L'enfant finit par donner des explications un peu plus claires à l'infirmier qui comprenait de mieux en mieux ce qu'il essayait de lui dire. Le grand-père du garçon semblait faire partie de ces Sangs-Purs intégristes. Probablement un soutien du Conseil Sorcier. Il était toujours délicat d'aborder ce genre de sujet avec un enfant si jeune. Selon Alaric, il ne devrait même pas être au courant de toutes ces histoires de sang qui n'étaient rien d'autre que des foutaises. Mais l'infirmier étant Né-Moldu, il n'était probablement pas le plus objectif sur le sujet. Tout ce qu'il savait, c'est que l'enfant attirait forcément sa sympathie en défiant son grand-père sur ce sujet délicat. Ce n'était malheureusement pas le meilleur moyen pour lui de garder son intégrité physique.

Il avoua cependant que ses parents n'étaient guère au courant de la situation. Ils semblaient beaucoup travailler, et laisser la garde de leurs enfants à leur grand-père. "Tu devrais probablement leur en parler tu sais. S'ils ont été capables de se marier malgré l'aversion de ton grand-père pour les moldus, je suis sûr qu'ils prendraient ta défense. Et ce ne serait pas les embêter, bien au contraire. Je pense qu'ils seraient fiers de la confiance que tu leur portes pour leur parler ainsi à coeur ouvert. Et fiers que tu sois si tolérant envers ton prochain." Alaric adressa un sourire à l'enfant avant de récupérer le petit pot ainsi qu'une spatule en bois.

Il lui fit signe qu'il allait appliquer la pâte sur sa joue, et appliqua une couche généreuse sur l'hématome, le recouvrant totalement de la pâte jaune avant de reprendre la parole. "Et ton grand-père réagit comment avec tes frères et soeurs ?" demanda-t-il tout en nettoyant la spatule d'un simple coup de baguette. Il referma également le pot pour le laisser sur la table de chevet avant de reporter entièrement son attention sur le Serpentard.

Les choses étaient finalement plus compliquées encore qu'elles n'y paraissaient. Il semblerait qu'Alaric ait mis les pieds directement dans le plat en parlant du mariage de ses parents, étant donné que la mère biologique de l'enfant était décédée, après s'être séparé du père à cause du grand-père. L'homme semblait bien tyrannique pour avoir une telle emprise sur le mariage de son fils. L'enfant ajouta que ses parents n'accepteraient pas un tel discours, et pourtant, il n'osait pas leur en parler, effrayé des potentielles répercussions que ça pourrait avoir sur lui. Alaric pouvait totalement le comprendre, il ne faudrait pas confondre courage avec stupidité. Cependant, ce qui ressortait de tout cela, c'est que la famille de cet enfant était bien compliquée.

L'infirmier esquissa tout de même un sourire en entendant que tout se passait bien entre ses frères et soeurs et son grand-père. Comme quoi, seul le statut de sang de l'aîné entrait en ligne de compte pour qu'il soit désigné souffre-douleur officiel. Quelle bêtise... L'homme retint un soupir. Si Alexei refusait d'en parler à ses parents, la situation risquait de stagner encore un petit moment. "Je vois. Penses-tu réellement que si tu en parlais à tes parents ils te feraient encore garder par ton grand-père ? Tu as forcément possibilité de leur parler sans qu'il soit là, ou même de leur envoyer un hibou si tu trouves cela trop difficile." Après tout, des parents dignes de ce nom feraient toujours passer leur enfant avant leur travail.

Alaric se refusait de laisser le jeune garçon ainsi, sans lui proposer de lui venir en aide. Il était victime de maltraitance, et si jusqu'à maintenant il n'avait récolé qu'un simple hématome et quelques paroles désobligeantes, l'infirmier était bien placé pour savoir que ce genre de cas ne faisait qu'empirer avec le temps si rien n'était fait. Se doutant que l'enfant avait peur de déranger ses parents en leur parlant de ses problèmes avec son grand-père, il jugea bon d'ajouter quelques mots. "Je doute fort que tout cela te retombe dessus si jamais ça venait à se savoir. Au contraire, tes parents ne veulent que ton bonheur, n'est-ce pas ? Tu n'as en aucun cas à te sentir coupable pour ce que te fait vivre ton grand-père, Alexei." La voix douce, Alaric voulait s'assurer que le garçon ne se faisait pas de fausses idées, comme le font souvent les jeunes de son âge.

