Adossé au mur, je regarde une nouvelle fois ma montre. 19h pile. Ils devraient sortir à tout moment, maintenant.

Je baisse les yeux vers l'enveloppe que je tiens dans la main, me rappelant une nouvelle fois d'envoyer des nouvelles à Papa et Maman après cela. Ils voulaient être tenus au courant, après tout, et je n'ai pas particulièrement envie qu'ils s'inquiètent.

Enfin, la porte s'ouvre et un flux d'élèves en sort. Des quatrième années, je crois. Comme Eugène, d'ailleurs. Je me demande si il est là.

Je parcours les élèves des yeux, sans vraiment de succès et me reconcentre rapidement sur la raison de ma venue. Foutu cerveau. Foutue magie.

Lorsque je ne vois plus personne sortir, je m'approche de la porte et la frappe trois fois du point en entrant de quelques pas dans la salle, avant de parler d'une voix que j'espère claire.

- Bonjour Miss. Est-ce qu'il serait possible de vous parler quelques minutes ? Avec mes parents, on avait des questions sur comment lancer des sorts...

J'attends la réponse avec hésitation, me balançant légèrement sur place, et appréhendant la suite. J'espère de tout mon être qu'elle renverra nos leurs inquiétudes en rigolant. Que c'est pas grave, que tout va bien se passer.

Pourquoi fallait il que tout ça arrive, hein ? Tout allait très bien avant tout ces trucs de magiciens.

@Eugène Harlow, pour la mention.

Les élèves quittaient la classe par petits groupes, plus ou moins rapidement, dans un brouhaha de mots et de chaises glissant sur le sol. A croire que les deux heures de cours avait duré une éternité, obligeant les adolescents à se raconter dans l'urgence tous les détails des dix dernières années - qui se résumaient en vérité à une centaine de minutes - depuis leur dernière discussion. Sarah observait tout ce petit monde, un sourire aux lèvres. Elle était définitivement contente d'être de retour en ces murs. Et pourtant, cet été encore, elle avait douté. L'envie de rester en Egypte, la possibilité de rester travailler encore et encore, d'apprendre et de progresser l'avais fait hésiter et puis... non. Elle était revenue et elle se rendait bien compte aujourd'hui qu'elle ne le regrettait pas.

La Galloise passa derrière son bureau et y déposa le parchemin qu'elle tenait encore en main. Elle avait du prévoir trop d'exemplaires. Aurait-elle bêtement inversé les effectifs de quatrième et de cinquième année ? Probable. Ou alors, un tête en l'air avait oublié les papiers dès la première séance... prometteur. Elle allait s'assoir pour vérifier les chiffres en question quand on frappa à la porte.

Les yeux de la sorcière se posèrent sur un jeune élève qui, d'après son blason et la couleur de sa chemise faisait partie de la maison Poufsouffle. Sa maison cette année. Enfin en ce début d'année du moins, les choses allaient vite dans cet établissement. Sarah l'avait appris l'an passé. Ne parvenant pas à mettre un nom sur le visage qui lui faisait face, elle en conclut qu'il s'agissait d'un nouvel arrivant, un élève de première année. La question qu'il posa la fit sourire. Etait-il si impatient de découvrir la magie au point de ne pas pouvoir attendre le cours du lendemain ? Et qu'est ce que ses parents venaient faire là-dedans ? Probablement des moldus du coup.

" Bonsoir Monsieur... ? Installez vous je vous en prie. "

D'un coup de baguette, les parchemins qui lui faisaient face partir se ranger dans les tiroirs de son bureau tandis qu'une chaise venait se poser face à elle.

350 mots

J'entre dans la salle sans plus de fanfare, doigts triturant la feuille de papier alors que je m'assois dans le siège qui vient de se glisser en face du bureau.

- Coyle, Elijah.

Puis, la fixant dans les yeux, je m'humidifie les lèvres et prends la parole.

- Bon, voilà. J'ai lu un peu les livres de sortilège pour voir comment ça marche et tout ça.

Mes mains s'agitent tandis que je parle, tantôt en un mouvement ample, tantôt pour me recoiffer.

