Ses jambes tremblaient un peu sous le poids d’Alice. Elles étaient faibles, et quelque peu douloureuses. Cette nuit, Alice avait couru, Alice avait chuté, Alice s’était débattue... et elle en ressentait le prix maintenant.
Mais est-ce que cela rivalisait avec cette douleur qui semblait assiégée Nora ? Elle pleurait, silencieuse. Les mots d’Alice, son ton de reproche... des couteaux pour le cœur de la préfète en chef. Elle n’avait pas été là, ça c’était une vérité, et Alice était persuadée que cela aurait changé la donne si elle avait été présente. Elle n’aurait jamais été mutilée si Nora Starks avait été là.
Ou alors si. Est-ce que Nora Starks l’aurait protégée contre sa propre bêtise ? Celle de s’opposer à quelqu’un qui venait d’agresser un autre dans le dos ? Qui avait préféré la confrontation furieuse à celle plus stratégique ? Jamais.

Retenue parce qu’elle avait du travail. Quel travail avait pu la tenir aussi loin des affrontements, loin du boucan qui avait assourdi Alice ? Ce n’était pas la question. Nora pleurait.
Alice ne dit mot, observant seulement Nora avant de baisser les yeux pour lui laisser digérer les regrets et les remords. Si Nora avait été là, elle aurait certainement préféré combattre les mangemorts comme l’avaient fait les professeurs. Jamais elle n’aurait pu se douter que Harrison ...
Ou alors si. Ils auraient dû le savoir. Harrison était dangereuse, comme le reste de sa famille d’attardés. La mère, le père, la grande sœur... tous affreux. Ils auraient dû faire surveiller Carry Harrison, comme Alice avait voulu le faire lors du bal, lorsque le chaos s’était installé. Et ils n’avaient rien fait. Monsieur Penwyn l’aurait fait, lui ! Mais il avait été tenu à l’extérieur par sa faute.

La fillette déglutissait. Au moins, lui devait être indemne. Lui comme Christopher.

« Ça n’aurait peut-être rien changé que tu sois là finalement » susurra Alice à Nora, ses yeux bouffis se relevant sur Nora. « Et c’est fait, maintenant... »

Et Alice vivrait avec cela toute sa vie, jamais elle n’oublierait ni la douleur ni les images.

« Il faut que l’on vive avec ... C’est la seule chose à faire. »

La seule chose qu’elles pouvaient faire en réalité.

Alice avait de la peine de voir Nora dans cet état, elle qui était si forte. Elle avait été secouée elle aussi, il était cruel de la part d’Alice de ne pas y avoir songé. Nora n’avait peut-être pas été blessée physiquement, mais elle vivrait longtemps avec le poids des remords. Parce qu’elle était comme ça, Nora Starks : gentille.

Le coeur de la fillette se brisa lorsque Nora mentionna l’intervention de l’infirmier. Elle pensait qu’il n’était pas intervenu. Par Merlin, si, si, il était intervenu. Il avait soulagé sa douleur, avait fait son possible, à grand coup de mixture, d’essence de murlap, elle la sentait encore sillonner les valons de sa blessure.

Alice serra les lèvres, détournant le regard, alors que Nora s’était mise à regarder autour d’elles.

« Il … s’est déjà occupé de moi » répondit faiblement Alice, la voix affectée. « Mais mis à part soulager la douleur, il ne peut rien faire de plus. »

Il était vrai que si sa blessure pouvait se résorber, Alice en souffrirait beaucoup moins. Il n’y aurait plus de courant d’air sur sa chaire nue, ni de larmes pour l’abreuver. Sa peau redeviendrait lisse, et la vie reprendrait son cours.
Mais ça, plus jamais.

« Je ne réagis pas à la médicomagie. » avoua finalement Alice en resserrant sa prise sur le matelas de son lit. « Je n’y ai jamais réagis… comme le reste de la famille Sangblanc. »

Famille qu’elle chérissait, tant pour ses membres que pour son histoire. Aujourd’hui, elle la haïssait, elle et sa différence qu’il fallait toujours honoré. Alice paierait à jamais le prix de cette différence que chacun portait comme une médaille.

