Silencieux. Tout semblait si calme… Et pourtant quelques heures auparavant le stade grondait, on entendait les cris et les applaudissements dans tout le château. Il y avait encore quelques stigmates de l’effervescence rouge et verte. Mais le lieu était maintenant abandonné de tous, vidé de toute cette énergie et il ne restait plus que les gradins de bois entourant la pelouse et ces trois anneaux se dressant fièrement dans le ciel.

C’était fini. La saison 2045-2046 se terminait et les Hel’s étaient bons derniers. La jeune Delphillia c’était emportée de nombreuses fois à la suite des matchs, la colère, celle qu’elle avait eu tant de mal à maitriser semblait bien loin aujourd’hui. Oui le dernier match avait été très frustrant pour elle, elle n’avait pas réussi grand-chose, mais elle ne ce n’était pas énervée. Elle avait juste envie de prendre sa revanche, de montrer aux autres que même si les Hel’s tombaient au plus profond de l’enfer ils se relevaient. Comme ce jour là avec Eileen, la naissance des démones à cette même place. Aliénor s’avança vers le centre du stade et laissa son regard se perdre sur les tribunes, celles des commentateurs, se souvenant des Hel’s Angels, d’Herminie, des jaunes qui criaient tous… Il y avait tant de bons souvenirs que toutes les déceptions qu’elle avait pu vivre s’estompaient. Elle ne retenait que le meilleur et son amour pour ce sport.

Elle se retourna en direction des vestiaires de Poufsouffle. L’équipe était en construction, ils devaient encore s’adapter les uns aux autres, mais elle était persuadée qu’ils pouvaient faire de belles choses. Elle avait vécu le pire comme frelon, le meilleur comme Hel’s et la retombée aux enfers. Mais ils se relèveraient plus forts que jamais elle en était certaine. Il y avait de sacrés éléments dans l’équipe, du renouveau qui ne pouvait faire que du bien. Et en mixant l’expérience et la fraicheur, ils pouvaient aller loin.

Aliénor ferma les yeux et pris une grande inspiration. Elle était un brin nostalgique, mais elle avait hâte de la suite, c’était toujours une surprise et l’année prochaine lui en réservait plein elle le sentait. Elle s’étira doucement et son dos craqua. Elle n’était pas venue au match, certainement un peu trop amer, ou alors parce qu’il n’y avait pas de surprise quant aux gagnants de cette saison qui l’avaient survolé. Et pourtant c’est toujours quelque chose à voir ces matchs. Un sourire illumina son visage, au centre de ce stade, elle se sentait si petite et pourtant on avait déjà crié son nom à elle entre ses murs de bois. C’était irréel, grisant, et elle l’avait vécu. C’est pour ça qu’elle ne voulait pas que ça s’arrête. Jamais...

C'est à contre-courant des élèves qui ont quitté les lieux il y a déjà quelques heures que je décide de me rendre sur les lieux du crime.

Mon carnet à la main et un simple crayon de papier fourré dans la poche, je traine des pieds sur l'herbe. Toute la journée j'ai évité le match, puis les supporters, pour finalement me pointer sur le terrain.

En réalité, je regrette un peu de ne pas être aller le voir, ce match. Après tout, même quand je ne joue pas, c'est toujours un sport que j'apprécie. Mon sport.

Seulement, j'étais, je suis toujours un peu, trop amère pour ça. Trop en colère, trop déçue. C'est dur, de voir que nous n'avions aucune chance de gagner la coupe. Que nous n'avons gagné aucun match.

Dur de savoir ça quand les Hel's avaient dominé le championnat l'année dernière. Avant que j'arrive. Et je sais rationnellement que ce n'est pas que ma faute, mais comment blâmer l'équipe après avoir assister à tous les entrainements, aux coulisses des matchs, aux discussion dans les vestiaires ?

Comment regretter ? Je ne regrette pas ça. Tant pis si on a perdu, on fera mieux l'année prochaine. Ou celle d'après. Ou celle encore d'après. Ou peu importe, tant qu'on s'amuse, tant qu'on se bat.

