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27 oct. 2019, 21:52
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
L'Autre est en colère, maintenant. Tu ne sais jamais trouver les mots justes. Dire ce qu'il faut quand il faut. Enoncer les Belles Vérités. Les Puissantes. Tu n'es bonne à rien.
Tu l’agaces, vraiment. Tes Mots ne sont pas les bons. Pas adaptés à elle.
*Que dire, alors ?*
Je ne sais pas, Kyana. Vas-y comme tu les penses. Tu ne veux pas qu'elle te haïsse. Tu ne veux pas perdre ta si précieuse camarade.
Ne parle pas comme tu pense que ça lui plairait. Sois claire et parle avec ton coeur. Dis ce qui te passes par la tête. Pas des phrases toutes prêtes. Pas des paroles en l'air. Tu ne les supportes pas, et je doute que beaucoup les apprécient.
Parle, tout simplement. Sans réfléchir. Laisse les Mots couler seuls.
*Et je... et si ça ne marche pas ?*
Qu'importe ? Tu ne veux pas forcément être son amie. Si Elle ne t'apprécie pas, c'est son choix. Elle est totalement libre de ses actes - et ce n'est pas toi qui me contrediras, n'est ce pas ? Tu vas être sincère, honnête, cesser de parler comme ça pourrait plaire. Arrêter de réfléchir, et Parler comme tu l'entends.
Elle te jugera, peut-être. Je sais que tu n'aimes pas être jugée. Etre comparée à tel ou tel Autre avec qui tu n'as aucun point commun, puisque tu es Toi. Mais il va falloir prendre sur toi, puisque tu ne la changeras pas.
La meilleure chose que tu puisse faire, c'est t'adapter à ton interlocuteur. Ne pas changer, ne pas Le changer, simplement t'adapter. Rester toi-même.
*Me... m'adapter ?*
Oui. Tu verras, Kyana. Tu Sauras le moment venu. Inconsciemment, tu le sais même déjà. Trouve la Réponse dans le secret de ton Coeur. Car je sais qu'elle s'y trouve.
Aie confiance, Kyana. Cesse de douter sans cesse de toi. Sois assurée. Montre à la fois ta sensibilité et ta dureté. Ton courage et ta peur.
Ne caches pas tes émotions, comme tu le fais si bien d'habitude. Tu es un Être à part entière. Et ça, peu de gens le savent.
A son tour de te défier. Et cette fois-ci, tu n'as aucun doute sur qui mène la Danse. Sur qui décide de l'issue de ce duel. C'est Elle, et tu l'acceptes. Parce que tu la respectes. Ses yeux se sont plissés, et elle attend ta réponse.
Vas-y, Kyana. Tu sais quoi dire.
Ton regard à toi s'adoucit, et transparaît le respect qu'elle t'inspire, mêlé à une pointe... d'admiration. Ou est-ce de la crainte ? Je ne sais pas.
Tes lèvres s'étirent en un sourire sincère.
Tu partiras pas.

La fin de ta phrase est presque une question. Comme si tu attendais une affirmation. Comme si tu voulais qu'elle te réponde une évidence. Pour te rassurer.
*C'était bien ?*
Oui. Tu as laissé parler ton coeur. Tu en étais capable.
Tu le savais, tu l'as fait.
A présent, voyons ce que l'Autre peut dire. Va-t-elle s'énerver ? Mal interpréter ta réponse ? Te cracher les phrases glaciales qu'elle avait crachées à l'Etranger ?
Tu ne veux pas qu'elle te haïsse comme elle a semblé haïr l'Etranger. Plus que tout, ça te blesserait.*J'sais même pas c'que j'veux !*
Non, tu ne sais pas. Mais tu peux trouver les Réponses, Kyana ! Je te l'ai déjà dit. Et je ne peux pas t'aider.
Il te suffit simplement d'aller chercher dans ton cœur. Ton cerveau est fatigué. Il peut ployer à tout instant. Alors que ton coeur, lui, est inébranlable. Il ne cassera pas. Il ne
doit pas casser.

