La semaine avait été exténuante ! Sans explications particulières, les élèves avaient décidé d'être plus bêtes les uns que les autres pour terminer le mois de février. Rajoutons à ça un hibou porteur de mauvaises nouvelles reçu la veille, son père avait été envoyé à la toute récente Nouvelle Sainte-Mangouste suite à une morsure de gnome qui s'est infectée. La coupe était pleine ! Il avait besoin de retrouver une amie pour parler tranquillement de tout ça et se changer les idées.

La journée se terminait enfin, il ne prit même pas la peine de ranger sa classe et suivit le flot d'élèves qui en sortaient pour prendre la direction de la tour nord où sa collègue de Runes enseignait. Il frappa à la porte et entra sans attendre, comme il en avait pris l'habitude.

"- Pfiouu quelle semaine ! Si tu as quelque chose à boire, ce n'est pas de refus ! Comment tu vas t.."

Il s'arrêta dans l'élan de sa phrase en voyant une jeune femme blonde à la place qu'était celle où devait se trouver Joanne. Il regarde autour de lui, il était bien dans la classe d'étude des runes, aucun doute possible. Et son amie n'était pas en mesure de prendre l'apparence d'une autre.

"- Heuu, vous n'êtes sûrement pas Joanne... Qui êtes-vous ?"

Il s'approcha un peu plus, peut-être que de plus près, il reconnaîtrait une connaissance. Mais non, les traits de la jeune femme lui étaient totalement inconnus.

Elle était à peine arrivée. Sa valise était encore prête à être ouverte sous son bureau. Elle découvrait les lieux de la plus simple manière qui soit : en étant assise au bureau de sa salle de cours. Et, si elle devait reconnaitre une chose : elle déprimait. Sa salle de classe était déprimante. Austère. Vide. Vraiment c’était … horrible. Est-ce que la professeur qui la précédait n’avait jamais fait le choix d’une décoration un peu plus personnelle ou était-elle partie en amenant tout avec elle ? Quoiqu’il en soit, alors que son regard passait sur les murs en pierre, Aylin n’avait qu’une idée : donner un peu de vie à sa salle de classe. C’était un minimum.

Elle allait soupirer bruyamment sur la condition ennuyeuse de sa salle de classe, quand d’un seul coup, une arrivée fracassante se fit entendre. Et voir aussi. Face à la déconvenue à venir, Aylin écarquilla les yeux. Plus l’homme continuait ses palabres, plus l’enseignante était perdue. Elle avait bien quelque chose à boire oui, mais aurait-elle oublié qu’elle avait un quelconque rendez-vous dès son arrivée ? Mince, il ne fallait pas faire mauvaise impression.

Et en parlant d’impression, justement, il semblait qu’Aylin s’était lourdement trompée. L’homme qui venait d’entrer dans sa salle de classe cherchait visiblement quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’elle n’était pas, de toute évidence. Il évoqua le prénom d’une Joanne, qui fit tiquer Aylin : n’était-ce pas sa prédécesseur ? Elle dodelina de la tête quelques instants puis, retrouva son sourire qu’elle offrait en toute circonstance. Un vrai sourire sympathique, comme pour amorcer la discussion.

- Alors, je ne suis pas Joanne non, mais je dois avoir quelque chose à boire dans ma valise.

Aylin sortit sa baguette et en un tour de main, dénicha ce qu’elle voulait trouver : une bouteille de poteen que son père lui avait offert après sa mutation. Il convenait de faire quelques précisions à l’homme en face d’elle alors qu’elle sortait deux petits verres de sa valise. Petit, car le poteen n’était pas connu pour être un alcool facile.

- Aylin Murphy, nouvelle professeur de rune. J’imagine que ce n’était pas à moi que vous vouliez parler mais je peux vous servir un verre de poteen si vous voulez ?

Nouvelle professeure de Runes ? Aydan ne pouvait cacher sa surprise. Jamais Joanne n'avait évoqué ni même fait ressentir un désir de départ. Quelque chose avait dû se passer, quelque chose d'important et soudain pour que cela justifie qu'il ne soit même pas mis dans la confidence. Il essayait de se convaincre que les relations nouées avec sa collègue, enfin ex-collègue, auraient mérité qu'il soit mis au courant, que ce soit un départ volontaire ou forcé. Sa remplaçante était déjà là, ce qui était encore plus déroutant. Il referma la porte et s'avanca dans la pièce, un verre ne serait pas de trop pour encaisser la nouvelle. Mais surtout il espérait que la nouvelle arrivant aurait quelques réponses à apporter aux questions qui s'accumulaient dans sa tête.

"- Je ne dis jamais non à un verre, merci ! Vous venez d'arriver à ce que je vois, il constata la présence de la valise encore pleine d'où venaient e sortir les verres et la bouteille, je.. Excusez-moi si c'est un peu indiscret comme première question, je voudrais savoir... Depuis quand savez-vous que vous allez venir enseigner à Poudlard ?"

