceaux de photo, m'enveloppait dans ma cape et sans plus me soucier ni d'Alyssa ni d'Aelle, je sortis du Chaudron Baveur pour me retrouver du côté du Chemin de Traverse. N'ayant plus la force de bouger, je m'asseyais contre le mur attenant au célèbre pub, dans un recoin à l'abris des regards indiscrets, je repliais mes bras autour des mes genoux et des soubresauts commencèrent alors à m'agiter au rythme de mes pleurs et respirations...

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.

05 sept. 2018, 09:09
Volupté  Libre 
Je n’avais pas acquis le savoir qui changera à jamais ma perception des sons ; disons que j’avais désormais compris qu’il pouvait être bon de se laisser aller à une écoute qui ne cachait aucun savoir. Mon esprit épuisé de la journée et mon estomac encore lourd des plaisirs du Cabalistique Festin des Mages n’avaient aucune sorte de question à se poser sur l’importance ou non d'Écouter. Mon esprit endormit se laissait porter par les évènements, s’agitant parfois pour me faire réagir à une chose ou s’apaisant quand il pensait ne pas avoir à crier. J’estimais qu’il était plus simple d’être endormie que réellement réveillée.

Je relevai mon nez pour mirer Ebony de tous mes yeux puis je m’arrachai à ma contemplation pour regarder sa soeur. J’avais beau être aveugle des Autres, je pouvais parfaitement voir la tension entre ces deux-là. Elle ne me faisait cependant pas peur. Je la trouvais plus agréable que l’amour dégoulinant qui rendait le corps tout mou et sans force. Il y avait une puissance certaine dans les voix qui tremblaient de colère et dans les yeux qui brûlaient. Il m’était plus aisée de répondre à la colère qu’à la tendresse ; cela me frappa alors que je baladais mes yeux entre les deux soeurs, frissonnant sous leurs regards de braise. Je m’arrêtai sur celui d’Ebony ; sa transformation m’alpagua : de glace qui fond il était passé à l’ardeur d’un feu d’été. L’un de ces feux destructeurs qui bouffent tout sur leur passage. Je n’en tremblai pas moins lorsque je remarquai que ce regard m’était particulièrement adressé. Je me redressai légèrement, éloignant mon nez qui était tendu vers son odeur.

« C'est quoi ton problème à toi ?! Tu nous trouves harmonieuses et tu veux nous voir nous disputer ? Mais qui aime voir les gens se disputer au juste ?! Hein ? »

Elle grondait. Sa voix enflait du plus profond de son ventre pour s’éjecter de sa bouche en un dégueuli de mots écoeurant. Ses yeux m’accusaient, ils brillaient de toute leur force, m’arrachant un souffle brûlant contre mon gré. Ma bouche s'entrouvrit légèrement ; peut-être mon corps voulait-il évacuer la soudaine tension qui m’envahit les sens et me brouilla le regard. Je restai un instant aveuglé par ma propre surprise, le regard flou et le coeur incertain devant le cri de cette fille qui avait un souffle à me renverser par terre. Je papillonnai des yeux une fois, puis une seconde fois, élargissant mon regard pour le porter sur Ebony qui, finalement, n’avait absolument pas changé. Elle avait toujours été ce feu ardent, et cette soeur était son enclencheur. Il n’avait suffit que de sa présence pour démarrer Ebony et la voilà désormais à hurler et à Vivre. Et elle osait me reprocher de les trouver harmonieuses ?

« Je suis venue te demander si ça allait… ». Son regard avait cessé de brûler. Désormais, il était aussi placide que celui que j’avais rencontré. Il violait mes yeux pour s’affirmer de force dans ma tête, il m’arrachait les veines pour transformer mon sang en glace.

Mon souffle se bloqua quelque part entre ma bouche et le bas de ma gorge. Il ne s’échappa ni de mes lèvres, ni d’ailleurs ; il était simplement là, écrasant peu à peu mes poumons paniqués. *Qu’est c’tu fous, Ebony ?*.
Pendant un instant, je crus mourir de peur. Puis cette sensation disparut pour ne laisser que la curiosité malsaine qui me faisait, tout compte fait, aimer le monde comme il était.

« ...tu m'as repoussée comme si je venais te demander quelque chose de matériel ou que j'attendais quelque chose de toi alors que je venais seulement faire preuve d'un peu d'humanité. »

Mon regard avait quitté le sien pour regarder ses lèvres ; elles s’agitaient lentement, détachant chaque syllabe des autres pour que la signification me parvienne. Sa voix avait un quelque chose d’effrayant en plus mais sa mélodie était toujours aussi chantante à mes oreilles. Avant même qu’elle ne termine sa phrase, je tournai mes yeux vers sa soeur, désespérant de capter un jour son regard. Je la regardai, avide de voir sa réponse. Mais rien ne se dessinait sur son visage, il restait hermétique à mon regard ; il n’y avait que ses yeux pour brûler.

