Narcisse s'appuya contre le dossier de sa chaise, en croisant les bras, une moue légèrement boudeuse aux lèvres. Il trouvait cela totalement injuste, à tous les points de vue. Jamais il ne voudrait priver ses parents d'une quelconque partie de sa vie, il leur avait toujours dit toute la vérité, il leur racontait toujours tout. Il montrait toujours toutes ses notes à ses parents, sans rien leur cacher, et devoir cacher, ne serait-ce qu'un tout petit élément de sa vie de sorcier, c'était inenvisageable, et inacceptable.

- Mais c'est bête... Enfin, j'comprends pas. Mes parents font partie d'ma vie, ils s'ront toujours là, j'vais pas les exclure d'une partie d'ma vie ! J'peux pas faire ça... Et pis, on habite loin d'tout un peu, y'a pas d'risque si ?

Il observa le mouvement de son adversaire, et pendant quelques instants, toute indication pouvant souligner son jeune âge disparu de son visage. Il était pleinement concentré, voyant les pièces bouger au fur et à mesure des mouvements mentaux qu'il faisait. Jouer le cavalier sans même sortir un pion était assez inhabituel. Mais ce n'était jamais bon signe. Il avait du mal à jauger le niveau de son adversaire, mais il ne sous-estimait jamais, ô grand jamais un adversaire.

- Cavalier en F3 alors.

Il fut légèrement soulagé de voir que la pièce lui obéit, les pions s'écartant pour lui laisser le passage. Lui qui avait l'habitude de faire passer sa pièce au-dessus, c'était perturbant. Quel coup pourrait-il bien jouer par la suite ? Il se frotta le menton, tentant de se faire une visualisation précise de l'échiquier, ses questionnements et interrogations presque oubliées.

Les paroles énoncées par l’étudiant furent ce que je nommais l’imprévisibilité. Il était certain que ce dont je lui dictais pouvait se voir comme une chose horrible, mais en même temps ; si même nos proches se trouvaient être des personnes de confiance ; cela était délicat — durant l’adolescence — de faire part de tous ces changements et surtout leur faire appréhender le fonctionnement. Et c’est pour cela que je puisais mes dires ainsi cruels et pourtant authentiques ; aurait-il été préférable d’attendre qu’il eût atteint l’âge idéal pour en parler ?

— Tu sais, mes parents sont — tout comme les tiens — des personnes merveilleuses, mais il adviendra toujours un moment où un sujet sera évité ; comme certains sorts que tu apprendras ou en tentant de leur faire comprendre ce qu’est de la magie accidentelle… Cela peut se présenter tel un propos difficile pour les deux parties. Mes parents sont des gens très ouverts ; et pourtant, je n’arrivais pas à leur dire que s’il neigeait soudainement dans la maison, c’était parce qu’au fond de moi, je grandissais d’une manière ou d’une autre ; d’une façon très singulière par rapport à mes deux sœurs aînées. Je possédais un mal-être à être ce que je ne fusse pas : un adolescent sans magie et qui pouvait passer toute sa scolarité entre l’école et le logis et non dans un internat où tout est différent et identique à la fois. C’est cruel, c’est vrai, mais on ne sait pas tout exprimer même si dans notre pensée nous pourrions l’avoir fait une centaine de fois.

Je n’aimais pas cette vérité, mais c’était ainsi que l’on vivait en tant que Né-Moldu ; on écoulait souvent un certain temps pour accepter la réalité du fantasme sur des faits hypothétiques possibles sur ce que nous étions en partie. Et de cette façon, le cauchemar du syndrome de l’imposteur débutait, puis la difficulté de s’en remettre.
Néanmoins, je ne pouvais pas me permettre de briser un rêve, une idéologie de vie de cette façon. Je me devais de le faire encore songer, mais comment ? En lui apportant à cette triste vérité, un espoir du jeu.

— Pion en D5 !

Autorité à la pièce qui se déplaça assez rapidement ; les avantages d’un nouvel échiquier.

Narcisse se renfrogna, ses sourcils se froncèrent, sa moue boudeuse revenant de plus belle. Il ne pouvait s'imaginer une telle réalité. Ses sentiments profonds refusaient catégoriquement d'envisager un jour qu'une telle situation puisse arriver. Il sentit son visage devenir rouge, tandis qu'il réalisait qu'il avait simplement oublié de continuer de respirer, obnubilé par l'effort de refuser le discours du professeur. Il dut faire tous les efforts du monde pour accepter de ne pas nier en bloc chaque mot qu'il venait de prononcer.

