Inscription
Connexion

01 déc. 2020, 15:58
Sous le regard du soleil
J’ai beau ne pas bouger, elle ne m’oublie pas ; elle ne part pas. Je la vois s’agiter à l’orée de mon regard et comme à regret je pose mes yeux sur elle. Je ne sais pas comment elle a prit mon refus. Mal, peut-être. Bien, sûrement. Neutre, certainement. Ce qui est étonnant, c’est qu’elle ne revienne pas sur ses mots. J'aurais aimé la voir dire : « je rigolais, bien sûr que je ne veux pas un câlin de toi ! » mais elle n’en fait rien ce qui signifie qu’elle était bien sérieuse dans sa proposition. Et j’ai honte de moi, parce que cette fille me fait un peu peur. Je ne sais jamais ce qu’elle va faire ou dire. Elle est étrange, elle est bizarre. Elle est trop différente de moi pour que je la considère comme une égale, trop exubérante pour que je la vois comme une camarade, trop indiscrète pour qu’elle soit autre chose qu’une Autre. Et pourtant, nous nous faisons face ; entre nous flotte ce secret qu’elle m’a avoué en toute conscience. Il est si lourd, ce secret. Il me noue la gorge et me serre le coeur, ce secret — je le hais, mais je ne sais pas comment me débarrasser de lui. Déjà, je sens la prise froide qu’il a sur mes pensées et ma façon de voir le monde. Est-ce possible qu’en si peu de temps il puisse me changer, ce grand secret ?

La voix d’Elowen me ramène sur Terre. Je l’avais pas réellement oublié, mais il est aisé de se perdre dans le silence. Je papillonne des paupières et me concentre. Ses mots me donnent une réponse : elle est blessée par mon refus. Un rictus se dessine sur mes lèvres, je n’arrive pas à le retenir. Sérieux, comment peut-elle être blessée ? *Elle me connaît vraiment pas*, non vraiment pas si elle a cru possible, rien qu’une seconde, que je puisse serrer son corps contre le mien ; la seule idée de le faire me fait frémir et me dégoûte. Je n’ai aucune envie de serrer qui que ce soit contre moi.

Elle se lève ; je l'imite. Je me redresse sur mes jambes tremblantes. Le monde tangue, contrecoup de ma précédente panique. Je prends une grande inspiration. Elle m’aide à m’apaiser, mais aussi à accepter les paroles de l’Autre : « on est épuisantes », qu’elle a dit, « je nous comprends pas ». Ce nous me dérange. Il me rappelle Lewis et je déteste me rappeler de Lewis. Je n’aime pas non plus que la Furie pense à nous comme un nous. Je ne veux pas qu’elle soit quoi que ce soit pour moi. Pourtant, je ne dis rien. Je me tais, j’attends, j’écoute. Parce que son Secret me pèse sur la conscience et que je ne dois surtout pas dire quelque chose qui pourrait… Quoi ? La briser, peut-être. Son secret la rend fragile, non ? Je dois faire attention à ce que je dis, je dois la préserver de— *merde, j’sais même pas d’quoi*. Je repousse mes pensées bordéliques pour me concentrer sur l’Autre. Ce qu’elle me propose m’étonne ; je baisse les yeux sur la main tendue vers moi. Faire la paix, donc ? Se demander pardon ? Et elle s’excuse, déjà. Elle s’excuse et mon coeur répond en s’agitant dans ma poitrine. Foutu coeur. Faible comme il est, il grossit quand l’Autre promet de respecter mon intimité.
Mais c’est quoi, une promesse d’Autre ?
Une connerie.
Un mensonge.
Un mirage.

« Tu veux bien arrêter de me détester, dis ? »

J’accorde à Elowen un regard surpris : moi, la détester ? Merlin, c’est qu’elle ne connaît rien à mes colères pour croire que je la déteste ! Pour détester, encore faut-il être capable d’aimer. Je n’aime pas Elowen et je ne la déteste pas. Je ne ressens pas grand chose pour elle, si ce n’est un immense et intense sentiment de culpabilité. Même l’intérêt que je ressentais avant pour elle est réduit à néant par cette grande, très grande honte. Mon regard est attiré par la main, celle malmenée par les dents ; je fronce les sourcils.

