L’idée d’offrir le miroir à l’enseignante ne fut pas aussi bien acceptée qu'escompté. Non pas que Miss Field n’en voulait pas mais le cadeau semblait un peu trop précieux pour qu’elle l’accepte. L’alternative proposée dérouta le garçon.

« Le revendre ? Mais je ne sais pas combien ça coûte. Dans une petite grimace, Bad ajouta. Et je pense que si ma mère apprend que j’ai revendu son cadeau je vais passer un mauvais quart d’heure. »

Finalement, Miss Field l’invita à le garder et lui expliqua comment en prendre soin. Faute de savoir quoi en faire pour le moment, Bad décida de suivre son conseil. Le miroir allait retourner sous son lit pour un moment. Peut-être encore quelques années. Au moins, il y resterait à l’abri des regards indiscrets.

Écoutant les précautions de nettoyage, le Serdaigle tendit la main pour y recueillir l’hysope séchée. Bad ne put s’empêcher de plonger son nez au-dessus et de prendre une inspiration. Une odeur proche du romarin lui remonta dans les narines. Ce n’était pas désagréable. Ne sachant où déposer la fleur séchée, le garçon ferma son poing gauche et garda le bras à moitié fléchi. De sa main libre, il tenta de replacer le miroir dans le tapis de divination du mieux qu’il le pouvait. Ce fût laborieux mais Bad finit par réussir à envelopper son miroir noir. Les doigts en pince, il prit l’objet divinatoire et s’apprêta à sortir de la pièce par la trappe pour rejoindre ses camarades qui attendaient avec impatience le début du cours.

« Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, Miss ! Je vais appliquer vos conseils mais je ne vous promets pas que je réussirai un jour à voir quelque chose dans ce miroir. Mais si jamais j’y arrive, vous pouvez être sûr que je viendrais vous voir ! »

Bad lui sourit de toutes ses dents avant de tourner le dos à l’enseignante, direction la sortie. Après quelques pas, l’air de ses poumons devint glacial tandis qu’il sentait le tapis de divination entre ses doigts beaucoup plus léger. Un regard rapide à sa droite confirma sa crainte. Le miroir n’était plus qu’à quelques centimètres du sol. Prêt à se briser. Le malheur allait-il s’abattre durant sept ans sur les épaules du jeune sorcier ?

Je hoche la tête : oui, le revendre n'est pas forcément la meilleure idée. Surtout s'il n'a aucune idée de la valeur réelle d'un tel objet. Je regarde le garçon remballer son miroir dans le tapis, assez laborieusement, il faut le dire. Je regrette presque de ne pas avoir pris le miroir – mais non, je n'aurais pas pu accepter ça, ça n'aurait pas été... éthique, j'imagine ?

« Je vous en prie, je réponds, un peu sceptique. N'hésitez pas, ma porte vous sera toujours ouverte.
Puis je le regarde quitter ma salle de classe et oh-Merlin-non-non-pas-ça : le miroir glisse du tissu qui le recouvre et s'éclate au sol. Je le savais... Je savais que j'aurais dû garder cet objet ! J'accours pour observer les dégâts : il s'est brisé en trois grands morceaux, plus quelques miettes de pierre noire. Je me penche, fébrile, et je tente de récupérer les morceaux sans les casser davantage. Je ne sais même pas si ce serait réparable, ou si le fait d'avoir séparé la pierre annule complètement le pouvoir du miroir. Malgré mes doutes, je tente de rassurer le garçon.
– Ne vous inquiétez pas, ce n'est rien. On doit pouvoir le... le recoller. J'imagine.
Toujours accroupie, je m'éclaircis la gorge et je lève mon regard vers l'élève.
– Je... Je peux le garder, si vous voulez, pour voir si on peut... Enfin, pour le réparer. Je vous le rendrai après, bien entendu. »
Mais avant, je l'emmitouflerai dans beaucoup, beaucoup de papier-bulle.

Au moment où un bruit de verre brisé retenti dans la pièce, un frisson parcourut le corps de Bad. C’est pas possible, non ! Mais non ! Désemparé, le Serdaigle restait figé sur place, ne sachant plus quoi faire. Son visage devenait livide tandis qu’il regardait ses mains tremblantes. Il n’était même pas capable de tenir un miroir … Quel empoté il faisait ...

Voyant Miss Field se baisser pour réparer la bêtise, le garçon l’imita. Accroupi près de l'enseignante, il était incapable de la regarder. Il avait trop honte. Et alors qu’il s’attendait à une remarque sur sa maladresse, la professeure de divination fit preuve de bienveillance à son égard. Les yeux toujours fixés sur les morceaux brisés du miroir noir, Bad se gratta nerveusement la chevelure et répondit d’une voix fébrile.

« Je suis désolé, Miss, je ne sais comment je me suis débrouillé pour le faire tomber. Il ne faut absolument pas que ma mère l’apprenne. Oh non, surtout pas … »

Les yeux rougissant du garçon commençaient à briller. Lui qui se prenait parfois pour un dur avait du mal à gérer ses émotions du moment.

« Je … Je veux bien que vous essayiez de le réparer, s’il vous plaît. Petit reniflement. J’espère vraiment que vous allez réussir. »

Bad se releva lentement comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules. Il tourna alors de grands yeux tristes vers son enseignante.

« Merci beaucoup, Miss … Je vais chercher mon sac pour le cours. J’espère que je ne le ferai pas tombé lui … »

Se dirigeant vers la porte, Bad lâcha un “à toute à l’heure” presque inaudible avant de sortir.