Quand la voix s’éteignit, je remarquai que le Chaudron était toujours aussi bruyant. Les vieux à nos cotés nous jetaient des regards curieux, des gamins babillaient au loin, des rires emplissaient l’espace et le son des coupes qui s’entrechoquent résonnait à mes oreilles. Assise sur mon banc, coincée entre un Ricke flamboyant de son poil d’hiver et deux soeurs harmonieuses, je n’aurai bougé pour rien au monde. Et si mon coeur battait rapidement dans ma poitrine et que ma gorge était nouée par les cris d’Ebony, je me sentais bien.

Je frottai le morceau de photo entre mon pouce et mon majeur avant de le cacher dans l’obscurité de mon poing. Ebony, dont le visage tremblait horriblement se pencha alors pour rassembler tous les autres morceaux et les balancer sur sa soeur. Elle repartit de plus belle dans l’harmonie de sa voix, chantant mille mots qui auraient peut-être du m’émouvoir si je n’étais pas obnubilé par la pluie des morceaux de papier qui tombaient en vrillant autour du crâne de sa soeur au Yeux-de-feu. Quand je parviens à détourner les yeux, ce fut pour apercevoir la Fille-à-la-moue s’envelopper dans sa cape. Mue d’une certaine impulsion, je me soulevai de mon siège et posai un genou sur ce dernier, tirant sur mon corps pour apercevoir le visage d’Ebony. Je frissonnai en mirant son regard d’eau et son visage froissé de colère ; ou peut-être était-ce la tristesse. Je me levai doucement en la suivant du regard tandis qu’elle se jetait sur le passage menant au Chemin de Traverse. Elle disparut de mon regard aussi rapidement qu’elle s’y était imposé. Mon coeur trembla un instant du manque de son regard avant de s’apaiser.

*Elle m’a même pas dit au r’voir !* s’agita ma conscience. Je soupirai en m’agenouillant de nouveau sur le banc, ramenant Ricke près de moi. Je caressai ses feuilles ; il était doux sous mes doigts. Mon esprit rejouait sans cesse la scène des yeux d’Ebony, de leur couleur rendue floue par les larmes. Je grimaçai et jurai entre mes lèvres : je détestais les larmes et même si cette abrutie, qui avait l’immense qualité d’avoir l'âge d’aller à Poudlard, aurait pu m’être d’une grande aide, il était hors de question que j’aille affronter sa colère-tristesse aussi idiote qu’elle.

« Toi aussi, tu vas pleurer ? » dis-je à la soeur en la regardant du coin de l’oeil.

J’espérai que non : j’avais encore l’espoir que son regard touche le mien. J’avais peur que cette rencontre soit aussi bouleversante que celle avec les yeux renversant de sa soeur. Pourtant, je ne me détournerai pour rien au monde de ce futur renversement. J’attrapai ma chope et fermant les yeux, je trempai mes lèvres dans le liquide chaud et sucré. Ma gorge émit un bruit langoureux et j’y laissai couler une seconde gorgée, l’esprit de nouveau embrumé, mais cette fois-ci par la douceur de la boisson.


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Narym Bristyle


S’il n’était pas homme à se laisser aller à la colère, Narym n’avait aucun pouvoir sur l’agacement qui titillait sa patience. Il ne pouvait que subir l’assaut qui agitait ses doigts sur le comptoir et la frénésie de son regard qui passait du barman à la table où il avait laissé sa soeur en compagnie. Ce n’était pas tant de laisser sa soeur qui le dérangeait que de la laisser en compagnie ; il ne savait que trop bien que les moments où Aelle était le plus instable était ceux où elle était en compagnie. Et il avait sentit, en quittant la table, que la compagnie de cette petite fille n’était pas une chose à laquelle sa soeur, aussi éprouvée soit-elle, avait l’habitude. Il gardait donc un oeil sur elles, ne sachant s’il devait s’inquiéter ou non de les voir en pleine discussion.

Il était accoudé au bar pour se retenir d’aller rejoindre Aelle. Il avait donné sa commande au barman il y avait de longues minutes de cela et il grimaça de voir ce dernier servir une nouvelle fois une bièraubeurre pleine à un vieux monsieur ridé. Finalement, il finit par accrocher le regard de l’employé et lui jeta une oeillade appuyée ; l’homme arriva vers lui et se contenta de lever un sourcil sur son front, achevant d’agacer Narym.

