Poser les armes, prendre le large
Trouver le calme dans ce vacarme
Avant que je ne m'y noie
~ Le chant des sirènes – Fréro Delavega

Il faisait déjà froid, dehors ; je trouvais cela dommage, car je ne pouvais plus aller me promener dans le Parc qui, pourtant, semblait avoir tant de choses à m’apprendre. J’avais trouvé bon de partir explorer les recoins de cet immense château, accompagnée de cette crainte de me perdre et de ne plus jamais retrouver mon doux lit bleu. Maman m’avait jadis parlé d’une bibliothèque aux livres aussi anciens que le château lui-même. Après avoir timidement demandé mon chemin, je finis par arriver devant une grande salle calme.

J’avançais doucement, comme si le bruit de mes pas pouvait réveiller des esprits cachés derrière les rayonnages. Je me sentais comme emportée par une vague d’émerveillement. C’était comme si je découvrais un monde caché, que je voyais enfin où la beauté du monde s’était réfugiée. J’étais époustouflée par cette salle que je venais à peine de découvrir. J’étais émerveillée ; ce sentiment me rappela mon arrivée à Poudlard, la première fois que j’étais entrée dans la Grande Salle, le Choixpeau Magique criant le nom de la maison bleue, la montée interminable des marches vers ma Salle Commune, et j’en passais. Qu’avait encore ce château à me faire découvrir ? Cette immensité pouvait peut-être abriter un dinosaure ? Ou peut-être y avait-il des elfes dans le Parc ? Mon imagination dépassait mes rêves les plus fous, je me demandais même si elle resterait dans cet espace restreint qu’offrait ma petite tête ou si elle s’envolerait vers un autre monde.

Je restais plantée là, explorant des yeux les moindres recoins de cette pièce merveilleuse. Je savais que, désormais, je viendrais ici le plus souvent possible. Par quel livre allais-je commencer ? Quel rayonnage allais-je fouiller en premier lieu ? Une excitation soudaine s’empara de moi, et je sautillai jusqu’à l’étalage le plus proche. J’attrapai un livre et m’assis jambes croisées au sol, déjà absorbée par ma lecture.

@Canelle Johnson, dis-moi si quelque chose ne te convient pas
Ivy se situe au niveau du rayonnage de Botanique

SAMEDI 18 NOVEMBRE 2045, BIBLIOTHEQUE

La jeune fille ouvrit la lourde porte de bois de la bibliothèque dans un grincement, un sourire accroché aux lèvres. Canelle était de bonne humeur, et surtout elle était heureuse de pouvoir s'accorder un moment de silence. C'était rare au château, et la fillette était bien contente que cette salle remplie de livres puisse le lui offrir. Elle avait fini ses devoirs, aussi allait-elle certainement réviser. *Mais quelle matière ?* Vu le cours de vol qui s'était passé deux jours plus tôt, il valait mieux qu'elle revoit cette matière, non ? Mais ce n'était pas vraiment la partie théorique qui lui posait problème. Elle verrait bien en avançant.

S'engageant dans un premier rayonnage, la jeune fille regarda les quelques livres de vol qu'elle y trouvait. Visiblement, elle n'allait pas passer son après-midi à faire cela, une perspective qui la réjouissait beaucoup. Peut-être que réviser une matière qu'elle appréciait était une meilleure idée, après tout, elle était là pour se détendre. *Ce serait quoi le mieux ?* Passant en revue tous les cours qu'elle avait au château, la jeune première année finit par faire son choix. La botanique était une matière intéressante, et Canelle avait bien envie de prendre de l'avance de le programme de ce cours.

Arrivant devant le rayon dédié à cette matière -les rayons étaient nombreux à la bibliothèque, et Canelle était persuadée qu'il y avait au moins un rayon pour chaque matière- la jeune fille commença à passer en revue les nombreux livres qui s'y trouvait. Il ne manquait pas de choix, et la blonde n'avait vraiment aucune idée de ce qu'elle allait bien pouvoir lire. *Comment je suis censée choisir avec tout ça ?* Elle qui avait toujours pensé que la bibliothèque de sa maison était bien garnie, son avis changeait en voyant celle du château. Malgré cela, ses parents lui manquaient, ainsi que le monde moldu. Plus le temps passait, moins elle pensait à eux.

-Oups, désolé, fit-elle après avoir manqué de tomber sur une fille qui était assise par terre. Je t'avais pas vu, je suis vraiment désolée.