- Et j'ai vu que pour lancer des sortilèges, il fallait visualiser.

Je marque une pause dans mon monologue avant de reprendre un peu plus rapidement. Qu'est-ce que t'espère ? Le bouquin est clair.

- Le soucis, c'est que je suis aphantasique. Ça veut dire que je peux pas visualiser. En fait, j'ai pas d'images mentales, volontaires. Ils pensent que c'est un bout du cerveau dont la connexion fonctionne pas bien, je crois, mais il font encore des recherches et...

Je termine mon dernier mot à mi voix, fixant mon regard dans celui de la professeur de nouveau avant de continuer, cette fois sur le sujet principal.

- Euh, enfin, ce que je veux dire, c'est que du coup vu que j'ai pas d'images mentales, je peux pas lancer de sorts, non ? J'ai cru comprendre que c'était assez indispensable ? Mes parents vous ont écrit d'ailleurs.

Je pousse la lettre vers elle sans un mot de plus, sachant très bien que le bout de papier résume seulement ce que je viens d'expliquer, avec quelques questions de plus.

Il avait lu le manuel, excellente chose. La suite laissa Sarah quelque peu dubitative. Il ne pouvait pas visualiser ? Rien ? Rien du tout ? Elle attrapa le courrier que lui tendait le gamin et sortit la lettre de son enveloppe. Ses yeux parcoururent un instant le papier avant qu'elle ne le pose sur son bureau, reposant ses yeux sur le jeune Poufsouffle assis devant elle. D'extérieur elle ne laissait rien paraître mais elle réfléchissait intensément. La sorcière finit par s'éclaircir la gorge avant de prendre la parole.

" Je vous avoue ne jamais avoir rencontré de sorcier dans votre situation. Il est évident que les matières nécéssitant l'usage de la baguette, sortilèges, métamorphose et défence contre les firces du mal vont être complexes à suivre. Rassurez-vous cependant, ce ne sont pas les seuls cours dispensés à Poudlard. Vous n'aurez à priori aucun soucis en botanique, potions, vol, astronomie, étude des runes, des moldus ou encore en histoire. Pour la divination et les soins aux créatures magiques, ça dépendra sûrement des sujets abordés. "

Sarah fit une pause en songeant qu'une personne incapable de visualisation n'allait sûrement pas avoir un don de troisième vue. Ce serait un comble tout de même.

" Cependant, si la visualisation est une des cinq étapes d'un lancer, certains sorciers parviennent à lancer sans réellement prononcer la formule. Ceci prouve qu'on peut dans certains cas modifier légèrement le processus. La formule est dite mais mentalement uniquement. Pouvez-vous vous remémorer une odeur ou une discussion par exemple ? "

La curiosité de la sorcière était maintenant piquée à vif. Elle réfléchissait à toutes les options possibles. On disait bien que le cerveau s'adaptait à tout, compensait.

Jamais ?

Evidemment, il fallait que je sois le premier. Bon, c'est pas farfelu, après tout, on est pas beaucoup, et je pense que certaines personnes ne l'apprennent jamais, c'est si peu connu.

Je tente tant bien que mal d'enregistrer tout ce qu'elle m'annonce. Rien de vraiment plus que je ne m'étais dit en voyant la liste des matières. Bien qu'en vérité, l'histoire, l'astrologie et la botanique me poseront sans doute également des soucis, si ça ressemble même vaguement à ce que je connais déjà.

Je grince légèrement des dents en me rendant compte que la liste des matières que je pense apprécier se résume à quelques heures de ma semaine. Génial...

J'ai à peine le temps de réfléchir à ce qu'elle m'annonce sur les étapes du lancer de sortilèges qu'elle me pose une nouvelle question, sans surprise.

Je secoue légèrement la tête, habitué à expliquer la façon de procéder de mon cerveau, qui semblait si étrangère aux autres. C'est eux qui ont un cerveau bizarre, franchement.

- Pas d'odeurs, de sons, ou de sensation de toucher. J'ai plutôt des concepts, des faits sur les choses que je connais.

Mes doigts pianotent sur le bureau alors que je fixe mon regard dans le sien.

