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23 nov. 2018, 16:57
 RPG+  Myriade de Sens
La Lumière qui la frappe lui semble bien trop forte pour être celle de l'Aube. Pourtant, le jour vient juste de se lever. Ses paupières s'entrouvrent comme si elle venait de se réveiller. Mais elle ne vient pas de se réveiller ; et elle a entendu beaucoup de choses. Beaucoup trop de choses. Les Mots d'Aelle, ces Mots si étranges qu'elle aurait voulu scruter chaque détail de la face de la Présence tandis que celle ci les prononçait. Et puis les Mots de Mcwood, les conneries que l'Autre lui avait dégueulé à la figure. Qui l'avait fait se plier en deux. Mourir une deuxième fois. Tomber plus bas que terre.

Il fallut du temps à la gamine pour comprendre sur qui s'ouvraient ses yeux. Devant elle, il y avait deux filles, dans le couloir. *'l'est pas partie* Aelle était toujours là. Son Silence avait une autre explication que sa Non-Présence, une explication que les yeux clos de la fillette n'avaient pas pu percevoir. Mcwood se fit repérer rapidement, sa démarche désinvolte et imposante ne trompait pas la Poufsouffle. C'était l'Autre, là, devant.
*Mais...*
Pourtant, cette fille, avec la Baguette sortie et son petit Être tremblant, était-ce vraiment Aelle ? Oui. Oui, c'était évident. Et pourtant, la normalité apparente de la Présence frappait Thalia en plein ventre. En apparence, la Jaune qui se trouvait devant elle était une gamine comme les autres ; une Autre, justement. Oh ! Mais c'était une Autre, dans tous les cas. Une Autre avec un sacré Don pour faire chier et faire réfléchir la gamine, aussi. Pour l'attirer, un peu trop fort à son goût. Beaucoup trop fort. Aaah... Même les yeux ouverts, le Monde révélé, elle n'arrivait pas à comprendre le Secret d'Aelle. Ce truc qui l'avait rendu si bizarre, si proche, si... si dans le même Monde, dans le même Ici, que Thalia, quand cette dernière était plongée dans l'Obscurité.
Mais la posture tremblante et féroce de Celle qui avait désormais une Apparence ne laissait pas de doute ; c'était Aelle. Les yeux fascinés de la Poufsouffle dévalèrent la courbe de son dos, descendant jusqu'à ses pieds puis remontant explorer les cheveux courts de l'Autre, avides de découverte. Aelle faisait face à Mcwood ; sa face était cachée par le reste de son corps. *'tain* Elle pouvait pas voir ses Perles ; elle aurait tellement voulu voir ses Perles. Mesurer leur Profondeur. Leur Réalité.

Et puis il y avait cette... chose qui attirait désespérément son Regard. Ce Bâton-de-Magie que Aelle tenait dans sa main. Fidèlement, Sincèrement. Sans peur, sans crainte. Sans dégoût. Comme si le bout de bois était son Âme-Soeur, une autre partie d'elle. Raaah... La honte et la colère se frayèrent immédiatement un chemin dans son Esprit, essayant de détrôner l'Incompréhension et l'envie qui régnaient quand elle pensait à l'Autre. Elle n'était pas comme ça, elle. Le bâton qu'elle sentait tout contre elle, à sa ceinture, pressant sa peau... elle le haïssait. Elle en était dépendante. Beaucoup trop dépendante. Elle le détestait ! Comment était-ce possible que la Présence ait l'air aussi à l'aise avec sa Baguette ? Thalia était-elle vraiment la seule à être dégoutée de cet objet si Puissant ?
*Oui* Oui, elle était la seule. Oui, elle était la seule à être aussi anormale. La seule à avoir un lien aussi conflictuel avec sa Baguette. Ah ! Car le Bâton-de-Magie le lui rendait bien. Oh que oui ! Les sorts n'étaient jamais ceux voulu ; ou très peu souvent. Quand c'était essentiel, elle n'y arrivait pas. Ou elle y arrivait. Tout dépendait du bon vouloir du bout de bois.
Ou de son incapacité.
Parce qu'elle balançait toutes les fautes sur la Baguette.
Sauf qu'elle était tout aussi nulle que celle ci.
Incapable.
Pitoyable.

