Tu fermas les yeux, tentant d’installer le silence ambiant dans la Salle d’étude en toi. Tu voulais que le calme entre en toi, faisant taire tes pensées, tes questions, tes idées qui t’empêchaient de vivre l’instant présent. Tu plaças tes mains des deux côtés de ta tête, formant ainsi un casque, un bouclier conter le monde extérieur. Tu aimais bien la Salle d’études : elle avait l’avantage d’être silencieuse, te permettant de penser au calme, de lire, ou de juste passer le temps.

Tu pouvais rester des heures à fixer le vide, à griffonner, à jouer avec tes doigts. Tu avais pris l’habitude de rester longtemps sous la douche, regardant l’eau couler entre tes doigts. Tu aimais bien fixer les effets que la nature avait sur toi, tu aimais contempler en silence, gardant pour toi les mots que tu pourrais exprimer. Tu aimais être seule, perdue dans tes pensées, voletant dans ton univers imaginaire. Tu rêvais d’oiseaux, de brins d’herbes s’agitant au vent, tu rêvais de paix, mais tu devais vivre en guerre. En guerre contre toi même, contre tes pensées sans limites, contre tes pensées que tu aimerais déchirer.

Tu sortis de ton sac des pages vierges et ta plume. Tu ne savais pas trop si tu allais écrire ou bien dessiner. Tes traits dressaient un mur autour de toi, fermant ton esprit aux personnes autour de toi. Dans ta concentration, tu ne remarquas pas que tu avais froncé tes sourcils tellement fort qu’on aurait pu croire que tu étais en colère.

Les sons autours de toi s’étaient tus, les gens autour de toi avaient disparus. Tu étais seule avec toi même. Seule dans cet énorme univers que créait ton cerveau. Tu étais seule, et tu aimais ça. Tu aurais donné cher pour que ce moment ne s’arrête jamais, pour que ta vie finisse dans cette bulle silencieuse.

Orion ne savait pas quoi faire en ce mercredi, alors il se décida à faire un tour dans une salle jusque lors inexplorée pour lui, la salle d'étude. Il était étrangement de bonne humeur, lui qui avait pour habitude de broyer du noir bien plus souvent que de sourire. Aujourd'hui il était habillé simplement, un jeans ample et un t-shirt de même augure, ces vêtements histoire de cacher la moindre parcelle de féminité en lui. Aujourd'hui il ne se présenterait pas sous le nom d'Athéna, non, mais sous le nom d'Orion comme il l'avait décidé. Ses cheveux courts lui rappelaient sans arrêt au combien il pouvait paraître ce qu'il était. Un garçon. Transgenre certes, mais un garçon.

Arrivé dans ce lieu qui lui rappelait étrangement un de ces dômes dans lesquels une parole raisonnait des heures durant. Les bras ballants il observait. Le rouquin n'avait rien apporté, se contentant de ses réflexions et il se sentit alors un peu bête voyant les gens qui eux, travaillaient. Au moment où il s'apprêtait à repartir, son regard se posa sur une jeune fille qui fronçait tellement les sourcils que ça en devenait presque flippant. Trop. Chelou.

Dans une démarche nonchalante il s'approcha de la table où elle était installée avant de prendre la parole.

~Wow, qui donc t'as agressé? Tu en as une tête fâchée.

@Ivy Mercer voilà pour moi, n'hésite pas à me dire si quelque chose te déplaît.

Chaque trait parlait pour toi, chaque page entièrement recouverte de tes gribouillis portait ton histoire. Tu ne savais pas vraiment dessiner, mais tu savais exprimer les diverses émotions qui débordaient de ton cœur. Elles étaient nombreuses, rendant ta tâche plus compliquée, mais tu ne l’abandonnerais pas pour autant : libérer tout cela te faisait te sentir plus légère, moins pleine.

Quand tu entendis cette voix si proche de toi, tu sursautas, imprimant d’une tache d’encre ton œuvre. Tu fermas lentement les yeux, tentant de retrouver ton calme, les rouvris, dirigeant ton regard vers la personne qui venait de te parler. C’était un garçon aux cheveux roux et courts. Tu ouvris la bouche et dis d’un ton plus sec que tu ne l’aurais voulu :

– J’suis pas fâchée.

