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14 avr. 2020, 16:05
Réminiscences  privé 
Tu baisses les yeux sur ton instrument. Tes yeux te piquent. Tu voudrais tout oublier. Te retrancher dans tes rêves, pour ne plus ressentir la douleur. T’enfermer dans les parties les plus lumineuses de ton esprit pour ne plus voir les ténèbres.
Ton cœur n’est plus aussi hermétique qu’il y a quelques mois.
Cette armure que tu avais construite, cette armure qui faisait fuir tout le monde, tu la regrettes. Tu déplores le temps où pour toi elle était un mur inébranlable, aussi solide qu’un roc. Où rien ne pouvait la faire bouger.
Tu voudrais oublier cet instant où tu as réalisé qu’elle n’était qu’une plume entre toi et les Autres, en réalité. Elle s’est envolée avec la légèreté d’un oiseau, elle a disparu, s’est transformée en poussière avec l’aisance d’une ombre.
Tu voudrais disparaître, loin, sous terre ou dans le ciel, pour être enfin hors de danger. Pour que tes seules amies soient les étoiles et que la Lune t’adopte comme sa fille. Tu aurais – enfin – une maman.
Tu voudrais être persuadée qu’après toute cette douleur, après les torrents de larmes sur tes joues, après tes hurlements étouffés dans ton oreiller, après tes cauchemars, après les lettres de ta sœur, après ces mots qui t’ont fait si mal, après les doutes qui t’ont étreinte si violemment, après la souffrance si monstrueuse que tu ne saurais même pas mettre de mot dessus, après la maladie de Papa dont tu ne sais rien, tu pourrais sourire. Tu pourrais redevenir cette gamine à la conscience stable et aux espoirs sans cesse grandis. Cette gamine forte, dans sa tête et dans son cœur, cette gamine capable de se relever sans l’aide de personne. Tu voudrais être persuadée que tu pourrais redevenir la Gamine d’avant.
Tu voudrais être une Enfant Ange. Comme celle que tu as croisée là-haut, l’autre nuit. Tu voudrais être une Enfant Ange pour être parfaite. Pour avoir une famille aimante. Pour ne pas être seule. Pour que les Autres ne te fassent pas si mal.
Tu voudrais être une Enfant Ange pour ne pas voir le monde partir en fumée. Pour ne pas voir la société s’auto détruire, se réduire en cendres. Pour ne plus avoir ces putains de sentiments qui te rongent de l’intérieur, qui te tuent.
Pour ne pas que cette Autre-là, celle qui se tient, comme un rempart, entre toi et tes espoirs, et qui te donne envie de laisser, une nouvelle fois, couler tes larmes, t’inflige ce mal. Pour ne pas qu’elle te fasse peur.
Tu voudrais être heureuse, juste heureuse. Pour toujours.
Les rainures sur le bois foncé de ton instrument te font sombrer dans tes pensées les plus noires, celle qui habitent tes insomnies. Celles qui te font serrer les poings pour contenir ta haine.
Sous tes yeux, elles paraissent s’animer, s’envoler, se tordre et s’enlacer. Insensibles au froid qui t’étreint, elles se meuvent lentement, dansent sur la surface lisse.
Aveugles et sourdes, elles se foutent de tout ce que l’on pourrait dire d’elles. Elles se contentent d’être, ces fragiles lignent qui valsent, sans que les avis ne les atteignent.
Envoûtantes, elles jouent, se rient de toute apesanteur. Ton regard, attiré par elles, s’y fixe pour ne pas avoir à contempler l’Autre et sa colère. Pour ne pas avoir à les supporter. Parce que tu sais que tu pourrais craquer.
La boule de neige tombe, atterrit près de tes pieds avec un bruit sourd. Tu secoues machinalement ta main gelée, puis, sentant que ton cœur tombe, tombe, et ne s’arrête pas, tu cesses de contempler ton violon.
Serrant son manche le plus fort possible, tu relèves la tête pour déclarer, presque en chuchotant :

« Fais moi pas croire que t’as pas mal ! Ça s’voit. »

Une lueur de défi s’allume dans ton regard, presque imperceptible. Tu es toujours terrifiée. Mais au fond, finalement, tu te fous qu’elle te frappe, qu’elle te siffle au visage ou qu’elle te crache dessus.
Tu voudrais être une Enfant Ange.