Et les deux Autres semblaient à l'aise avec leurs Baguettes ; Aelle tout du moins. Elle semblait normale. Normale mais différente. Sa posture, sa démarche. Sa face aussi, sans doute. *Mais elle est cachée* Les Perles de la Présence se dérobaient à sa vue ; se cachaient derrière les cheveux mi-longs qui dégoulinaient sur les épaules. *Magnifique*
Non. Pas magnifique, juste belle. La Présence était juste belle. Rien de plus. Magnifique était un Mot qui ne pouvait être attribué à un humain ; qui ne pouvait désigner qu'une Énergie, une force de la Nature. Ou un Élément, un Minéral, un Être Vivant Animal. Pas un humain. Les humains étaient tous moches, dégueulasses. Certains plus beaux que d'autres. Plus brutes, plus réels. Comme celle qui se trouvait devant elle. *Aelle*

Et pourtant le Mot magnifique semblait adapté. Naturel. *Magnifique* Le Mot roulait sous sa langue, même en Esprit. Adapté non pas à l'Apparence de l'Autre, mais à l'Être. À l'Aura bizarre et inhabituelle qui se dégageait d'Aelle.

Un mouvement attira son attention, soudainement. L'Autre, la brune, Mcwood. Qui se retournait, brusquement. Lançait une pique amusée et moqueuse en direction d'Aelle :

« Tu vas fais quoi avec ta baguette Bristyle ? »

Instictivement la gamine retient sa respiration ; tous ses muscles se tendent, près à Subir. Mais l'Impact ne vient pas ; les Mots blessants ne sont que pour Aelle. Ils bousculent Aelle, foncent sur son corps. Mais ne touchent pas Thalia ; parce que Mcwood n'a plus de Mots pour Thalia. La Poufsouffle de son âge ne l'intéresse plus ; seule compte l'autre, celle contre laquelle elle semble avoir un sérieux problème. Oui, il semblait y avoir de la haine en Mcwood ; de la haine dirigée vers Aelle.
*Ben tiens*
Mcwood était donc en tous points normale. Oui, sa normalité à elle aussi était frappante. Moins blessante que celle de la Présence, pourtant, parce que celle-ci semblait normale quand elle avait les yeux ouverts alors qu'elle l'avait fait espérer quand le Monde lui était caché.

Les Autres étaient si étranges. Si stupides. Mais au moins, ils n'étaient pas incapables, ni pitoyables. Pas comme elle. *Quoique...* Mais en cet instant, la Poufsouffle se demandait si elle ne préférait pas être inutile qu'être comme les autres, qu'être pareille. Pas comme Mcwood ; parce que Mcwood suivait le troupeau.
Aelle s'était fait renvoyée. Pour s'être apparemment mal comportée. La Jaune ne savait pas, elle n'avait pas vraiment écoutée. Dans son coin, à sa table, elle était plus concentrée sur un bouquin que sur les chinois. Sans doute était-ce pour ça qu'elle n'avait pas vu Qiong avant. Elle n'avait relevée la tête que quand la directrice s'était levée ; quant elle avait attrapée Aelle pour la forcer à se lever. Mais elle ne l'avait pas regarder ; elle ne s'était même pas souvenue de cette fille. Mais toujours était-il que l'Autre s'était fait renvoyée, et que cet élément inhabituel avait suscité de la haine, de la haine et de la moquerie.
Oui, Mcwood suivait le troupeau. On détestait Aelle, elle détestait Aelle.
*Moi aussi, j'la Déteste*

Elle aussi, elle déteste Mcwood. Et Aelle. Pas pour les mêmes raisons ; pas pour avoir eu le courage et la force de survivre hors du Château. Elle la détestait pour l'avoir troublée ainsi. Pour avoir été la seule personne assez intéressante et troublante qu'elle avait vu depuis la rentrée. Pour avoir failli comprendre ce que la petite était et révéler ce qu'elle était, et pour s'être dérobée juste après.

Mcwood s'est approchée d'Aelle ; lui murmure quelque chose. *Quoi ?*, hurle tout l'Être de la petite. Qu'est c'qu'elle lui dit ? Thalia tend l'oreille ; mais elle n'entend rien. Rien d'autre qu'un Murmure persistant. *'tain* Et puis l'Autre se recule, et un sourire moqueur tord de nouveau sa face tandis qu'elle ouvre son Gouffre. *J'avais raison* Ah ! Elle avait bien imaginé le Gouffre de Mcwood, cette bouche toute noire qui s'ouvrait, puis qui crachait des Mots blessants.
Et ça ne loupait pas.