Cela lui donnerait une idée de quand date le départ de Joanne, mais il se rendit compte sur le coup qu'il avait manqué de politesse en oubliant de se présenter.

"- Oh et, merci également de pardonner mon impolitesse, je suis Aydan Lynch, professeur de Métamorphose."

Ah. L’homme qui lui fait face était vraisemblablement proche de sa prédecesseuse. Il a l’air un peu … Chamboulé ? Alors Aylin comprend bien l’origine de sa question. Si lui et la précédente professeure de rune étaient proches, pourquoi n’est-il pas au courant du départ de son ancienne collègue ? Aylin pencha la tête sur le côté, un air contrit affiché sur son visage.

- Ravie de vous rencontrer Aydan mais j’ai peur que ma réponse ne vous convienne pas. Je n’ai su mon départ de l’académie que très peu de temps avant mon arrivée ici. Je n’ai pas eu l’occasion de croiser la femme qui s’asseyait ici avant moi, ni de discuter avec elle. Hélas.

Hélas en effet, car Aylin aurait adoré la rencontrer. Pour discuter des élèves, du programme, des examens, de tout ce qui concernait sa matière. Peut-être aurait-elle apprécié de faire dériver la discussion sur les sujets plus profonds concernant les runes : il est rare de trouver des passionnés. Aylin pencha sa tête sur le côté l’espace de quelques secondes : la femme qui était là avant elle, était-ce une passionnée ? Elle n’en savait rien mais, dans son imagination, c’est ainsi qu’elle la voyait.

Tout en laissant le soin à son esprit de se perdre, la sorcière attrapa la bouteille de poteen et remplit les deux petits verres. Elle en attrapa un qu’elle tendit à son homologue de métamorphose, tout en portant l’autre à ses lèvres. Lorsqu’elle porta son verre à ses lèvres, l’alcool ne mit guère longtemps à venir troubler ses sens. Ainsi, il serait plus facile pour Aylin de savoir comment agir. D’un côté, elle aimerait rassurer l’homme qui lui fait face mais elle pressent que rien de ce qu’elle pourrait dire ne lui conviendra. D’un autre côté, elle aimerait aussi assouvir sa curiosité : comment était l’enseignante avant elle ?

Sans savoir comment se sortir de ce dilemme, assez simple en vérité, elle garda le silence, ses yeux alternant entre son petit verre tournant entre ses doigts et son collègue. Attendant sans doute qu’il prenne la conversation en main.

Très peu de temps avant son arrivée… Ca ne rassurait pas Aydan, cela confirmait le départ précipité de sa collègue et l’urgence d’une situation qu’il ignorait. Il resta un instant silencieux, le temps de réfléchir tout en prenant une gorgée du verre que lui avait donné Aylin. Une gorgée qui vida entièrement le contenant, qui le réchauffa et calma un instant son inquiétude. Dans sa réflexion il se dit que ce n’était pas la jeune femme qui lui faisait place qui l’aiderait à comprendre, Rafael devait en savoir plus mais Aydan fut pris d’un doute. Et si le départ de sa collègue était lié à leur relation… Il n’était pas respectueux d’aller le questionner, non il enverrait Ashlyn, sa chouette, réclamer des explications. Il préférait qu’elles lui soient directement adressées, au moins il respecterait le cercle de confiance que pouvait avoir Joanne.

Se reconcentrant sur sa nouvelle collègue, Aydan força un sourire en gardant le verre entre ses mains. Arriver en cours d’année n’était pas évident, il en savait quelque chose pour l’avoir vécu. Ironiquement il avait été interpellé par l’ancienne professeure de Runes quand lui-même était en train de vider ses valises à son arrivée. La situation se reproduisait avec une inversion des rôles et un changement de personne. Le moins qu’il pouvait faire après cette première impression maladroite était de mettre à l’aise la nouvelle.

"-Tu arrives à prendre tes marques ca va ? Après ce qui est arrivé il faut un certain courage pour accepter de venir enseigner à Poudlard, je te préviens les élèves sont encore marqués et s’en servent d’excuse pour être ingérables en ce moment."

Elle regardait son collègue avec un air circonspect, sans doute le même regard utilisé lors des interrogatoires par les autorités sorcières. Il faut dire que le pauvre professeur de métamorphose semblait … hagard. Comme si l’étoile de ses jours et de ses nuits avait disparu. Pardon, la narratrice s’égare. Aylin comprenait la détresse de son collègue : après tout, si elle venait à s’attacher à l’un des professeurs, elle aimerait savoir et comprendre les raisons de ce départ. Face au changement de sujet introduit par Aydan, Aylin sourit : il n’était pas question pour elle de le mettre mal à l’aise en continuant de parler de sa prédécesseuse.

