Deux mètres. C'est la distance minimale que je tiens à mettre entre moi et les autres étudiants fréquentant la bibliothèque, pour être parfaitement tranquille et étudier dans de bonnes conditions. A l'approche des examens, le lieu se veut plus peuplé qu'à l'accoutumée et il devient difficile d'obtenir le confort habituel qui m'est si cher. C'est pourquoi je suis malgré moi assis à la même table qu'une autre adolescente qui bien que visiblement absorbée par ses recherches, ne se montre pas si discrète pour autant.

J'ai tenté de faire abstraction de la chose -après tout j'ai du travail, et après six ans à fréquenter cette bibliothèque j'ai appris à conserver ma concentration malgré les quelques perturbations. Mais l'heure passe et mon parchemin se remplit peu : je prends du retard et ne parviens à lire tranquillement sans être agacé par le bruit d'une page tournée ou un chuchotement « C'est quoi déjà la gestuelle ? » puis quelques minutes plus tard, un « Ah oui c'est pas bête ça ! » tout aussi dénué d'intérêt. L'adolescente n'est pas si bruyante que ça : je la suppose simplement très absorbée par son travail et la courte distance entre nous ne m'aide pas. Elle est bien loin des première année qui n'ont aucune tenue et se montre très bavards voire agités dans un lieu qui requiert par définition calme et sérieux.

Mais tout de même. Tout de même. Je n'en peux plus. Finalement, quand un « Ah ouais, ça prend beaucoup de concentration ça ! » surgit -remarque aussi futile que les précédentes, je ne peux m'empêcher de me lever vivement de ma chaise -un peu trop, ça tourne et mes jambes tremblotent un instant. Les deux pas qui me séparent de l'adolescente sont malgré tout rapidement franchis, et me postant derrière elle je pose fermement une main sur sa table avant de lui adresser un regard franchement agacé. « Ce qui demande de la concentration, Clarke, c'est mon travail et ton boucan ne m'aide absolument pas. »

Poussant un soupir, je glisse un regard malgré moi vers les nombreux livres éparpillés autour d'elle et sur ses notes. Que des bouquins portant sur la défense -au moins c'est intéressant, mais ça ne justifie en rien son bazar. « Là, » soupiré-je en pointant du doigt une de ses notes. « C'est un détail, mais la gestuelle est très légèrement plus arrondie que sur ton schéma. »

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Ben dis, je ne sais pas d'où il sort soudainement ce caractère mon Lest... on dirait qu'il ne faut pas l'embêter dans son environnement naturel. N'hésite pas à me dire si quelque chose ne te va pas ! Je ne considère pas qu'Elina était réellement bruyante : Lest est simplement très, très sensible surtout à l'approche des examens.

Encore une fois, la jeune fille s'était enfermée dans sa bulle à la bibliothèque pour réviser. Ou plutôt en apprendre un maximum sur les sortilèges de défense contre les forces du mal. Depuis que la troisième année s'était entrainé avec Ennis au début du mois, elle avait une soif de progresser qui ne cessait de s'agrandir. Si au début de l'année, elle s'intéressait davantage aux sortilèges en général, elle ne pouvait ignorer son intérêt grandissant pour cette matière depuis quelques semaines. Une détermination d'apprendre qui ne cessait d'augmenter.

C'est donc entouré de manuel de différent niveau qu'elle notait des informations sur les enchantements qu'elle trouvait intéressant. La jeune fille schématisait les gestuelles et écrivait les prononciations, tout en inscrivant les émotions à ressentir ou encore les degré de concentrations. Dans son esprit, plus elle apprenait les détails, plus elle avait de chance de réussir. Sans s'en rendre compte, elle avait commencé à prononcer quelques commentaires à voix haute sans grande importance, mais concentrée, elle avait oublié la présence des autres élèves à ses côtés. Jusqu'à ce qu'une personne le lui fasse remarquer avec une grande gentillesse. Se retournant pour observer celui qui la dérangeait, ou qu'elle dérangeait, elle tomba nez à nez avec Coelestin, un élève de sixième de sa maison. Fixant le plus vieux, elle prit un instant pour enregistrer ce qu'il venait de lui faire remarquer. Suivant le bout de son doigt, la serdaigle corrige rapidement son dessin avant de se retourner vers lui.

-Je faisais pas tant de bruit, répliqua-t-elle sans réfléchir avant de se reprendre, mais merci. Pensant retourner rapidement à son travail, une question pointa dans son esprit et avant qu'elle puisse la retenir, sa bouche bougea sans autorisation. T'es bon en défense ?

Mordillant légèrement ma lèvre inférieure, je me dis que j'ai quand même été un peu excessif avec ma réaction. Ce comportement ne me ressemble pas, mais l'approche des examens me tend particulièrement. L'adolescente ne s'en offusque pas, protestant simplement avant de me remercier. Sa question me prend au dépourvu, connaître parfaitement la gestuelle de sorts dont j'ai longuement étudié la théorie est normal -peut-être se méfie-t-elle de ma correction ? Si c'est le cas, qu'elle retrouve simplement l'ouvrage où elle l'a trouvée, elle verra bien qu'elle ne l'avait pas reproduite correctement.

« Meilleur que je ne le suis en attaque, » réponds-je de manière assez évasive. C'est la vérité, mais si miss Valerion traînait dans le coin elle me lancerait un drôle de regard. J'omets simplement de préciser que les sorts offensifs semblent bien décidés à rester hors de ma portée. En même temps, ils ne sont pas par définition le type de magie que j'aspire à apprendre et maîtriser, n'éprouvant aucun intérêt à blesser ou restreindre n'importe quelle forme de vie.

Je pourrais retourner à ma place, là maintenant et continuer mon travail. Mais sa question me taraude, pourquoi l'a-t-elle posée ? Si ce n'est pas ma correction qui est remise en doute, ceci n'est peut-être qu'un guet-apens pour qu'une âme charitable vienne l'aider ? Non, c'est trop fourbe.

« Pourquoi ? »
Elle est entourée de tout un tas de bouquins qui semblent pour certains orientés vers la magie défensive -si elle ne veut qu'un renseignement et que j'ai la connaissance nécessaire pour lui fournir, soit peut-être ferai-je l'effort, mais j'ai du travail qui m'attend.