« Ah non … C'est vrai … Des amis, tu n'en as jamais eu … »

*Idiote*
Pourquoi Mcwood ne savait faire que ça ? Blesser les gens.
Mais peut-être que c'était vrai. Qu'Aelle n'avait jamais eu d'amis ; après tout elle n'en savait rien.
Dans ce cas, sans doute que la Présence serait blessée encore plus.
Idiote.

La brune tourne les talons, s'en va. *Tant mieux*, pense tout d'abord Thalia. Sauf que non. Pas tant mieux. Elle ne s'est toujours pas expliqué avec Mcwood. Elle ne lui a toujours pas fait ravaler de force les Vérités Blessantes qu'elle lui a dégueulé à la face. Le Cri monte dans sa bouche, laisse un goût amer. Mais elle le ravale, de force. Est-ce qu'elle ne doit pas laisser Mcwood s'en aller ? Rester tranquille.
*Non*
Parce qu'il y a Aelle, et qu'elle a trop peur que celle-ci se barre dès que Mcwood ne sera plus là.

Alors sa face à elle aussi se tord, mais ce n'est pas un sourire qui s'y dessine, ce n'est rien, en fait. Sa face est comme elle : rien.

« Comment oses-tu ? »

Le Cri est sorti tout seul ; a dévalé sa langue pour se déverser dans l'air.

« Comment oses-tu dire des choses comme ça sur des gens que tu ne connais même pas ? »

*Peut-être qu'elle la connait*

« Tu dis qu'elle n'a pas d'amis ; peut-être est-ce vrai. Je m'en fous. Mais toi, en as-tu seulement ? »

*Moi, non* Elle n'a pas d'amis, Thalia. Pas de vrais amis.

« Tu dis à Aelle qu'elle ferait mieux de rentrer chez elle. As-tu seulement pensé une seule seconde qu'elle pourrait avoir eu envie de rester chez elle ? »

Pas elle. Oh non, si c'était vrai, la gamine ne comprenait pas comment cela pouvait être possible.

« J'la comprendrais, au moins tu s'rais pas en train d'la faire chier. »

Fini de causer de l'Autre. Et les Mots si blessants qu'elle lui à jeté à la face, à elle, tout à l'heure ?

« Tu dis que je prends exemple sur elle. »

C'est vrai. *Non*

« Tu dis que je veux rater ma vie comme elle. »

Aelle a raté sa vie ? Sans doute pas ; mais Thalia, elle, l'a déjà ratée.

« C'est faux. Je ne prends pas exemple sur elle. »

Si.

« JE LA DÉTESTE ! »

Oh oui, putain, elle la hait. Elle la hait d'être aussi troublante et importante, et de l'être devenue en quelquesminutes.

« ET TOI AUSSI J'TE DÉTESTE, MCWOOD ! »

Ah ! Ça fait du bien d'gueuler.

« J'vois même pas pourquoi j'te cause. »

De toute façon l'Autre part.

« Idiote. »

Elle se détourne, tourne le dos à Mcwood, et puis se relève. Fait quelques pas, s'adosse contre le mur. *J'suis comme Arthus* Quand elle a causé à Mcwood, quand elle lui a gueulé dessus, elle était comme son frère. Comme les Autres. Elle parlait même plus comme elle ; elle criait comme les Autres savaient crier.
*Pitoyable*
Ressembler à celui qu'elle haïssait le plus au monde, plus qu'Aelle, plus que Mcwood... le seul Mot pour désigner ça, c'était bien lui. Pitoyable.

Derrière ses cheveux sombres qui se rabattent sur son visage, elle jette un coup d'oeil à Aelle. Elle n'a toujours pas causé. Elle est Silencieuse ; comme Thalia d'habitude. Elle trône en Reine du Silence dans ce Monde plein de cris.

Mais elle, elle n'en peut toujours plus.
Finalement, ce n'était pas une si bonne idée d'ouvrir les yeux.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

26 nov. 2018, 10:32
 RPG+  Myriade de Sens
Qu’est-ce que je fais, par Merlin ?

Je sens ma baguette contre la peau moite de ma paume. Je sens mes jambes qui tremblent et mon coeur qui se révolte.