- J'suis pas d'accord. Mes parents sont pas comme ça. On s'dit tout, et si faut garder un truc secret, on demande de le garder secret. Mais on sait qu'il y a des secrets, on s'fait juste assez confiance pour ne pas poser de questions.

Ses mots sonnèrent bizarrement, et il grimaça, pourquoi cela sonnait-il différemment de ce qu'il voulait dire dans sa tête ?

- Et j'suis fils unique, y'aura pas d'jalousie entre frère et sœur. Et ma mère était... est militaire, les secrets, elle connaît. Bref, j'comprends vraiment pas l'problème ! C'est... C'est un échiquier ! C'est rien ! Et puis les non-sorciers sont des humains comme nous quoi !! Mes parents sont des humains comme moi ! Ça va pas les tuer d'voir qu'j'peux faire d'la magie !

Bref, cela l'irritait qu'on puisse ainsi ne pas faire confiance aveuglément à ses parents, même si on ne les connaissait pas. C'était un peu ridicule, et même lui s'en rendait compte, mais un gamin de 11 ans n'allait certainement pas remettre en question cette confiance qu'ils avaient bâtis entre eux durant de nombreuses années. Il regardait vaguement le plateau d'échecs, incapable de pleinement se concentrer, il hésitait entre deux coups, mais pour une raison inconnue, il avait envie de provoquer le prof, en jouant le coup le plus agressif des deux.

- Pion en C4.

Le ton des paroles, mais aussi celui de la partie en cours, changea. Il devenait plus nerveux ; cela devait être en lien avec ce que nous avions échangé jusqu'à présent et je comprenais. De ce que je devinai, cela avait un lien étroit et profond avec le souvenir qu'il possédait de sa vie de famille. Enfant unique et protégé par sa famille et l'envie de la protéger en retour. Pourtant, il était quand même loin de ce que j'eusse imaginé : il ne maîtrisait pas encore l'importance de ce que pouvait faire la magie, surtout à son âge, et sur les potentialités de faire de la magie accidentelle.

─ Ce n'est nullement ce que je voulais dire... il nous, sorciers, arrive de faire de la magie accidentelle. Elle est celle qui démontre notre capacité magique, et jusqu'à ce que tu puisses utiliser la magie à ta majorité, elle sera celle qui s'exprimera auprès d'eux. Et de manière accidentelle, cette magie est difficile à décrire. Et qu'importe que l'on soit le benjamin d'une famille ou l'unique enfant, la finalité reste la même : elle nous fait peur quand on est pas entouré de sorcier, car on a peur des conséquences. Pour tout te dire, je suis parrain d'une petite fille, Caelia, elle a déjà un an ; je ne sais pas si elle sera comme ma famille ou si elle partagera, avec moi, cette caractéristique magique. Néanmoins, je sais qu'elle sera soutenue et n'aura pas peur d'être elle-même, car je serai près d'elle en cas de magie accidentelle, je saurai toujours quoi lui dire pour ne pas avoir peur de cette magie. Je pourrai lui dire que la télévision qui explose parce qu'elle s'énerve n'est en rien grave, car c'est normal d'être en colère et qu'elle ne possédait pas d'autres manières de le faire comprendre. Mais, je ne verrais cela que dans quelques années... Mais pour nous, toi et moi, c'est différent : nous sommes les premiers nés magiques de nos familles, ils apprennent ce qu'est la magie en même temps que nous, mais en développent les connaissances avec beaucoup plus de temps que nous. Et tu sais pourquoi ? Parce que nous allons à Poudlard, nous apprenons à maîtriser des sorts qui nous seront utiles à l'école jusqu'à notre majorité avant de nous être utiles dans la vie. Et il n'y a qu'à notre majorité que nous pouvons vraiment nous permettre de leur démontrer ─ visuellement ─ toute l'utilité de notre étalage magique. C'est cela que je voulais dire, nullement une attaque contre tes parents, car je sais ce qu'ils vivent, parce que mes parents et ceux de mes meilleurs amis ont vécu la même chose. Ils veulent nous protéger de ce monde qui leur est inconnu tout en voulant le connaître pour nous aider à y vivre sereinement. C'est un temps d'adaptation important. Et l'échiquier en fait légèrement partie, c'est pas tous les jours que l'on voit des pièces bougées seules, se détruire seules et qu'on peut voir une partie s'enclencher parce que la magie l'entourant se détériore légèrement. Je me rappellerai toujours de la frayeur de ma mère quand elle a vu une beuglante du parent sorcier d'un de mes camarades de classe s'ouvrir et me hurler dessus, car je n'avais pas envoyé un cadeau d'anniversaire à temps, alors que le hibou avait juste ralenti suite à une blessure à l'aile... Elle ne s'attendait pas à ce qu'une enveloppe s'élevât dans la cuisine et prendre vie d'une certaine manière avant de s'auto-déchirer. Ce sont ces petits détails, certes amusants, qui font que nous devons faire attention. Une beuglante pour un Moldu non mis au courant de la situation magique, ce serait grave...