« Je te déteste pas, » dis-je simplement, comme si cela suffisait à anéantir toutes les angoisses de la fille. Je détourne le regard et le plonge dans l’horizon. Je prends un instant de réflexion avant de dire : « Je… J’ai menti tout à l’heure. »

Qu’est-ce qui me force à énoncer cette vérité ? Pas les excuses de la fille, pas sa proposition de faire la paix. Non, c’est cette grande honte qui me force à le faire. Parce qu’on doit se montrer gentille avec les gens qui souffrent, non ?

« T’es pas une timbrée. »

T’es juste très étrange.

« T’es pas malade. »

T’es juste très bousillée.

« J’te le dis, répété-je en haussant les épaules, le regard éternellement attiré par la main, cette main qui souffre sous le joug de tes dents, je t’ai jamais détesté. »

Merlin, mais comment a-t-elle pu croire une telle chose ? Ça me en rogne qu’elle l’ait cru ! Heureusement, ma honte muselle ma colère. Détester, ça fait mal. J’en sais quelque chose. Être détestée… C’est pire encore. J’ai cru mourir toutes les fois où je me suis persuadée qu’on me détestait. Avec Thalia, c’était moins douloureux qu’avec *Char…*— pense pas à elle ! Merde, ce n’est pas le moment de penser à elle, surtout pas. Comme toujours, je fous un coup de pied dans mes pensées pour les faire disparaître. Je me concentre sur Elowen. Elowen et son foutu regard. Elowen et sa foutue tronche. Elowen et son putain de secret. Elowen et cette main qu’elle malmène, cette main qu’elle déchire, cette main qu’elle mordille. C’est quoi son putain de problème ? J’agis sans même y réfléchir, alors que j’allais tendre la main pour serrer la sienne (il le faut bien, je ne peux pas risquer de la froisser davantage, à cause de son secret ; non ?) je décide au dernier moment d’attraper non pas la droite, mais la gauche que j’éloigne de sa bouche. Aussitôt fait, je lâche Elowen et me frotte les doigts comme pour les en débarrasser de sa présence.

« Arrête ça, » soufflé-je avec un regard d’avertissement. Puis, parce que la laisser croire que je la déteste n’est tout simplement pas tolérable : « Ok pour faire la… paix. »

Je jette un vague regard à l’autre main ; il est trop tard pour la serrer — ce n’est pas sans me déplaire.

J'ai adoré écrire ce texte ! Merci. Écrire avec toi, c'est quelque chose ; c'est beau.
Toutes mes excuses, encore, pour mon retard.

14 déc. 2020, 12:26
Sous le regard du soleil
@Aelle Bristyle


Elle attend, ma main droite. Elle ne sait pas ce qu'elle attend mais elle attend. Elle espère que tu agiras, pour ne pas rester inutilement tendue vers toi et être ridiculisée de la sorte par ton refus. Elle place bien trop d'espoirs en toi, tandis ce que la gauche n'en a rien à secouer. Elle se tortille, se laisse mordre sans rechigner, gigote un peu, tremble sans doute, mais, masochiste qu'elle est, revient sans cesse à ma bouche qui la grignote à chaque fois plus, la faisant souffrir, rougir, et ce dans son indifférence la plus totale. Mes deux mains ne dépendent de rien, elles agissent, incarnant le dilemme qui m'habite sans que je ne sois consciente qu'elles extériorisent mes moindres pensées. La droite est la paix, la tolérance, l'envie de progresser. L'autre, de son côté, est la peur, l'inquiétude à l'idée que la page ne se tourne, que quelque chose de nouveau ne commence, que toi et moi nous rapprochions alors même que nous en savons trop l'une sur l'autre. Mon indécision se lit sur mes mains, il ne faut pas être voyant pour s'en apercevoir.

L'évidence est telle que je ne me rends compte de rien, et que je me contente d'écouter tes mots, tes mots qui me réchauffent le cœur et auxquels je ne m'attends pas. Tu viens de dire, à demi-mot, que tu ne me détestais pas, et je n'en crois pas mes oreilles. Je m'attendais à beaucoup de choses, que tu refuses, que tu fuies, que tu acceptes cette trêve mais sous certaines conditions, ou encore que tu te moques de moi, mais je ne pensais pas que tu répondrais cela. Tu as l'air sincère, alors quand je croise ton regard je cesse de douter et te crois.

