Diarmuid s'attendaient à pas mal de réactions allant de l'agacement au rire de soulagement mais certainement pas à ce grommellement. Il aurait été le professeur de botanique encore - ou du même acabit que ce dernier - il aurait comprit. Quoique non, il n'aurait pas vu que son interlocuteur était fatigué et probablement agacé par la journée qu'il venait de vivre. Alors que là, c'était assez flagrant que Jae en avait plein le dos. Le pédiatromage se redressa, quittant son appui contre la porte pour considérer le professeur, et son sourire se fana quelque peu. Non vraiment, il ne pensait pas qu'il puisse être dans cet état là, même après la bonne intention mal amenée de leur collègue.

Préférant éviter que des oreilles indiscrètes puissent entendre la suite de la conversation - les états d'âme potentiels de Jae ou les distensions entre les adultes du château n'avaient pas à être perçue par les élèves qui risquaient de tout déformer - l'irlandais se retourna et referma la porte vitrée avant de s'avancer vers le brun. Il hésita à s'asseoir sur une des chaises disponibles et préféra finalement rester debout. Une sorte d'intuition. "Je sais que de devoir subir les lubies de Sigmund peut être particulièrement épuisant mais je ne pensais pas que ça n'allait pas à ce point là." Exposa le plus jeune des deux hommes à son aîné de quelques années en croisant ses bras assez nonchalamment. Il voulait comprendre ce qu'il se passait.

Renfrogné, Jae évitait le regard de Diarmuid. C'était une attitude carrément puérile, mais le métis n'était pas rationnel en l'instant. Depuis qu'il avait appris pour la proximité entre la psychomage et l'infirmier, cette idée qu'ils allaient peut-être se mettre ensemble n'avaient eu cesse de tourner en boucle dans sa tête. Dans un sens, ils avaient pas mal en commun, surtout par rapport à leur mission, qui sans être les mêmes allaient dans le même sens. Et puis Mia avait été infirmière par le passé.

L'humeur déjà maussade de l'anglais s'assombrit un peu en voyant l'infirmier s'approcher de son bureau après avoir fermé la porte. Les sourcils de Jae se froncèrent en entendant les paroles. De mauvaises fois, car clairement, comment son ami pourrait le savoir alors qu'il ne lui en avait jamais parlé, Jae se fit la remarque qu'il n'avait décidément rien compris. Secouant la tête pour chasser le propos, il ajouta d'un ton un peu agacé. « Mais non, je m'en fiche de Sigmund. Je commence à m'y habituer à son côté excentrique. » Jae souffla un peu pour essayer de calmer son exaspération avant de reprendre. « C'est rien, ça finira par passer. Et toi, ça va pas trop avec Annaëlle ? De ce que j'ai entendu apparemment, tu sembles te rapprocher de Mia. » Il avait essayé de prendre un ton détaché, mais entre son regard fuyant et l'amertume qui pointaient, ce serait insulter Diarmuid de dire qu'il n'avait aucune chance de remarquer que c'était bien là le problème.

En voyant Jae s'assombrir puis refouler d'un ton agacé sa supposition après avoir secoué la tête, Diarmuid fut particulièrement décontenancé et cela se lisait sans aucun doute sur son visage. Le plus jeune des deux hommes décroisa ses bras, s'il avait été assis, il en serait tombé de sa chaise. Et le soupir de son ami n'arrangea rien à la situation. Sans parler de ce qui suivi. Ca n'avait absolument aucun sens. Aucun. Et surtout, pourquoi autant d'amertume envers lui, car il n'était pas dupe, il était la cible du ressentiment et probablement la cause de l'agacement du métisse.

De son index et son pouce droits, il vint presser l'arrête de son nez, cherchant à mettre tous les éléments dans un sens cohérent. Mais non, rien ne vint. Sa main retomba le long de son flanc et il regarda le brun l'entièreté de son visage laissant paraître comme il était perdu dans cette situation. "Il va falloir que tu lances un bon dixit parce que je ne comprends pas ce que tu cherches à me dire. Pourquoi ça n'irait pas avec Annaëlle? Elle t'a dit quelque chose?" L'irlandais savait qu'ils se connaissaient bien avant que la rousse ne soit sa petite-amie, il ne les avait jamais imaginé confidents, mais après tout, peut-être à tort.