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ent‘r‘êvée

31 oct. 2019, 10:43
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Son sourire attire mon regard. J’aurais pu m’en offusquer, mais le fait est que ce sourire n’a rien d’horrible. Ce n’est qu’un sourire. Un sourire que je ne comprends pas, mais un sourire tout de même. Il y a tant de façon de montrer nos sentiments intérieurs. Nous pouvons sourire pour crier, nous pouvons pleurer en étant heureux, nous pouvons soupirer pour aimer. Il y a trop de possibilité et je ne tombe jamais sur la bonne. Alors je n’essaie plus de comprendre. Ce sourire-là, peut-être signifie-t-il qu’elle va me renvoyer mon défi au visage, qu’elle va me hurler dessus, me dire de dégager ou tout simplement me lever et me toiser. Mais je sais ce que ce sourire-là ne contient pas ; il n’est pas moquerie. Je le sais. Alors je ne m’inquiète pas. Quoi qu’elle fasse, rien n’est aussi dure que la moquerie. Et cette enfant ne connait rien de moi. Elle ne sait ni ce que je suis, ni ce que j’ai fait. Cela la distingue des Autres. Pour elle, je ne suis que sa compagne de l’instant. Pas de Bristyle, pas de Chinois. Ici, il n’y a que moi et il n’y a qu’elle. C’est pour cela que son sourire ne me fait pas peur. Elle ne peut rien contre moi.

Elle m’énonce doucement sa réponse et mon coeur s’apaise définitivement. Plus que cela, ses battements ralentissent jusqu’à ce que je ne puisse quasiment plus les entendre. La fille ne m’a pas défié. Elle ne s’est pas imposée. Non. *Elle…*. Je n’ose pas le formuler. Mes sourcils se froncent pour marquer ma surprise. *Elle m’a... *. Puis-je réellement le dire ? Puis-je réellement l’espérer ? N’est-ce pas me confondre dans mon idiotie que de l’énoncer ? Comme si j’acceptais d’espérer, alors que Delphillia m’a bien dit, elle m’a bien dit que personne ne pouvait me comprendre. Mais de toute façon, pourquoi est-ce que je prends les paroles de cette fille pour la réalité ? Je me fous de ce que pense cette idiote de Delphillia ! Ma pensée s’impose : *elle m’a comprise*. Voilà, la pensée est là, bien présente, trop présente.

Je ne veux pas penser à tout cela maintenant. Je ne veux pas penser à ma surprise, je ne veux pas penser à tout ce qu’implique la réponse de la fille, je ne veux pas penser à mon coeur qui s’en réjouit dans l’obscurité de mon corps. Non, je ne veux pas du tout. Alors je me redresse sur mon siège, dressant le dos est inspirant profondément par le nez, comme Maman le fait si souvent. J’offre un regard impérieux à l’enfant. Mieux vaut cela que lui donner du regard écarquillé. Si je ne peux contrôler mon coeur, je peux au moins exercer une pression suffisante sur mon regard pour qu’il devienne ce que je veux qu’il soit.

« En effet, soufflé-je à l’Autre. Je partirais pas. »

Je soutiens son regard quelques secondes encore, au cas où elle se déciderait maintenant de me dévoiler sa moquerie, mais comme rien ne vient je baisse la tête sur mes affaires. J’approche mon livre de moi avec détermination, fais mine de tourner quelques pages. Il me faut un petit instant pour me rappeler où j’en suis de mon étude et un petit instant encore pour trouver de quoi écrire sur mon parchemin. Mais j’ai bien conscience que c’est la réaction de la fille qui alpague ainsi ma concentration. Alors je force, je force pour l’éloigner de moi ; étudier, c’est bien pour détourner ses pensées.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 14 nov. 2019, 08:51, modifié 1 fois.