Tu aurais voulu lui crier dessus pour avoir gâché ton dessin, mais tu te rappelas l’endroit dans lequel tu te trouvais. Tu soupiras simplement, ne défronçant pas pour autant tes sourcils.

– J’suis juste un peu…, tes mots t’avaient échappé, s’étaient retrouvés hors de toi avant que tu ne puisses les empêcher de sortir. Ton crâne te faisait souffrir, comme si les mots bataillaient pour en sortir. Tu repris sur toi-même, passant une main dans tes cheveux. Mais ça t’regarde pas. Occupe-toi d’tes oignons.

On aurait presque pu voir tes griffes gifler le visage du roux qui n’avait pourtant fait que s’inquiéter pour toi. Tu savais que tu pouvais paraître bizarre, étrange, aux yeux de ceux qui ne pouvaient pas te comprendre, mais tu n’en avais que faire. Tu étais différente, mais pas pour autant inhumaine. Tu avalas lentement ta salive : il se passait trop de choses en même temps dans ta petite tête.

Orion réprima un sourire, les paroles de la fille aix sourcils froncés l'ayant amusé. Il n'était pas méchant, ni de nature embêtant mais il pouvait être arrogant ou sarcastique et quand il avait repéré une personne, il ne lâchait que rarement l'affaire. Manque de chance pour la jeune fille, sa réponse n'avait fait qu'accentuer l'intérêt que le rouquin lui portait et c'est en tirant une chaise à ses côtés pour s'y asseoir qu'il répondit.

~Ouais je te comprends. Les "jsuis juste un peu..." ça me connaît.-petit rire moqueur~Tu sais jsuis hyper nul en dessin mais, jcrois que tes gribouillis montre que quelque chose ne va pas. Enfin, jsuis pas psy non plus à vrai dire.

Un sourcil haussé il passait du visage de la fille au carnet dans lequel elle semblait dessiner avec acharnement. Étrange. Sans rien dire de plus il se retourna et demanda à une table voisine si quelqu'un pouvait lui prêter une plume, le volontaire ayant agis il se retourna à nouveau et saisit délicatement un bout du cahier de l'inconnue avant de griffonner deux bonhommes bâtons, digne des plus grands. L'un d'eux donnait à l'autre une boîte et il légendit à haute voix son oeuvres d'art qui s'avérait bien moins compréhensibles encore que les gribouillis.

~Tu vois le mec qui tend une boîte, c'est moi. La boîte c'est ce que tu veux après tout... de l'écoute, du soutien ou une blague un peu beauf.

Il lui accorda un de ses rares sourires, espérant ne pas se faire gifler pour avoir oser toucher à son cahier.

@Ivy Mercer

À ses paroles, tu jetas un regard sur mes pages couvertes de traits divers. Tu les rassemblas en un tas, croyant peut-être que le garçon ne pourrait pas les lire s’ils étaient entassés. Mais pauvre idiote que tu étais, les brûler aurait été plus efficace.

– T’as pas à r’garder mes dessins, toi, crachas-tu au rouquin. Et j’en ai rien à faire de c’que tu crois voir en eux.

Le pire fut quand cet inconnu osa poser ses ignobles dessins de bonhommes-bâtons comme tout le monde en faisait à quatre ans. Tu le regardas faire, mi-surprise, mi-horrifiée à l’idée que ce papier aurait pu te servir à gribouiller pendant les cours. Ce que disait le roux n’avait plus d’importance. Tu continuais de fixer tes précieuses feuilles, gâchée par les traits de cet idiot.

– T’es… T’es…, essayas-tu de dire.

Soudain, sans crier gare, toute ta colère se déferla conter ta poitrine. Tu te pris la tête entre les mains, cédant à ton courroux. Savoir si ce garçon était fautif ne t’intéressait pas. Savoir s’il essayait de t’aider ne t’intéressait pas. Tu ne pus que crier à-travers toute la pièce :

– Mais t’es malade !