La fille était là, assise au milieu du rayon. Canelle se demandait comment elle faisait pour ne pas s'être encore fait marcher dessus par quelqu'un d'aussi maladroit qu'elle. *Mais pourquoi elle est assise là ?* La bibliothèque était remplie de nombreux fauteuils confortables ou encore de tables de travail, donc on ne pouvait pas vraiment dire que c'était compliqué de trouver une place assise dans cet havre de calme et de paix. Et puis, le sol n'était pas vraiment très confortable, alors pourquoi s'y asseoir ? La jeune fille décida de poser la question.

-Excuse-moi, mais si c'est pas trop indiscret, hésita-t-elle. Pourquoi est-ce que tu es assise sur le sol et pas sur les fauteuils ou les tables ?

Ce n'est qu'après l'avoir posé que la jeune fille se rendit compte de l'absurdité de sa question. Après tout, elle ne connaissait sa camarade que de vue, celle-ci ne risquait pas de lui répondre. Tout ce qu'elle savait d'elle, c'était que c'était une Serdaigle de première année, tout comme elle. Canelle l'avait croisée de nombreuses fois, mais étonnement, elle ne lui avait jamais parlé. *J'suis trop timide certainement* Cela devait certainement être ça, même si la jeune fille se sentait assez bête de ne pas connaître les filles de son année et de sa maison. Cela était censé être naturel, non ?

Ma lecture m’absorbait, le monde tout autour de moi n’impactait plus rien en moi. J’avais comme quitté le monde pour un autre. J’avais déjà lu des livres un nombre incalculable de fois, mais j’étais sûre que ce lieu comportait une sorte de magie qui rendait la lecture infiniment plus passionnante. Je ne faisais plus qu’un avec l’énorme volume de botanique, toutes les phrases, tous les mots s’alignaient sous mes yeux, n’attendant que moi pour les déchiffrer.

– Aïe !

Je relevai mon nez du livre qui m’occupait jusque-là. Une jeune fille m’était tombée dessus. Comment avait-elle pu apparaître si soudainement auprès de moi ? Elle se fondait en excuse, j’en fis de même, me demandant quelle mouche m’avait bien piquée pour m’être assise au plein milieu du passage. Apparemment, la blonde se posait la même question.

– Euh… Je… Le livre était vraiment intéressant… Mais t’as raison, dis-je, me ressaisissant, j’devrais aller lire sur les fauteuils.

Je me relevai, m’appuyant sur mes mains et époussetai rapidement ma robe noire. Que pouvais-je être bête de déranger si inutilement les élèves. N’aurais-je pas perdu maximum quelques secondes pour rejoindre le lieu consacré à la lecture ? Si j’avais pu faire un vœu à ce moment-là, ç’aurait été à coup sûr de disparaître dans une autre galaxie, et de ne plus jamais revenir. Aurait-ce été mal vu si je contournais simplement la blonde, sans dire mot et fuir cette scène qui me mettait si mal à l’aise ? Sûrement, oui ; c’est pourquoi je ne fis que me balancer, attendant que le silence se rompe, fixant le sol de mes yeux déjà fatigués par les quelques lignes que j’avais pu parcourir.

Canelle avait beaucoup de mal à comprendre ce que sa camarade faisait. Pourquoi lire en plein milieu du chemin ? Cela semblait assez étrange, même plongée dans un livre. Elle, qui était pourtant assez maladroite et rêveuse, ne l’avait jamais fait depuis qu’elle était au château. *Ce serait gênant quand même* En effet, la jeune fille ne pouvait imaginer sa réaction si cela arrivait. Certainement se mettrait-elle à rougir et à bégayer, un peu comme d’habitude en fait. Fichue timidité qui lui pourrissait la vie chaque jour plus que l’autre, la jeune fille en avait vraiment marre. Elle aurait aimé être comme sa camarade, libre de s’asseoir où elle le voulait quand elle le voulait sans que sa conscience lui dise qu’elle avait l’air ridicule.

Le sourcil de la blonde s’arqua quand elle entendit sa camarade émettre un léger cri de douleur. Elle lui était presque tombée dessus, mais avait réussi à se rattraper et ne l’avait même pas toucher. Pourquoi avait-elle dit « Aïe » ? *Peut-être pas réflexe…* Il lui arrivait parfois de dire aïe à la place d’une table, ou d’un objet, alors qu’elle n’avait rien du tout. Ou alors, quand un bruit sourd retentissait sous ses yeux, il lui arrivait aussi de lâcher un léger cri alors qu’elle n’avait rien. Peut-être était-ce aussi le cas pour sa camarade ? Canelle n’en avait aucune idée, mais se disait que cela devait être cela. Quoi d’autre, sinon ?