Et il y avait aussi la mention de la psychomage. Quel était son rôle dans cette histoire? Ca restait clairement à définir. Parce que un rapprochement? "Je ne vois pas en quoi je suis plus proche de Mia aujourd'hui qu'il y a six ou sept mois. Si tu peux aussi préciser? Parce que je ne vois pas." Une confusion totale planait pour lui et il ne le cachait pas. Il espérait seulement que le professeur allait lui donner de quoi comprendre. Sinon... Sinon, le dialogue allait être compliqué.

Jae fronça les sourcils à la réponse de Diarmuid, trouvant finalement le courage de poser ses yeux bridés sur son interlocuteur. Vraiment, l'irlandais ne voyait pas où il voulait en venir ? Cela le laissait sceptique. Pire encore pour Jae l'infirmier reportait le potentiel problème de son couple sur Annaëlle. Bien sûr que non, la jeune femme n'avait rien dit à Jae. Ce n'était pas elle qui avait été surprise à moitié dénudé avec une autre personne après tout. Le métis eu à peine le temps de prononcer un « non » assez catégorique en réponse à Diarmuid, que ce dernier continuait de nier les faits et demandait des explications plus franches. N'étaient-ils pas amis ? Pourquoi l'infirmier continuait de faire comme s'il ne comprenait pas.

Est-ce que ce qu'il avait entendu était faux ? Ou alors, le professeur de soin aux créatures magiques avait mal compris ? Il était vrai que les élèves avaient souvent tendance à exagérer et à déformer les faits pour les arranger à leur convenance, mais tout de même. Le doute s'immisça dans l'esprit du professeur, comme un espoir, mais malgré cela, c'est avec un ton légèrement provocateur qu'il reprit la parole. « J'ai entendu dire que tu avais été vu avec Mia dans le parc il y a quelques jours... Et apparemment, vous étiez plutôt proche. » Jae insista particulièrement sur ce dernier mot, le sourcil haussé comme pour défier Diarmuid de continuer à nier.

Ce non était particulièrement incisif et Diarmuid était de plus en plus perdu. Pourquoi avaient-ils cette discussion si Annaëlle ne s'était pas confié. Pour tout avouer, il commençait à penser que son ami avait été soumis à un sort de confusion - ou plus vraisemblablement bu une potion ayant le même effet. Il ne voyait pas d'autre explication. Quoique Jae n'avait absolument pas le comportement habituel dans ces cas là.

Et puis les pièces du puzzle commencèrent à s'imbriquer les unes avec les autres. Vu, dans le parc, quelques jours, proches, avec Mia. Et la manière dont le professeur venait de prononcer le mot 'proche' ne laissait aucun doute. Il s'agissait d'une proximité physique. Diarmuid sentit différentes émotions monter en lui dont une était la colère et l'autre la déception et les deux étaient profondes. Parce qu'il se sentait blessé qu'il puisse... "Attend, attend... Tu as entendu dire quoi? Et par qui au juste?" Il venait de se tendre soudainement et s'il ne criait pas, il ne faisait aucun doute que sa voix blanche exprimait sa peine, celle de se sentir trahi par un ami.

De rage, il commença à défaire les boutons de sa chemise avant de dénuder son épaule gauche qui portait encore les traces d'hyperpigmentation des plaies faites par Hermès mais aussi de l'hématomes qu'il avait eu dans le même temps. "Elle m'a aidé pour soigner les impacts de serres d'Hermès. Tu sais mon hibou pour qui je t'ai déjà demandé conseil plusieurs fois parce qu'il pouvait être agressif!" Il vint rabattre le tissu pour se couvrir et ajouta. "Je ne pensais pas que de me confier se retournerait contre moi comme ça. Je t'ai dit que c'était du passé non? Tu penses sincèrement que j'irais voir quelqu'un d'autre alors que tout va bien avec Annaëlle? Tu me prends pour qui?" C'était sorti tout seul, sans vraiment qu'il puisse maîtriser quoi que ce soit.

Jae pinça ses lèvres en entendant Diarmuid lui répondre par des questions, pensant qu'il essayait une nouvelle fois de se dérober. « J'ai pas fait attention à qui c'était, mais il était question de toi et Mia, très proche et du fait que tu étais dénudé justement » déclara le métis alors que son collègue retirait sa chemise et reprenait la parole. Et les mots qui sortaient de la bouche de son ami transformèrent l'amertume qui avait accompagné Jae ces derniers jours en honte, tandis qu'il réalisait qu'il avait été plus que grotesque. « Ah, » lâcha bêtement Jae dont les joues se coloraient de rouge sous l'effet de l'embarras en entendant la suite et fin de l'explication. « Non, ce n'est pas à ça que je pensais... » lâcha maladroitement le professeur de soin aux créatures magiques d'un ton sincère bien que penaud tout en cherchant clairement ses mots pour essayer d'organiser ses idées.