Tu attrapas la feuille et contemplas le dessin enfantin d’un bonhomme offrant un cube à un autre. Tu grimaças, oubliant toutes les règles de politesse, et tu rendis son œuvre au futur artiste d’un brusque geste de main. Ce ne fut qu’en tentant de te concentrer à nouveau sur tes gribouillis que tu remarquas que tu pleurais. Tu ne savais pas vraiment pourquoi toutes ces émotions se mélangeaient en toi ; tu te mordis la langue et essuyas tes joues.

Orion eut un mouvement de recul en voyant la fille lui hurler dessus. Quand elle lui tendit le dessin il le récupéra fébrilement et le posa sur la table, gardant sa bouche fermée car il n'utilisait apparemment les bonnes paroles. Il ne savait pas vraiment comment réagir, au fond il ne se sentait pas attaqué personnellement, tout ce qu'il voyait c'était la détresse qui se faisait entendre dans sa voix et c'est pour cette raison qu'il ne dit rien. L'inconnue lui rappelait sa copine Maëlle, au fait, il avait l'impression de revivre la scène de leur rencontre. Il avait finit en prenant un coup de poing mais avait su la consoler un minimum. Le fait est qu'il n'était pas sur qu'une étreinte redonnerait le sourire à celle qui venait d'arracher le silence à la salle. Quoi faire...

~Roh mais tout de même... mon oeuvre d'art zut alors!-petit sourire~je sais pas ce qui t'arrives mais... je suis là pour t'aider hein. Je voulais pas t'énerver en dessinant, je pensais pouvoir te faire sourire...

Et parce que c'était plus fort que lui, qu'il ne savait pas réconforter les gens autrement il prit par les épaules celle dont il ne connaissait toujours pas le nom et la serra dans ses bras une petite fraction de seconde, histoire de ne pas risquer la baffe. Quoi qu'on sait jamais...

@Ivy MercerDiantre! Je t'en supplie n'assassine pas mon gentil Orion!

Tu regrettais que le rouquin ait pu voir tes larmes, tu regrettais de lui avoir hurlé dessus, tu regrettais d’avoir été si désagréable avec lui. Tu ne voulais pas t’excuser, car tu savais que tes excuses allaient se transformer en un bafouillage incompréhensible. De toute façon, tu ne pensais pas que tu lui devais des excuses. Tu étais simplement de mauvaise humeur, il s’était pointé au mauvais endroit, au mauvais moment, tout simplement. Les paroles du gars touchèrent droit ton cœur. Tu défronças les sourcils, affichant une petite moue perdue, vite effacée pour laisser place à un visage de pierre. Tu ne voulais pas qu’il puisse voir, qu’ils puissent voir que tu n’étais pas au top de ta forme. Tu voulais rester cacher, disparaître dans la masse, passer inaperçue.

Le pire fut quand il t’étreignit : tes muscles se tendirent tous en même temps, te rendant semblable à un roc, à une montagne indéplaçable. Quand il te relâcha, tu n’osas le regarder, plongeant tes yeux dans la contemplation intense du sol, ou plutôt du vide. Tu ne voulais pas qu’on s’approche ainsi de toi, qu’on ne te demande pas avant de te prendre dans les bras comme ça. Tu respiras tranquillement, essayant de supprimer cet épisode de ta mémoire. Il ne fallait pas que cet évènement reste gravé dans ta mémoire. Il ne s’était rien passé.

– R’commence plus. Plus jamais, furent les seuls mots que tu réussis à prononcer.

Si tu avais été dans un livre, ce serait sûrement à ce moment là que tu te serais dirigée vers la sortie, laissant seul le rouquin. Mais tes jambe ne t’obéissaient plus : elles étaient restées statues après que le gars t’ait étreinte. Tu continuas à fixer ton point imaginaire, priant pour que celui qui se tenait près de toi s’en aille.

Même pas tué

Orion sentit son sang se glacer après que la fille-en-colère lui aie parlé et il se trouvait désemparé. Au moins, quand sa copine Maëlle était fâchée elle hurlait sa façon de pensée et on savait tout de suite quoi faire pour l'apaiser. Là, rien de ce que le rouquin imaginait pouvait le faire et, dans un dernier essai de consolation il lui sortit de sa poche son dernier chocolat moldu et le tendit à la fille.