- Par exemple, je sais que le ciel est bleu, mais je ne peux pas le voir dans mon esprit. Je vois pas non plus la couleur bleu, en fait.

Je hausse légèrement les épaules. Je me rappelle même pas d'à quoi ressemble mes parents.

Les doigts de la sorcière se mirent à faire rouler doucement sa baguette sans que cette dernière ne s'en rende compte. C'était un geste réflexe acquis avec le temps du fait de la présence continuelle de l'objet à portée de main. Sarah observait le jeune élève avec attention. Ce cas était passionnant. Certes, peu agréable pour le concerné mais passionnant tout de même. La professeure de Sortilèges avait désormais une toute nouvelle mission, comprendre le fonctionnement de ce cerveau pour lui permettre de laisser exprimer toutes les capacités de l'apprenti sorcier.

" Hum... je v... comprends. Je pense que ça devrait fonctionner dans ce cas. Enfin, dans certains domaines. Prenons un exemple. Le sortilège d'allumage de baguette. La méthode classique est de visualiser une lumière qui grandit et se stabilise au moment voulu au bout du catalyseur. On procède ainsi car c'est le plus simple pour la majorité des gens. Cependant, il n'y a pas une méthode unique. Vous savez ce qu'est la lumière. Vous savez ce qu'est une lumière faible ou forte. Je pense qu'en vous focalisant sur ces... concepts, tout devrait bien se passer. C'est une visualisation comme une autre. Évidemment, vous aurez plus de mal à lancer des sorts précis. Dans un premier temps, votre magie vous semblera sûrement un peu grossière mais, tout le monde commence comme ça. Vous progresserez petit à petit en trouvant vos propres trucs. Quelles sont vos activités favorites ? Vos passions ?"

Les yeux s'écarquillant légèrement, je me redresse dans ma chaise avec un grincement. Ca changera rien, alors ?

Au fur et à mesure des mots, je suis de plus en plus découragé, cependant. Est-ce que je sais vraiment ce qu'est la lumière ?

Finalement, je prends la parole, bien décidé à avoir le fin mot de l'histoire, ou à me faire comprendre, en tout cas.

- La lumière, c'est... des ondes ? Je crois.

Puis, mains se croisant sous le bureau, je reprends, frustré.

- Désolé, je comprends pas. La lumière, c'est juste la lumière, je peux pas imaginer plus.

Et puis, me souvenant de la fin de son discours, je me calme légèrement, tête légèrement penchée, réfléchissant au sens de sa question.

- Euhh, je fais de la guitare et du Volley, j'aime bien. Désolé madame, mais je vois pas ce que ça a à voir avec la magie.

A moins que y'ait des sortilèges pour accorder sa guitare tout seul, ce qui serait super pratique, je ne comprends pas vraiment cette question. C'est pas penser à un truc plaisant qui m'aidera à visualiser, sinon je l'aurais fait depuis longtemps.

Et puis, à la guitare ou au Volley, c'est pas très utile de visualiser. Enfin je crois pas. Sinon, je me débrouillerais moins bien, je suppose. Excluant le soucis de mémoire, bien sûr, ça compte pas ça.

Sarah avait l'impression de ne pas savoir s'exprimer ou alors c'est ce première année qui ne comprenait rien. Les torts étaient sûrement partagés. Elle le laissa néanmoins terminer avant de reprendre.

" C'est bien ce que je veux dire. Quand vos parents vous demandent d'allumer la lumière, vous savez ce qu'il faut faire et même si vous ne le prévoyez pas mentalement, vous savez quel effet aura le fait d'appuyer sur l'interrupteur. Vous pouvez donc concevoir ce que signifie allumer sa baguette puisque c'est le même résultat qu'allumer la lumière. Certes, vous ne serez pas précis car vous n'aurez pas l'image en tête mais votre volonté devrait largement suffire si votre objectif est clair. "

Enfin, clair, c'était un grand mot. Elle ne se sentait elle-même pas particulièrement claire à cet instant précis.