03 nov. 2019, 21:43
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Ses yeux ne sont que surprise. Tu ne sais pas si tu dois t’en offusquer ou t’en réjouir. Ses sourcils se sont levés, l’espace d’un instant, exprimant cette même surprise.
Puis elle se reprend. Son regard, qui à présent te semble parfaitement apaisé, et dans lequel ce feu-de-défi ne brille plus, devient fier. Elle aussi se refuse à montrer sa faiblesse. Même si à présent elle sait que tu ne comptes pas la défier ou la railler.
Que tu acceptes son jugement.
Elle te souffle une affirmation, celle que tu attendais. Elle te confirme ce que tu pensais. Ton sourire s’élargit.
Réaliser que tu as compris ce qu’elle allait te dire, ce qu’elle affirme, te soulage. C’est comme si… tu avais découvert une partie d’elle. Seule, sans aide. Ca te rend fière.
Même si l’idée qu’elle parte, exaspérée par ton comportement, ne t’aurait pas tant dérangée – après tout, tu es comme tu es, si ça ne convient pas c’est le problème des Autres –, ça t’aurait mis le moral au plus bas. Cette Autre, ta compagne d’infortune, tu commences à l’apprécier. Son nom t’est inconnu. Peut-être a-t-elle fait des choses affreuses. Mais, et ça pourrait en choquer certains, tu n’en as rien à faire.
Tu ne la jugeras pas sur des choses dont tu n’es pas victime, ou, du moins, témoin.
Si elle est méchante avec toi, tu reverras ta vision d’elle. Mais tant qu’elle ne t’a rien dit ou fait, tu l’apprécies.
Elle a du caractère, te semble-t-il. Elle aime le défi, comme toi, et a l’air d’avoir tendance à frapper. Elle doit savoir se défendre.
Et elle était prête à te cracher les mêmes phrases qu’à l’Etranger. Elle aurait pu te faire partir avec facilité. Elle est plus impressionnante que toi. Les Mots sont des armes, elle fait corps avec eux.
Et pourtant, elle ne t’a rien dit. Elle ne t’a pas fait changer de table. Elle t’a laissée parler. Faire tes preuves. Et maintenant, elle est heureuse. Ou soulagée. Ou même peut-être les deux.
Elle s’est replongée dans son travail, et tu fais de même. Mais ton esprit est égaré. Tu ne parviens pas à te concentrer, lisant et relisant toujours la même phrase. Sans comprendre son sens.
Au bout d’un moment, très court, ou long, tu finis par te tourner une nouvelle fois vers l’Autre. Tu l’observe de ton regard de glace, contemplant son profil concentré, sa plume qui court sur le papier. Et tu déclares, de ta voix un peu rauque, doucement, mais clairement :

J’arrive pas à travailler.


Elle va sans doute te répondre qu’elle n’en a rien à faire. Ce serait juste, d’ailleurs. Tes difficultés à te concentrer sont dérisoires, mais ça te fait du bien de mettre des mots dessus.
Ou bien elle va se moquer de toi. Voir la raillerie dans son regard te ferait mal. Plus que tu n’accepterais de l’avouer.
Et si…
*Nan. Dis pas ça, Youss.*
… et si elle te répondait qu’elle non plus, elle ne parvenait pas à travailler ?
*Youss, tais-toi. Elle dira jamais ça.*
Et pourquoi pas ? Ce n’est pas parce que tu as deviné, une fois, ce qu’elle allait te dire, que tu lis dans ses pensées ! Espère, un peu. Laisse-toi entraîner. Cesse de tout vouloir contrôler, laisse-toi aller. Tu verras. C’est agréable.
Tu ne la connais pas. Alors peut-être que même tes vœux les plus fous pourraient être réalisés.

