« Parce que tu penses que nos professeurs nous parleraient de tout ça ? »

Je grimaçai légèrement. Non, je n'avais jamais dit ça, mes propos allaient dans son sens. *Comment j'vais lui expliquer ?*. Tandis qu'il poursuivait, je m'obstinai à réfuter sa question ; de gauche à droite, ma tête.

« Non, c'est pas c'que j'voulais dire... » D'une phrase, je tournai mes pensées dans son sens. « Ils nous en parlent pas, on est jeunes. Pas trop jeunes pour avoir des idées, mais trop jeunes pour prendre position et agir... Ou bien ils veulent pas nous effrayer. » conclus-je en haussant les épaules.

Puis je me souviens de sa proposition et acquiesçai. « Si tu veux oui, ça pourrait être... » *Cool ?*. Trop familier. *Formidable ?* Trop enjoué. « ... instructif. » C'est le mot.

Je souris simplement, affable. Soulagée d'avoir vu juste concernant le prénom d'Aliosus, je me détendis encore. Après tout, la façon dont nous avions commencé à discuter n'était pas des plus communes.

Mon esprit se serra, et trembla lorsqu'il me demanda mon avis. *C'était idiot*. Quelques instants après, je regrettais toute la tournure des choses et il me pris l'envie de prétexter quelque chose, *n'importe quoi*, pour m'en aller. Éviter sa question à laquelle je peinais à répondre. Au lieu de ça, je choisis soigneusement mes mots, ce qui rendait l'exercice encore plus difficile puisque je maîtrisais si peu le sujet.

« Eh bien... Je n'aime pas vraiment la politique de miss Parkinson, et ses idées. C'est bête mais... elles me font peur, qu'elle veuille... détruire les opposants me fait peur. Alors s'il existe un moyen qui... qui peut nous en protéger, comme celui dont tu parles, je suis pour. »

*J'aimerais bien me trouver parmi le petit groupe, en bas*. Groupe qui rebroussait très vite chemin, sans que je ne sache réellement pourquoi. Je me disais seulement que j'étais *trop jeune* pour être des leurs.

"Oui c'est eut être ça, peut être qu'il veulent nous protéger. Aliosus mis l'emphase sur ce dernier mot avec un mélange d'ironie et d'exaspération. Mais c'est pas parce qu'on est... enfin qu'on a notre âge qu'on peut pas avoir d'avis. La preuve, on en discute, et même certains font plus encore. Il pensait aux affiches ou tracts qui apparaissaient de temps en temps dans l'école et bien sur, à l'attaque lors du bal. Aliosus avait un avis très mitigé sur ces pseudo mangemorts. Oui ils avaient été violents, mais c'était Carry Harrison qui avait agressé sa cousine, et c'était miss Montmort qui avait manqué de tuer quelqu'un. Et puis, afficher ses conviction à ce point... Il y avait quelque chose dans ce coup de force qu'il admirait, et ça le mettait très mal à l'aise.

Il hocha la tête avec un sourire en coin afin de valider ce "rendez-vous" et vérifier leurs impressions et intuitions dans la Gazette des Sorciers, ils y apprendraient sûrement des choses insoupçonnées. Enfin, peut être...

"Tu es contre ses idées ? L'emprisonnement ? C'est sans doute pas idéal je comprends, mais... Elle a donné le choix, pensait-il, elle a donné le choix aux anciens employé du ministère de travailler pour elle. Et pourquoi s'opposer ? Pourquoi Dorian s'était opposé ? Il aurait du rester auprès de sa famille. C'était son rôle. Son estomac se serra. Il n'avait jamais rencontré le père d'Alice, il le plaignait mais il lui en voulait pour l'avoir abandonné au nom de son idéal. L'idéal décidément. C'était hypocrite de sa part de dénoncer Dorian et de d'admirer la détermination des agresseurs d'Halloween. Il le savait. La période était de plus en plus difficile à encaisser pour le garçon à force de tiraillements contradictoires.
Je pense aussi que c'est la meilleure solution. Les sorciers d'abord. Ensuite on verra."

Il reporta son regard non pas sur la glace du lac, mais sur Ruby qui regardait l'attroupement d'en bas se disperser.

Certains faisaient plus selon lui, mais je ne voyais pas quoi. Je n'avais pas non plus la force et l'envie d'entamer une nouvelle discussion sur le sujet, alors je laissai s'échapper ce dernier en soufflant une quelconque approbation.

Des questions, encore des questions. Qui me mettaient mal à l'aise ; mais je ne pouvais pas laisser transparaître ce ressenti à Aliosus, *ce s'rait impoli*.

« Tu es contre ses idées ? »

Je ne fis même pas attention au ton qu'il avait employé, réprobateur ou intrigué ; seuls ses mots m'importèrent à ce moment. Que pouvais-je répondre ? Selon mes dires, j'étais contre, en effet. Était-ce la réponse qu'il attendait ? Et depuis quand me préoccupais-je de répondre aux attentes des autres ?