*J’fous quoi ?*

Mes yeux transperçant le dos de Mcwood, je ne vois rien d’autre. Rien d’autre que cette chose vide. Vide de ma propre volonté. Je devine mes cheveux autour de mon visage ; pourquoi eux, hein ? Je m’en fous de mes cheveux. Et pourtant, je les sens. Ils encadrent mes joues, des mèches partent dans tous les sens. Je vois même le bout de l’une d’elle gravir l’orée de mon regard. Mes cheveux sont fluides autour de moi, je dois me faire violence pour ne pas détourner mon regard de l’Autre pour les regarder.

*J’fous quoi ?*

C’est l’moment !
Ah, la voilà. L’Ancienne. Je me rends soudainement compte qu’elle est vraiment là, cachée quelque part sur le bord de mon oeil droit. L’Ancienne Moi qui gémit de colère. Par tous les Mages, comment puis-je être capable de deviner aussi facilement ce que j’étais ? Je la vois avancer et lancer un sortilège de toute sa force. Ah, qu’elle est belle. Je suis belle.

*C’est l’moment !*

Mcwood. Elle est là, devant moi. Elle s’est retournée ! Ma gorge se serre face à son regard ; non, face à son sourire. Il déforme son visage. Ah, Merlin, que je me déteste de trembler alors qu’elle s’avance vers moi. *Elle arrive !*. Mes yeux s’écarquillent. Je veux reculer mais je ne peux pas. J’ai peur ? Merlin, est-ce que j’ai peur ? Mes entrailles se tordent, mon ventre se révolte. Mon coeur bat dans ma gorge. J’ai tellement chaud.
Je crois que j’ai peur.
Dans le coin de mon oeil droit, l’Ancienne Aelle a déjà ri face au sortilège qu’elle a créé. Elle rit déjà devant l’air déploré d’une Mcwood hurlant de douleur.

Moi, je ne fais rien. Je ne fais rien du tout et cette Autre est tout près de moi, maintenant. Mon coeur bat si fort qu’il me fait mal. Il me fait tourner la tête ; je cligne des paupières pour éclaircir ma vue brouillée. Je ne pleure pas, non. Je suis seulement paumée dans ma tête. Paumée entre toutes mes pensées. Paumée dans mon propre corps.
Soudainement, je sens ma main. Ma peau me fait mal. Je ne peux pas regarder parce que Mcwood me capture. Ouais, elle me retient foutrement prisonnière de son sourire. Ma main, je sens ma main qui se fait mal en serrant ma baguette. Putain, je la serre si fort que ses aspérités me rentrent dans la peau !

*Mal*

Mcwood est là et je comprends instantanément que je ne bougerais pas. Je comprends que je n’en suis pas capable, que mon corps ne me répond plus. Je ne peux que Regarder en sentant mes veines se tordre sous la glace de ma peur.
Oh, par tous les Mages, j’ai envie de hurler et d’empêcher mon coeur de se liquéfier comme il le fait. Pourquoi il me fait si mal ? J’ai envie de pleurer. *Non !*. Non, ne montre rien. Ne fait rien. Surtout, ne montre rien. Rien du tout, hein Aelle ? Ne montre rien.

Le parfum de Mcwood m’explose les veines. Ah, je ne retiens pas ma respiration. L’odeur s’invite dans mon nez puis dans mon crâne. Je la déteste. Oh, je la déteste doucement et presque sans douleur. Je la déteste tout au fond de mon coeur, tout au fond de mon corps. Je la déteste sans trop le sentir.

Quand elle quitte ma main, je ne réagis pas. Soufflée, ma respiration se coupe. Je plonge dans le regard de Mcwood, j’y vois mon propre reflet, ma propre tétanie.
*NON !*. Mon coeur me fait si mal qu’il m’arrache une inspiration erratique. *Non !*. Je bouge les doigts de ma main. Ma baguette ! Non, non, pas ma baguette !

L’angoisse me vrille le corps. Je le sens planter ses griffes dans mes membres pour m’empêcher de bouger. Toutes mes pensées sont tournées vers elle, ma baguette. Je ne la sens plus entre mes doigts. Par Merlin, je ne la sens plus.
Je suis complètement à poil. Je suis complètement à toi, Mcwood. Je ne peux rien faire. Rien faire. Je n’arrive pas à m’arracher de ta poigne pour réagir à l’ordre de ma main qui tremble si fort qu’elle me cogne la cuisse : ramasse-la ! hurle-t-elle. *Baguette !*.