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ent‘r‘êvée

14 nov. 2019, 10:12
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Je peine à retrouver ma concentration. Et je peine plus encore à comprendre pourquoi cela ne me dérange pas. Je pensais être frustrée de ne pas pouvoir étudier, en vouloir à ma compagne, lui faire regretter de me faire perdre mon temps. Mais le fait est que je ne ressens aucune colère, aucune frustration. Non, je me contente de laisser mon regard se perdre sur mes affaires sans forcément ressentir le besoin de retrouver ma concentration d’autan. Comme si être là, à cette table, dans une discussion plutôt passive avec une inconnue était suffisant pour occuper mon esprit et mon coeur attristé. D’ailleurs, la tristesse aussi s’est éloignée. Elle plane au-dessus de moi, mais me laisse en paix. Ma famille est comme une pensée lointaine dans ma tête ; présente, mais pas envahissante. C’est peut-être pour cela que je profite de l’instant. Car cela est agréable de pouvoir vivre, un instant, sans avoir l’envie d’être là où je ne peux être.

Un regard, léger regard, m’alpague. C’est celui de la fille. Je tourne la tête pour m’y confronter et le soutiens sans effort. Depuis quand ce regard-là ne m’effraie plus ? Bah ! je me poserais des questions plus tard. La voilà qui parle, énonçant mes propres pensées tout haut. Elle n’arrive pas à travailler, elle non plus. Mon regard se fronce. Elle non plus. Comme moi. Cela signifie, encore, que nous nous ressemblons elle et moi. Sous ce regard qui m’observe, caché derrière cette face, un esprit semblable au mien. C’est assez effrayant. *J’veux pas y penser*. Je rejette mes pensées au loin.

Je hausse les épaules en me laissant tomber contre le dossier de mon siège. Je ne cesse d’observer la fille, comme si en la regardant je pouvais trouver des réponses. Les secondes passent, défilent. Je me souviens que je dois répondre. Je prends une légère inspiration.

« Moi j’pourrais y’arriver, mais j’ai pas envie. »

C’est vrai.
C’est étrange.
Je pourrais retrouver mon envie, mais cela également je ne veux pas le faire. Que faire à la place ? Parler ? Non, cela ne m’attire pas. Je n’ai rien à dire à cette enfant qui semble me ressembler. Les Autres finissent toujours par me décevoir, comme Delphillia. Alors mieux vaut rester loin d’eux. De toute manière, je n’ai pas besoin d’eux. J’ai Thalia, j’ai Zik. J’ai ma famille. Parfois, j’ai Ebony. Parfois, j’ai Fleurdelys. Alors pourquoi avoir des Autres ? C’est inutile.

16 nov. 2019, 01:02
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Les sourcils de l'Autre se froncent doucement, lorsque tu énonces ta Vérité.
Tu comprends une chose. Elle aussi s'est rendue compte que vous étiez semblables, elle et toi. Mais elle refuse d'admettre une quelconque possibilité d'entente.
Elle est méfiante ; elle a dû se faire trahir de bien trop nombreuses fois.
Toi, tu es et as toujours été solitaire. Les Autres t'ont déçue depuis bien longtemps, alors tu restais seule. Tu t'accompagnais de tes pensées.
Parce qu'avec Maë, tu ne pouvais te fier qu'à elles.
Non, elle ne veut pas se faire à cette idée. Et tu respectes son choix. Peut-être, comme toi, n'a-t-elle pas envie de parler. Si elle te le confirmait, tu l'apprécierais encore plus.
Elle répond tout de même à ta question déguisée, et tu lui en es reconnaissante.
Pourquoi n'a-t-elle pas envie de travailler ? Préoccupée ? Si oui, par quoi ? Inquiète, en colère ? Simplement agacée ?
Comme bien d'autres choses, tu ne sais pas.