Entrant sur le terrain, je m'apprête à commencer mon dessin. Je m'imprègne de l'ambiance que l'on ressens encore, celle que je suis venue chercher, pour l'immortaliser, m'en rappeler même loin de Poudlard.

Mon geste s'arrête pourtant à mis chemin puisque j'aperçois que quelqu'un d'autre est là. Je pensais que l'endroit serait vide, et il est probable qu'elle aussi.

Mon hésitation dure un total de trois secondes avant que je ne m'approche d'elle. Un léger sourire teinté de tristesse ne quitte pas mon visage alors que je me laisse tomber sur le sol non loin. J'énonce un simple mot, jambes croisées et le regard posé sur mon crayon qui bouge déjà sur sa feuille blanche.

- Salut

Les yeux toujours clos, la jeune Delphillia n’avait pas perçu la présence qui s’était installée non loin d’elle. Au salut, elle ouvrit les yeux avant de chercher de qui cela pouvait venir. Ce n’est que quelques secondes plus tard que son regard s’abaissa sur le sol et y trouve Shado, jeune recrue des Hel’s même si elle avait déjà fait ses preuves et de belles preuves sur ses premiers matchs. Son regard s’attarda un peu sur elle, observant sa posture et s’arrêtant sur ses mains et ce parchemin sur lequel un croquis commençait à se dessiner. Les yeux de la jeune Delphillia s’arrondirent, elle ne savait même pas que sa coéquipière dessinait et elle s’en voulait de ne pas apprendre à mieux connaitre ses coéquipiers de Quidditch. Pourtant ce n’est en se connaissant comme personne qu’ils avaient gagné lors de la saison précédente. Elle pouvait décrire les trajectoires de vol de Rey les yeux fermés, elle connaissait les habitudes d’Eileen devant les anneaux, les tics de Kévin quand un match approchait, les célébrations de Jeff… Elle les connaissait très bien et c’était ça qui faisait que rien ne pouvait leur résister.

-Salut…

Elle laissa planer un petit silence, arrachant son regard au parchemin de sa cadette pour relever les yeux vers les tribunes.

-C’est fou comme ce lieu est empreint de l’énergie des joueurs, des supporters. C’est comme si on laissait tous notre marque. Bonne ou mauvaise.

Son regard descendit des tribunes pour se poser sur le vert de la pelouse au sol. Cette année, les jaunes n’avaient pas vraiment laissé de rires ou des cris de joies et pourtant… L’équipe de supporters brillamment menés par Maddie avaient tout déchiré. Ils étaient unis et donnaient tout et rien que pour eux, Aliénor avait hâte de se remettre en selle. Pour montrer que Poufsouffle n’était pas KO que cette défaite, que cette saison humiliante n’était qu’un écueil, une erreur. Rien ne pouvait les mettre à terre, même s’ils seraient la risée l’année prochaine… Mais c’était le cas l’année dernière alors qu’ils avaient gagné la coupe.

-Ca va ?

C’était bête comme question. Mais elle savait ce que c’était d’avoir l’impression de ne pas y arriver. D’entrer dans une équipe et que soudainement rien ne se passe bien. Ce n’était en rien de sa faute bien au contraire. Mais le cerveau humain aime nous jouer des tours alors elle voulait s’assurer que revenir ici, certainement pour être seule, n’était pas une sorte de message d’alerte pour dire qu’elle n’allait pas bien. Après tout si Shado était combative sur le terrain, elle ne savait pas comment elle encaissait les choses hors du terrain.

Mon crayon se balade paresseusement sur le papier, faisant peu à peu apparaitre un bout des tribunes. Mes traits gris se superposent, formant ensemble l'image parfaite.

Je hoche la tête doucement quand Alienor intervient, puis, pose mon crayon et mon carnet. Les jambes en tailleur, j'étend les bras sur l'herbe derrière mois, regard fixé sur le stade.

- Ouais, c'est pour ça que je suis venue dessiner ça. J'voulais en garder un souvenir pour les vacances.