Alexei avait raison, les choses étaient plutôt délicates. Mais il savait également qu'il existait des solutions, et qu'il lui faudrait absolument passer outre cette peur d'en parler à ses parents s'il voulait pouvoir se sortir de là. Alaric pourrait également en parler à la Direction, qui elle mettrait les parents du jeune garçon au courant, mais il aurait l'impression de trahir sa parole puisqu'il lui avait assuré que tout ce qui se dirait ici resterait entre eux. Cependant, laisser l'enfant ainsi n'était pas une solution non plus, même s'il était en sécurité à Poudlard, il lui faudrait forcément rentrer chez lui, et donc affronter de nouveau les affres de son grand-père intolérant. Il hocha doucement la tête lorsqu'Alexei annonça à nouveau qu'il faisait partie des Manteaux Noirs, et donc qu'il avait peur que son courrier soit intercepté.

Si sa peur était plus ou moins fondée, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il restait d'autres solutions. "Pas de hibou alors, tu as sûrement raison, ce n'est pas la meilleure des idées." Alaric voyait bien qu'il ne servait à rien de continuer à argumenter dans cette voie puisque l'enfant était persuadé qu'il ne pouvait rien faire. Le culpabiliser en lui assurant le contraire ne ferait que le braquer davantage. Cependant, lorsqu'Alexei annonça que les choses dépendaient majoritairement de lui pour que ça se passe mieux, il ne put s'empêcher de secouer la tête de gauche à droite. Il n'était pas en tort, il ne devait surtout pas rejeter la faute sur lui, il ne pouvait porter tout les maux de ce monde sur ses frêles épaules.

Alaric se racla la gorge avant de reprendre la parole, d'une voix toujours douce et sans le moindre jugement. "Il est important que tu puisses être toi-même, et non ce que les autres attendent de toi." Un simple conseil qui s'envolait à l'intention de l'enfant. Il pouvait l'appliquer ou non, mais il était important à cet âge d'agir en fonction de ses valeurs, puisqu'elles commençaient tout juste à apparaître comme étant réellement siennes. Et la menace que le grand-père avait formulée était des plus ridicules à ses yeux. Et pourtant, pour un enfant si jeune, cela sonnait bien trop réel. "En revanche, ton grand-père ne peut pas mettre ton père en prison pour cela. Même le Conseil Sorcier n'a pas ce pouvoir."

Alaric agrandit doucement son sourire à la question du garçon. Il savait qu'à son âge, il n'était jamais évident d'être soi-même, d'autant plus lorsqu'on risquait les coups à tout moment pour cela. Et pourtant, c'était le meilleur moyen d'affronter la vie. "Ce n'est pas une mauvaise chose à proprement parler. D'autant plus que cela te protège de la violence de ton grand-père. Mais tu ne dois jamais perdre de vue qui tu es, et apprendre à exprimer son désaccord est important. Je parle en général, pas uniquement face à ton grand-père. De ce que tu m'en dis, il n'y a pas grand chose de bon à tirer de lui, alors il vaut peut-être mieux que tu fasses profil bas pour te protéger. Mais n'oublie jamais ce que tu es, juste là." lui répondit l'infirmier en lui tapotant la poitrine, là où se situe son coeur.

L'enfant semblait rassuré par le fait qu'Alaric lui assure que son père ne risquait rien pour avoir eu un enfant avec une moldue. Il demanda cependant confirmation, ce que l'infirmier s'empressa de lui apporter. "Oui, c'est sûr. Nulle prison n'est assez grande pour emprisonner tous les parents de Sang-Mêlés tu sais. Et puis, s'ils pouvaient mettre les gens à Azkaban pour si peu, j'y serai sûrement, mes deux parents sont moldus !" lui confia-t-il avec un nouveau clin d'oeil, sourire aux lèvres. Les enfants avaient tendance à se monter la tête bien trop facilement. Il espérait qu'en sachant cela, Alexei délierait enfin sa langue et oserait parler du traitement inadmissible que lui faisait subir son grand-père.

