Surprise par l'accolade profonde et sincère de son meilleur ami, Taylor ne pouvait que s'y blottir avant de laisser sa souffrance prendre le dessus et de tirer sur la robe sorcier de ce dernier. Elle n'en pouvait plus de souffrir seule, dans son coin, dans l'unique optique où ses propres démons rongeaient son âme, son esprit. Elle ne pouvait rien faire de plus que de pleurer malgré l'envie de faire sa demande : se séparer de Roxane, de l'image de cette dernière, mais aussi de la pression qu'elle mettait sur la moindre partie de ses relations ; comme si le simple fait d'essayer de se faire un ami était un échec, une désillusion dans un cercle bien plus vicieux que ne le voulait la vie.

Roxane l'empêchait d'être heureuse, de profiter de la véritable vie que lui offrait son présent. Ulysse y faisait partie, tout comme Athéna. Personne ne pouvait donc aller à l'encontre de cette défunte, même si on y mettait la plus grande des volontés. Cette souffrance, elle se faisait ainsi ressentir par l'ensemble des membres de ce cercle amical.

― Je ne veux plus souffrir, Ulysse. Tu es mon meilleur ami, et jamais, je ne pourrais plus être moi si tu n'es pas là... Si tu ne peux pas m'aider... Je ne veux pas te perdre. Je ne veux pas te perdre, toi. Je me sentirais encore bien plus nue que si l'on me retirait mon passé, mes défunts. Je ne pourrais plus jamais me voir en face.

Elle voulait réellement quitter ce passé pour vivre un présent plus serein, plus vivant, loin de la mort, mais elle ne voulait pas perdre l'ensemble de ses souvenirs, elle voulait les classer, se dire que tout cela resterait une expérience positive pour elle. Comment faire ? Comment survivre à soi-même ? Comment être soi quand le soi n'avait pas de sens authentique ? Cela la perdait comme un nourrisson perdait son bonheur lorsque les contractions le poussaient à naître dans un monde où la violence serait son premier combat d'où son premier cri serait sa victoire. Pour Taylor, ce cri de renaissance serait

― Je veux perdre cette image de mon enfance... Avancer... Mais je ne peux pas être seule, Ulysse. Je ne peux pas être seule, perdue dans l'immensité des démons qu'offre la vie. Et je ne veux pas être seule, je ne souhaite pas être arrachée à la réalité à cause de l'effacement de mon passé. Je ne veux pas te perdre, je ne veux perdre personne si j'efface une part de mon passé pour ouvrir ces nouvelles pages... J'ai besoin de toi...

Elle souffrait, cherchait à faire disparaître la présence de Roxane dans ses moindres faits et gestes. Elle soupirait, reniflait. Ses perles salées prenaient tellement de place sur l'épaule de cet ami si précieux ; il était un ami, un confident bien plus important que l'image d'un mort. Et ce besoin de réconfort, serait-il aussi puissant que n'importe quelle potions existant sur cette terre ? L'amitié, le plus beau lien de la vie, et cela, Taylor le redécouvrait enfin dans les bras de ce jeune homme. Ulysse serait le nom de ce chapitre où elle renaissait. Ulysse était le synonyme de sa renaissance ; il était LE sauveur.
SON sauveur.

Je serrais un peu plus fort ma meilleure amie dans mes bras, en espérant que cela sèche définitivement ses larmes et que Taylor se calme enfin. Je ne supportais pas voir des gens pleurer, cela me rendait triste moi-même, et je me sentais en faute de ne pas pouvoir les consoler, les rassurer. Mais voir Taylor, ma meilleure amie, celle qui avait toujours été présent pour moi lorsque j'avais des choses à confier, celle qui m'avait toujours aidé quand j'étais en difficultés en cours, quand j'avais des soucis en tête, sangloter depuis pas mal de temps, me rendait vraiment mal. Je me sentais impuissant face à un chagrin aussi fort, aussi étrange. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un être si malheureux pour une personne morte, mais après tout, mes parents m'avaient tenu écarté de toute responsabilité. Je ne pouvais donc pas avoir des remords sur quelque chose, des regrets ou une quelconque chose comme ça qui nous faisait pleurer. J'aurais voulu confier à Taylor que si je voyais Roxane, je le frapperais jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle l'avait blessée, avant de me rappeler qu'elle était déjà morte et que ça ne servirait qu'à causer encore plus de douleur à mon amie.