« Ma chope de chocolat-citrouille, » dit celui-ci sans desserrer les dents. Puis, après avoir inspiré doucement : « S’il-vous-plait. »

Le barman marmonna des mots inaudibles qui n’intéressaient pas Narym. Il s’était déjà retourné vers la table et son coeur s’arracha de sa poitrine quand il aperçut qu’une deuxième fille s’était rapprochée d’Ebony. Au vu de sa peau mate et de ses long cheveux sombres, Narym ne prit guère de temps pour deviner qu’il s’agissait de sa soeur. Il était heureux de ne plus savoir Ebony seule, mais ne pouvait s’empêcher de crever le dos d’Aelle de son regard inquiet. Cette dernière était presque affalée sur la table, sa plante désormais loin d’elle. De sa position, il ne pouvait pas entendre les conversations. Ses sourcils se froncèrent néanmoins : il pouvait lire dans la gestuelle des deux invités que la paix n’était certainement pas un contrat entre elles.

« Par Merlin ! » ahana Narym lorsque la soeur d’Ebony déchira ce qui semblait être une photo.

Devinant que le cours des choses venaient amplement de s’accélérer, Narym se retourna vers le comptoir et jeta un Gallion sur la surface en bois. La pièce fit quelques tours sur elle-même avant de tomber sur sa face en un bruit cristallin. Le barman posa la chope à côté avant de s’emparer du sou sans même jeter un regard sur Narym. Ce dernier fit l’effort de balancer un « Au revoir. » de mauvaise foi avant de s’éloigner.

Son coeur n’en avait plus finit de s’ébattre quand il assista au départ d’une Ebony drapée dans sa cape, le visage bouffi d’un quelque chose qui secoua l’estomac de Narym. Il s’avança de quelques pas, ne sachant que faire. Jetant un oeil au visage de sa soeur, inquiet, il comprit bien vite que cette dernière allait pour le mieux ; elle était plongée dans la contemplation de sa plante et ne paraissait pas souffrir du départ soudain de sa compagne. Le coeur en peine, Narym grimaça à cette constatation. Pour lui, il était évident qu’Aelle passerait une bonne partie de sa scolarité - peut-être même de sa vie- complétement seule ; il refoula l’onde de tristesse qui agita ses traits : il ne pouvait rien y faire pour le moment.

Il prit sa décision sur un coup de tête : il tourna le dos à sa soeur et prit la direction du Chemin de Traverse, prenant soin de ne pas renverser la boisson Ô combien précieuse qu’il avait eu tant de mal à obtenir. Dans la ruelle, le vent de février le fit frissonner. Son épais costume ardoise ne protégeait pas sa nuque de la fraîcheur de l’hiver. Il s’avança de quelques pas, ses pieds résonnant sur les pavés.
La ruelle n’était pas un lieu accueillant ni un endroit pour les petites filles. Elle était sombre et sale, encombrée de vieilles caisses et de tonneaux en bois. De sa main libre, Narym agita sa baguette en marmonnant « Lumos ». Il fit un tour sur lui-même avant de se tourner vers le coin le plus sombre de la ruelle, celui qui était le plus encombré. Il s’avança doucement et soupira lorsque le bruit des pleurs parvint à ses oreilles. Il se glissa entre une caisse et ce qui avait dû être une table ; cachée là, une Ebony qui semblait en proie à une détresse violente.

L’homme s’agenouilla, se gardant d’illuminer le visage de l’enfant de sa baguette. Il posa la chope près de l’être misérable et ferma les yeux un instant pour ne pas se laisser aller à la peine que la peine de l’enfant créait en lui.

« Ebony, dit-il. Tu n’allais pas partir sans ton cadeau d’anniversaire, quand même ? »

10 sept. 2018, 23:05
Volupté  Libre 
Je n'entendis pas Narym arriver et sentir sa présence à mes côtés me fit sursauter. Tout à mon désespoir, je n'avais pas fait attention au fait qu'il faisait nuit et que je me retrouvais dans un coin sombre, pas forcément un endroit où il était bon pour une fille de mon âge de sortir ainsi seule surtout en étant aussi vulnérable que je l'étais actuellement.