« Tu veux pas parler, pas vrai ? »


La question, comme tout à l'heure, en attente d'une confirmation qui viendra, je l'espère, rapidement, jaillit de ta bouche, franchit la barrière de tes lèvres comme si le barrage qu'elles formaient ne pesait rien face au pouvoir des Mots. Elle glisse sur la langue, effleure l'intérieur de tes joues. Et elle parvient aux oreilles de l'Autre.
Mais, cette fois-ci, tes yeux ne sont pas fixés dans les siens. Pourquoi ? Je n'en sais rien, et toi non plus. Peut-être la contemplation de tes mains est plus intéressante ?
Celles-ci s'agitent, puis, un instant plus tard, viennent, comme à leur habitude, se poser dans tes cheveux. Tu attrapes une mèche de feu du bout des doigts, la tords. La malmènes. La réduits à Néant, la laisse reprendre sa forme ondulée initiale.
Tu tires dessus. La replaces derrière ton oreille.
Le reste de ton corps ne bronche pas, seule ta main s'active. Tu espères secrètement que ton mouvement, discret, contrairement aux grands gestes de l'Etranger, ne la dérangera pas.
Finalement, tu retrouves ton calme. Peut-être une sorte d'accès de stress, peut-être un soudain besoin de bouger.
Tes yeux se perdent dans la contemplation de la fenêtre, par laquelle tu aperçois encore la neige tomber, et des étagères qui l'entourent.
Tu n'avais jamais vu aussi belle bibliothèque ici.
Maë se serait plu, à coup sûr. Elle se serait perdue, émerveillée, dans les rayonnages de bois, promenant ses yeux ça et là, sans vraiment se fixer, englobant tout et rien à la fois. Elle aurait pensé, appris.

Discuté, aussi.
Elle aurait lu, emprunté, perdu, découvert. Volé ? Non, sans doute pas. Maë n'est pas ce genre de personnes.
Quoique... elle a tant changé, depuis ton départ.
Jamais elle ne t'aurait fixée ainsi, auparavant. Jamais elle ne se serait permis des propos aussi désagréables. Jamais elle n'aurait esquissé une telle moue de dégoût à ton contact. Jamais, au grand jamais, elle n'aurait pas accepté de rester avec toi dans la même pièce.
Si la lettre avait été annoncée quelques années plut tôt, ta soeur aurait pris la nouvelle avec philosophie. Elle aurait tenté de comprendre. Aurait été heureuse pour toi.
Non, il y a quelques années, Maë Lewis ne connaissait pas la jalousie.

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ent‘r‘êvée

21 nov. 2019, 10:39
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Sa réponse me vient sans attendre. « Tu veux pas parler, pas vrai ? ». Elle m’effraie un peu. Cette fille et sa réponse m’effraient. J’ai l’impression qu’elle lit en moi. Comme si en me regardant elle pouvait comprendre ce qu’il se passe dans ma tête. Pendant un instant, je panique : et si elle savait réellement lire dans ma tête ? et si elle pratiquait la légilimancie ? Rapidement, je m'exhorte au calme. C’est une gamine, elle est plus jeune que moi, elle n’a rien de bien exceptionnel. Elle ne peut pas lire en moi. C’est seulement l’une de ces personnes qui comprend ce qui se passe autour d’elle, qui comprend le comportement des autres. D’habitude, je déteste ce genre de personne. Aujourd’hui aussi. Mais elle, je n’ai pas envie de la détester. Ou plutôt aujourd’hui je n’ai pas envie de m’encombrer de sentiments négatifs. J’en porte déjà trop dans mon coeur pour en rajouter. C’est comme si toute cette histoire m’avait aspiré mes forces. Maintenant, je dois me contenter d’être passive. Ce n’est pas si désagréable de se contenter d’être là, de regarder le monde avancer.