-Désolé, murmura-t-elle, un peu gênée. Je croyais ne pas t’avoir touché.

La jeune deuxième année ne risquait pas de lui demander pourquoi elle disait aïe. Elle avait posé assez de questions gênantes pour toute sa semaine, et regrettait encore d’être venue lui parler. Après tout, cela ne servait pas à grand-chose à part mettre sa camarade mal à l’aise. *J’suis vraiment bête* Parfois, il arrivait à Canelle d’agir, puis de réfléchir juste après. Dommage pour une fille aussi timide et gênée qu’elle, car cela la mettait souvent dans des situations assez embarrassantes, qu’elle préférait largement ne pas avoir à vivre. Mais bon, elle allait certainement essayer de se rattraper en répondant à sa camarade, qui lui semblait être à Serdaigle.

La jeune fille sourit, regardant gentiment sa camarade. Elle ne voulait surtout pas que celle-ci pense que Canelle la jugeait, alors que ce n’était pas du tout le cas. Elle avait juste voulu l’aider, et surtout lui éviter de se prendre des personnes qui ne la verraient pas dessus. *Elle pense peut-être que j’me moque d’elle* Au contraire, elle la comprenait, même si elle se demandait comme sa camarade avait fait. Il ne lui était même pas venu l’idée de la juger ou autre quand elle l’avait vu, assise par terre, au milieu des rangées de livre. Cela lui avait juste paru normal d’aller lui demander ce qu’elle y faisait.

-Non non, fit-elle. Tu peux rester ici, hein si tu préfères. C’est juste que, bah tout le monde te verra pas forcément, du coup tu vas te prendre des gens. Tu..tu lisais quoi de si intéressant ? rajouta-t-elle timidement.

Canelle n’avait pas envie de terminer sa discussion sur ça. Sa camarade l’avait à présent intriguée, et la blonde se retrouvait un peu en elle. Elle avait envie de la connaître un peu mieux, et de savoir le titre du livre qui la pationnait tant. Après tout, peut-être pourrait-elle le lire ? *Si c’est assez intéressant pour qu’elle lise en plein milieu de la bibliothèque…* Surtout que l’on ne pouvait pas vraiment dire que le parquet était des plus confortables pour lire. La jeune deuxième année avait de son côté besoin de trouver la position parfaite pour pouvoir bien profiter de son livre. Peut-être n’était-ce cependant pas le cas pour sa camarade.

– Euh, commençai-je, sentant le rouge colorer mes joues, parfois j’crie “aïe” quand je sursaute...

Je relevai timidement les yeux, fixant la Serdaigle qui venait de me percuter ; reconnaissant vaguement son visage, peut-être l’avais déjà croisée dans le château ? Ses cheveux blonds me rappelèrent soudainement ma maison, Borth. Mais pourquoi donc ? Cette fille venait-elle, elle aussi, de Borth ? Si tel avait été le cas, je connaîtrais son nom : il était impossible d’habiter dans mon petit village sans que tout le voisinage ne connaisse votre identité et un bout de votre histoire. Cela pouvait être dérangeant – par exemple lorsque nous devions cacher nos capacités magiques –, mais ma maison restera à tout jamais une source de bons souvenirs et un leu où je pouvais m’asseoir au sol, sans que personne ne s’étonne de cela, sans que personne ne me bouscule par inadvertance.

Je revins à l’instant présent, et défronçai mes sourcils qui s’étaient plissés sous l’effet de la concentration. Je dus bien admettre que la blonde avait raison : c’était bien de ma faute si elle ne m’avait pas vue.

– C’est un livre de Botanique, lui répondis-je, le chapitre sur les différentes racines est super intéressant.

J’espérais qu’elle n’allait pas me demander si elle pouvait le lire : je n’avais même pas eu le temps de finir ledit chapitre sur les racines. Peut-être pouvais-je lui conseiller une autre lecture, la diriger vers un autre livre, gardant précieusement celui que je tenais entre mes petites mains rien que pour moi ? Je ne pensais pas en être réellement capable, c’est pourquoi je ne rapprochai que le livre de moi. Peut-être était-ce égoïste de ma part, mais Maman n’était pas en vue, et il ne me restait que quelques pages avant de finir le chapitre qui me passionnait tant ; je pourrais donner l’écrit à la blonde une fois finie ma lecture, non ?