Pour arrêter de douter. Je ne le dit pas, mais c'est pour avoir quelque chose qui me rappelle qu'on a pas fait que perdre. Parce qu'on a joué aussi. On s'est battus, on a tout donné. Mais on a joué, on a pas juste perdu.

Et finalement, j'ouvre la bouche, et l'esprit, un peu. Parce qu'on est tous dans le même bateau, la même équipe.

- Parce que c'est facile de se souvenir qu'on a perdu. C'est plus difficile de se souvenir qu'on a joué.

Parce que c'est vrai. Perdre c'est décevant, mais jouer, faire, essayer, c'est tout aussi important. Après tout, il faut bien une équipe perdante, c'est juste dommage que ce soit nous.

Je tourne la tête pour fixer les yeux atypiques de ma coéquipière. Puis hausse les épaules à sa question.

- Ça...ça ira, ouais. C'est un peu dur là, mais ça ira.

Je lâche un sourire à ces mots. Et puis, puisque la réponse m'intéresse, je fait de même.

- Ça va, toi ?

Dessiner. Aliénor aussi dessinait. Bien moins qu’avant, mais elle aimait toujours ça. Cependant son monde était imaginaire, bien loin du réel. Elle ne dessinait que des animaux, pas d’humains, sauf exception et des paysages toujours avec cette nature qui reprenait le dessus sur les constructions de l’homme et au début de l’année, cette fameuse salle commune décrite dans ses quelques lignes que lui avait confié Colby. La quatrième année observa sa cadette. Shado avait montré de capacités pour réussir dans le quidditch, elle serait une adversaire redoutable pour les autres équipes et peut-être qu’elle détrônerait Elina comme meilleur attrapeuse de Poufsouffle ? Elle avait encore du temps, mais Aliénor savait qu’elle avait tout ce qu’il fallait.

Qu’on a joué… Aliénor était compétitrice, sur le moment, dans le match, quelques minutes avant et après, elle ne voyait que la victoire pas le reste. Il n’y avait rien qui comptait plus. Mais quand elle s’entrainait, c’était son amour pour le vol qui prenait le dessus. Son amour pour le vol, mais aussi son amour pour ce jeu qui ne cessait de grandir.

-Ça va. Maintenant qu’on est au plus bas on ne peut que remonter. Les autres ne feront plus attention à nous.

Elle avait la rage. Aliénor avait toujours une sorte de rage en elle, une colère qu’elle arrivait peu à peu à maitriser. Mais elle savait qu’au quidditch, cette rage pouvait lui servir. Elle lui permettait de se dépasser, d’aller toujours plus loin, de repousser ses limites… Et un jour cette rage fera d’elle une batteuse potable. Du moins c’est ce qu’elle espérait.

-Jouer…

Oui jouer, elle aimait jouer. Elle tourna la tête vers Shado qu’elle avait quitté des yeux quelques minutes. Un sourire en coin apparut sur son visage et ses yeux pétillèrent de malice. Elle avait une idée en tête. Elle leva les yeux vers un morceau de banderole rouge qui restait là. Elle voletait doucement comme une tentation trop grande. Ce morceau de tissus allait devenir l’accessoire principal du jeu d’Aliénor.

Elle tourna les talons pour aller chercher son balai et celui de Shado stockés dans les vestiaires. Elle ne tarda pas à revenir et à laisser tomber le balai de Shado devant elle.

-Un jeu ?

La jeune Delphillia ne prit même pas le temps d’avoir une réponse avant de s’envoler pour aller décrocher le tissu qui se déchira assez facilement. Le tissu dans la main, elle se rapprocha un peu de Shado avant de crier :

-Alors l’attrapeuse, tu l’attrape ?

Puis Aliénor fila à toute allure en direction des anneaux, fière de son nouveau jeu débile. Il en fallait peu pour s’amuser et puis, elles étaient jeunes, talentueuses, pourquoi ne pas en profiter ?

Les yeux perdus dans le ciel bleu, je hoche la tête, en accord avec les mots d'Aliénor. Le seul avantage de tout foirer, c'est bien qu'on peut plus faire pire. Puis, gagnée par l'esprit de compétition, un sourire s'étire sur mon visage. J'aime cette idée qu'on se relèvera pour les détruire quand ils auront le dos tournés.