Et je la regarde avancer, l’Autre. Sous mon regard, elle bouge. Elle entortille ses cheveux autour de ses doigts, elle passe sa main dans sa chevelure, elle tourne la tête pour regarder la neige tomber par la fenêtre. Je l’observe silencieusement, laissant les secondes passer sans prendre la peine de répondre. De toute façon, je n’ai rien à dire et elle ne me regarde pas. Sûrement prendra-t-elle mon silence comme une affirmation : non, je n’ai pas envie de parler. Non, je ne veux pas te parler. Oui, je veux pourtant rester ici. Les Autres ressentent toujours le besoin de parler. Elle doit être comme eux, elle aussi. Parler, car le silence est incommodant, car il est malpoli. Mais la présence n’existe pas seulement au travers la parole, n’est-ce pas ? Alors moi, je ne dis rien, car je n’ai rien à dire.

Je finis par déporter mon regard sur la fenêtre, moi aussi. La neige qui tombe me rappelle inlassablement ma famille, mais j’essaie de lutter pour ne pas me souvenir des bons moments liés à ce paysage.
Dans ma tête, mes pensées s’agitent sans que je ne les y autorise. Je pense à la Maison, je pense à l’Autre près de moi, je pense à sa compréhension, je pense aux mots de Delphillia, je pense à la crainte qui gronde au fond de moi, tout au fond. Celle qui me murmure que l’Autre fille finira forcément par me prouver qu’elle ne veut pas passer du temps avec toi, qu’elle finira par me décevoir. Cette peur est trop grande pour que je puisse l’ignorer, pourtant elle ne prend pas toute la place. Non, elle se contente de gronder silencieusement, comme un rappel, comme une alarme.

13 déc. 2019, 22:42
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Au lieu de te répondre, elle ne bronche pas.
Une étincelle fugace passe dans son regard. Disparaît sans que tu aies pu l'interpréter.
Elle se contente de t'observer. Tu n'attends pas particulièrement de réponse. Tu sais qu'elle n'est pas disposée à te parler. Comme toi, elle ne semble pas aimer les discussions inutiles. Comme toi.
Si elle réplique, vous allez partir dans ce que tu nommes la Routine. Ce qui t'ennuie plus que tout. Ce qui ne sert qu'à t'éloigner de ton interlocuteur.
Ce qui te fait penser que vos centres d'intérêt divergent bien trop pour que tu daignes lui adresser la parole. Non, ce silence te convient.
Plus que te convenir, il te plaît, et tu l’accueilles comme un ami. Un vieil, très vieil ami, que tu connais depuis longtemps.
Et tu acceptes le choix de l'Autre. Tu es d'accord avec sa décision de ne pas parler. Tu te tais, toi aussi, et tu attends.
Quoi, exactement ? Peut-être qu'elle brise le Silence. Peut-être qu'elle parte, même si cela ne te plairait pas vraiment. En tous cas, c'est à elle d'agir. Tu la laisseras faire.
L'Autre ne paraît pas agacée par tes gestes. Non, elle se contente, encore une fois, d'observer.
Elle tourne son regard et contemple la neige qui tombe au dehors. Tu ne bronches pas. Tu te tais, et tu attends, patiemment, la venue d'Évènement.
Qu'il agisse, qu'il change le cours des choses. Qu'il émette quelque son qui modifiera le pâle équilibre qui a pris place.
Ta main, machinalement, se pose à plat sur la table, presque impatiente. Brûlant de se mouvoir. Tu retiens son audace, comme tu retiens ta fébrilité.
Ce Silence, bien qu'il ne dure pas depuis longtemps, te gêne à présent. T'exaspère. Tu veux qu'il change, que quelque chose de nouveau se produise.
Que l'Autre fasse quelque chose et brise ce charme bien trop désagréable à ton goût. Par un geste, une parole ou un regard. Qu'elle ouvre son livre ou détourne les yeux.
Peu importe, tant que tout rentre dans l'ordre. Tu es bien trop prise au dépourvu pour te sentir à ton aise dans cette situation.
Tant que quelque chose survient.
Adulte, élève ? Animal ? Créature ou autre Être inconnu ?
Tu n'en sais rien. En fait, tu t'en fous. Complètement.

