Inscription
Connexion

02 août 2021, 22:36
Premiers instants  libre 
Aujourd’hui était une journée comme les précédentes, étrange, irréelle, magique aussi. Josephine avait l’impression de vivre dans l’essoreuse d’une salade, tant les sentiments étaient contradictoires. Tantôt elle était stressée, de ne pas faire assez bien, de ne pas être à la hauteur, d’être un échec, de ne pas réussir à rendre sa mère fière, et tantôt elle ressentait cette pointe de satisfaction gonfler en elle, en ayant l’impression d’avoir le privilège de déambuler dans ces murs. La magie de sa sœur avait été jugée trop faible – un peu trop – pour qu’elle puisse être scolarisée ici. Être la première des enfants Lester à avoir de la magie au bout des doigts était quelque chose que personne ne pourrait lui enlever.
Mais à chaque fois que la joie l’habitait, il y avait toujours le contrecoup. Revers de la médaille, ça retombait comme un soufflé, et elle se sentait désemparée. Parce qu’elle était en terrain inconnu, au milieu d’inconnus, dans un univers un peu inconnu. Elle ne se souvient pas avoir vu sa mère pratiquer réellement la magie devant elle. On lui avait juste dit que « maman est différente des autres et que parfois, elle a besoin de s’isoler ». Ses parents ont dû trouver ce subterfuge pour les enfants : ils n’auraient pas su garder le secret, et le village entier aurait fini par savoir que Mme Lester est une sorcière. Salem 2.0 n’est jamais très loin. Non pas que dans son village, ils soient étroits d’esprit, mais quand quelque chose nous dépasse, comment réagissons-nous ? Par des actes insensés, parfois cruels, déplacés. Idiots. Josephine aurait souffert de voir sa mère en proie à une traque oculaire, verbale, à des ragots déplacés. Elle s’est imaginé mille et uns scénario, mais aucun qui n’était rassurant. Et ça la faisait stresser.
Au final, être sorcière, c’est à la fois un avantage et un inconvénient. La balance pouvait vite pencher d’un côté comme de l’autre.
Pour le moment, Jo se contentait d’être elle-même. Ce qui était encore plus effrayant. Elle tentait de trouver sa place dans le monde, de se découvrir aussi. Au fond, être loin du domicile familial aurait le mérite de la faire grandir. Elle n’était pas habituée à être vouée à elle-même, et elle ne savait pas comment s’y prendre. Elle pouvait certes compter sur l’appui des préfets de sa maison, qui avaient répété qu’ils étaient là si besoin est. Ils avaient probablement conscience que se retrouver propulser loin de la maison pouvait être une épreuve difficile pour nombre de jeunes adolescents. Elle se consolait comme elle le pouvait. Elle avait déjà écrit quelques lettres, plusieurs fois par jour, mais ne les avait jamais envoyées.
Alors, comme d’habitude quand elle doute, elle sort. Aller dehors, respirer un air plus ou moins pur, être entourée de nature. C’est son dada, elle adore ça. Elle partit donc à l’extérieur du château, près du lac et d’arbres qui projetaient sur le sol leurs ombres rassurantes. Elle s’assit à l’ombre d’un chêne, écouta la douce clameur lui parvenant du château et le bruissement discret du vent dans les feuilles et sur l’eau.