" Ce que je veux dire c'est que vous allez y arriver. Ne vous en faites pas. Vous ne serez pas un pro de la métamorphose, c'est certain mais vous arriverez à lancer des sorts comme n'importe quel sorcier une fois que vous aurez trouver votre mode d'emploi personnel. "

Sarah ne se sentait pas vraiment rassurante dans ses paroles mais ce n'était pas un domaine dans lequel elle excellait en général. Lui, il ne savait pas visualisé. Elle, elle ne savait pas trouver les mots ou les attitudes adaptés. Lui ne comprenait pas les images, elle les attitudes. Chacun sa bouse d'éruptif.

" Si je vous demande ce que vous aimez, c'est que, en général, on s'en sort mieux en pratiquant les choses qu'on aime. On se laisse plus facilement emporter et l'esprit agit de façon automatique. Souvent, c'est ainsi qu'on agit le mieux. La magie via des instreuments de musique n'est pas enseignée à Poudlard mais si vous aimez le sport, vous devriez trouver votre bonheur avec les balais. Avez-vous fait le tour des clubs ? Il y a un club de Quiditch et un club de course en balais. Vous connaissez un peu ces sports ? "

Navré pour cet immense retard !

Hochant la tête doucement, je noue mes doigts sous la table, résistant tout juste à l'envie de les craquer.

Allumer la lumière, je sais faire, mais comment on y pense consciemment ?

C'est frustrant, d'essayer de visualiser sans le faire. D'essayer de concevoir ?

Enfin, pas question de me laisser abattre. Si avoir de la volonté suffit, j'en ai à revendre, de ça. Et puis, en travaillant ça devrait le faire non ? Papa dit que c'est pas les capacités d'origines qui compte, mais le travail. Et en y pensant, c'est pas un des trucs majeurs de Poufsouffle ?

Je repose finalement mon regard sur le visage de la professeur, réconforté par ces paroles. Puis, alors qu'elle continue son discours, mon sourire s'agrandit, yeux pétillants.

- On peut faire de la musique magique ? Y'a des groupes de musique magique ?

Mon esprit part dans tout les sens. Ces paroles ouvrent tout un univers d'un coup. De la musique magique, ça veut dire des instruments, peut-être même de nouveau styles musicaux, de nouveaux sons !

Sur le sujet du sport, je reste plus calme, à la fois intrigué et malheureux que les sports magiques ne ressemblent à priori pas aux moldus. Et ça, ça veut dire plus de Volley.

- Oui, j'ai entendu parler du Quidditch, c'est dans certains livres aussi, je crois. J'aimerais bien essayer, je pense, j'aime bien les sports collectifs en général.

Puis, avec un peu plus d'hésitation.

- Je crois que j'ai vu quelque chose sur des essais ? Je ne sais pas si c'est ouvert à tous, mais ça a l'air cool.

Le gamin semblait soudain avoir repris vie et la directrice de maison ne put retenir un sourire devant son regard pétillant.

" On peut effectivement faire de la magie via la musique. C'est une spécialité de l'école de sorcellerie Walmanba, en Australie. Là-bas les élèves n'ont pas de baguette mais un instrument de musique. C'est loin d'être plus simple cependant. Il existe des groupes de musique sorciers et des musiciens pratiquant la musique magique effectivement mais ils sont rares. Utiliser la magie pour le spectacle n'est pas aussi évident que ça. Il existe également des instruments artefacts qui sont ensorcelés de façon à produire tel ou tel effet si on y joue certaines mélodies. Vous devriez passer du côté de la salle de musique au quatrième étage, certains objets pourraient vous intéresser. "

Elle fit une petite pause après cette longue tirade et reprit ensuite sur le sujet des sports de balais.

" Les essais sont en effet ouverts à tous les membres de la maison et Alienor Delphillia, la capitaine de l'équipe de Poufsouffle vous expliquera le fonctionnement de ce sport mieux que moi. "

Elle ne vous dégoutera pas en vous expliquant qu'il s'agit d'un truc violent ou les tricheurs et les mauvais joueurs ne sont pas rares par exemple songea mentalement l'enseignante.

" Je crois que j'ai entendu parler d'une journée de découverte ouverte à tous ce mois-ci. Vous devriez vous renseigner. "