Et quand Mcwood se penche au-dessus de moi, que je sens sa chaleur frôler ma joue, je ferme les yeux car je suis tétanisée. Je suis tétanisée de sentir ses cheveux me caresser.
Ma peau se couvre de mille frissons. *Ma baguette…*.
Je ferme les yeux. Je ferme les yeux.
Je suis tétanisée. L’Autre, elle m’explose à la gueule. Elle m’arrache la peau, elle me déchire l’esprit, elle me pourfend l’égo. Il s’écrase sur la surface de mon existence. Non. En fait, je ne sais pas vraiment. Je ne sais pas trop. Je ne sais plus rien. *Ma bagu…*.

Elle est si chaude. *Mcwood*. Pourquoi suis-je ici ? Qu’est-ce que je fous là ?

« Alors Aelle… »

Sa voix. Elle est lointaine.
Pourquoi je la déteste si sourdement ? Pourquoi ne puis-je pas exploser de ma colère ?
Je suis tétanisée. Je tremble. Je tremble fort. Oh Merlin, je n’arrive pas à penser. Je n’arrive pas à penser.

« Qui est la plus idiote des deux désormais ! Celle qui te juge de haut et qui marche fièrement, ou celle qui n'a plus d'avenir, de prestiges… »

Je vais tomber. Je vais me ramasser la tronche par terre. Je vais tomber en avant, dans les bras de cette Autre. Je me sens flancher, renverser.
Ma respiration est laborieuse. Les mots peinent à se frayer un chemin dans mon crâne, pourtant Ils sont bien là. Dans mon coeur qu’ils marquent de leur feu.

« D'amis… »

J’ai mal. Ça y est, je me penche en avant, blessée. L’Autre dégage avant que je ne la touche. Je n’arrive plus à respirer.
Je ne suis pas blessée. J’ai juste peur. *D’amis*. Juste peur. Je secoue la tête. Je secoue la tête et j’ouvre grand mes yeux déchirés pour les foutre sur Mcwood. Elle est si grande, Merlin. *D’amis*. Je secoue la tête ; la tête mentale. J’envoie la pensée au loin, je l’envoie très loin. Je lui fous mon pied dessus et bientôt je ne l’entends plus.

Mcwood s’en va. Ma gorge est si nouée ; mes yeux me font si mal. Je la regarde partir, mes épaules tressautent sous ma respiration difficile.
*Qu’est c’que j’fous ?*.
Penchée en avant, la douleur est plus forte. Les yeux gorgées de larmes, je déplace tant bien que mal ma face vers le sol. Je sais que je dois récupérer ma baguette, mais je ne sais pas ce que je dois faire. Je ne sais plus comment me pencher, comment la ramasser.
*J’la vois pas !*.
Perdue, je relève les yeux sur Mcwood qui se barre.
*Non, baguette !*.

Où est-elle ? Le sol est flou, le monde tangue. Mon corps n’existe plus, je ne suis qu’un esprit qui Cherche. J’entends ma respiration dans mes oreilles, elle me déchire les tympans. Je n’arrive pas à faire partir ma peur. Elle est dans la moindre parcelle de mon coeur, me réduisant à l’état de rien, me bouleversant. Je suis bouleversée.

Un sanglot s’échappe de ma bouche. J’écrase mes dents sur ma lèvre.

*Mcwood*.
*Où elle où ?*.

Je tremble si fort que je vais tomber. Je tremble si fort que je me sens tomber.

Je suis complètement figée. Perdue dans mon propre corps. Je tremble si fort que j’ai l’impression de bouger ; mais rien ne bouge. Je suis plantée là, le regard rivé sur le sol et je ne vois pas ma baguette. Je ne la vois pas et c’est ça qui m’empêche de bouger.

« Comment oses-tu ? »

Le cri me frappe, je sursaute.
Sur ma gauche, il vient de là. Je tourne ma tête défaite ; elle est là.

Je gémis. Je peux bouger. Le monde tourne autour de moi quand je me recule. Elle est là. *Gil’Sayan*. Et alors ? Hein, et alors ? Je la regarde, et je ne ressens rien d’autre que la douleur qui me tétanise déjà. Je la regarde et mon coeur est toujours aussi vide de ce trop-plein. Celui qui me dit que rien ne va. Rien ne va.

