- "Oh visiblement vous arrivez quand même à être très inspiré concernant les livres. Vous auriez peut être même dut prendre deux paniers pour ne pas avoir à vous limiter." Dit-elle en désignant du regard, associé à un petit rire, le panier plein à craquer que l'adulte avait repris dans sa main.

Tout au long de l'échange, Lilly essayait de décrypter le langage de l'adulte qui utilisait des tournures de phrases peu communes et faites de nombreuses images et vocabulaire qu'elle n'avait pas l'habitude d'entendre à l'oral.

- "Votre monde de naissance? " Elle hésita de nombreuses secondes avant de poser la question qui lui brulait les lèvres. Elle avait été jusqu'ici plutôt curieuse, encore plus qu'à son habitude. Et même si cela ne semblait pas avoir dérangé l'adulte qui lui avait répondu de manière correcte et développé, elle se doutait bien qu'il y aurait une limite à ne pas franchir. En ayant conscience de cela, elle posa tout de même sa question, la réponse l’intéressant bien plus que de potentielles conséquences:

- "Vous êtes né-moldu?" Elle s'en voulait un peu d'avoir posé cette question. C'était peut être un peu trop personnel. Et dans le contexte ce n'était peut être pas le plus bienvenu. Mais elle n'avait fait que rebondir sur ses propres propos. Elle n'imaginait pas l'image qu'il aurait d'elle, à le questionner sur son ancienne maison et sur son statut de sang. Elle devait passer pour quelqu'un de bien superficiel. Surtout que ses questions, elle ne les auraient jamais posées auparavant. Curieuse des réponses, elle se demandait si celles ci comptaient vraiment? Etait-ce vraiment de la simple curiosité ?

Encore une fois le questionner sur son âge lui avait également frôlé l'esprit. A l'entendre, on avait l'impression qu'il était né de bien trop nombreuses années en arrière que s'en était étrange. Peut être n'était-il pas un sorcier ordinaire. Et encore moins un né-moldu. Elle le verrait bien en fonction de sa réponse à la question de toute façon. Mais Lilly se promit d'aller chercher à la Bibliothèque des informations sur ce sujet. Encore une bonne excuse pour s'y rendre. Mais pour le moment, cela faisait trop de questions.

Puis elle prit conscience de la dernière proposition qu'il venait d'émettre

Lilly était d'une grande générosité. Pour autant celle dont les autres pouvaient faire preuve à son égard la gênait énormément. Elle était pourtant bien placée pour savoir que celle-ci, lorsqu'elle était désintéressée, ce qui était souvent le cas n'attendait vraiment rien en retour. Mais elle n'arrivait pas à s'enlever de la tête qu'une fois celle ci acceptée elle se devait de rendre la pareil. Et elle était très mal à l'aise avec ce sentiment.

- "Ah non." Lui avait échappé d'un ton un peu sec. Rapidement, elle se reprit une fois la surprise passée.

- "Ce n'est pas nécessaire je vais vous aider du mieux possible mais ce n'est pas nécessaire de me payer quoi que ce soit. Mais vous pourrez toujours garnir la bibliothèque avec des ouvrages sur le sujet. Comme ça tous les élèves pourront en profiter cela me semble la meilleure option. Je veux bien essayer de vous aider mais je ne pense pas être la plus grand connaisseuse à ce sujet!" Termina-t-elle avec un sourire.

Je restai silencieusement souriant lors de sa première remarque, elle semblait parfaitement comprendre les actions que j’eusse pensées avant mon entrée dans la librairie ; combien de paniers allais-je prendre pour me permettre de remplir discrètement les étalages de ma nouvelle maison ? Mais je n’avais écouté que mon esprit rationnel pour en acquérir peu (ce qui était faux).
Mais ce ne fut pas ce qui me surprit le plus : la portée de mes paroles avait eu un authentique sens dans son écoute ; elle avait deviné dans l’ambiguïté de mes mots, la vie que je menais ou que j’engagerai par ce statut tant haï. Né-Moldu. « Sang-de-Bourbe », « Faux sorciers » et tant d’autres appellations auxquelles je ne souhaitais plus une existence ; alors, je me permis de hocher la tête d’un geste bref avant de tenter la prise en douceur des mots durs que je pensais, que je dirais.

— Oui, je suis un « Né-Moldu », et le monde profane est ma natalité, mais est-ce cela qui fait de moi un mage de bas étage ? Non, en réalité, on est sorcier au même niveau que tout autre sang, mais on ne peut l’exprimer réellement à haute voix. Mais ce n’est point cela qui m’empêchera de prouver ma valeur ; on apprend à vivre avec et on s’endurcit autant qu’un volcan grandissant sur la terre ferme. Mais bref, ce n’est pas grave, ne vous en faites pas. D’ailleurs, votre aide me sera particulièrement précieuse, et j’accepte aussi ce fait pour lequel vous ne souhaitez pas une compensation monétaire ; c’est bien compréhensif.

