Non. Je me sens pas souvent bien. Quasiment jamais, en fait. Je n'ai plus l'habitude de me sentir bien. C'était le contraire en fait. J'avais simplement pris cette habitude, mauvaise, de ne plus trouver que le coté négatif des choses, dans tout. Autant bien dans les autres, que dans moi. Moi, ma vie, mes amis, tout ce qui faisait que j'étais Lexa. Tout autant dans les Mots que mon coeur voulait hurler que dans ceux que mon cerveau gardait pour lui. Tout autant dans la symphonie de mes Maux mélangeant la douleur des Mots des autres, sans penser aux répercutions.

Mais comment dire à la Fille que je ne me sentais jamais bien ? Je ne voulais pas passer pour une gamine dépressive et complètement folle qui ne voyait jamais le coté positif des choses, aussi maigre soit-il. Et ce petit coté, aveuglée par ce stupide et idiot personnage qu'était mon père, je le voyait disparaitre petit à petit, sans même m'en rendre compte.

- Pas souvent, nan. Jamais même. Sauf... sauf quand j'me sens tellement bien et épanouie que j'm'en rends même pas compte, parce que j'sais même plus ce que c'est d'se sentir bien.

J'avais accentuée le dernier mot sans même m'en rendre compte, peut-être parce que j'étais terrifiée de la normalité, et j'avais besoin de cet attachement au malheur pour me sentir bien. Comme si souffrir me réconfortais, parce qu'au fond, je crois que c'est le cas. Aucuns moment heureux ne me vient en tête, et chaque moments qu'un humain normal trouverait heureux, j'y verrais un aspect de moi que je n'aime pas. J'y verrais Moi, Moi et Mon Monde, celui-là.

- Et... et toi ? Tu te sens souvent bien ?

Navrée pour le retard

Bien. C'est quoi finalement se sentir bien ? Je lui ai posé la question sans me poser celle-là avant. Aller bien. C'est tellement éphémère, tellement imprécis que je ne sais pas ce que c'est. Comment faire pour aller bien ? Et comment le savoir ?
La Fille sait qu'elle ne l'est pas. Pas souvent en tout cas. Elle dit qu'elle sait plus ce que c'est. Comme une chose qu'on lui avait appris. Mais qu'elle a oublié. Elle l'était peut-être, avant. Mais elle semble triste, et même si avant cette tristesse ne m'a pas parue évidente, au début. Je la vois, maintenant. Peut-être parce qu'elle vient d'en parler.
Je m'en veux un peu, d'avoir réveiller ça en elle. Mais cela semble être tellement habituel qu'elle n'a pas l'air de s'en soucier vraiment.
Inévitablement, elle m'a retourné la question. Question à laquelle je n'ai pas la réponse. Avant décembre, j'aurais dit non, de toute évidence. Aujourd'hui, je ne sais plus. Je ne dis pas que je vais mieux, seulement que des choses ont changées. Et que j'ai plus conscience de celles-ci.
J'ai de la chance que Julia ai était là. Mais Maman a laissé une trace négative lorsqu'on est partis. Mais j'ai Papa, Arthur et Horty, aussi. S'ils ne semblent pas bien, maintenant, ça s'arrangera, j'en suis sûre. Mais moi. Est-ce que je vais bien.

« Je... Parfois, oui. Mais ça ne dure jamais. »

Je ne sais pas si j'ai menti. Si j'ai caché une partie de la vérité. Je ne sais même pas quels sont mes réels sentiments. Sur le fait de se sentir bien.
Je crois que j'aurais aimé en parler, il y a quelques secondes. Mais la Fille, je ne la connait même pas. Et je ne veux pas l'embêter avec mes histoires, si elle même va mal. Personne ne mérite ça.