Peu à peu, je reprenais mentalement ses mots, analysais sa position. *L'emprisonnement...*. Merlin, parlait-il d'un emprisonnement précis ? Si oui, je n'en avais pas connaissance. Et ses phrases qui traînaient, comme si elles me laissaient le temps de réfléchir aux réponses de ses questions rhétoriques. *Sans doute pas idéal...*. Je fis l'effort de ne pas froncer les sourcils, face à ces mots que je comprenais à moitié. Que c'était dur de s'impliquer dans un tel débat.

« Je pense, *Oui ?*, aussi que c'est la meilleure solution. »

Le cœur battant, l'esprit soulagé, j'étais pourtant peu fière de mon constat : me soucier autant de coller à ses idées. De ne pas être en désaccord avec lui. « Je... Oui, bien sûr. Les sorciers d'abord. » répété-je, comme s'il s'agissait d'une évidence à laquelle je n'avais pourtant pas pensé. *Changer de sujet*.

« Il y a quelqu'un d'autre en bas, encore. Je ne sais pas qui c'est, enfin qui elle est. »

L'ai interrogateur, je me tournai vers Aliosus qui en savait forcément plus que moi.

Ruby n'avait pas l'air franchement à l'aise de partir sur le terrain de la politique et ne cédait que quelques approbations du bout des lèvres, comme avec réticence. Plus la conversation avançait sur ce terrain, plus sa camarade semblait se refermer. Avait-elle un réel avis ? Après tout, la plupart des gens, surtout des enfants de leur âge, n'en avait pas, ou alors ils suivaient celui de leurs amis, ou celui dicté par leurs parents ou les journaux.

Elle admit sans grand enthousiasme que les sorciers devaient passer en priorité dans les préoccupations du nouveau gouvernement, mais ne sembla pas pour autant vouloir relancer le sujet. C'était pourtant elle qui lui avait demandé ce qu'il pensait de tout cela, et malgré ce qu'il avait pu lui répondre, les choses n'étaient pas simple pour le garçon. Vu la réaction de la Gryfondor, il nota mentalement de ne pas plus s'avancer en donnant son avis. Les jours étaient compliqués pour ceux qui s'exprimaient librement à Poudlard, et se livrer ainsi pourrait bien lui retomber dessus.
Dans ce cas, je serai prêt cette fois. Se promit Aliosus.

Ruby avait reporté son entière attention à la scène qui semblait s'achever sur la glace. Et sa question ne laissait pas la place à l'interprétation, il s'agissait de changer de sujet. Le Serpentard plissa les yeux et essaya de distinguer le nouveau protagoniste, ou plutôt la nouvelle car c'était une femme. Mais il ne l'avait jamais vu de sa courte vie.

"En effet, c'est pas quelqu'un de Poudlard. Elle a l'air d'être de leur côté pourtant. Peut être quelqu'un qui connait monsieur Blackwave ? Une ancienne collaboratrice ?"

Plutôt soulagée de ne pas avoir à disserter davantage sur le gouvernement, je laissai mes épaules crispées retomber doucement. Aliosus avait eu la gentillesse *ou la pitié* de s'éloigner du sujet comme moi. Sans dire un mot, il m'avait laissée parler. Il fallait dire que rien ne pouvait amener au débat dans mes pauvres bribes de mots. De l'extérieur, cela aurait pu paraître bien étrange puisque j'avais moi-même eu envie de débattre, peu avant. Mais la concentration m'occupait l'esprit, assez inconfortablement. J'essayais obstinément de trouver les bons termes pour m'échapper de la situation dans laquelle je m'étais fourrée.

« C'est probable, oui. Elle semble prête à nous aider... Je tiquai bêtement sur le nous employé : je ne tenais pas à prendre position une fois de plus. Ou à aider les professeurs. J'espère qu'elle y arrivera. »

J'écarquillai soudain les yeux en remarquant la disparition imprévue des Manteaux Noirs. *Évaporés*. Une volatilisation des corps qui m'avait brusquement fait tourner la tête en direction de la rive.

« Ils... Ils ont transplané ! »

Ils avaient sûrement dû suivre Parkinson. Parce... *qu'ils n'ont plus rien à faire ici*.

« Tout le monde rentre. observé-je avec une perspicacité frappante. Et aussitôt, comme un interstice repéré dans un mur, je m'engouffrai dans l'échappatoire. J'pense que je vais faire comme eux. Les professeurs sont sur le point de nous libérer, de toute façon. »

Je jetai un coup d’œil à Aliosus, tentant de savoir comment il prenait ma proposition de dérobade. *Pas très Gryffondor comme comportement*. Oh, au diable les stéréotypes sur Gryffondor. Je pouvais parfaitement agir en tant que Ruby et non en tant que Rouge et Or.

« Merci pour l'échange, c'était... C'était sympa ! assuré-je finalement en hochant la tête. C'est rare de trouver des gens avec qui discuter du contexte, quoi. À plus tard, à une table de la Grande Salle peut-être ! J'espère qu'on aura du courrier ! » lancé-je avec ma malice retrouvée. Un dernier sourire et je reculai de quelques pas avant de tourner les talons.

Fin pour moi ! Merci beaucoup pour ce RP, c'était très plaisant.