Le regard de Nora trahissait son étonnement. Évidemment, ce n'était pas courant comme héritage familial. Alice aurait cent fois préféré un joli bijou, un petit hippogriffe ou... ou quoi que ce soit. Mais pas ça. Ni ses yeux défectueux, ni sa peau meurtrie au moindre rayon de soleil. Ce sang qu'elle chérissait était en fardeau dont elle mesurait enfin le poids.

« Mon frère m'a dit que c'est à cause de la pureté de notre sang » répondit Alice , la gorge serrée. « Mais je n'y crois pas. Peut-être une malédiction, ça serait le plus vraisemblable. Aucun Sang-Pur ne voudrait de cette faiblesse. »

Alice déglutit avec difficulté. Elle ne voulait plus en parler.
Et il y avait fort à parier que d'autres personnes lui demanderaient quelques explications sur cette balafre qui aurait pu être soignée en un coup de baguette. Leur curiosité la blesserait à n'en point douter.

La fillette jeta quelques regard autour d'elle pour trouver ses vêtement, hélas Alice se souvint de sa robe de la veille, rouge de sang et noire de cendre. Un haut-le-cœur la prit à sa seule pensée, il était impensable d'enfiler cette robe pour gagner la salle commune. Ni cette petite chemise de nuit. Lloyd, où était miss Lloyd ? Alice devait partir, retrouver Irisia et Aliosus, Brett peut-être. Elle avait besoin d'eux, pas des râles douloureux de l'infirmerie, ni des effluves des dizaines de potions qui s'ouvraient autour d'elle.

Fin du RP pour moi, je te laisse conclure ! Merci pour ce moment, comme toujours j'ai adoré.

Nora était gentille avec Alice... si seulement elle pouvait apprécier cela. De la gentillesse, c’était habituellement pour lui faire plaisir, mais en ce jour, après cette horreur, c’était amer.
« Merci » articula t-elle dans un murmure. « Pour... tout » Pour ses mots, pour sa tristesse, pour son soutien... C’était beaucoup, et bien peu de choses à la fois.

Nora offrait sa protection à Alice. Elle aussi savait que les moqueries allaient être pléthores. Nora ne serait pas toujours là. Nora ne sera jamais là. Elle n’avait pas été là au moment crucial, comment pouvait-elle imaginer être présente lorsque les langues acérées se délieraient ? Alice n’en dit mot. Nora était gentille, mais ne comprendrait pas. « Merci » répéta t-elle.

Nora allait s’en aller. Bien. Alice ne se reposerait pas à son départ, mais elle partirait. Plus personne ne devait la voir dans cet état, dans ce maudit lit. Que Nora s’en aille, vite, qu’elle emporte avec elle les larmes d’Alice. Sa main sur la sienne, la fillette les sentait revenir à la charge. Pas encore, pas des larmes, pas encore. Alice serra les dents. « Merci » murmura t-elle pour la troisième fois.

Alice attendit que Nora franchisse la porte pour se lever de son propre lit. Le geste fut lent, douloureux. La tête lui tourna, les couleurs lui semblèrent moins vives, les traits plus troubles. Elle se cramponnait à son lit, attendant que la normalité lui revienne. La douleur lacérait son visage, peut-être aurait-elle dû rester à l’infirmerie. Mais Alice ne s’en sentait pas capable. Elle n’était pas forte, contrairement à ce que Nora Starks pensait. Elle était une loque, rongée par la peur et la douleur. Elle n’était rien d’autre qu’une fillette apeurée... et défigurée.

Alice quitta l’infirmerie dans l’heure qui suivi le départ de Nora, répétant à l’infirmier qu’elle ne voulait plus rester, qu’elle serait mieux auprès de ses amis. Mais Alice ne les rejoint pas. Elle voulait être seule. Bien assez tôt, elle ne le serait plus.

Avec un peu de retard, je clos ce RP. Merci d’avoir écrit avec moi. C’est avec tristesse que je réalise que ce RP sera le dernier entre nous, Nora ayant quitté Poudlard. Merci pour ces jolis moments en ta compagnie !