« Ça s’voit dans tes yeux. »

Tu la fixes encore un moment avant de tourner la tête. Contempler le château sera bien moins difficile que soutenir son regard si ténébreux.
Tu ajoutes, la voix encore plus basse :

« J’comprends que t’aies pas envie d’parler. Mais ça part pas comme ça les Ombres. Si t’as b’soin, moi j’suis là. »

Tu hausses les épaules, puis te replonges dans la contemplation de ton instrument et de ses lignes mouvantes.
Jamais tu ne lui avais chuchoté de si longues phrases.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

15 avr. 2020, 14:53
Réminiscences  privé 
Mon espoir est grand, mon espoir me fait mal. Je me rends compte tout à coup que j’y crois vraiment, à cet espoir, j’y crois de toutes mes forces. J’ai envie que Lewis soit celle qu’elle m’a donné l’impression d’être. J’ai envie de garder dans mon coeur les souvenirs du moment que nous avons partagé, cette petite chose que nous avons vécue et qui m’a fait, va savoir pourquoi, du bien. Je n’ai pas envie que tout cela soit gâché par la colère. Je n’ai pas envie, mais si elle continue à l’ouvrir, à insister, c’est ce qui arrivera. Et j’ai peur que ça arrive, j’ai peur, car si elle le fait elle perdra mon estime. Merde, je n’avais même pas eu conscience de l'estimer. J’ai peur, parce que si ça arrive, elle perdra ma confiance. *Merde*. Depuis quand a-t-elle ma confiance ?
J’ai peur d’être déçue, j’ai peur d’avoir eu raison : les Autres ne valent rien.
J’ai peur, parce que je croyais avoir trouvé en Lewis une camarade.
J’ai peur parce que… J’ai peur de la perdre, déjà, sans même avoir eu le temps de l’avoir.

*Débile*, pense ma tête, *débile*. Mes pensées sont débiles. Je me secoue légèrement pour les faire partir, sans me détourner de Lewis qui doit comprendre mon regard, qui doit comprendre mon avertissement. C’est essentiel. L’espoir m’envahit quand elle baisse la tête sur son violon. Elle abandonne, elle abandonne ! Je pourrais en sourire, mais je suis bien trop méfiante pour cela. Pourtant pas assez pour contenir l’envol de mon coeur lorsque la boule de neige tombe et s’écrase dans la neige, preuve ultime que l’enfant a accepté de me laisser mes secrets, qu’elle a accepté mes avertissements. Cette fois-ci, un sourire léger s’installe sur mes lèvres, tout petit sourire, tout discret, presque invisible. Ma peur s’apaise, mon espoir s’installe. J’en oublie un peu la folie par laquelle je viens de passer. Je suis rassurée. Assez rassurée pour l’oublier.

Puis elle lève la tête et son regard me glace.
Elle lève la tête et dans ses yeux, je comprends que ce n’est pas fini.
Elle lève la tête et parle, me coupe le souffle de ses mots, écarquillent mes yeux de son défi, serre mon coeur de son idiotie.
Ça s’voit ! qu’elle dit. Et en même temps qu’elle parle, en effet, cela se voit. Mon visage se fissure, ma mémoire se souvient. Et en effet, cela se voit quand elle parle, parce que le moindre mot ramène à ma conscience ce que j’essaie d’oublier. Alors que je fais tout pour les repousser, et j’y arrive, elle rappelle mes souvenirs à remonter à la surface. Pourquoi fait-elle cela ? Peut-être ne m’apprécie-t-elle pas ? Mon coeur se serre. Depuis quand pensais-je qu’elle m’appréciait ? Peut-être se plait-elle à me faire du mal, à me torturer de la sorte. C’est certain qu’elle sait ce qu’elle est en train de faire. Après tout, je viens de lui apprendre à faire fuir ses souvenirs, elle sait très bien que si elle insiste pour m'en parler, ceux-ci reviendront me hanter. Elle le sait, et pourtant elle choisit d’insister, de me faire mal.

« Ça s’voit dans tes yeux. »
Et j’ai mal.
La douleur monte des bas-étages de mon coeur, grimpe lentement, s’installe progressivement.
« Fais moi pas croire que t’as pas mal ! »
La déception est un monstre, un énorme monstre. Il prend toute la place, détruit mon sourire, détruit mon espoir. Il bouffe tout, celui-là, il se goinfre de la confiance, du respect, de l’intérêt, de mon estime ; il avale goulûment tout ce que j’ai eu tort de confier à Lewis. Elle est si grande ma déception qu’elle s’installe même sur mon visage, me tordant les traits, les affaissant. Si grande, ma déception, qu’elle se montre au monde. Si fière de m’arracher le coeur ! Le trou béant dans ma poitrine me fait suffoquer.
*C’est qu’une Autre, putain !*. Rien ne sert d’avoir aussi mal pour une Autre.
Et pourtant.