Je me souvins alors de ces jours, lorsque je n'étais encore qu'un petit garçon sans défense, où j'avais un gros chagrin. Je me souvins de la douleur que je ressentais à la poitrine, comme si un étau de fer m'enserrait le coeur, alors que je versais des larmes de dragon pour un rien. Mais je me souvenais aussi du poids sur mes épaules qui s'envolait à chacune des larmes versées, je me souvenais de la tristesse qui avait disparu après avoir pleurer pendant de longues minutes. Ma mère me prenait alors dans ses bras, et me murmurait des paroles réconfortantes. Je me souvenais comme si c'était hier de son souffle dans mon oreille, de la chaleur de ses bras accueillants...

"Maman me disait toujours que pleurer faisait du bien, parfois, nous délestait d'un poids trop lourd pour nos épaules. Mais elle me disait aussi que, une fois nos yeux secs, il ne fallait plus versé une seule larme pour la chose qui nous avait fait pleuré, car elle n'en valait plus la peine. Tu comprends ?"

Je marquais une pause, écoutant ce que Taylor avait à me dire. Elle ne voulait pas me perdre. Elle ne voulait pas être seule. Elle avait besoin de moi. Ces paroles me donnaient l'impression que j'étais important, et toute la colère que j'avais ressentie envers Roxane s'envola d'un coup, comme mes chagrins de quand j'étais gamin après un bon gros sanglot. Important pour Taylor, pour son bien-être. J'étais son meilleur ami, et elle avait besoin de moi. J'allais la sauver de Roxane et de ses remords. J'étais fier qu'elle place en moi une telle confiance, si fier que je m'attendais presque à exploser de bonheur.

Je relâchais mon étreinte et m'éloignais de ma meilleure amie en remettant de l'ordre dans mes cheveux malmenés par le vent. Je ne savais pas encore comment j'allais la sortir de cette galère, et même si je savais que je serais complètement inutile là-dedans, qu'elle devait se débarrasser de Roxane toute seule, je serais là pour la soutenir dans cette aventure (si on pouvait appeler ça comme ça). Sachant qu'il fallait que j'égaie la situation, je me mis à genoux avec un air faussement sérieux et cérémonieux, et promis en inclinant la tête devant Taylor :

"Je vous jure, belle princesse en guerre éternelle avec un passé douloureux, que je serais votre chevalier servant durant toute votre quête. Nous combattrons ensemble les démons qui vous attaquent sans cesse, et nous parviendrons à vous sauver de là !"

Je levais les yeux vers elle, et lui souris gentiment, un petit sourire moqueur au coin des lèvres. J'espérais que ma comparaison la fasse rien, ou au moins sourire. J'espérais qu'elle accepterait mon aide de chevalier servant.

Les mots ainsi que la posture d'Ulysse firent comme un baume sur le cœur de l'enfant. Taylor se sentait mieux, libre du poids que lui imposait son passé. Ulysse venait de la sauver, d'être la lumière future d'un passé sans fond. Il l'extirpait comme une bouée de sauvetage, lui évitant de terminer comme le célèbre paquebot qui n'avait pu apercevoir l'iceberg qui mettrait fin à la vie de tellement de personnes, de tellement d'hommes et de femmes, mais aussi d'enfants. Il avait été cette paire de jumelles qui apercevait de loin sa vie. Elle devait lui en être reconnaissante, et le sauver le jour où il en aurait plus que besoin. 

Son sourire laissait transparaître ce sentiment de quiétude. Elle était bien. Alors, ce ne fut sans aucun effort qu'elle rejoignit son meilleur ami à même le sol, passant ses bras autour de son cou, le tirant à elle dans un câlin dont elle avait besoin, mais elle savait qu'elle n'en était pas la seule.