Je repris mon panier et me permis d’en accueillir un nouveau dans notre « équipe » d’investigation en souriant bien calmement, espérant, d’une certaine manière, ne pas être comparé à un potentiel voleur d’ouvrages ; on aurait pu y croire, fort heureusement, je n’étais plus — réellement seul — et d’autres idées pouvaient à présent me sauver ; je pouvais paraître pour un père aux yeux de certains, un tuteur pour d’autres ou simplement un précepteur de vacances (ce qui pouvait bien être étonnant puisque la magie était interdite hors de Poudlard grâce à la trace). Je reposai alors un regard sur la jeune étudiante et souris avant d’analyser quelques couvertures du rayonnage.

— Et vous ? Quel monde a été le premier à écrire l’histoire de votre vie ? Vous n’êtes pas obligée de répondre à mes mots, surtout si vous ne le souhaitez pas ; je ne vous en voudrai pas ; vous êtes libre de vos choix.

Je reposai le livre dans le rayonnage à la fin de ma tirade orale ; il n’était guère plaisant ; j’avais bien plus l’intention de l’entendre parler en la regardant ; que d’écouter en bouillonnant intérieurement ma colère contre un recueil qui, selon moi, eût apporté peu de connaissances ou de divertissements aux élèves en ayant besoin ?

La réponse de l'adulte laissa penser qu'elle l'avait vexé. Elle s'en voulait d'avoir abordé avec lui la question du statut de sang. Qui ne l'avait jusque là jamais intéressé outre mesure. Lilly ne savait expliquer pourquoi elle l'avait questionné à ce sujet alors qu'elle venait tout juste de le rencontrer. C'était certainement juste de la curiosité. Elle avait eut une impression, une sensation qu'elle pouvait parler de tout avec lui. Ce n'était pas rationnel comme pensée, juste un ressenti auquel elle s'était fié, auquel elle s'était laissé aller et maintenant elle le regrettait. Elle avait juste voulu voir ce qu'était sa manière de réfléchir et de s'exprimer à ce sujet. Il fallait l'admettre, au fond d'elle Lilly était toujours gênée par son propre statut. Ce n'était pas de la honte car elle était fière de sa famille et de sa vie de Moldue. Mais elle était venue à s'interroger sur le pourquoi de ses propres pouvoirs. Pourquoi elle? Comment ? Tant de questions qui trottaient dans sa tête plus ou moins consciemment selon les moments et qui ressortaient parfois d'une étrange manière, comme c'était le cas aujourd'hui.

- "Oula non ce n'est pas ce que je voulais dire. Je suis désolée si je vous ait vexé ou blessé." Dit-elle en rougissant franchement de honte. Elle parlait beaucoup trop et elle le savait, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Son regard se perdit pendant quelques secondes vers le parquet, fixant ses pieds sans trop savoir que répondre pour poursuivre la conversation sans dire de choses trop maladroites. L'adulte continuait à chercher dans le rayonnage des ouvrages pour trouver grâce à ses yeux. Après une inspiration maitrisée, la jeune fille continua ses paroles.

- "Je...Je sais bien que le statut de sang n'a aucune importance quand à la force ou à la maîtrise d'un sorcier. Bien sur. C'est juste que je me pose pleins de questions à ce sujet. Et que cela fait toujours plaisir de rencontrer quelqu'un qui est finalement comme moi. Je suis également née-moldue et j'en suis à la fois fière et gênée. C'est... étrange comme sentiment." Elle laisse quelques secondes s'écouler, le regard semblant se perdre dans le vide.

- "Je ne sais pas si je pourrai réellement vous aider finalement." Dit-elle en appuyant sa phrase d'un petit sourire, toujours gêné.

- "Enfin bref je heu je suis désolée de vous avoir coupé en plein milieu de vos achats. J'ai été ravie de faire votre connaissance et je me ferai un plaisir de passer vous voir à la Bibliothèque pour m'aider dans ma recherche d'ouvrages et pour venir voir toutes les belles œuvres que vous allez y rajouter bien sûr! Une fois au château si jamais vous avez besoin d'aide, cela me ferai plaisir de vous aider. Tout ce qui touche aux livres me passionne. Merci pour cet échange et votre temps en tout cas. Ce fut un plaisir." Elle le regarda dans les yeux, chose qu'elle avait bien du mal à faire, pour admirer encore une fois leur bleu hypnotisant.