« J’comprends que t’aies pas envie d’parler. Mais ça part pas comme ça les Ombres. Si t’as b’soin, moi j’suis là. »

Moi j’suis là. Moi j’suis là pour te rappeler tes souvenirs. T’entends ? Moi j’suis là pour te hanter, Aelle, pour te rappeler dès lors que tu auras oublié, qu’il y a un cadavre dans ta tête et que tu ne pourras pas l’évincer aussi facilement. Hein, Aelle ? Si t’as b’soin, j’suis là, moi. Moi j’peux t’aider à te faire mal. Regarde, avec ma tête d’enfant, mes yeux de glace et mon air d'intelligente, regarde, je peux être là pour toi, pour te faire mal, pour te faire souffrir, pour me foutre de ta gueule, piétiner ta confiance, ton respect, pour t’empêcher d’aller bien, pour te faire espérer des choses, pour te promettre de passer des bons moments, et pour finalement t’arracher tout cela, te l’arracher du bout des doigts, même si je dois au passage piétiner ton coeur !
Tu entends Aelle ?
Si t’as b’soin, moi j’suis là.
Moi j’suis là.

Partout, partout dans ma tête. Sa voix. Désagréable, criarde. Revancharde. Le ton moqueur. Elle crie. Partout, partout dans ma tête, elle crie. Putain, putain, mais je suis vraiment trop bête de lui avoir fait confiance ! Vraiment trop bête de l’avoir apprécié, de lui avoir confié une petite part de moi. Voilà ce qu’elle en fait, désormais, elle me fait mal. Elle me piétine. Elle me trahit. J’suis vraiment trop bête. Cette fille n’est qu’une Autre, elle n’est qu’une putain d’Autre.

De mes yeux s’échappent des larmes, je n’avais même pas sentis ces derniers se remplir d’eau. Mes poings se sont extirpés de mes poches, mais je suis incapable de les serrer. Je suis tremblante, frémissante. Je me sens misérable, nulle. Pitoyable. Débile. Et c’est de sa faute, de sa faute à elle. Elle est coupable de mon état.
Je la déteste.
En un pas, je suis près d’elle. J’agis sans réfléchir. Mes deux mains sur ses épaules et je pousse de toutes mes forces. Je n’ai pas envie de la frapper, non, même pas. Je veux seulement la repousser comme elle vient de me le faire, qu’elle sache que ça fait mal. 

J'ai honte, Merlin, honte d'avoir cru qu'elle pouvait m'apprécier, honte d'avoir cru qu'elle aussi aimait passer du temps avec moi. Comment ai-je pu être aussi bête, Merlin ? Il n'y a que Thalia et Zikomo qui sont dignes de confiance. Et encore, Thalia est bizarre, *et si...*. Non ! Tais-toi, tais-toi. Thalia est digne de confiance, c'est tout ! Le regard voilé de larmes, je me retourne, la respiration affolée, le coeur en berne. Je m’enfuie. Comme une enfant, je pars en courant. Laissant derrière moi cette idiote qui s'est bien foutue de moi. J'aurais dû lui exploser son violon sur la gueule, la frapper de toutes mes forces, lui faire payer de s'être joué de moi. Mais je ne peux pas, j'ai bien trop mal. Je ne peux pas, ou je pleurerais et je ne pourrais plus m'arrêter. Alors je fuis, une autre façon d'éloigner mes souvenirs. Lewis aussi deviendra un cadavre ; je vais la repousser tout au fond de ma tête et plus jamais penser à elle. 
Elle n'a plus aucune sorte d'importance pour moi. 

- Fin -


Bon. Il y a exactement cinq posts, j'étais persuadée qu'Aelle partirait grandie de cette rencontre, heureuse du moment qu'elle a passé, fière même d'avoir eu raison d'accorder sa confiance, de se laisser aller avec Kyana. Et finalement, elle s'enfuit comme une enfant, persuadée que ta Protégée ne lui veut que du mal et... Ça m'énerve ! C'est tellement frustrant, et pourtant nous ne pouvons rien leur imposer. Tu sais déjà tout le bien que je pense de notre Danse, toutes les bonnes choses qu'elle m'inspire.
A bientôt.
Nous nous reverrons dans les Mots, ma chère, et il ne faudra pas tarder