~Oui hum, désolé. Je recommence avec mon dessin mais, tu vois je suis à nouveau le mec qui tends quelque chose à une fille. Si tu veux j'ai du chocolat moldu il est hyper bon...

Il esquissa un sourire navré, se dandinant d'un pied à l'autre ne sachant pas trop quoi faire. Si le câlin était maladroit, il essayait en vain de trouver solution, la fille n'étant vraiment pas réceptive. Dans sa tête il farfouillait, à la recherche du mot magique qui donnerait le sourire à la fille-dont-il-ne-connaissait-pas-le-nom. Soudain il se rappela que lui, son remède magique était sa guitare. Il ne l'avait pas sur lui et il se doutait bien que la fille ne voudrait pas le suivre néanmoins il tenta tout de même sa chance, se disant que cela ne pouvait pas être pire.

~Tu sais, quand moi je vais mal j'aime bien jouer de la guitare. Alors hum, si tu veux je peux te jouer quelque chose ou... je sais pas.

@Ivy Mercer il essaie tant bien que mal!

À ta plus grande peine, le gars ne s’en alla pas. Il continua de te parler, comme s’il n’avait toujours pas compris que tu ne voulais pas de sa compagnie. Il parlait de chocolat moldu, ce qui te fit froncer les sourcils : le rouquin venait-il d’une famille moldue ? Tu stoppas ton questionnement, agacée par le fait que tu écoutais les propos du garçon qui avait osé dessiner sur tes feuilles. Cela faisait belle lurette que tu n’avais plus senti le goût du chocolat, et cela te manquait. Peut-être pourrais-tu te procurer du chocolat au château ? Demander à Maman de t’en envoyer par hibou ? Tu remarquas que tu avais faim, tout d’un coup.

Tu n’arrivais toujours pas à actionner tes jambes ; fixant continuellement ton point imaginaire, ignorant le roux et ses paroles, tu cachais tant bien que mal ta colère. Tu sentais peu-à-peu tes muscles se contracter, ce qui était bon signe si tu voulais t’en aller. Tu serras très fort tes poings, peut-être essayant de les briser. Tu entendais les battements de ton cœur s’accélérer, alors que tu ne faisais pratiquement aucun effort. Peut-être était-ce du stress, ou encore de la peur. Tu n’en savais rien.

Tu jetas un regard cinglant au rouquin avant de mettre en mouvement tes jambes, direction la sortie. Pas après pas, tu te faisais plus légère, libérée par ce poids que tu avais laissé avec l’inconnu. Tu remarquas subitement que tu avais oublié tes feuilles couvertes de tes traits. Tu haussas les épaules, te disant que tu pourrais en faire des dizaines de milliers d’autres pareilles. De toute façon, ces papiers n’avaient pas d’importance, n’est-ce pas ? Ton regard se perdit à nouveau, triste, comme à son habitude.

La fille ne prononça aucun mot. Elle s'en alla, lui tournant le dos. C'était au rouquin d'être en colère désormais. Tout le monde partait en lui tournant le dos, il avait l'impression de toujours tout faire de travers et il se sentait sincèrement coupable oui mais, il avait essayé pourtant. La moue boudeuse et les points serrés il regarda les dessins que la fille avait laissé. Des gribouillis de toutes sortes et, dans un ton sec il murmura.

~T'façon mes bonshommes bâtons étaient plus réussis...

C'était faux évidemment, mais il en voulait à cette inconnue. Il prit la plume qu'on lui avait laissé à disposition et écrit sur les feuilles, dans le doute où la fille reviendrait les chercher même si il se doutait bien que cela n'arriverait pas.



Parce que lui aussi vivait des choses très difficiles il comprenait l'inconnue. Laissant les feuilles sur la table il rendit le matériel emprunter et se dirigea vers la sortie, se jurant de ne pas remettre les pieds ici d'aussi tôt. Il ne souriait pas. Il ne faisait pas la tête non plus. Son visage était d'une neutralité glaçante et c'est ainsi qu'il se mit en quête de retrouver sa salle commune, là où peut-être se trouveraient des humains pas en colère.