Les mots s'enchaînent. Je les entends. Et alors ? Ils n’ont aucun sens. Je ne peux pas bouger, de toute façon. Je ne peux plus.
Le monde tourne sans moi. La bouche un peu ouverte, j’avale de mes yeux la fille-fermée qui ne l’est plus. Je la regarde sans la voir.

« JE LA DÉTESTE ! »

*Je…*

Je me détourne. Vers le couloir, vers les fenêtres.
Les Mots, comme une arme, se sont rués sur moi pour se planter dans mon coeur. Une douleur sourde se répand dans mes veines et dans ma tête. Une douleur pleine de chaleur qui fait flamber mes joues et roussir mes yeux.
*Ça r’commence*. La pensée est si claire dans ma tête. Elle s’impose naturellement dans mon crâne et s’installe confortablement avec tous ses souvenirs qu’elle déroule devant mes yeux ébahis. En fait, j’ai vraiment mal. *Ça m’fait mal d’partout*. Je cligne des yeux, je regarde le ciel puis le plafond. Ça me fait vraiment mal dans le corps et dans la tête.
Je crois que c’est la première fois que je m’en rend compte.

Je sais où je suis. Tout me revient. Je cligne à nouveau des yeux, de chaudes larmes s’en échappent et roulent sur mes joues. Je cligne encore et une goutte dégringole le long de mon menton.
Un hoquet me secoue la gorge ; un sanglot. Puis mon visage se froisse et je baisse la tête sur mes pieds sans trop de raison. Mes épaules se soulèvent autour de ma tête, en rythme avec mes pleurs. Ça me fait vraiment mal ; j’en envie de rire en même temps que je pleure. J’ai envie de m’arracher le coeur. Je lève la main et je crispe mes doigts sur ma robe.
Merlin, ça fait mal.

Et plus rien. A un moment, j’arrête de pleurer. Je veux juste m’en aller. Je veux juste marcher. Je me retourne ; du coin de l’oeil je vois Gil’Sayan, pas loin. Je la vois, Elle. Elle est exactement la même que celle qu’elle était lorsqu’elle avait les yeux fermés, quand je pouvais la voir sans qu’elle ne me voit. Je la regarde et mon coeur se tord. *’ouvert ses yeux*. Ils n’ont aucune beauté, mais ils me font mal. Elle me fait mal toute entière et soudainement, je me rends compte que je ne la reconnais pas. Quelle qu’elle soit, elle n’est pas celle qui me faisait me sentir bien il y a… Il y a quoi ? Cela parait si loin. Mon coeur me fait mal comme s’il attendait autre chose d’elle ; mais quoi ? Il n’y a rien à attendre. *l’est comme Charlie*.

Oh non. Je regarde avidement sa face pâle. Elle n’en a pas l’air, mais elle est comme elle. Violente. Douloureuse. Écrasante. Dangereuse. *Comme Charlie*. Oh Merlin, je ne peux pas rester là. Je ne peux pas. 

Je me baisse ; elle est juste là, à mes pieds. Ma baguette. Je n’ai même pas envie de rire, ni même de sourire. Je la ramasse et je ne ressens même pas sa fréquence bouillonnante. Je la fourre dans ma poche intérieure.
Je veux seulement m’en aller. M’éloigner de cette Charlie. Je ne veux plus jamais la voir, par Merlin. Plus jamais jamais jamais. Je vais aller me coucher ; oui. Peut-être me coucher.

Je tourne le dos à Mcwood, je marche quelques pas et je m’arrête. Je reprends ma route, passe tout près de Gil’Sayan. Je passe tout près et je ralentis. Je peux ralentir, hein ? Je ne veux plus jamais la voir, alors je peux bien ralentir. La dernière fois, avec Charlie, je n’en ai pas eu le temps. Mais là, je peux ralentir un petit peu, comme ça après je ne penserais plus à elle et à la connerie qu’elle représente. Cette Autre, c’est une grande blague. Une grande connerie que je dois vite faire disparaître. Mon épaule la touche et je soupire tout doucement. Quand je m’arrache à ce contact, j’ai vraiment la sensation de perdre pied. Vraiment. Mon esprit se renverse en arrière et disparaît derrière mes yeux vides. Mon corps, lui, avance.

Il avance sans s’arrêter, m'emmenant Ailleurs. Ailleurs d’ici. Je crois que je me mets à courir. Qu’elle importance ? Il me faut seulement de la distance ; entre elle et moi.