Je hoche la tête, doucement. Ça ne dure jamais. C'est cela, oui. Welmina, tout comme Eileen, résonne dans ma tête, et me fait perdre sens en la logique. Elle aussi, c'est un Miroir. Car si le visage est le miroir de l'âme, les yeux en sont les interprètes. Qui a dit cela, déjà ? Mère avait passée des heures à me parler de cette phrase, quand j'étais petite. Nous étions installées dans la Grande Bibliothèque, cachée derrière une porte à la maison, à Londres. Elle avait sorti une boite où était rangée quelques centaines de parchemins, grâce à un sortilège d'extension - elle avait toujours été la meilleure en Sortilèges - et en avait extrait cette phrase. Circéon ? Cicéron, je crois. Oui, voilà. Cicéron. Cher Cicéron, où que tu sois, tu as raison. L'âme de Welmina se reflète dans ses yeux d'une merveilleuse manière, comme dans un labyrinthe. Et moi, je me perds dedans, comme Ulysse se perd dans l'océan. Dois-je comprendre qu'elle est une sirène, maléfique et vile ? je ne l'espère pas. Regard, tu n'es une sirène, n'est-ce pas ? Promets-moi de ne pas me piéger.

- Ouais, voilà. C'est ça.

Les mots me manquent. Peut-être que les sirènes avaient aussi le pouvoir d'enlever la parole ? Comme ce conte pour enfants, dans lequel la méchante vole à l'héroïne sa voix. Mais Regard, tu n'es pas méchante, toi, n'est-ce pas ?

J'ai du mal à comprendre Lexa. Elle semble si secrète, peut-être un peu perdue. Mais son regard est tellement beau qu'il efface cette impression. Je m'en veux un peu. De lui avoir demandé si elle allait souvent bien. Je pense que je n'aurais pas du.
Reparler de nouveau pourrait tout briser. Briser ce que son regard sait réparer. Alors je me contente de le contempler. Si puissant et si doux à la fois.
Je me tais. Pour ne pas dire n'importe quoi. Pour ne pas tout briser.
Les émotions se transmettent de bien des façons, mais avec elle, la parole n'en fait pas parti. Juste ce regard. Le sien, le mien.
Je ne me sens ni bien, ni mal. Je me sens. C'est tout. Mon Moi-même. Uniquement lui, plongés dans cette couleur grise.
Peut-être qu'elle me prend pour une folle, à rester là. Sans rien dire. Peut-être qu'elle est juste polie. Peut-être que je la gêne.
Rapidement, toute cette atmosphère tranquille s'est évaporée. Une simple pensée l'a fait chavirée, laissant place à une culpabilité dévorante. Je ne suis pas digne de ce Regard. Pas aussi longtemps. Je ne suis pas digne de son histoire. Je n'aurais pas du lui en demander plus.
Et pourtant. J'ai tant envie d'en savoir sur elle. Et contempler son regard, encore un peu.
Mais je suppose que ce n'est pas réciproque.
Moi je n'ai rien de spécial.
Fuir n'est pas une bonne idée. Et j'aimerai tellement rester. Mais peut-être que si je me prive de son regard, cette fois. Il me réconfortera une autre fois. Et si je reste, maintenant. J'en capturerais tout le bien, je volerais ces secrets, et le Regard perdrait son éclat. Son côté réconfortant.

« Merci, Lexa. Prends soin de toi.»

Et je m'en vais. Vers une direction choisie au hasard. Là où mes pas décident de me mener. L'endroit où je vais ne compte plus.
De tout cœur, j'espère qu'elle comprendra pourquoi je m'en vais. Le Destin en a décidé ainsi, c'est tout. Et je sais que le destin a décidé qu'on se reverra.

« Je l'espère. »

Je murmure ces quelques mots, ils se perdent quelque part, non loin de moi.
Lexa. Le Vide. Ce Regard. Ou peu importe qui elle est vraiment.
Je m'en vais, ravie. Je pourrais être triste de m'éloigner de ce Regard, si apaisant. Mais je suis ravie. De l'avoir revue. De savoir que ce château est rempli de personnes, de choses, toutes plus fantastiques les unes que les autres. Ravie, d'en avoir eu un maigre aperçu.

Je pense que ce sera mon dernier post, merci à toi pour cet Écrit ! C'est toujours un plaisir d'écrire avec toi.