J'avais une conscience assez aiguë de mon état actuel. Un état lamentable. Je sentais mes larmes continuer à couler alors que je levais lentement les yeux vers l'homme qui venait à ma rescousse. Je sentais mes cheveux pendre lamentablement et coller sur mes joues et mon front à cause des sillons tracés par mes larmes. Mes yeux étaient probablement devenus rouges et bouffis, plein de l'eau salée qui sortait de mon corps et je commençais à sentir une barre pointer le bout de son nez sur mon front.

Je sentis la chaleur de la choppe de chocolat-citrouille contre mon mollet. Je la pris dans mes mains pour me réchauffer - mine de rien il ne faisait pas si chaud en cette froide soirée d'avril - et l'odeur qui s'en échappait commença à me calmer lentement mais sûrement. Mes sanglots devinrent de moins en moins puissant pour finir par ne laisser que des larmes s'échapper de mes beaux yeux bleus. J'avais vraiment bien fait de commander cette boisson, c'était le réconfort à tous mes maux et je savais que même quand je serai adulte avec peut-être des marmots autour de mes jambes, je prendrais toujours de cette boisson en cas de besoin imminent, comme actuellement.

« Ebony, tu n’allais pas partir sans ton cadeau d’anniversaire, quand même ? »

Cette simple phrase pouvait paraître sans intérêt mais elle me fit sourire. C'était rare que quelqu'un s'intéresse réellement à moi et Narym était simplement gentil alors même qu'il ne me connaissait même pas encore une heure auparavant. Il me faisait un peu penser à Katy qui avait pris soin de moi. Il n'était pas obligé de le faire. Il aurait pu me laisser seule dehors. Et s'il était arrivé aussi vite c'est qu'il avait continué de nous observer en allant chercher spécialement mon jus de citrouille. Alyssa n'en avait pas fait autant alors que c'était ma SOEUR. Comment une soeur pouvait-elle laisser sa cadette aller dehors sans tenter quoi que ce soit ? On ne s'entendait pas, d'accord, mais je n'était quand même pas partie dans le meilleur endroit qui soit pour moi.

Mes yeux séchèrent petit à petit et mon sourire grandit sur mon visage alors que je prenais une gorgée de ce fantastique jus. Il n'y avait plus d'Ebony froide, mystérieuse, sans pitié, désagréable et tous les défauts qui me caractérisaient. Il y avait seulement une petite fille qui avait besoin de réconfort, ce qui venait d'arriver grâce à Narym. Je le remerciais  de mon plus beau sourire.

« Merci pour le jus, et pour me l'avoir amené.  »

Je laissais passer un silence, appréciant simplement le fait de ne pas être seule en ce moment qui devait symboliser mon anniversaire, le fait d'avoir ma boisson favorite dans les mains et d'être avec quelqu'un qui semblait visiblement se soucier un minimum de mon bien-être. Un petit soupir de satisfaction passa le bout de mes lèvres, aussi bien pour symboliser la fin de ma crise de larmes et le réconfort qui m'envahissait petit à petit. Je savais que les traces de mon désespoir étaient toujours visibles sur mon corps, mais l'apaisement qui vient après la tornade s'infiltrait doucement en moi. J'avais l'impression d'être en dehors du temps et je ne sais combien de temps passa avant que je ne me retrouvais à parler à nouveau.

« Alyssa est revenue. Elle a déchiré la photo que j'avais retrouvée de notre autre soeur et que je gardais précieusement depuis quelques jours dans ma cape. Je ne comprends pas vraiment pourquoi elle a agit ainsi... Je crois... Je crois qu'ils me cachent tous un peu des choses, ma grand-père, mon grand-père, Alyssa... Il s'est forcément passé un truc grave mais je n'ai pas les éléments pour comprendre...  »

Je ne savais pas s'il avait vraiment envie d'écouter ce que j'avais à dire. Jusqu'à maintenant il avait été gentil avec moi, mais peut-être était-ce simplement une marque de politesse, peut-être qu'il attendait simplement de me ramener à ma soeur pour ne plus avoir à s'occuper de moi. C'était une possibilité, mais j'avais besoin de vider mon sac et même si cela ne l'intéressait pas, je n'avais pas pu m'en empêcher. Il était rare que je réagisse ainsi, mais je me sentais en confiance avec Narym et je n'avais pas hésité une seule seconde. Je n'avais plus besoin de cacher mon côté fragile, je n'avais plus besoin de faire comme si j'étais forte et que tout allait bien alors qu'au fond de moi tant de choses étaient rompues. 