27 nov. 2018, 20:12
 RPG+  Myriade de Sens
C'était les larmes qui l'avaient achevée.
Oui, c'était elles qui l'avaient tuée ; ou plutôt qui l'avaient fait s'effondrer. À l'intérieur, uniquement. De l'extérieur, elle était restée appuyée de tout son corps contre le mur, bien calée, pour ne pas s'effondrer pour de vrai, comme tout à l'heure. Les aspérités de la pierre lui meurtrissaient l'épaule, mais ses yeux de gamine restaient fixés vers Elle. La fille qui pleurait attirait désespérément son regard avide ; avide d'Aelle pour une raison incompréhensible à Thalia.

*'faisait longtemps*

Combien de temps ?

*Un, deux, trois, quatre... nan, un*

Oui, ça faisait à peine un mois qu'elle avait vu un Autre pleurer. Quand Mamie était Morte. Ils avaient pleuré ; ouais, ils n'avaient pas réussi à faire autre chose que de pleurer. Et puis elle, elle les avait regardé sans rien faire. Sans verser une larme. Oh ! Ce qu'elle s'en était voulu, ah ça oui ! Mais elle n'avait tout simplement pas réussi à pleurer ; toute sa Tristesse était restée à l'intérieur et en avait profité pour la dévorer toute entière. Ça avait du être un beau festin pour sa Tristesse, ouais. Un festin digne d'un roi.
Mais avant ce jour là, ça f'sait combien de temps ?

*Un, deux, trois, quatre, cinq...*

Trop de temps ; beaucoup trop. Pourquoi les Autres avaient-ils toujours les yeux secs alors qu'elle passait son temps à dégueuler des larmes salées ? Elle n'avait jamais trouvé la réponse ; à la place, des larmes coulaient sans relâche de ses Perles toutes ternes. Sauf là.
Là, elle ne pleurait pas ; elle ne pleurait plus. Les larmes qui n'avaient pas arrêtés de dégouliner depuis que le Cocon s'était brisé s'étaient enfin taries. À la place, le Monstre inconnu se déchainait à l'intérieur. Ravageait tout son petit Être de gamine, morceau après morceau. Mais les larmes ne coulaient plus, plus depuis qu'elle avait gueulé contre Mcwood. Et au moment où elles s'étaient taries, Aelle avait commencé à pleurer. D'un coup, comme ça.

*'ma faute*

Pourquoi ?

*'MA FAUTE !*

Pourquoi ne pouvait-elle pas s'empêcher de penser que c'était de sa faute, à elle ?
Ah ! Pourquoi la Présence s'était-elle mis à vomir toutes ces larmes, aussi ? Chaque goutte qui tombait à terre attirait désespérément la gamine. L'eau salée parcourait le sol de pierre par petites rigoles et s'étalait lentement en une petite flaque.

*Pourquoi ?*

Pourquoi tu pleures ?
Peut-être que c'était pour ça que ses yeux de gamines ne voulaient plus lâcher les larmes d'Aelle du regard ; elles étaient trop inattendues. Trop spontanées. Aelle était la dernière personne que Thalia se serait attendue à voir pleurer, là. Ah ! Comme elle aurait aimé que ce soit Mcwood à sa place, tiens. Comme elle aurait aimé voir son poing de gamine s'écraser sur la face déformée par la colère de Mcwood, écrabouiller les conneries que l'Autre lui avait balancées. Sauf que si Mcwood s'était trouvée devant elle, là, elle n'aurait pas été capable. *Si !* Non. Elle n'aurait pas été capable de lui balancer son poing dans le ventre, puis dans la tête, encore et encore. Parce qu'elle était faible. Pitoyable.
Elle voulait plein de choses, mais elle n'était capable de rien.

Et là, devant la Jaune, il y avait Aelle qui vomissaient des torrents et des torrents de larmes. Les sanglots incontrôlés qui s'échappaient de sa bouche fascinait la gamine ; littéralement.

« JE LA DÉTESTE ! »

*'ma faute*

Pourquoi elle avait gueulé ça ?