Malgré la honte qui lui brûlait les joues, Jae ne put s'empêcher de se sentir soulagé. « Excuse-moi, c'était stupide, » ajouta l'anglais tout en baissant les yeux. « Bien sûr que non, ce n'était pas du tout ça que je pensais... Je n'aurai pas dû écouter les rumeurs, c'était vraiment ridicule. » Il voulait essayer de réparer le tort qu'il venait de causer, mais le mal était fait, bien que cela n'avait jamais été son intention. Jamais il n'avait pensé à accuser Diarmuid d'être retombé dans ses anciens travers, il n'avait même jamais songé à le critiquer par rapport à son potentiel comportement envers Annaëlle. Le problème, c'est que c'était avec Mia qu'il avait été vu. Et même si cela n'était en rien une excuse, il avait été aveuglé par sa jalousie, ce qui l'avait conduit à dire n'importe quoi.

Après avoir compris où voulait en venir Jae et avoir finalement tout lâché d'un coup sans vraiment contrôler la déception dans sa voix, Diarmuid se sentit quelque part mieux. Non il n'était pas parfait mais il pensait que son aîné le connaissait mieux que ça après tous les échanges qu'ils avaient pu avoir. Pas au point où Owen, Domhall, Ennis et Annaëlle le connaissaient, mais presque tout autant que ces quatre là. Plus que son propre père c'était certain.

La tension retombait doucement puisque Jae s'excusait. Sans doute devrait-il le faire aussi, il s'était tout de même pas mal emporté. Être blessé n'était pas une excuse, il en était conscient. Mais l'accumulation de sous-entendu proférés par Jae avait été de plus en plus difficile à gérer pour lui. L'irlandais inspira longuement puis expira tout en remettant correctement sa chemise. Il se servit de ce temps à remettre les boutons un à un pour se couvrir pour continuer à respirer calmement et faire redescendre son rythme cardiaque. "C'est tout..." Dit-il pour accepter les excuses. "Mais... Tu n'aurais pas pu commencer directement par ça? Plutôt que de tenter de me le faire comprendre à demi-mots?" Demanda-t-il finalement en relevant les yeux vers le métis, l'air radouci et la voix posée. "Ca m'aurait éviter de... d'être aussi... désagréable?"

Il laissa planer un instant de silence, laissant le temps à Jae de réagir et de lui répondre avant de se risquer à reprendre la parole. "Écoute je... Je n'ai jamais demandé parce que j'estime que je n'ai rien à dire sur la vie d'Annaëlle avant qu'on soit ensemble. Même si elle m'a dit d'elle même que vous aviez simplement passé quelques moments entre ami à New-York..." Commença-t-il en ayant le regard qui passait de l'anglais à certains éléments derrière lui avant de revenir sur l'homme pour fuir à nouveau et ainsi de suite. Mais pour la suite, il ne put se résoudre à le regarder en face. "Vu ta réaction là... Si tu... si tu avais des sentiments pour Anna, tu me le dirais, là maintenant?" La question était posée, Diarmuid n'osait pas vraiment le regarder, préférant fixer un point juste au dessus d'une de ses oreilles. C'était délicat mais comment expliquer la réaction de Jae et son enchaînement de questions et sous-entendus sinon de cette manière?