La jeune fille sourit gentiment, se mettant à la place de sa camarade. Il lui arrivait également de dire Aïe quand un bruit était un peu fort, ou bien qu’une personne tombait. La blonde ne pouvait donc que compatir avec sa camarade, vu qu’elle même aurait certainement réagi de la même façon. Elle se sentait bien souvent gênée quand cela arrivait, le souvenir d’une fois en particulier lui revenant en tête. Il y a quelques années dans son primaire moldus, Canelle avait sans faire exprès marcher sur les pieds d’un de ses camarades de classe et avait dit « Aïe » alors que c’était elle qui avait marché sur les pieds de son camarade et non l’inverse. Ses joues se teintèrent de rouge au souvenir de ce moment. *Je suis vraiment maladroite*

La jeune fille secoua dans un mouvement presque imperceptible la tête, fatiguée d’elle-même. Elle préférerait ne pas penser à ses maladresses du passé, beaucoup trop nombreuses aux yeux de la première année. Elle était timide, et elle le savait. Même si elle essayait la plupart du temps de s’en sortir avec, il lui arrivait parfois de regretter de ne pas être née avec un caractère plus joyeux, moins réfléchi et inquiet. *Mais bon, j’peux pas me changer comme ça*

-C’est pas grave, t’inquiètes, dit-elle en souriant. Je fais ça souvent aussi, ajouta-t-elle dans une tentative de détendre l’atmosphère, bien qu’elle n’était pas très douée pour cela.

La jeune fille baissa les yeux, posant son regard sur ses chaussures afin que sa camarade ne l’a voit pas rougir encore plus. Elle avait peur de déranger sa camarade, avec ses informations qui n’intéressait personne. Canelle n’était pourtant pas du genre à raconter sa vie au premier venu, mais elle avait envie de parler ce jour-là. Aucune discussion en tête, juste envie de parler à quelqu’un. Peut-être que le faire avec une fille qui avait juste envie de lire n’était pas la meilleure des idées. *J’dois la déranger* Mais bon, à présent, elle ne pouvait plus vraiment partir sans explication.

Elle hocha la tête en entendant la réponse de sa camarade. Elle aimait bien la botanique, mais n’était pas sure d’avoir beaucoup envie de lire un livre dessus. Ou en tout cas, pas de manière aussi passionnée que sa camarade. Canelle préférait les livres qui racontaient des histoires, des romans policiers ou fantastiques. La blonde pouvait largement se retrouver plongée dans ce genre de livre, sans plus rien entendre autour d’elle. *Un peu comme elle l’était tout à l’heure* La première année sourit. Finalement, elle comprenait comment sa camarade avait pu se retrouver a lire assise par terre.

-Ah ouais, répondît-elle. C’est cool.

Que dire de plus ? La jeune fille se retrouvait avec un sourire gêné sur le visage, sans savoir que dire. Il fallait peut-être qu’elle s’en aille. Canelle ne savait pas. Elle attendrait que sa camarade le lui demande clairement pour s’en aller.

À mon plus grand soulagement, la blonde ne semblait pas aussi intéressée que moi par les racines et la Botanique. Je resserrai un peu plus mon emprise sur le grimoire ; il était à moi tant que je ne l’aurais pas terminé. Je connaissais pourtant le règlement de la Bibliothèque, je savais que tous ces livres n’appartenaient qu’au château, mais j’avais bien du mal à me dire que quelqu’un d’autre pourrait tourner les pages de cet ouvrage après moi.

– Et toi, tu lis quoi en c’moment ? demandai-je doucement, tentant de rompre le silence pesant qui s’installait peu à peu.

Si la blonde se trouvait ici, c’était que la lecture la passionnait, non ? Ou bien, peut-être faisait-elle simplement des recherches pour un devoir ? Ou encore venait-elle ici simplement pour avoir un endroit calme où réfléchir ? Il était vrai que la Bibliothèque était porteuse d’une tranquillité presque irréelle, et l’odeur de vieux livre qui y planait avait la capacité de transporter mon imagination au-delà des limites du possible. J’aimais cet endroit, je savais que je reviendrais encore de nombreuses fois respirer cet air si paisible.

– Tu connais les horaires ? interrogeai-je la blonde. Ou tu sais où j’peux les trouver ?