Probablement la fin du Rp

Je m’arrêtai quelques instants en l’entendant émettre des excuses à mon égard. Pourtant, je n’avais pas été vexé par ses dires ; loin de ce qu’elle pouvait imaginer. Après, la situation que vivait le Monde Magique, cela pouvait être cause d’interprétation ; nous n’étions pas avalisés comme on le souhaitait, comme si nous n’étions qu’un sous-peuple dans le peuple. Néanmoins, selon moi, elle n’avait pas à s’en faire, j’avais eu plus de vingt-cinq ans pour m’y faire et je l’avais accepté ; j’avais toléré être traité dans l’image d’un paria, d’un destructeur quand je fus, un temps, attaché par le mariage à une famille — aujourd’hui — inscrite dans les mœurs comme une lignée de sang-pur. Alors, je n’y portais plus réellement d’importance ; même si je maintenais mes assertions sur le fait qu’outre l’origine de mon liquide écarlate, j’étais et je restais un sorcier à part entière. Je me tournais, dès lors, vers elle avec une considération rassurante, plus douce et la regardai annoncer qu’elle aussi était au même degré que moi ; une née-moldue.

— Pourquoi vous excusez-vous ? Vous n’aviez rien dit de mal en soi, pourtant, il est vrai que cela aurait pu me vexer si je n’avais pas mis vingt-cinq années à m’y adapter. N’en doutez pas, vous y arriverez tout autant. Vous êtes non moins thaumaturge qu’un autre mage. Et si ces questions vous trottent dans l’esprit, ce n’est pas par doute, mais par certitude de ce que vous êtes. Personne ne peut vous dire ce que vous êtes ou non. Les registres ne sont que papiers et encres, ils s’effacent, peuvent même être oubliés. Votre existence, elle ne s’escamotera pas de votre vivant, vous entrez dans l’âme et la modifiez. Nous sommes humains ; on se fait des amis, ce que ces livres ne peuvent pas faire. Ils peuvent être aimés, mais ne peuvent pas évoluer au fil des jours. Cela, je peux vous le confirmer, donc vous n’avez pas à être gênée. Soyez vous-même, c’est le plus important.

J’interrompis mon propre flot de paroles pour continuer son écoute ; elle ne savait plus si elle était capable de m’aider, comme si tout ce qu’il venait de se dire l’avait freiné et la dérangeait. Un besoin de recul. C’était compréhensible, je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout ce qu’elle avait eu en ce jour, il était normal de se demander une pause, d’en réaliser une. Je posai donc ma main sur son épaule dans un mouvement calme et rassurant. Je ne souhaitais pas qu’elle confectionne, en son esprit, une nouvelle culpabilité. Elle ne le méritait pas.
Je souris et regardai ses iris colorés avant de poursuivre.

— Ne culpabilisez pas pour cela. Après tout, je vous aurais bien trop ennuyée avec mes validations de choix que je vous aurais fait fuir. Une pause de temps en temps, surtout après cette situation et cette discussion, est compréhensible ; vous n’êtes pas un androïde à qui je demande des tâches que je peux accomplir seul en me moquant de votre état. Et rassurez-vous, je serais plus que ravi de vous revoir à la bibliothèque afin de vous aider ou pour tout simplement converser. Si vous avez besoin, je serai là tel un bon faire-valoir, mais j’accepterai volontiers votre subvention quand viendra ce moment.

L’expression que je maintenais restait des plus sincères avant de tourner mon regard sur l’étagère à mes côtés et de prendre un titre qui me fabriqua un sourire et qui pourrait la complaire à son tour. Je le sortis d’un doigt de son antre et le tendis à la jeune fille dans une gestuelle douce.

— Je pense que ce livre pourrait vous donner la première clé pour votre quête scolaire sur la transformation animale. Vous pourriez ne pas en être déçue. Et gardez à l’esprit que vous ne m’avez pas blessé, je dirais mieux, vous m’avez aidé à ne pas rendre ces achats longs. Ce fut ainsi un plaisir pour moi de vous avoir rencontré et d’avoir pu faire naître un très bel échange oral. Merci, miss.

Eh oui, toute bonne chose avait une fin, et celle-ci annonçait une recherche littéraire bien plus acharnée pour retrouver un sourire motivateur identique à celui rencontré ce jour-là. Je n’allais pas le regretter avant des années ; j’espérais — juste — qu’entre deux pages, tout ce qui fut vécu ne fût pas oublié.





Ce fut un plaisir pour moi de partager ces mots avec vous