Jae se mordilla la lèvre tout en détournant le regard lorsque Diarmuid reprit la parole. L'irlandais avait entièrement raison et le fait qu'il l'énonce à voix haute ne fit que renforcer la honte que le métis ressentait. Son ami ne semblait pas vouloir l'épargner, après le cirque qu'il venait de lui faire, cela aurait été mal venu de la part du professeur de s'en plaindre. Ce n'était que juste retour des choses. Jae ne releva ses yeux noirs en direction de l'infirmier qu'à la mention d'Anaëlle. « Hein ? » Ne put retenir le professeur de soin aux créatures magiques, les sourcils froncés d'interrogations en entendant sa question, trahissant par là le fait qu'il était perdu. « Oula non, non, il ne s'est jamais rien passé avec elle. Et il ne se passera jamais rien. C'est totalement platonique. Je... Je... » Jae enchaina précipitamment ses explications, espérant rassurer Diarmuid jusqu'à commencer à bégayer sur la fin. Une rougeur typique de la gêne s'installa en même temps sur ses joues que ses yeux redevenaient fuyants. Il laissa quelques secondes s'écouler, mordillant ses lèvres avant de lâcher. « Mia, c'est Mia qui me plaît » d'une voix assez faible. C'était la première fois qu'il l'avouait, à voix haute de surcroît. Bien sûr, cela faisait un moment qu'il s'en était rendu compte, mais le dire conférait à l'idée une autre dimension, la rendant bien plus réelle.

Diarmuid, trop concentré sur l'idée que son ami éprouvait peut-être des sentiments pour Annaëlle, ne nota pas l'incompréhension de ce dernier. Il ressentie par contre un énorme soulagement en entendant Jae dire qu'il ne ressentait rien de plus que de l'amitié pour elle. Le contraire aurait été une situation délicate dont il n'aurait pas su quoi faire. Et il n'avait pas vraiment envie de le savoir. Les triangles amoureux, du peu qu'il en savait, semblaient destructeurs.

Relevant le nez après son soupir de soulagement, l'irlandais vécu physiquement l'expression 'les bras m'en tombent'. Jusque là, il s'était trouvé debout dans une posture défensive, bras croisés devant sa poitrine. Mais quand le professeur révéla son attirance pour Mia, il sentit ses bras chuter le long de son corps. Et sans le soutien de ses épaules - les articulations - ils se seraient retrouvés au sol. Dans un mouvement conjoint, la mâchoire inférieure du plus jeune suivit la gravité, lui faisant ouvrir la bouche sans qu'aucun son n'en sorte. Stupéfait, il se sentait aussi particulièrement idiot.

Lentement, le pédiatromage revint à la réalité et s'avança vers le bureau pour s'asseoir quelque peut abruptement dans une des chaises disponibles. Quand son séant entra en contact avec cette dernière, sa bouche se referma et ses paupières se rejoignirent. Jae était amoureux de Mia. Amoureux. De Mia. Il rouvrit les yeux et chercha le regard du métisse, constatant alors la teinte rose de son visage. "Mais quel crétin!" Lâcha-t-il avant de se rendre compte qu'un nouveau quiproquo pouvait survenir. "Moi! Pas toi! Penser que tu puisses... Avec Annaëlle... Alors qu'elle m'avait dit que..." Il s'embrouillait dans ses explications et il vint passer une main sur son visage pour masquer sa gêne, si c'était possible. Et puis un rire nerveux monta, qu'il masqua du mieux possible. "Mais quel idiot..." Soupira-t-il. "Je suis désolé."

Le regard toujours fuyant, Jae ne vit pas la réaction de l'infirmier, ni sa bouche s'agrandir à son aveu. Il nota toutefois le mouvement de l'homme qui s'installait en face de lui du coin de l'œil. Le métis ne leva ses yeux bridés vers son interlocuteur que lorsque ce dernier reprit la parole pour s'exclamer. Crétin, ça oui il l'était. Même si ça piquait un peu, c'était une nouvelle fois mérité. L'infirmier se reprit toutefois très vite, disant qu'il dirigeait ces mots contre sa personne.

Jae haussa des épaules, une grimace aux lèvres. Sincèrement, cela pouvait lui être adressé, il ne se serait pas vexé tant il le méritait compte tenu de la situation. « Non, non c'est moi qui suis désolé et un crétin, » répliqua assez vite Jae une fois que Diarmuid s'était arrêté de parler. « J'aurais dû être plus clair dès le début. Enfin, non. J'aurai juste du rien dire en fait, c'était ridicule mon comportement et mes insinuations. » Jae poussa un soupire tout en s'enfonçant dans son fauteuil. « Je sais que c'est idiot, mais je veux pas trop en parler. C'est compliqué. » Et douloureux aurait-il pu ajouter, mais cela, il le garda pour lui. Son traumatisme devait suffisamment se lire sur son visage en l'instant pour ne pas que l'infirmier insiste. Car s'il y avait bien une chose que Diarmuid pouvait comprendre c'était sans doute ça. Tout du moins, le professeur de soin aux créatures magiques l'espérait.