Tu confesses ton mensonge et j'en reste sans voix. J'ai l'impression de découvrir une nouvelle facette de toi, plus sensible, moins distante, comme si tu me laissais enfin pénétrer ta coquille. Je ne m'étais pas nécessairement trompée sur toi, disons juste qu'il me manquait des informations à ton sujet pour percer tes secrets.

A cet instant, ce n'est pas de la pitié que je sens émaner de toi, contrairement à ce que tu aimerais que je croie. Non, je ressens un soupçon de bienveillance, c'est fort surprenant. Peu à peu, mon angoisse passée s'évapore pour laisser place à un vide, un vide plutôt positif, une agréable surprise qui vient couvrir ma terreur. Je l'oublie, sans même m'en rendre compte, j'oublie ce souvenir, l'enferme dans les recoins cachés de ma mémoire, et inconsciemment me promets de ne plus jamais le refaire jaillir à la surface, ni avec les autres, ni seule avec moi-même. C'est trop douloureux, ça me pèse, je n'ai qu'à l'ignorer et il finira par disparaître.

Toi, à l'inverse, tu ne disparais pas. Tu parles toujours, de façon saccadée, et tu corriges tes dits précédents. Tu ne fais aucun compliment, tu ne me rassures pas, tu te contentes d'être toi et de nier ma folie. C'est peu, certes, mais que tu le reconnaisses me permet de relâcher mes muscles et la tension qu'ils contenaient. Je souffle, m'affaisse un peu, et te regarde. Sur mon visage se dessine un immense sourire qui vient fermer mes yeux et masquer les restes de tristesse qu'ils contenaient. Je ne suis qu'une rangée de dents, mal-alignées, désordonnées, irrégulières, pas forcément très blanches mais une rangée de dents qui respire l'allégresse. Tu me rends heureuse, à cet instant précis. Cependant, consciente de ce pas qu'ensemble nous venons de franchir, je choisis de ne pas réduire la distance qui nous sépare et de rester à ma place.

Et puis, tu t'agaces et m'attrapes la main. A mon grand étonnement, c'est la gauche qui attire ton attention. Tu la saisis et ce contact entre nous en devient douloureux. Tu me tords la main et l'éloigne de mes lèvres, comme pour me protéger. Cette action est incompréhensible à mes yeux, elle ne faisait rien de mal, cette pauvre main ?

« Ok, j'arrête... Désolée. »

Tu termines de parler, me réduisant durant quelques instants au silence. J'en reste soufflée. Ainsi donc, tu l'as dit ? Je n'y aurais jamais cru. Ne sachant comment régir, j'hésite un peu.

« Bon, alors on est quittes. Merci Alma ! »

Je m'exclame avant de douter.

« Alma, c'est pas ton prénom, pas vrai ? Ça t'embête si je t'appelle comme ça maintenant, ou bien tu préfères me donner ton nom ? »

J’acquiesce à ta réponse, me montrant compréhensive. Et puis, ne voyant pas quoi faire de plus en haut de cette tour, et ayant l'impression que nous nous sommes tout dit, je tourne les talons. J'ai fini d'observer le paysage que j'étais venue contempler, je dois retourner étudier à présent. Je descends quelques marches, me retourne, plonge mes yeux dans les tiens.

« J't'aime bien, tu sais ? »

Et puis je fuis et dévale quatre à quatre les marches de la tour d'Astronomie. Ne sachant pas si tu peux m'entendre de là où tu es, je poursuis.

« Y'a plus qu'à espérer que cette nouvelle relation ne tue aucune de nous, et ça devrait bien se passer ! »

Arrivée en bas, certaine que plus personne, pas même toi, ne peut ouïr mes mots, j'éclate de rire, et ça fait du bien. Je ris, et mes larmes coulent. Je rie aux sanglots, je pleure aux éclats, j'inspire, expire, et m'en vais rejoindre ma salle commune, avec un unique mot à la bouche : merci.