Je préférai m'arrêter dans mon monologue, ce n'était pas facile de parler de soi à un enfant qui découvrait seulement ce monde si proche des contes de fées de notre enfance. Je ne savais donc pas si mes mots seraient bien compris, mais la colère qu'il possédât n'allait nullement aider. Et les gestes d'autorités en rapport à l'échiquier laissait bien cette solution s'entendre.
J'avais peur de ce qu'il allait en advenir, mais je ne pouvais pas le montrer, seulement l'exprimer. Alors, je soupirai et pris sur moi : il fallait continuer la partie.

─ Maintenant, Pion mets-toi en E6 !

Narcisse sentait lentement, mais inexorablement, monter en lui une exaspération et une irritation inédite. Il ne comprenait pas les paroles, ni la logique de son professeur. Il faisait de son mieux pour ne pas se détourner de la partie d'échec et ne pas perdre sa concentration, mais trop de choses lui passèrent par la tête. Ses sourcils se froncèrent et il se mordit l'intérieur de la joue.

- Mais... Vous prenez mes parents pour des enfants en fait ?

Cela lui sauta aux yeux, il ne voyait que cette explication, ou alors...

- Enfin, pas vous en particulier, mais tout le monde ? Tous les sorciers ? Vous... vous pensez à c'point qu'ceux qu'ont pas d'pouvoirs magiques sont incapables de s'adapter ? Je...

Il ne comprenait pas, qu'est-ce que c'était que cette logique à la noix ?

- J'veux dire... Ils savent que j'suis un sorcier ! Ils sont ouverts d'esprit, et c'est l'cas d'beaucoup d'monde aussi. Sans compter qu'ma mère a vu mille fois pire sans la moindre hésitation, et mon père est plus fort qu'il en a l'air.

Soudainement sa colère s'éteignit, il n'avait pas l'envie ni la technique pour l'alimenter, et il secoua doucement la tête.

- Tout l'monde pense que les non-sorciers sont des gosses... Sapristi...

Il se reconcentra sur le jeu, tentant de se remettre dans l'état d'esprit stratégique d'il y a quelques minutes. Mais il n'arrivait plus vraiment à penser correctement, il voulait acculer son adversaire, mettre fin à cette partie rapidement. Il avait compris, et il avait l'impression qu'il ne pourrait rien faire pour changer cet état de faits, et ça l'enrageait.

- Cavalier en C3.

Il tapotait nerveusement des doigts sur le bureau, se mordant l'intérieur des joues.

288

Il me paraissait étonnant de garder mon calme alors que le jeu se faisait plus brutal sur l'instant ; je voyais le jeu de l'enfant comme des représailles par rapport à la discussion en cours : cela en était vraiment perturbant. Néanmoins, je pouvais le comprendre ; il possédait cette impression que la majorité des sorciers, incluant ma propre personnalité, prenait les adultes moldus pour d'éternels enfants. Pour ma part, cela n'en était pas le cas ─ où du moins pour les premiers mois de la révélation ─ bien qu'une infime partie des adultes moldus prît malheureusement les nouvelles comme un blasphème à leur histoire ou à la bonne harmonie de leur monde. Et en quelque sorte, je voyais bien que cela ne pouvait être le cas pour la famille de ce jeune élève.

─ Je conçois entièrement ton avis, n'aies nulle crainte là-dessus. Mais c'est en effet le cas pour une majorité d'entre nous, mais cela est dû à des années de mise au secret et d'une peur viscérale de revivre des évènements qui ressembleraient comme deux gouttes d'eaux à des faits comme la chasse aux sorcières que notre peuple magique a vécu pendant la période du Moyen-Âge. Depuis, c'est une manière de se défendre ou de faire comprendre que nous existons aussi ; du moins, c'est ainsi que je l'aperçois. Tes parents ont bien pris la nouvelle, tout comme toi, et vous avez eu votre lot de questionnements, et actuellement, nous répondons tout deux à l'un que tu possèdes en passant par une réponse ludique. Mais puis-je te poser une question en retour, Narcisse, comment voudrais-tu que notre monde d'adoption proclame son existence à notre monde de naissance : en faisant comme en 2045 par un accident ou par une méthode plus douce, plus ludique qui s'adresserait à la fois aux enfants, mais aussi aux adultes ? Le jeu, bien qu'une méthode enfantine pour de nombreux experts moldus, n'est-il pas la meilleure façon d'apprendre la vie ? Car nous savons tout deux que les échecs développent en quelques sortes les stratégies de la vie puisqu'on réfléchit à toutes les conséquences possibles, tu ne trouves pas ?