Et effectivement, le jeune garçon ne tarda pas à annoncer que, sans cette menace qui planait au-dessus de sa tête, parler à son père serait bien plus aisé pour lui. Le sourire d'Alaric s'élargit encore en entendant cela. Si, en quelques mots, il avait réussi à balayer les peurs de ce garçon et de lui éviter de prochaines vacances bien difficiles, il pouvait être fier de lui. Au moins, il ne passerait pas son temps à se morfondre d'être incapable d'aider un enfant qui en avait besoin. "Tu devrais lui en parler, effectivement. Trouver une solution à deux est toujours plus facile que de tout garder pour soi. Et ça te fera du bien d'en parler à ton père."

Désolé pour le délai...

Alaric ne perdit pas son sourire face à l'interrogation toute légitime du jeune garçon. A son âge, il était bien compliqué de savoir comment réagir face aux autres. Il y avait trop de choses qui entraient en compte, telles que celles apprises par la famille, celles apprises par les intervenants extérieurs, et celles voulues. Tout cela pouvait mener à un mélange bien difficile à démêler. "Il est important de s'adapter à la personne à qui l'on s'adresse, cela évite d'ennuyeux quiproquos. Pourtant, cela ne doit pas t'empêcher de donner le fond de ta pensée, il faut simplement y mettre les formes. Evidemment, lorsque tu risques un retour violent, il vaut mieux que tu te protèges. C'est à toi d'analyser la situation et d'agir en conséquence. Ce n'est pas toujours évident, mais je suis sûr que tu en es capable."

Il ne pouvait décemment pas dire à cet enfant de tenir tête à un grand-père abusif, ce serait le mettre face à une situation bien trop délicate pour qu'il puisse la gérer. Dans quelques années, cependant, il pourra sans doute s'affirmer davantage. Du moins l'infirmier l'espérait, il n'était jamais bon de vivre dans un carcan imposé par sa famille. Alaric était cependant heureux d'entendre la suite des propos de l'enfant qui semblait réellement désapprouver ces questions de sang imposées par le Conseil et son grand-père. Il haussa doucement les épaules lorsqu'Alexei lui demanda s'il n'avait pas peur de toute cette situation. "Non, je n'ai pas peur. Je prends mes précautions, mais je refuse de céder à la peur, ce serait leur accorder une victoire bien trop facile. L'espoir est la meilleure arme face à tout cela. J'aurais peur le jour où tout le monde aura cessé d'espérer, et j'ai comme dans l'idée que ce n'est pas pour tout de suite."

Il le voyait bien autour de lui. La peur était bien présente, et si certains trouvaient leur compte dans ce nouveau système en place, beaucoup ne pouvaient l'accepter. Le Conseil n'avait pas encore gagné, et ceux qui étaient prêts à se battre contre lui étaient sans doute plus nombreux que ce qu'il pouvait imaginer. La peur ne pouvait tenir une population tranquille, et le Bien finissait toujours par triompher. De cela, l'infirmier était persuadé, et son statut actuel de renégat aux yeux du pouvoir en place ne l'inquiétait pas outre mesure. Il se contentait d'éviter les lieux publics dans lesquels il pourrait être en danger. Alexei parla alors d'une réunion durant laquelle il avait entendu parler de l'incarcération d'un homme qui avait "sali son sang". Alaric retint un soupir. "Je pense qu'effectivement il y avait un contexte un peu plus développé que celui-là." Et il espérait réellement ne pas se tromper.

Quand l'enfant le remercia, il lui répondit par un signe de tête accompagné par un sourire. "Je t'en prie. Je suis sûr que tout ira mieux une fois que tu lui en auras parlé. Tu devrais filer, le couvre-feu joue en ta défaveur. Si jamais tu as besoin de parler n'hésite pas à passer me voir. Garde la pâte cette nuit, demain matin on n'y verra plus rien." Il ne pouvait décemment pas garder l'élève plus longtemps alors que l'heure du couvre-feu était passé. Il lui fallait à présent regagner son dortoir s'il ne voulait pas avoir des ennuis dès la rentrée.