*'fait chier*

Et pourtant elle le pensait, merde, elle le pensait plus fort que tout.
Elle la détestait.
Mcwood était définitivement partie mais elle ne s'en était même pas rendue compte ; seule Aelle comptait. Aelle et ses larmes trop bruyants, trop dérangeantes. Trop présentes, trop consistantes. Ah ! Il n'y avait qu'elle pour être aussi consistante alors qu'elle ne devrait pas être là. Oui, Thalia devrait être seule, ici. Si elle était seule, ses paupières seraient encore closes. Si elle était seule, elle aurait atteint son but de la journée : découvrir comment la chinoise y arrivait.
Si elle était seule dans ce couloir... il n'y aurait rien. Si elle était seule dans ce couloir... pourquoi tant de si ? Non, la question était plutôt : voulait-elle être toute seule dans ce couloir ? Hein ? Voulait-elle avoir été toute seule depuis le début.

*Oui*

Non.
Non, elle voulait pas. Parce que maintenant, elle voulait trouver Aelle. Ah ! Elle voulait fouiller pour lui arracher son Secret. Comme avec la chinoise. Et la rouge. *Y'en a trop* Il y avait trop de personne, cette année, qui se dérobaient à sa vue. Qui laissaient percer leur Secret, comme ça, et puis qui l'enfouissaient bien profond quand elle voulait le saisir. Elle les détestait.

Pourquoi tu pleures ?

À cause d'elle. *NON !* Si. Elle le savait ; elle le savait très bien. Mais pourquoi ça la dérangeait, hein ? Elle devrait être contente ! Elle détestait Aelle et elle avait réussi à la faire pleurer.
Pourquoi elle était pas contente, tiens ? Hein ? Pourquoi ?! Raaah... Elle arrivait pas à être contente d'avoir fait pleurer Aelle, et ça la mettait en rogne.

« JE LA DÉTESTE ! »

*Arrête !*

Pourquoi la voix dans sa tête ne voulait-elle pas la fermer ?
Pourquoi était-elle obligée de la torturer ?

« JE LA DÉTESTE ! »

*Non !*

S'il-te-plait-tais-toi !
Elle ne la déteste pas.
Si.
Non.

Est-ce qu'elle la déteste ?
*Je sais pas* Un peu. Ou pas. Elle sait plus ; elle arrive plus à penser. À rien. Dans sa tête, c'est le Néant. Un Néant trop-plein. C'est le Vide parce qu'il y a trop de choses ; c'est le Silence parce qu'il y a trop de Cris. Elle n'y arrive plus.

L'épaule d'Aelle la défonce sans prévenir. *J't'avais pas vu approcher* Tout son bras tremble, encaisse le choc. Elle perd son appui ; son épaule dérape contre le mur et elle s'effondre à nouveau par terre, à genoux. L'impact se répercute dans ton son corps, tel une décharge électrique.

Et, éclair au milieu de la douleur, il y a le Regard. Les Perles d'Aelle qui croisent les siennes pendant une fraction de secondes tandis que l'Autre se barre en courant. *'tain* Pourquoi il est brûlant ? Furieux ? Dégueulasse de Profondeur, comme prévu. Son estomac se serre alors que l'Autre n'est déjà plus rien, elle est prise d'un haut le coeur qui la projette encore en avant.

« JE LA DÉTESTE ! »

Elle ne sait même plus qui parle à qui. C'est elle qui a gueulé ça ? Ouais, elle croit bien. À qui elle causait ? À elle-même ? Non. À qui, déjà ? *Aelle...* Ah oui, c'est vrai. À Aelle. Ben tiens, pourquoi elle se causait pas à elle-même ? Elle aurait du se causer à elle même.
Parce qu'elle se détestait, ça oui. Plus que tout, même. Ah... Ses yeux de gamine s'emplissent de la chaleur soudaine de l'air. Elle suffoque, elle étouffe. Elle veut gueuler, elle veut pleurer ; mais elle y arrive plus. Ses Mots, son Souffle, ses larmes... Tout se bloque dans sa gorge. Elle peut plus, elle n'arrive à rien.

Et le Monstre la dévore de l'intérieur, plus fort que jamais. Douleur. Tristesse. Colère. Incompréhension. Qu'est-ce qu'elle a fait ?

« JE LA DÉTESTE ! »

Est-ce qu'elle est Vivante ? *Peut-être* Elle ne sait pas.
Quand elle n'était qu'une enveloppe Vide et sans Âme, elle n'avait jamais eu aussi Mal.



Il semblerait... que cette Myriade soit finie.
Il semblerait... que ce soit à moi de la conclure.
Alors je le déclare :

- FIN -

Sauf si l'une d'entre vous veut reposter.
Parce que la Vie ne se fini jamais, n'est-ce pas ?

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]