18 avr. 2020, 10:54
Réminiscences  privé 
Tu réalises ton erreur lorsque son visage se décompose. Tu te rends compte que tu es allée bien trop loin. Tu comprends – enfin – que tu as été conne. Très conne. Ses yeux assombris des ténèbres des souvenirs te sautent au visage, et tu chancelles.
Échec. Terrible échec, Lewis.
Peut-être, au final, que tu n’es qu’une pauvre Gamine stupide parmi toutes les autres. Peut-être que tu n’es qu’une Autre. Peut-être – certainement.
Peut-être que, définitivement, tu ne vaux pas l’attention de cette Autre-là. De cette Inconnue qui t’est plus étrangère que n’importe quel autre élève. Peut-être que, pour finir, elle aurait mieux fait de dégager dès le départ. Pour ne pas avoir mal ; pour ne pas que tu aies mal.
C’aurait été mieux pour vous deux.
Mais ton violon se rappelle à toi. Il attire, une nouvelle fois, tes yeux vers la beauté de son bois, vers les ténèbres de ton cœur, vers le mystère de ces cordes. Il te murmure.
Il t’assure que cette Fille n’est pas bête. Que tu as merdé, toi, mais qu’elle, elle n’a fait qu’être pleinement elle. Il te certifie que rien n’est de son fait. Ce sont tes erreurs, tes problèmes, et elle n’en a rien à faire.
Il la défend parce qu’elle l’a tenu, lui, instrument si personnel, entre ses mains. Elle l’a serré contre elle, elle a ressenti sa force. Et lui a compris qu’elle valait le coup. Elle l’a protégé alors que tu dégageais les Ombres.
Il te dit que rien n’est rattrapable, pour le moment. Il te balance de lui foutre la paix, d’arrêter de gâcher ses jours, et d’aller vivre les tiens seule.
Il te répète qu’elle est en colère. Que tu es une gamine stupide, et que pour ne pas risquer ta vie, il vaut mieux que tu dégages. Maintenant. Avant qu’elle ne te

*Qu’est c’que...*
frappe. Brouillard noir, dans ta tête.
Déluge.
Tempête.
Orage.
Eclairs.
Le ciel est gris.
Les gouttes inconsistantes.
Les éclairs douloureux.
Tu te recroquevilles sur toi-même.
Pour échapper.
A la Douleur. A la Honte. A la Terreur. Aux Ombres qui reviennent aux portes de ton esprit. A l’Autre. A sa Violence. Au Monde.
Bourrasques.
Raz-de-marée. Qui emporte tout.
Lâcher prise.
Tourmente.
Lâcher prise.
Effroi.
Lâcher prise.
Lâcher prise.
Tu fermes les yeux. Le choc n’est pas violent. Mais tu aurais préféré un coup de poing. Une gifle. Quelque chose qui provoque ta colère. Tu aurais préféré la douleur. La violence. La haine.
Là… ce n’est rien. Absolument rien.
Le vide. Le vide total.
Elle t’a vidée.
Remplaçant tes vains défis et tes stupides espoirs par… ça.
L’incompréhension la plus profonde. Pas le moindre mal. Pas le moindre bleu. Pas la moindre contusion. Rien.
Et elle, qui s’en va. Qui fuit, parce que t’as été conne. Parce que tu t’es comportée comme une Autre, une débile d’Autre.
Parce que tes mots étaient ceux d’une Autre. Parce que tes pensées étaient celles d’une Autre. Parce que tes gestes étaient ceux d’une Autre. Parce que ta vie, durant cet instant-éternité, était la vie d’une Autre.
Tu n’es plus que Lewis, désormais. Plus d’identité. Un semblant d’humanité. Plus d’espoirs, plus de sensations, seulement du rien, un vide abyssal. Plus de Kyana, plus de Papa ou de Maë. Tu n’existes plus.
Un corps sans sens, un Corps d’Incompréhension.
Plus de violon, non plus. Parce que plus de sensations
Si tu baissais les yeux vers lui, tu le verrais, dans ta main. Tu verrais celle-ci s’entre-ouvrir, peu à peu, et laisser glisser ton compagnon d’infortune vers la glace immaculée. Tu comprendrais que ton instrument s’apprête à s’écraser sur le sol gelé. Tu aurais peur.
Plus de Gamine dans ta tête. Envolée.
Plus de froid. Il ne parcoure plus tes bras en y enfonçant de douloureuses aiguilles
Et plus d’Autre. Elle s’en va. Elle court, elle marche ? Elle pleure, elle crache ? Elle hurle, elle murmure ? Tu ne sais plus rien.
Seule reste la sensation de ses mains s’abattant avec colère sur tes épaules. Seule reste la certitude que tu n’as pas mal. Seul persiste le sentiment que tout ton univers n’est plus.
Et ton Violon qui tombe.
Qui tombe.


_______


Plume… merci.
Oh oui, que cette Danse était frustrante. Oh oui, qu’elle m’a donné envie de crier à ma Protégée de se taire. Oh oui, que j’ai eu le cœur battant en attendant tes Pas, toujours magnifiques. Mais qu'est-ce qu'elle était belle.
A très bientôt.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée