Depuis quelques temps... Depuis qu'elle avait remarqué ce tatouage sur l'avant-bras de son frère à vrai dire, Ennis s'intéressait de nouveau à l'alphabet antique irlandais. Elle le connaissait grâce à son père qui avait insisté pour que ses enfants l'apprenne et en maîtrise les significations au même titre que la langue de leur pays. Mais, contrairement à l'irlandais qu'elle utilisait au quotidien puisqu'il s'agissait de sa langue natale qu'elle préférait largement à l'anglais, l'alphabet oghamique était plutôt une connaissance qu'elle avait mise de côté. Si elle savait reconnaître les vingt lettres qui le composait et se souvenait de leur classement en quatre aicmí, nommés - comme en Futhark - par la première lettre du groupe; mais aussi des six forfeda, six lettres qui s'étaient ajoutées plus tardivement; Ennis n'avait par contre aucun espèce d'idée sur les liens de ces caractères avec les divinités de la mythologie celtique irlandaise. Ni des capacités magiques de ces runes venant de son île natale. Tout ceci l'intriguait et, ne sachant pas où chercher, elle s'était finalement décidé à aller interroger la récemment nommé professeur de Runes.

Aylin Murphy avait remplacé Joanne Taylor début mars. Les deux femmes ne se ressemblaient pas vraiment, ni physiquement ni dans leur manière de donner cours mais cela ne gênait pas spécialement la préfète des rouges et ors. Beaucoup moins que la transition entre Mark Dole et Sixtine Valerion. Ennis ne savait toujours pas pourquoi le changement de professeur de Défense contre les Forces du Mal l'avait à ce point perturbée, mais les rencontres occasionnelles avec l'enquêteur privé et le club Prodigium l'avaient finalement convaincue qu'il ne fallait certainement pas trop chercher à comprendre. Mais les questions du roulement du corps professoral n'était pas ce qui la menait devant la salle de Runes en ce vendredi matin, mais bien de questionner la professeur avec l'espoir qu'elle puisse la renseigner sur l'Ogham et ses utilisations passées et actuelles par les sorciers.

Quelques coups portés sur la porte plus tard, l'adolescente scolarisée à Gryffondor patientait jusqu'à ce que l'autorisation d'entrée lui fut donnée. "Bonjour Miss Murphy," Débuta la cinquième année en guise de salutations, "je suis désolée de vous déranger mais, j'avais quelques questions à vous poser. Vous auriez un peu de temps à m'accorder?" Demanda-t-elle très posément, de son accent et sa neutralité si habituelle, qui la rendait parfois distante aux yeux des autres.


@Aylin Murphy
Mots soulignés pour Au fil des mots

Entre ses premières semaines à Poudlard et ce vendredi matin-là, Aylin avait bien meublé sa salle de cours : elle y avait apporté un maximum de plantes verdoyantes qui apportait à la pièce une chaleur qu’Aylin appréciait particulièrement. Cela lui rappelait son enfance auprès dans la ferme familiale. Et plus encore, cela lui mettait du baume au cœur. Si elle le pouvait, elle aurait fait cours dehors. Mais cela n’aurait sans doute pas été au gout de sa direction. Quoique. Aylin nota mentalement qu’elle devrait étudier la question et demander l’avis à ses collègues.

Quoiqu’il en soit, les diverses plantes qu’elle avait ramené égayé sa salle de cours. Sans parler des parfums et odeurs qui mettait Aylin en joie. Parfait donc pour débuter une journée de cours. Elle était tout à l’étude de la dernière plante ramenée : une calathea oppenheimiana, avec ses douces feuilles rouge et verte, elle avait fait de l’œil à l’enseignante et continuait encore. La jeune professeur secoua la tête de droite à gauche pour se concentrer sur les cours à venir, lorsqu’un bruit sur sa porte lui fit relever la tête.

- Oh, bonjour Ennis, entrez je vous prie.

Quelque fut les questions de la jeune fille, Aylin était ravie d’y répondre : Ennis était une étudiante sérieuse, qui donnait beaucoup de plaisir à Aylin en cours. Des échanges nourris et toujours pertinents. Quoique lui veuille l’étudiante, la professeur se ferait une joie de l’aider. Ainsi, sur son visage avenant était figé un sourire doux, dans l’attente.

- Que puis-je faire pour vous ?

Aylin se leva de son bureau et attrapa une chaise à côté d’une table, elle l’a mis à côté de son bureau et, d’un geste de la main, invita la Gryffondor à s’assoir tandis qu’elle retournait sur son propre fauteuil.

La professeur accueillit Ennis avec son sourire et sa douceur habituelle. Une forme d'empathie à laquelle l'irlandaise était assez peu habituée. Ce n'était pas désagréable de constater mais asse déroutant puisqu'elle-même avait dû se protéger de ce trait de caractère. Ce qui avait été pointé comme une faiblesse, elle avait dû le combattre et tentait de faire en sorte de ne pas en souffrir au quotidien. Les émotions des autres ne devaient pas l'envahir pour qu'elle puisse gérer les siennes correctement.

Sur l'invitation à entrer, l'irlandaise rejoignit la professeur et s'installa sur la chaise qu'elle venait de placer à son intention et ainsi pouvoir exprimer ce pourquoi elle était venue. "Je me suis souvent posée la question mais jusqu'à présent je n'ai pas trouvé d'informations à ce sujet puisque les peuples celtes n'avait que très peu d'écrits. Et je n'ai jamais eu l'occasion d'aborder la question avec Miss Taylor." Commença par poser la jeune fille avant de poursuivre en entrant directement dans le vif du sujet. "Mon père a tenu à ce que mes frères et moi connaissions l'ogham." Le dernier mot avait été dit en irlandais, il n'avait pas vraiment de traduction de toute manière alors l'accent de la rouge et or était ressorti avec toute sa puissance, comme si elle s'était exprimé dans sa langue natale.

- "Aussi, je me demandais si, à l'instar des runes nordiques, nous avions connaissances des applications magiques de ces runes? Parce qu'elles ont toutes une signification symbolique au delà des lettres latines que nous leur associons aujourd'hui." Continua-t-elle avant de poursuivre son raisonnement jusqu'au bout. "Je me disais donc qu'il n'était pas totalement absurde d'envisager des pratiques divinatoires ou des créations de talismans, entre autres exemples."

La jeune O’Belt était de ces élèves qu’Aylin avait plaisir à recevoir car elle avait une soif de savoir indéniable, qui transperçait chacun de ses mots, chacune de ses phrases, comme une douce poésie aux oreilles de l’enseignante. Ainsi, alors qu’elle fut assise et parfaitement apte à raconter ce pourquoi elle était venue, Aylin ne l’avait pas quitté des yeux. S’abreuvant presque de l’interrogation. Elle s’autorisa même un petit sourire devant l’argumentaire de la jeune fille. C’est qu’elle était très calée sur la question. Cela ne fit qu’amplifier le sourire d’Aylin.

- Mais quelle question ! Vous avez l’art de tenir en haleine votre interlocuteur Ennis, bravo ! débuta ainsi la jeune femme, puis elle continua. Certains moldus étaient persuadés que c’était un rapport aux druides irlandais … et d’autres ont dit que cela n’était guère possible. Pourtant, les premiers avaient raison ! Si l’art druidique passe par l’oral, il n’était pas rare que les druides irlandais se servent de l’ogham pour des transcriptions magiques.

Aylin fit une pause, souhaitant s’assurer que l’élève ne s’était pas perdue en chemin. Vu qu’elle semblait suivre parfaitement les propos de sa professeure, cette dernière n’hésita pas et continua sur sa lancée.

- Il existe peu de preuve de ces utilisations, sans doute est-ce un héritage familial chez les sorciers irlandais, qui se passent de génération en génération certains symboles qui peuvent avoir une incidence particulière comme sur les talismans par exemple !

Cette fois-ci, l’enseignante s’arrêta et attendit une réaction de la jeune fille. Après tout, peut-être avait-elle une interrogation plus poussée ou souhaitait-elle seulement quelques informations de base. Quoiqu’il en soit, Aylin aimait beaucoup cet échange.

Ennis ne put retenir l'esquisse d'un sourire à l'entame de sa professeur. C'est vrai que ça pouvait paraître comme une mise en haleine, mais l'irandaise avait plus vu ça comme la nécessité d'expliquer son cheminement de pensée que comme une volonté de maintenir un suspens quelconque. Au moins, la professeur ne s'en vexa pas, ce qui aurait - pour être tout à fait honnête - bien étonnée l'étudiante qu'elle était. Ça ne semblait vraiment pas être dans la nature de l'adulte qui lui faisait face.

Au début d'explication, la châtain hocha la tête affirmativement pour montrer sa compréhension de ce qui venait de lui être expliqué. Déjà, il y avait bien une application magique à ces runes, elle ne s'était pas fourvoyé. Et son idée de talisman n'était pas absurde, loin de là. "Je n'ai jamais osé m'essayer à faire des talismans avec l'ogham. Mon père nous a appris les symboles et leurs significations mais j'ai l'impression qu'il n'a pas reçu d'informations sur les manières de les utiliser. A moins qu'il n'ait préféré attendre pour nous en expliquer l'usage." Elle nageait dans un manque d'informations criant. Son père ne s'était qu'intéressé de loin à leurs formations respectives et même s'il semblait de nouveau les inclure dans sa vie depuis quelques mois, l'expérience d'août dernier la rendait hésitante à le questionner plus avant sur le sujet. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il n'avait donner aucun enseignement spontané à ses frères sur le sujet. "Pour les cérémonies sorcières, nous utilisons les runes nordiques. Ma mère a des ancêtres danois." Et connaissant le caractère maternel, c'était peut-être la raison de cette transmission incomplète.

Aylin hocha la tête en signe de compréhension. Il n’était pas aisé de faire des talismans avec des runes dont on ne connaissait que peu les contours et la profondeur. Cela pouvait même se révéler dangereux. L’enseignante laissait la jeune sorcière lui expliquer le fond de son problème et elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire à la mention des runes nordiques.

- Je ne vais pas vous cacher que ma spécialité se concentre sur les runes scandinaves. Il y a peu de preuves d’utilisation des oghams, c’est pour cela que je suppose une transmission familiale, une sorte d’héritage que les sorciers irlandais pourraient se transmettre de génération en génération.

Aylin pencha sa tête sur le côté, un doigt sur le menton, symbole de réflexion suprême chez la blonde. Ses yeux couleur océan semblent plongés dans une profonde méditation qu’il aurait été difficile de rompre. Après quelques minutes les yeux plongés dans ses plantes, Aylin hocha la tête.

- Je pense qu’il doit être faisable de réaliser des talismans avec les oghams. Néanmoins, je ne saurais que vous conseiller d’être prudente si vous souhaitez vous essayer sur cette piste-là.

Aylin reconnaîtrait-elle à la jeune fille que l’idée de faire quelque chose de nouveau, ou plutôt de ne jamais réellement vu la bottait bien ? Elle ne le lui dirait pas à voix haute mais serait, forcément, très intéressée si Ennis voulait poursuivre dans cette voie-là.

La nouvelle professeure l'avait laissée terminer l'explication de ses doutes ou de son problème... En réalité, c'était plutôt une envie inexorable d'en savoir plus sur l'alphabet runique irlandais qu'autre chose. Vouloir le comprendre et être en mesure de le manipuler sous tout un tas de formes... Et pourquoi pas trouver d'autres voies d'exploration de la magie. Mais à la réponse de sa professeur, qui répétait sa vision de la transmission d'un savoir chez les sorciers irlandais... S'étaient-elles comprises? Certes Ennis ne pouvait nier que peu étaient ceux de ses camarades qui connaissait ce mode d'écriture, même chez les irlandais. Mais il n'existait donc vraiment rien? Ennis hocha la tête, dissimulant sa déception...

Être prudente... Bien entendu. C'était exactement pour cela qu'elle était venue voir sa professeur. "Je sais bien. C'est bien pour cette raison que je ne m'y suis pas essayé." Ennis hésitait sur la suite de la conduite à tenir. Devait-elle en rester là avec celle qui était originaire du même pays qu'elle? Cela ne lui ressemblerait pas. Elle était plutôt du genre persévérante, si ce n'était opiniâtre. "Vous voulez dire, finalement, que c'est un pan de la magie qui n'est pas exploré... Je veux dire, on ne connaît pas les potentielles applications magiques? Ou alors ce sont des secrets qui se seraient transmis dans des familles, parfois partiellement?" Cela ne lui arrivait pas souvent, mais Ennis réfléchissait en parlant. C'était généralement signe de passion sur le sujet. "Vous pensez qu'il serait possible de retrouver ces usages s'ils existent? Ou déjà, de savoir si on peut tirer une utilisation magique de l'ogham?" Demanda finalement l'irlandaise à la professeur blonde.

Aux yeux d’Aylin, la jeune fille semblait comprendre ses propos et son avertissement face au danger que cela pouvait représenter que de se lancer seule dans une telle aventure. Aylin souriait intérieurement : à l’âge de la jeune fille, aurait-elle était aussi patiente et sage ? Probablement pas. Néanmoins, elle ne fit guère de commentaire et écouta la suite du discours de la sorcière. Oui, elle avait compris ce qu’impliquaient les propos de la professeure.

Ainsi Aylin hocha la tête sur ses demandes. Elle aussi, elle était titillée par cette absence de réponse car, au-delà du fait qu’elle aimerait pouvoir répondre à la jeune fille, elle avait aussi cette soif de connaissance que tout professeur aurait dû avoir à son sens. Une soif inextinguible de connaissance qui aurait pu rendre fou Odin lui-même.

- Oui, c’est exactement ce que je dis, répondit Aylin dans un sourire. S’il y a des utilisations des oghams, celles-ci ont été très peu documentées. Sans doute pour garder le secret préservé ou pour permettre une transmission purement familiale.

Elle hocha la tête de droite à gauche, réfléchissant dans le même temps à la dernière question de la jeune Ennis. Etait-il possible de retrouver des traces de ces utilisations ? Sans doute. Mais il faudrait certainement creuser énormément, prendre des chemins détournés. Dans les runes, rien n’était aussi facilement acquis.

- Il doit y avoir quelques livres très anciens qui racontent quelque chose. Mais cela ne sera jamais aussi clair que ce qu’on peut trouver désormais sur les runes … Des choses un peu sombres et incompréhensibles. L’époque n’est plus la même …

En constatant le hochement de têt affirmatif de sa nouvelle professeure de runes, Ennis savait qu'elle avait bien compris la teneur de ses propos. La confirmation orale qui suivit n'était pas spécialement nécessaire, mais l'adolescente avait été trop bien élevée pour couper court aux explications d'une personne à qui elle devait - de facto - une certaine forme de respect. Oh, loin de là de dire que son respect était acquis du simple fait de sa position de professeur, c'était comme tout, il fallait mériter de l'obtenir. Mais il y avait un minimum dû à la position. Mais bon, là n'était pas la question, Miss Murphy n'avait rien fait pour qu'Ennis ait une mauvaise opinion d'elle. C’était même actuellement tout le contraire, même si ce qu'elle lui annonçait était signe d'embûche quant à la poursuite de son idée.

- "Donc il n'y a aucun écrit fiable pour s'appuyer." C'était à demie une réflexion à voix haute, Ennis ne savait pas trop comment poursuivre la discussion... Enfin si, elle voulait en apprendre plus et pour ça, elle avait une piste, une piste qui faisait près de deux têtes de plus qu'elle et à qui elle ressemblait énormément, cette piste n'était nulle autre que son frère Diarmuid. "Vous pensez qu'on pourrait retrouver - nous - certains usages? Je pourrais commencer par demander à mon frère, Diarmuid, l'infirmier. Il a un tatouage avec certaines runes de l'ogham." Elle se demandait ce que l'adulte allait bien pouvoir penser de sa proposition. Après tout, son frère avait décidé d'encrer sur sa peau des symboles ayant potentiellement une valeur magique. Mais s'ils en avaient, alors il devrait avoir senti quelque chose de différent depuis non?

Vraiment désolée pour le délai, tu sais combien mes deux derniers mois ont été éprouvants.

L’enseignante confirma d’un mouvement de tête. Il n’était peut-être pas utile de se perdre en palabre pour faire comprendre à l’étudiante qu’elle marchait sur un chemin pentu. Au demeurant, Ennis semblait l’avoir très bien compris. L’étudiante fit une supposition intéressante à laquelle Aylin tiqua. Si le père de l’étudiante n’avait pas voulu transmettre ses connaissances à sa fille, peut-être que l’infirmier ne piperait pas un mot face à sa sœur. Toute à sa question mentale, Aylin finit par poser la question qui la démangeait.

- Pensez-vous vraiment que votre frère pourrait vous en dire davantage ? Si votre père ne l’a pas fait … peut-être que lui aussi a des consignes ?

Si Aylin voulait aider Ennis, il n’en restait pas moins qu’elle ne voulait pas qu’elle prenne des risques et cela valait aussi pour sa famille. Y’avait-il une possibilité pour que le père d’Ennis l’ait tenu éloignée vis-à-vis des risques encourus ? Les runes savent être mystiques, sombres, dangereuses même parfois. Les runes irlandaises ne font sans doute pas exception. Aylin remet une mèche de ses cheveux blonds derrière l’oreille avant de penser à voix haute.

- Peut-être que les anciens de l’Académie en savent quelque chose. Mais si c’est le cas, personne n’en a jamais rien dit.

Les enseignants de l’Académie, comme elle avait été, pouvait sans doute en savoir plus. Sans doute faudrait-elle qu’elle parle aux plus anciens … qui n’étaient malheureusement pas les plus bavards. Parfois et même si Aylin adorait sa famille, elle aurait adoré naître dans une famille sorcière pour avoir les connaissances qui découlerait d’un héritage magique tel que celui dont les deux sorcières sont en train de parler.