Je voulais rester dans un langage rassurant, tout en le mettant face à des indices qui démontraient que parfois le plus innocent, le plus discret pouvait se montrer comme étant le plus efficace, tout en passant moi-même pas une diversion sur l'échiquier tout en restant sérieux avec ces pièces récentes.

─ Pion en A6 !

Narcisse expira doucement, tentant de se détendre et de relativiser. Il trouvait cet état de fait scandaleux et ridicule, et il trouvait le point de vue des sorciers sur les moldus méprisable. Il écouta malgré tout son professeur en se concentrant sur le jeu, essayant à la fois d'entendre touts ses mots et de pas couper sa réflexion. À la mention des événements tragiques du passé, Narcisse grimaça, pour lui, il était insensé de comparer cette époque à celle d'aujourd'hui. Les mentalités avaient évoluées non ? Les gens avaient changés, et ils étaient devenus plus tolérants non ? Il n'arrivait pas à s'imaginer qu'on puisse ainsi rejeter une communauté sans distinction ni fondement.

Il regarda à nouveau son professeur lorsqu'il lui posa la question. IL ne comprenait pas à quel événement il faisait référence, même s'il avait vécu cela du point de vue de la société moldue, il n'avait jamais compris exactement ce qui s'était passé, et pour lui, la réponse était plus qu'évidente. Il fronça les sourcils en croisant les bras, observant le coup de son professeur. Pourquoi ne pas l'avoir avancé d'une case supplémentaire ? Il aurait pu libérer sa tour... Bref.

- Mais les gens sont pas bêtes ! Enfin, je sais pas, si on leur dit la vérité, pourquoi ils l'accepteraient pas ?

Il croisa les bras sur la table en posant son menton dessus, soupirant tristement.

- On peut pas vivre comme ça... c'est bête. Tôt ou tard les gens apprendront qu'on existe, autant contrôler l'info non ?

Puis il regarda le plateau.

- Pion en B3.

Narcisse n’avait, en mon sens, nullement tort dans son propos ; contrôler les informations et la modérer en conséquence pouvait donner un change non équivoque sur notre hypothétique facilité d’inclusion. Toutefois, la peur qui animait encore certains Moldus pouvait en outre annuler cette fluctuation : conséquence que l’irrationnel engendrait des éléments équivoques. Il n’y avait qu’à repenser, pour les plus vieux sorciers, ce que cette terreur de ne pas connaître la magie et de vouloir la posséder à son tour avait provoqué dans chacun des rangs. J’avais pu observer certains mages changer complètement de comportement après ces évènements, et j’en avais fait partie durant quelque temps : à désirer protéger ma famille à cause de ma condition ; j’en avais presque littéralement coupé les ponts avec eux, jusqu’à ce qu’un mensonge ait pu me permettre de les revoir, bien que cela ait pris un interminable moment. Un temps non rattrapable, perdu.

— J’ai mûrement pensé comme toi en espérant que cela serait possible. Néanmoins, en 2045, avant qu’une excuse soit faite pour supprimer les doutes sur notre monde et arrêter subitement les maltraitances envers certains ; il s’est passé qu’un Obscurus avait tout détruit à la suite d’un conflit interne au monde sorcier, soucis, les Moldus ont été touchés ; ils ont été des dommages collatéraux, mais cela a provoqué un tollé et tout le monde sorcier s’est méfié, s’est mis à observer, à se défendre contre les Moldus. C’était là, encore, une réaction à la peur de nos deux côtés. Donc, finalement, ce n’est pas qu’aux Moldus que nous devrions exprimer la magie. Mais, aussi, aux Sorciers pour dire que les Moldus se trouvent être très ouverts d’esprit quand ils possèdent les bases et qu’ils les comprennent. Si nous souhaitons des changements, nous devons le faire des deux côtés, si un seul de nos peuples ne fait pas d’effort, aucun ne sera réellement prêt à coexister l’un près de l’autre. Et même en contrôlant l’information pour calmer les tensions, je sais qu’il y a encore beaucoup de Moldus sans proche magique qui y croient fortement.

