Ainsworth avait peu dormi. Il était excité à l’idée de la tournure que sa vie avait prise hier. Il avait démissionné. En choisissant d’abandonner la formation d’auror, une autre voie s’était naturellement ouverte à lui : celle de l’introspection et de la quête de soi-même. Il avait décidé qu’il était temps de ne plus vivre pour se préparer au danger, mais de vivre sa vie pleinement et pour simple finalité son épanouissement personnel. La vie n’était pas faite pour rester tapis dans la peur. La vie n’était pas faite pour uniquement subir, mais bien pour agir.

Au lieu de se laisser définir par les événements qu’il avait vécu, il définirait lui-même qui il était, indépendamment de sa souffrance et de son malheur afin de se défaire de leur emprise. Miles s’était entraîné fort et avait construit sa vie autour du besoin insatiable de se renforcer pour ne plus être victime de quiconque. Seulement, cela avait étriqué son esprit et depuis, il avait orienté tous les choix de sa vie en vue de cet ultime but. Toute sa vie, il l’avait construite non pas en vue d’être heureux, mais en vue de ne plus souffrir.

Il devait changer d’air et se réinventer. Il sentait qu’il allait bientôt prendre part à de nouvelles aventures qui le guideraient sur le chemin de son identité. De plus, il s’était retiré de toutes ses obligations, ce qui lui fit dire qu’il ne pouvait – et ne voulait – plus reculer. Cependant, il lui restait une chose à régler avant de partir. Il ne regrettait pas le combat auquel il avait pris part hier au cours de sa dernière session de formation – pour devenir auror. Affronter Jessica Brown lui avait prouvé une nouvelle fois qu’il n’était pas fait pour s’enfermer dans l’univers particulier du ministère avec sa lenteur, sa hiérarchie, ses procédures et protocoles à respecter. Pourtant, il avait conservé une petite pensée pour Mila qui s’était retrouvée à l'hôpital par leur faute. Même s’il n’était pas près de le reconnaître, il avait une petite part de responsabilité. Ainsi, il se rendit à son chevet, à Sainte-Mangouste, afin de constater par lui-même l’état dans lequel elle se trouvait.

De cette façon, il entra dans l’accueil de l’hôpital. Il était très peu familier avec les lieux, ne s’y étant rendu qu’une seule fois auparavant. Au cours d’un été, il avait attrapé un virus magique mais cela n’avait nécessité que d’une nuit en observation. Le lendemain, on lui avait administré un traitement qui le remit très vite sur pied.

La femme de l’accueil lui demanda de décliner son identité. Celle-ci attendit que la demande de visite soit acceptée pour finalement lui transmettre la localisation de la chambre où demeurait son ex-collègue. Désormais, Mila Davies devait l’attendre. Il suivit les indications de la demoiselle de l’accueil et se dirigea vers sa destination. Il trouva l’étage puis la porte sur laquelle était inscrite le fameux numéro de chambre. Il inspira un grand coup et toqua trois petits coups avant d’être invité à entrer.

Mila, réveillée, était en train de ranger les quelques affaires qui traînaient dans la chambre et avaient l’air en pleine forme. Au détail prêt qu’elle avait un léger bandage qui lui couvrait la main gauche. Elle se redressa et fit face à Miles. Sans sourire, elle s’adressa à notre héros :

« Alors comme ça, tu es venu me rendre visite ? Tu as de la chance, je suis sur le point de partir.
- Je suis content de voir que tu n’es pas trop amochée, dit-il sur un ton qui laissait percevoir un soupçon de soulagement. »

Cette brève introduction inaugura la conversation entre notre héros et Mila Davies. Les deux adultes, toujours face à face, prirent la peine de discuter quelques minutes. Alors qu'hier à peine Mila avait été brûlée de l'avant-bras jusqu'à la main, cette dernière lui expliqua les prouesses des médicomages. Suite aux soins qu'on lui avait administrés, il ne restait plus qu'une lègère marque sur le dessus de sa main.

Ensuite, Miles en profita pour lui annoncer son départ de la formation – ce qui fut une surprise totale. Sur le coup, elle parut désarçonnée. Une intimité éphémère s’installa presque entre les anciens collègues. Le fait de se voir en dehors du cadre du travail et d’échanger sur son départ les firent tous deux réaliser qu’ils avaient beau avoir passé six mois ensemble, ils n’en savaient pas tant sur l’un comme sur l’autre. C’était comme si leur regret de ne pas en avoir appris plus, leur regret de mettre un terme à une relation de façon précipitée avait fait tomber leurs murs. Miles lui raconta en toute honnêteté – ou presque – les raisons de son départ, sur un ton un peu léger mais qui n’enleva rien à la profondeur de ce qu’il put lui dire. Il lui expliqua aussi qu’il valait mieux ne plus faire allusion à lui durant la formation, pour éviter de rendre son départ un peu plus étrange. Il ne voulait pas démotiver le reste des recrues, ce métier n’était juste pas fait pour lui.

Après une dizaine de minutes – quelque peu émotives – à échanger avec Mila, la conversation toucha naturellement à sa fin. Miles lui adressa un dernier sourire, auquel elle répondit :

« Merci d’être passé me voir, ça m’a fait plaisir. Et, fais-moi signe le jour où tu repasses à Londres. »

Ainsworth acquiesça et quitta sans plus attendre la chambre d’hôpital pour se diriger vers la sortie. Sur le chemin vers l’accueil de Sainte-Mangouste, il ralentit le pas et se perdit dans ses pensées. Maintenant qu’il avait fait sa bonne action, il se demandait quelle serait sa prochaine destination.