Même si la Serdaigle n’avait pas l’air beaucoup plus âgée que moi, j’espérais qu’elle s’y connaisse un peu mieux que moi, histoire que je ne me retrouve pas un dimanche matin devant une porte fermée, par exemple. Plongée dans mes pensées, je me mis à fixer les rayonnages, tentant de comprendre comment étaient arrangés les livres. Je devais être dans le rayon dédié à la Botanique étant donné les nombreux écrits portant sur la flore. Peut-être y avait-il un rayon spécialement pour les fonds marins ? Ou encore à l’histoire sorcière ? Ou peut-être même à des contes que l’on lisait aux petits sorciers ? Je savais que je passerais beaucoup de temps en ce lieu, que chaque étagère finirait par passer sous mon inspection curieuse.

La blonde laissa un sourire s'installait sur son visage tandis que sa camarade lui répondait. Elle était soulagée que celle-ci le fasse tout en engageant un peu plus la discussion, elle se sentait ainsi moins mal de l'avoir dérangé dans sa lecture. Ce n'était pas très sympa de lui avoir fait une réflexion sur le fait qu'elle lisait par terre, surtout que c'était bien le genre de Canelle ne faire de même. Il suffisait qu'elle soit très concentrée ou même juste perdue dans ses pensées pour oublier qu'il y avait un monde et des personnes autour d'elle. Elle aurait mieux fait de laisser tranquille sa camarade, de compatir avec celle-ci plutôt que de la déranger. C'était juste que sur le moment, elle n'avait pas compris.

En tout cas, elle contente que sa camarade ait trouvé un sujet de discussion. Un silence s'était installé et commençait à devenir malaisant, et Canelle n'avait pas réussi à trouver les mots pour le combler. C'était assez rare qu'elle y arrive.

-Euh, rien de spécial, répondit-elle. Je lis un peu tout, des livres de cours, des romans, etc. Mais là, j'étais venue chercher un livre de vol. Je..je suis vraiment nulle en vol.

Sans trop savoir pourquoi, la blonde avait trouvé essentiel d'apporter cette information à la discussion. Sa camarade n'en avait probablement rien à faire qu'elle soit nulle en vol, ce n'était pas vraiment une information que les gens retenaient. Même ses amis n'en avaient généralement rien à faire de ça, parce que parler de cours en dehors des cours, les gens trouvaient généralement ça lourd. Pourtant, Canelle aimait bien, ça lui permettait de comparer un peu ses ressentis avec les autres, ses difficultés, etc. Ca l'aidait en quelque sorte, même si à présent elle ne le faisait plus vraiment. Les gens n'aimaient pas, et la blonde n'aimait pas déranger.

Les horaires de la bibliothèque ? Non, Canelle ne les connaissait malheureusement pas. En trois mois au château, la blonde ne s'était jamais renseignée à ce sujet, se rendant à la bibliothèque quand bon lui semblait. Elle ne savait même pas s'il y en avait, en dehors du couvre-feu. La pièce devait probablement fermer à ce moment-là, non ?

-Euh, non, désolé, répondit-elle. Je ne savais même pas qu'il y en avait, je suis qu'en première année. T...toi aussi, non ? Et..euh..je pense que tu peux demander au bibliothécaire. Il doit bien les avoir.

Il lui semblait avoir déjà vu sa camarade dans quelques cours. Ou alors, c'était quelqu'un qui lui ressemblait beaucoup. La blonde n'avait pas une mémoire infaillible, alors c'était bien possible qu'elle se trompe de personne. En tout cas, une chose était sûre: sa camarade était à Serdaigle. Canelle était persuadée de l'avoir croisé plusieurs fois dans la salle commune au cours de ces derniers mois.

Le lourd ouvrage devenait de plus en plus lourd dans mes bras. Je raffermis ma prise sur la couverture et priai intérieurement pour que ma maladresse ne me fasse pas lâcher le livre sur mes orteils – ou pire, ceux de la blonde. Il me tardait de quitter la compagnie de celle-ci pour replonger dans ma passionnante lecture. Je n’avais pas le cœur aux conversations : la botanique semblait m’appeler sous mes doigts.

Je n’écoutais que d’une oreille distraite la Bleue, essayant de déchiffrer de loin les titres d’œuvres que j’apercevais dans un rayonnage, un peu plus loin. Il me sembla qu’elle dit ne pas être fort compétente en cuisine, et je fronçai les sourcils. Pourquoi me parlait-elle de cela ? Avais-je raté une si grande partie de la conversation ?