Et on va le faire, se relever. Moi j'y crois. On a pas le choix de toute façon, et c'est pas comme si on avait déjà fait autre chose que y aller à fond. On va sortir des enfers, et ils regretteront de nous sous-estimer.

Levant les yeux vers ma coéquipière, je remarque son expression, et lui lance un regard interrogatif. Un sourcil haussé, je me lève lentement, suivant du regard sa progression jusqu'aux vestiaires.

Quand mon Nimbus est déposé à mes pieds, je lui renvoie un sourire, décollant du sol sans tarder.

- Avec plaisir !

Apercevant un bout de couleur rouge dans la main de la batteuse, je comprends sans trop de problème les règles improvisées. Filant rapidement aux trousses de ma coéquipière mon adversaire, je prends le temps d'apprécier le moment. Je crois que ça me manquait un peu, voler juste pour voler, pas de compétition ou de vrai enjeu.

Un sourire prend toute la place sur mon visage alors que je dirige mon balai dans une course mouvementée. Même si c'est pour jouer, je compte pas perdre. Rapidement, j'arrive proche de la batteuse, et tends le bras. D'un geste rapide, j'arrache le bout de tissu de sa main, m'échappant en virant sur la droite.

- Et toi, la batteuse, tu comptes me battre ?

J'envoie un rictus moqueur dans sa direction, puis laisse échapper un rire joyeux. J'accélère encore, simplement heureuse de voler comme ça, comme le vent.

Jouer, voler pour le plaisir, c’est paradoxal venant de filles qui passaient le plus clair de leur temps sur un balai d’oublier qu’elles pouvaient prendre du plaisir sur un balai. Alors qu’Aliénor s’amusait à voleter dans les airs, le ruban rouge qu’elle tenait entre ses doigts fila et son regard se porta immédiatement sur Shado un peu en contre bas. Elle n’avait pas volé son rôle d’attrapeuse celle-là. Elle était sacrément vive la petite. Mais Aliénor savait être rapide aussi, même si elle était plus efficace sur des courtes distances, sur des accélérations soudaines, sa détermination était sa plus grande arme. Elle sourit en retour à Shado tourna légèrement la tête sur le côté et le regard légèrement compétiteur lui montrait qu’elle était prête à aller chercher ce bout de tissu.

Aliénor partit à la poursuite de sa cadette, les deux mains bien accrochées au manche de son balai et le regard fixe sur le ruban. Voir le sourire de Shado agrandissait le sien alors qu’elle suivait les virages de l’attrapeuse. Elle arriva à sa hauteur et resta quelques instants à côté d’elle, la regardant en rigolant, essayant d’anticiper ses mouvements pour que les deux filles soient synchronisées.

-Plus vite attrapeuse !

Elle allait déjà bien vite, Aliénor avait du mal à suivre la cadence à vrai dire, mais elle voulait jouer, toujours aller plus loin dans le jeu et gratter les limites. Aliénor ralentit quelque peu pour analyser le mouvement de sa cadette puis elle accéléra d’un coup, le souffle court, elle attrapa le ruban du bout des doigts. Elle souffla un grand coup alors que son balai ralentissait, cette accélération l’avait fatiguée… Elle regarda derrière elle, persuadée de voir arriver à fond sa camarade de Poufsouffle. Ce qui était le cas. Aliénor observa autour d’elle et fila en direction d’une des tribunes des commentateurs. Survolant le chapiteau elle laissa tomber le ruban qui se posa avec délicatesse sur la toile. Aliénor vola en contre-bas et se posa au niveau du banc des commentateurs. Elle posa son balai sur le côté avant de regarder le parc. La tribune était plus haute que celles auxquelles Aliénor avait accès habituellement et la vue était imprenable. Normal qu’ils voient tout d’ici !

-Hey Shado !

Elle criait pour être certaine d’avoir l’attention de l’attrapeuse des Hel’s.

-Pourquoi tu joues au quidd toi ?