- Eh bien, je pense que, quel que soit les évènements qui peuvent se produire à Poudlard, les élèves ont toujours des excuses pour devenir ingérables, je me trompe ?

L’air ingénu de la professeure de rune ne pouvait pas tromper son interlocuteur : elle avait pleinement conscience du potentiel de malice des jeunes sorciers. A dire vrai, elle avait été l’un des leurs elle aussi. Et à moins que le grand âge de son collègue ne lui ai fait oublier comment c’était d’être un adolescent, lui aussi devait savoir. Sinon, la jeune professeure se ferait une joie de lui rappeler.

- Il me semble que nous avons tous été comme eux, non ? A plus ou moins hautes doses je pense. Mais il m’étonnerait que le professeur de métamorphose qui se trouve devant moi n’ait pas fait plusieurs éclats face à ses professeurs.

Et là, imaginons un instant : Aylin se trompe lourdement. Quelle manière indélicate de commencer son année qu’en se mettant l’un de ses collègues – une matière dite principale en plus ! – sur le dos. Au sens littéral du terme, bien entendu.

"- Ca c'est sûr, il ne leur faut pas grand-chose. Mais d'ordinaire leurs prétextes n'attirent pas forcément de compassion. Là avec ce qu'il s'est passé, on est un peu obligé d'être compréhensif."

Aydan sourit à sa nouvelle collègue, elle ne pouvait pas plus se tromper sur sa personnalité. Ses 7 années à Poudlard avaient été celles d'un élève modèle sans histoire qui avait très vite dédié tout son temps à l'étude de la métamorphose. Il avait beau réfléchir, il n'avait pas souvenir de bêtises ou de turbulences qu'il avait pu commettre. Les seuls rares écarts éventuels qu'il avait pu faire consistaient à quitter précipitamment le cours pour aller s'isoler quand il sentait qu'il perdait un peu le contrôle de ses émotions. Redoutant que son don de métamorphomage ne se manifeste sans y avoir été invité, il allait trouver un endroit où il pouvait être seul et revenait en s'excusant et prétextant un rotavirus particulièrement actif.

"- Et bien désolé de te décevoir, j'étais du genre premier rang, le nez dans les bouquins et qui posait milles questions. Oui, j'étais Serdaigle, ajouta-t'il avec un clin d'œil. Et toi dis-moi, tu étais de celle qui agaçait ses professeurs ou plutôt discrète ?"

Ce n'était pas évident d'imaginer comment étaient ses collègues en tant qu'élève. Pour certains il n'y avait aucun doute, mais la plupart, en grandissant, changeaient du tout au tout, s'assagissant ou faisant une crise de rébellion tardive.

Ah. Zut. Aylin avait tenté quelque chose et ce n’était pas un mur qu’elle se prenait, non, c’était la douche froide combinée à l’impact du mur. Et non, le professeur de métamorphose ne faisait pas partie des trublions capables de retourner une salle de classe. Non, il ne faisait pas partie de cette masse virulente capable de donner de l’urticaire à un professeur rien qu’à la vision de son nom. La jeune femme se mordit l’intérieur des joues. Bon, après la réponse de son collègue n’était pas virulente non plus. Il semblait même plutôt taquin ! Ah ! Aylin laissa échapper un soupir de soulagement. En plus, non content de lui éviter la honte du siècle, Aydan relançait la discussion. Il n’en fallait pas plus à Aylin pour qu’elle oublie sa déconvenue quelques instants auparavant.

- Je pense que … j’ai fait partie des deux côtés. Disons que je me suis peut-être un peu laissée embarquer dans quelques histoires dont il aurait mieux fallu que je ne sache rien.

Un rire cristallin suit sa déclaration. Aylin, sans être une perturbatrice invétérée était parfois dans les mauvais coups réalisés par ses camarades. Elle n’était jamais la dernière à prendre part aux conneries des autres, quand bien même elle savait ce que cela pourrait provoquer comme réprimandes et conséquences diverses et variés. Longtemps, ses parents avaient essayé de faire cesser ses coups d’éclat. Néanmoins, elle était une élève appliquée et concentrée lorsqu’elle ne se laissait pas aller à ce genre de bêtise.

- A mon avis, j’ai dû faire suer quelques-uns de mes professeurs de l’époque. Je me demande même si j’arriverai à me supporter si j’étais ma propre élève.

Un franc sourire orne à présent ses lèvres. Se rappeler ses souvenirs d’adolescente lui fait du bien. Non pas qu’elle soit perdue dans ce grand château, mais cela l’ancre davantage avec ce qu’elle va faire en tant qu’enseignante.

- Quelle belle maison qu’est Serdaigle. J’ai toujours voulu visiter la salle commune des bleus mais je m’en suis toujours retenue. Sans doute quelque chose que l’on ne m’aurait pas pardonné à l’époque.