J’avais mal en disant ses mots, me rappelant des regards et des discours que m’avait prononcés Chris avant que l’une de mes sœurs ne s’exprimât d’elle-même à ce débat intrafamilial. Et ce, bien avant qu’un temps de paix ne fût possible.

— Pion en C5 !

Narcisse se passa lentement la main sur le visage en écoutant le professeur répondre. Il cligna plusieurs fois des yeux, essayant de rediriger son attention sur l'échiquier, mais rien à faire, ses pensées étaient obsédées par le sujet de la discussion. Les moldus et les sorciers... Vraiment, quelle stupidité. Il n'arrivait pas à comprendre ces oppositions, il n'arrivait pas à les concevoir, et les mots de Mister O'Lake lui échappaient tout autant, il ne comprenait pas tout, n'arrivait pas à conceptualiser le reste, et refusait de réfléchir au reste. C'était inenvisageable pour lui. La partie continua dans le silence du côté de Narcisse, la tête toujours posée sur son avant-bras, alors qu'il réfléchissait autant qu'il le pouvait. Mais il s'était désintéressé du jeu, et au final, c'était une égalité qui les attendait, ou tout du moins, une bien trop longue partie, opposant simplement le roi, et un pion, qui allaient éternellement se battre pour savoir qui deviendrait reine.

Il s'adossa à la chaise en se frottant les yeux, avant de fixer le plafond d'un air absent. Il soupira.

- J'arrive pas à comprendre. Et j'arrive pas à expliquer pourquoi... J'sens que y'a un truc qui va pas, j'suis pas d'accord, mais... j'arrive pas à dire pourquoi, c'est rageant !

Il se frotta le haut du visage en pouffant de rire, avant de montrer le plateau de la main.

- On est parti soit pour une égalité, soit pour une partie de quatre heures... On abrège ? On peut dire qu'vous avez gagné aussi, vous dominiez quand même le plus souvent...

Son niveau médiocre provenait de son absence de concentration, mais ce n'était en aucun cas une excuse qu'il pensa à exprimer, ni même à concevoir. Il ne se cherchait jamais vraiment d'excuse.

— Peut-être est-ce simplement parce que tu découvres à peine ce monde ? Je sais qu'il est difficile d'en comprendre tous les tournents, et même à mon âge c'est encore compliqué...

J'avouais sans nulle honte ce fait de la compréhension qui ne pouvait pas toujours être présente. Longtemps, je trouvais cela injuste de me cacher, mais avec le temps, j'en avais compris les raisons. Sans doute trop tard. Pourtant, il était de mon devoir de l'accompagner dans cette découverte de lui-même et des aboutissants qui entouraient ce nouveau monde pour lui. Et le voir en quelque sorte l'abandonner était bien que difficile, me renvoyant à cette image de Hector et Soizig essayant par tous les moyens de se reconnecter au monde Moldu pour éviter de ne perdre plus de monde. Mais je n'avais su le faire ; j'aimais ma condition de sorcier. Bien qu'étrange et ahurissant au début, j'avais su l'apprécier, l'embrasser.

Mon regard se tourna à nouveau sur la partie d'échec que nous avions entamée, elle reflétait tant ce pourquoi nous avions débattu. La jeunesse contre la vieillesse, la découverte face à l'expérience. Et au final, tout cela ne paraissait comme la métaphore d'une égalité. Tout se complétait, s'emboîtait parfaitement.

— Nous sommes à égalité. Tu attaquais pour te défendre, et je me défendais pour te laisser attaquer plus férocement. Un peu comme la vie, je dirais. Tu as encore le temps d'apprendre les secrets de ce monde, de découvrir ce qui agace ta pensée, et je serai là pour t'accompagner dans ces étapes. C'est mon rôle. Et quand tu auras trouvé ce que tu cherches, je t'aiderai à le faire découvrir à ceux qui suivront tes pas. J'ai connu des revers et je t'apprendrai à les éviter, les accepter. Tu peux me faire confiance, tout comme je fais confiance en tes parents en voyant le jeune homme ouvert que tu es. Peut-être que nous devrons prendre du temps pour nous connaître, mais jamais, je ne remettrais en doute les valeurs que cela t'apporte. Tu vas être un grand sorcier, Narcisse, avec le temps qu'il te faudra. Mais je ne doute pas du fait que tu penses déjà à toutes les solutions pour unifier deux mondes. Utopique, mais pas irréalisable.