— Merci Ulysse... Merci pour tout...

Sa voix se termina dans un murmure que seul lui pouvait entendre. Il était le seul pouvant réussir à lui effacer cette mémoire destructrice. Athéna le pouvait aussi, mais elle n'était point présente en cet instant. Seul Ulysse possédait ce droit d'agir de la sorte de recevoir cette gratitude, ce câlin signe d'une rédemption qui arrivait à temps. Et c'était ce qui semblait avoir le plus d'importance pour la jeune enfant.

Je ne sais pas ce que j'aurais fait si tu n'étais pas là, Ulysse... Je ne sais pas si je pouvais avoir ton esprit à mes côtés. Je n'étais même pas certaine que tu puisses encore me voir autrement que part ces roses bleues que je posais dans cette eau du lac. Après tout, tout ce que je reflétais n'était que l'image de ma jumelle de février. Oui, je vivais pour deux... Et toi... tu as effacé Roxane de ta présence en ce jour, tu as pu m'aider à ne pas ressasser douze souvenirs douloureux... Comment ai-je pu penser continuer à vivre de la sorte ? Merci Ulysse... Merci de m'avoir sauvée...

— Merci de m'avoir sauvée de ma jumelle de février... Merci d'avoir brisé ce lien déchu... Merci de m'aider...

Je scrutais de le visage de Taylor, espérant que des larmes ne le submergent pas encore. Je restais dans ma position de chevalier servant, pour lui rappeler que j'étais toujours là, dans l'attente d'une réaction. Je vis sa figure pâle comme la neige et déprimante comme le ciel gris qui nous surplombait s'étirer en un petit sourire, qui effaçait soudainement toute la tristesse dont il était empreint quelques instants auparavant. Mes mots l'avaient réconfortée, d'une manière que j'ignorais, et elle semblait aller soudainement mieux, comme si mes paroles avaient eut l'effet d'un baume réparateur sur son cœur blessé.

Et j'en étais fier. J'étais fier du sourire que j'avais fait naître sur les lèvres de ma meilleure amie. J'étais fier de mes phrases, certes un peu ridicules et gnangnan, mais qui avaient été utiles. J'étais aussi fier que lorsque j'avais réussi à aider Azaël ou Katherine. Je songeais avec amusement que je devrais être psychologue pour aider les sorciers en détresse. Ce serait plus utile qu'observer la Lune et les étoiles pendant toute la nuit.

Mais cette pensée fut bien vite chassée par l'étreinte de Taylor. Celle-ci me serra longuement dans ses bras en me remerciant de l'avoir aidée. La soudaine proximité de ma meilleure amie me réchauffa un peu, moi qui commençais à geler dans ma position de chevalier servant. Je passais mes bras autour de son cou et la serrais moi aussi. J'étais heureux de la voir à nouveau normale, à nouveau heureuse, souriante, comme elle l'était d'habitude. Et ce, grâce à moi.

"C'est normal, ma Taylouche, tu es ma meilleure amie. Je n'allais pas te laisser tomber"  lui soufflais-je à l'oreille.

Mes mots se transformèrent en nuage de buée, puis disparurent derrière l'épaisse chevelure de Taylor. Ce que j'avais dit était vrai. J'aurais voulu ajouter tant de choses, tant de remerciements, mais je me retins. Le temps que je finisse tout ce que j'avais à dire, nous nous serions transformés en bonhommes de neige enlacés, et cette perspective ne me réjouissait pas tellement. Je préférais rentrer bien au chaud chez moi en salle commune, avec ma meilleure amie.

C'est pourquoi je me relevais, quittant la chaleur des bras de Taylor pour me glacer à nouveau dans l'air froid qui régnait autour de nous. Je tendis la main à la brunette pour qu'elle se relève, puis proposais joyeusement :

"Et si on rentrait ? Je meurs de froid, je n'ai pas envie de me transformer en glaçon !"

J'aime tellement ton mot de la fin que je n'ose pas répondre, et donc mon post précédent était mon dernier post
Merci pour ce magnifique RP Ulysse, c'était parfait  

RP Terminé