Elle se plaça dos à la rambarde, les mains encadrant ses hanches posées sur le bois de la rambarde et le regard vers sa coéquipière toujours en vol au-dessus d’elle. Elle était à l’aise sur un balai mais jouer au quidditch c’était différent de voler, Aliénor l’avait appris et si au début dans l’équipe ce n’était pas trop ça, elle c’était souvenu que pour elle justement, c’était pour voler encore plus parce qu’elle était faite pour voler. Mais Rey par exemple, jouait pour le jeu, la stratégie et gagner, une raison bien différente que celle de la jeune fille même si finalement elle aussi est tombée amoureuse de ce jeu.

Mon éclat de rire se perdant dans le vent, j'accélère encore. Et encore. Pas question de lui laisser une victoire facile, après tout.

C'est toujours la même sensation, peu importe combien de fois je le fais. Toujours la même adrénaline qui me rend si vivante, à chaque fois que la course commence. Comme si je courais contre le temps, contre la mort.

Mon sourire s'agrandit au fur et à mesure, alors que j'enchaine les virages, espérant dépasser Alienor, que j'entends bien trop proche. Et alors que le ruban me glisse des doigts, je continue de le poursuivre, heureuse de ce jeu dangereux.

Alors, quand la batteuse lâche le ruban, je m'en approche délicatement et le ramasse. Je ne sais pas vraiment ce que je vais en faire, mais il retient aussi bien les sentiments qu'un dessin.

Volant doucement dans le vent, j'observe ma camarade tout en nouant le bout de rouge à mon poignet. Pourquoi je joue ? C'est la question, nan ? Pourquoi on fait ce qu'on fait ?

-Bonne question.

Je prends le temps de réfléchir, regard perdu dans les tribunes.

- J'pense que c'est pour l'adrénaline. Ça parait bête, mais c'est là ou j'suis la plus vivante, t'sais ? Entre la peur de tomber, de perdre et juste la vitesse, t'as le cœur qui s'agite comme jamais avant dans ta vie. Ça devient aussi l'équipe et le jeu en général, mais je pense que c'est ça la raison, ouais.

J'évite de rencontrer ses yeux, par peur d'un jugement. Je me doute que c'est pas très normal, que ça devrait pas être la raison. Ou peut-être qu'il faut juste pas le dire, qu'il faudrait balancer un mensonge à propos de la "magnificence" du sport, ou de mes coéquipiers, mais c'est la vérité, et tant pis.

- Pourquoi toi tu le fais ?

J'ai jamais vraiment réfléchi à pourquoi chacun faisait tel sport. Pour moi, ça a toujours été la même chose. L'adrénaline de l'escalade, d'une branche d'arbre qui craque, d'un mur de 10m.
Pourquoi les gens font-ils du foot ? De la danse ? Sans doute pour les mêmes raisons qu'ils font du Quidditch. Va savoir.

L’adrénaline, le fait de se sentir tout puissant, vivant. Elle savait ce qu’elle était et un sourire apparut sur le visage de la jeune fille. Ce n’était donc pas le sport au premier abord. Il n’y avait pas de mauvaise réponse à cette question, pourtant le visage de Shado semblait fuyant comme si la réaction de la jeune Delphillia comptait pour elle. Aliénor pencha la tête sur le côté et quand celle-ci lui renvoya la question elle ne put s’empêcher de lâcher un petit rire.

-Pour partir plus tôt de certains cours, avoir des bonnes notes en vol sans trop en faire et avoir l’excuse du stress pour aller aux toilettes en cours dans les veilles de match.

Oui ils avaient des avantages, le quidditch était un sport exigent mais surtout très apprécié et considéré par les sorciers. Donc inconsciemment ou non, ils avaient certains avantages dont la jeune fille aimait profiter même si elle n’en abusait pas. Bien évidement ce n’est pas la vraie raison de son rôle de joueuse de Quidditch. Mais ça l’amusait de le faire croire à Shado et au moins elle se dériderait. Il y avait bien pire que ce qu’elle avait dit comme raison de jouer.

-C’est pas vrai. Même si c’est cool.