– Euh, ouais, murmurai-je. Moi non plus. C’est surtout mes parents qui font à manger, chez moi.

Je me souvins du jour où Maman avait essayé de m’apprendre à faire des muffins au chocolat et où j’avais oublié la préparation au four. Je n’avais plus vraiment osé de cuisiner depuis ce carnage, et je sentis un certain soulagement à l’idée de ne pas être la seule personne à avoir des difficultés dans ce domaine.

À mon grand soulagement, celle qui avait failli me tomber dessus n’avait pas d’informations sur les horaires ; j’y vis là une excuse pour m’éloigner le plus vite possible de cette conversation. J’ouvris la bouche pour dire à la Bleue que j’allais me débrouiller seule, mais ce fut à ce moment-là que l’ouvrage décida de glisser entre mes doigts et s’écrasa au sol avec vacarme.

– Mince !

Je me penchai vers le manuscrit afin de m’assurer qu’il était en bon état : Maman m’avait appris que lorsque l’on abîmait quelque chose qui ne nous appartenait pas, il fallait rembourser le propriétaire. Je me mordis la lèvre, inquiète, car je savais que je n’avais pas d’argent sur moi, ni ici à Poudlard.

La jeune fille sentit son sourire s’évanouir légèrement lorsqu’elle entendit la réponse de sa camarade. Décidément, celle-ci n’était vraiment pas impliquée dans la conversation et ne semblait pas vraiment intéressée. A moins que ce ne soit Canelle qui ait oublié ses propres paroles, sa camarade n’avait rien écouté à ce qu’elle lui avait dit. Il lui semblait avoir parlé de vol, mais certainement pas de cuisine. Pourquoi aurait-elle parlé de la cuisine chez elle ? Certe sa mère était une excellente cuisinière, mais ce n’était pas vraiment le sujet de la conversation. Non, c’était bien sa camarade qui n’avait rien suivi à la conversation.

Un peu mal à l’aise, Canelle ne savait que répondre. Devait-elle faire semblant que la cuisine était bien le sujet de la conversation ? Ou devait-elle simplement faire celle qui n’avait pas compris ? Il valait sûrement mieux qu’elle ne dise rien, et qu’elle parte. Si la Serdaigle était si peu intéressée dans la conversation, c’était sûrement que la blonde la dérangeait. Elle n’avait donc plus aucune raison de rester là. A essayer de socialiser. Ça ne servirait qu’à rendre le moment plus gênant encore. Deja que Canelle n’était pas vraiment au maximum de son aise.

-Ah, euh, hésita-t-elle. C’est bien.

Voila, c’était une bonne réponse. Ça pouvait laisser penser qu’elle avait compris que sa camarade n’avait rien suivi, mais ça pouvait également faire croire que la réponse de sa camarade avait été tout à faire appropriée. Peut-être la jeune fille avait juste eu envie de communiquer cette information à Canelle ? Après tout, si sa famille lui manquait, elle avait sûrement envie d’en parler à toutes les personnes qu’elle croisait.

Ne sachant pas quoi dire pour s’en aller, la jeune fille ne parla plus, laissant un silence s’installait entre elle et sa camarade. Comment partir sans avoir l’air impolie ? Elle n’avait qu’à chercher une excuse, un rendez-vous ou quelque chose d’autre. Oui, voilà, elle n’avait qu’à dire qu’elle avait promis de retrouver une amie à la salle commune et qu’elle devait absolument y aller. Elle serait obligée de quitter la bibliothèque, mais bon, elle n’aurait qu’à aller en salle d’étude. Oui, c’était une bonne idée.

Ouvrant la bouche pour raconter son mensonge à sa camarade, c’est le moment que choisit celle-ci pour faire tomber son livre. Visiblement, sa camarade était très préoccupée par l’état du livre, se baissant tout de suite pour l’examiner et voir si elle ne l’avait pas abîmé. Canelle ne savait plus quoi faire. Le moment n’était plus vraiment approprié pour partir.

-Euh.. ça va ? demandra-t-elle timidement.

Après ça, elle s’en irait. Elle voulait juste s’assurer que sa camarade allait se remettre de la chute du livre, celle-ci paraissant vraiment embêtée, puis elle partirait. A moins que quelque chose ne la retienne.

Toutes mes excuses pour ce retard