Fin du RP pour ma part, S. Merci ! Comme tu t'en doutes, j'ai adoré. A quand la suite ?<3

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

18 déc. 2020, 14:45
Sous le regard du soleil
C’est donc si facile d’enterrer les tentions ? On fait la paix ? Oui. D’accord ! J’ai l’impression d’être une enfant. J’ai l’impression d’être naïve. Comme si avec mes mots, j’avais scellé un accord que je ne voulais pas passer. À vrai dire, je suis plutôt rassurée que cette fille ne croit plus que je la déteste, et rassurée également que mon simple « OK on fait la paix » l’empêche de ressentir quelques désagréables sentiments pour moi, mais j’ai l’impression de m’engager dans quelque chose que je ne pourrais pas contrôler et c’est foutrement flippant. Qui sait si cette fille respectera l’accord de paix ? Qui sait si elle ne recommencera pas à être étrange et intrusive ? Et si elle ne recommencera pas à m’envoyer des sortilèges ? Je ne sais rien d’elle, absolument rien — par contre, je connais son Grand Secret, celui qui fait mal et qui me met mal à l’aise. Ce n’est pas normal de savoir ça alors que je ne connais même pas son nom de famille, n’est-ce pas ?

D’ailleurs, elle ne connaît pas le mien non plus. Voilà pourquoi elle m’appelle Alma depuis le jour où nous nous sommes rencontré *percuté* au bord du lac. Elle s’est soudainement mise à m’appeler ainsi et je ne sais absolument pas pourquoi — « tu es une âme bizarre » n’est pas une explication suffisante pour moi. Comment pourrais-je accepter d’être appelé ainsi si je ne sais pas pourquoi, bordel ? Les gens sont si étranges ! Je n’arrive décidément pas à comprendre comment ils fonctionnent. Ils sont trop différents de moi. Ils accordent de l’importance à ce qui n’a aucune importance et dédaigne les règles élémentaires de la vie : celle de ne pas donner de surnom sans l’accord de la personne, par exemple.

« Ça m’embête, » rétorqué-je donc à la fille. Un peu plus et je lui rappellerais la fameuse règle, mais je préfère ajouter, puisqu’elle a eu l’intelligence de parler de mon nom et non pas de mon prénom : « Bristyle. C’est mon nom de famille. »

Il existe mille réponses à ce que je viens de dire ; Elowen se contente d’acquiescer. Je scille, troublée par le fait qu’elle accepte aussi facilement — d’habitude, les Autres râlent et s’étonnent que je ne donne pas mon prénom. Ils veulent toujours en savoir plus, savoir ce qui ne les concerne pas. Mais pas elle.

Je pensais qu'elle allait ajouter quelque chose mais elle tourne les talons et s’apprête à quitter la tour. *Qu’est-ce que…*. Bordel, mais compte-t-telle me laisser en plan comme une idiote à chaque fois que l’on se parle ? C’est insupportable ! Je m’élance dans le but de l’arrêter, de lui dire n’importe quoi, mais soudainement elle se retourne et…

« J't'aime bien, tu sais ? »

Tétanisée, je ne réponds rien et elle disparaît.

Il me faut quelques secondes pour retrouver le chemin de la réalité. Dans mon esprit, c’est le chaos. Repasse en boucle la scène à laquelle je viens d’assister. J’t’aime bien, tu sais ? Comme si j’essayais de comprendre ce que j’ai manqué. J’t’aime bien, tu sais ? Comme si j’essayais de trouver le piège. J’t’aime bien, tu sais ? Mais c’est là le cœur du problème : il n’y a pas de piège, cette fille m’aime bien, moi, et vient de me le dire. J’ai un peu de mal à l’accepter. Un sourire nerveux m’étire les lèvres et enfin j’arrive à me bouger : je me détourne de l’entrée et regarde mes affaires sans les voir.

Je me sens lasse. En arrivant au sommet de la tour, j’étais fatiguée et je ressentais le besoin d’être seule, complètement seule. J’allais assez bien, à vrai dire. J’étais assez joyeuse. Mais là… Là, j’ai envie de m’enfermer quelque part avec un livre qui m’occupera des heures durant. En ayant sous les yeux, peut-être, le profil concentré de Thalia, et sur les genoux le petit corps bleu de Zikomo roulé en boule. Oui, cette vision me plait beaucoup. Je pourrais oublier ce qu’il vient de se passer, ce que m’a dit cette fille. Je pourrais oublier qu’il existe des gens dans le monde qui se font violer et que je viens d'en prendre brutalement conscience.

- Fin -


Je te dédie un beau sourire, ma chère. Écrire avec toi est toujours un très grand plaisir — je te le répéterai à chaque fois.