Mais rien ne vient. Aucun son. Tout te semble figé, pourtant tu vois encore les plumes des élèves assis près de toi gratter les parchemins, et la neige tomber.
Ton attention toute entière est concentrée sur l'Autre.
Sur ses potentiels mouvements.
Quelques minutes.

*Évènement !*
Non, il n'agit pas. Il ne fait rien. Ne te vient pas en aide.
Te laisse seule, telle une âme en peine.
Tu te retiens de parler. 

Tais toi, et attends.

Pardonne-moi pour cet infâme retard, Plume, s'il-te plaît.

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ent‘r‘êvée

23 déc. 2019, 10:24
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
A un moment, je remarque que je ne suis plus le cours du temps. Je suis hors-lui, dans une dimension qui n’a pas d’existence, qui n’a pas de consistance. Je flotte loin de moi, quelque part dans l’espace entre notre table et la fenêtre qui cache derrière elle les flocons de l’hiver. Je pense à tant de choses et à si peu en même temps que je me suis perdu. Mais voilà, je reviens à moi.
Un clignement et je me souviens d’où je suis.
Un second clignement et mon regard se déporte sur la rousse qui *me regarde*.
Mon coeur sursaute légèrement en tombant dans ces yeux-là. Ce n’est pas la douleur de la rencontre qui l’a fait sursauter, mais la surprise de trouver ce regard tourné vers moi. Pourtant, cela ne me dérange pas ; ce regard, il a droit d’être là, j’en ai conscience. Mais je ne pensais pas qu’il me regarderait ainsi, comme s’il attendait quelque chose de moi.

Je n’ai rien à te donner. Ni parole, ni mot-de-regard, ni quoi que ce soit d’autre. Je veux seulement être ici, en ta compagnie silencieuse, et apprécier ce temps qui me fait me sentir moins seule. Ce n’est pourtant pas comme lorsque je suis avec Thalia. Avec elle, même quand le silence est aussi fort qu’à présent, je ne me sens pas seule-en-compagnie. Non, je suis seulement avec Thalia, aussi fort que l’on puisse être avec quelqu’un — je crois. Mais là, c’est une compagnie en solitude. Ce n’est pas aussi fort, je préférerais être avec Thalia, mais j’apprécie.
C’est sûrement pour cela.
Oui, c’est pour cela qu’un léger sourire m’effleure les lèvres juste avant que je ne redresse le menton. Un sourire en surface, l’un de ceux qui se devinent à peine, l’un de ceux qui se cachent, qui tremblent sur les lèvres. Je l’offre au monde, à la fille et une demi-seconde plus tard j’ai déjà penché la tête pour cacher tout cela en direction de mes affaires. Le temps se rétrécit durant un instant sans fin dans lequel mon coeur sursaute — quelle idiote d’avoir fait ça ! dit-il — puis je me mets en mouvement. J’attrape une plume, j’approche un parchemin, je rameute mes regards sur la surface couverte de mots de mon livre et me penche sur celui-ci.
Une inspiration.
Une seconde.
Expiration.
Voilà. La concentration me revient, le monde s’efface, les Runes prennent toute la place.

Mais une part de moi ne dort pas encore. Celle-ci garde une attention, certes diminuée, sur la fille qui évolue non loin de moi. Je la surveille pour savoir si elle va partir, me laisser. Si c’est le cas, je crois que je n’aurais pas la force de résister à mes pensées, à ma douleur de la Maison. Alors je me lèverais et partirais. J’irais chercher Thalia où qu'elle soit. S’il le faut, j’attendrais des heures durant son cours de… De… Je ne sais plus, mais il se situe quelque part entre le premier et le troisième étage. J’attendrais qu’elle sorte et finirais par croiser son chemin en prétendant être passé là par hasard.
C’est une idée splendide.
Mais pour le moment, je suis ici.
Et pour le moment, je ne veux pas bouger.

- Fin -