Son regard se baissa sur le bois de la cabine des commentateurs et il glissa le long des lattes comme si elles pouvaient la mener quelque part. Puis elle se tourna pour regarder le stade.

-J’aime voler. Cette sensation de liberté quand je suis sur mon balai, personne peut m’arrêter. Et pourquoi le Quidditch ? Parce que je peux être vraiment moi-même et en plus ça plait et ça aide mon équipe. On ne me reproche pas mon explosivité, ma colère, ma violence.

Ses doigts se serrèrent autour du bois qui la retenait de tomber en avant. Elle fronça légèrement les sourcils et la mâchoire se contracta. Elle en contenait beaucoup et méditer l’aidait. Mais sur un balai, une batte à la main, elle exprimait tout ce qu’elle avait pu enfouir.

-Et puis quand tu commence à jouer… Je suis tombée amoureuse de ce sport, de l’équipe, des cris des supporters, de cette putain de tunique jaune pétant et de cette balle de malheur.

Ses doigts se desserrèrent et elle se détendit. Elle leva de nouveau les yeux vers sa camarade pour lui sourire. Elle aimait profondément ce sport et elle espérait que Shado aussi. Parce que un joueur qui aime ce qu’il fait est un bon joueur. Sinon à quoi bon, à quoi bon ce lever le samedi matin et s’entrainer, à quoi bon jouer sous la pluie, sous la neige alors que la seule envie qu’on a c’est de rester près de la cheminée en salle co… L’amour du sport, de la compétition, du quidditch.

Mes yeux, occupés de diverses pensées, prennent l'éclat d'un sourire alors que la batteuse parle. Même sans son ton rieur, je sais que ce n'est pas la vérité. Du moins l'entière vérité.

Il suffit de la voir jouer, de la voir voler pour ne pas y croire une seconde. Même si il fallait avouer que ces avantages ne sont pas de refus. Après tout, il faut bien ça pour les trop nombreux cognards qu'on se prends.

Bras croisé sur la rembarde, index et majeur droit tapotant le bois dans un rythme rapide, mon regard alterne entre le terrain vide et ma coéquipière. Je ne peux qu'émettre un bruit amusé à sa révélation - comme si je ne savais pas que c'était faux.

Quelques mots menacent de franchir la barrière de mes lèvres à l'entente de ses prochaines phrases, mais je préfère les retenir. La mort. La mort peut nous arrêter. Et n'est-ce pas grisant ? De faire quelque chose que seul une force supérieure peut nous enlever ?

Mes doigts s'agitent dans mon esprit, prochain dessin pratiquement imprimé sur une feuille de papier imaginaire. Et puis un deuxième, variation de cette première idée, se stocke à côté, dans un coin de mon cerveau, aux mots de ma camarade.

M'efforçant de rester concentrée, je hoche la tête avec compréhension à ses explications, lâchant un léger rire à la fin de sa phrase.

- Eh ! Moi je les aime bien nos robes ! Bon, par contre je peux pas en dire autant du cognard. Le gars qui a trouvé que c'était une bonne idée, je lui en toucherais bien 3 mots.

Je m'interromps, prends le temps de compter sur mes doigts, en articulant exagérément mais silencieusement les mots auxquels je pense : CA FAIT MAL CONNARD avant de reprendre la parole.

- 4, en fait.

Je décoche à ma camarade un regard innocent qui se transforme rapidement en sourire, amusée par ma propre bêtise.

Ma tête se tourne cette fois vers les quelques nuages que contient le ciel. Et sans quitter cette drôle de boule blanche qui ressemble vraiment à un chien - mais si, j'te jure - je pose une question qui me passe par l'esprit. Si il faut que ce soit un des jours où on discute sérieusement, autant aller jusqu'au bout.

- Tu penses que tu va continuer le quidd ? J'veux dire pas forcément que pour Poudlard, mais plus tard, comme métier et tout ?

Et je sais, je sais qu'on a le temps pour y réfléchir. Que j'ai du temps pour me décider, et pourtant, ce moment ne fait que se rapprocher. Sans aucune réponse. Bientôt, trop tôt, faudra faire un choix, pour lequel je ne serais pas prête.