~ Alyssa ~

Alyssa n'avait pas passé une bonne journée. Après avoir abandonné sa soeur, elle avait été rongée par la culpabilité, mais il était hors de question qu'elle le montre à ses amis. Elle n'allait quand même pas s'abaisser à leur montrer qu'elle se souciait de plus jeune qu'elle alors qu'elle se plaignait constamment d'Ebony. Elle aurait été mise à l'écart de son groupe, qu'elle fasse partie des personnes les plus influentes ou non, cela ne changerait rien.

Elle avait donc passé la journée avec son groupe à traîner dans un parc quelconque de Londres en se moquant des personnes manquant de tomber en glissant à cause de la boue ou encore à critiquer leurs professeurs ou leur famille. 

Elle était revenue au Chaudron Baveur pour manger, donnant comme excuse qu'elle avait tout de même un devoir familial et qu'elle y allait bien évidemment par contrainte mais qu'elle ne pouvait y soustraire. Elle était directement montée dans leur chambre, se disant que l'heure étant largement dépassée, Ebony devait l'y attendre. Mais quand elle était arrivée et qu'elle ne l'avait pas vue, la panique l'avait envahie. Peut-être que la petite fille avait eu un accident ? Lui était-il arrivé quelque chose ? Avait-elle fait une mauvaise rencontre ? Elles avaient beau ne pas s'entendre du tout, Ebony restait sa soeur et elle tenait à elle même si elle ne l'avouerait jamais. Elle était une des seules personnes de sa famille qui lui restait. 

Elle avait descendue les escaliers à toute berzingue et son œil avait été attiré vers la table où sa soeur était installée avec une inconnue car elle était relativement vide pour seulement deux personnes. Toute sa peur s'était alors transformée en colère et sans plus se soucier de ce que la petite pouvait ressentir après sa journée, elle avait parlé sans vraiment réfléchir. La photo de Madison avait été de trop. Pourquoi Ebony continuait à idolâtrer autant leur aînée alors qu'elle les avait abandonnées au même titre que leurs parents ? Alyssa était remplie de jalousie. Elle ne supportait vraiment pas de ne pas occuper la place numéro 1 dans le cœur de la Serpentard alors qu'elle était la seule à pouvoir l'occuper au vu de la situation.  Elle avait réagit de manière complètement irréfléchie, sans plus se préoccuper de la petite fille qui assistait elle aussi à la scène alors qu'elle n'avait rien demandé. Elle regrettait d'avoir agit ainsi. 

La Serdaigle avait été absolument indigne de sa maison. Elle n'avait pas réfléchit une seule seconde aux conséquences de ses actes, agissant telle une stupide Gryffondor. Elle avait fait tout une scène, avait blessé Ebony, qui, si elle était vraiment insupportable la plupart du temps, était tout de même sa petite soeur, celle qu'elle devait protéger. C'était la dernière promesse que Madison lui avait arrachée. Quelques semaines après avoir disparu, elle lui avait envoyé une lettre lui demandant pardon de les avoir ainsi abandonnées, lui promettant qu'elle reviendrait après avoir trouvé la trace de leurs parents et lui faisant promettre de prendre soin d'Ebony. Alyssa n'avait jamais répondu, trop énervée contre Madison.

La benjamine de la famille avait souvent demandé à voir Madison après le départ de cette-dernière. Elle avait, sans s'en rendre compte, rejeté la cadette et ce rejet s'était très mal passé. Mais il s'était passé plus de trois ans depuis et avec ce qui venait de se passer, la cinquième année commençait à prendre conscience qu'elle ne s'était pas conduite de manière correcte, qu'elle ne s'était pas acquittée de la tâche qui lui avait été confiée et qu'il fallait vraiment qu'elle y remédie. 

Elle jeta un coup d’œil vers la camarade de sa soeur. Elles avaient probablement à peu près le même âge mais au vu des paroles échangées, elles n'avaient pas l'air spécialement amies. La petite fille qui lui faisait face avait l'air un peu dans son monde, Alyssa ne savait pas vraiment quoi lui dire. Elle marmonna quelques phrases avant de se diriger vers l'endroit où elle avait vu Ebony disparaître, la porte du Chaudron Baveur. Assez vite elle repéra une lueur peu lointaine. Prise de panique en sachant que la baguette de la Serpentard était restée dans leur chambre, elle se précipita vers la source d'émission et vit qu'un homme était auprès de sa soeur. Analysant cette fois-ci la situation avant de faire une nouvelle bêtise digne de la maison rouge et or, elle se rendit assez vite compte qu'il n'avait pas l'air particulièrement hostile. Au contraire d'ailleurs. 

« Qui êtes-vous ? »

Troisième année RP (2043-2044)

JE SUIS UNE FILLE.