- Où va t-on mademoiselle ? @Ellana Duchêne

14 FÉVRIER 2048

- Dans les étoiles ! Titanic Grande Salle

Lyam était encore mal réveillé lorsqu'il entra dans la grande salle. Un petit déjeuner, quoi de mieux pour bien rentrer dans sa journée ? Il s'avança vers la table de Gryffondor, humant les parfums alléchant de ce qu'avaient préparé les elfes des cuisines. En quête de tranquillité, Lyam alla s'asseoir en bout de table. Il se servit dans nombreux plats et remplit son verre d'un délicieux jus de citrouille.

Perdu dans ses pensées, il prit du temps avant de se rendre compte que l'atmosphère était légèrement différente de d'habitude. Lyam laissa vagabonder son regard dans la Grande Salle, puis pensa machinalement à la date, ce qui produisit le déclic - un peu tardif, certes - dans son cerveau. Ils étaient le quatorze février, le jour de la Saint Valentin !

Le Gryffon n'avait jamais accordé une importance primordiale à ce jour des amoureux, même si l'ambiance de la journée n'était pas désagréable et apportait du nouveau dans la routine quotidienne. Lyam continuait de prendre son petit déjeuner lorsqu'un vacarme de battements d'ailes se fit entendre : il s'agissait de l'arrivée des hiboux. Un de ces volatiles vint déposer une lettre devant lui, avant de repartir de plus belle. Le joueur de Quidditch s'empressa de décacheter le courrier, et d'en lire le contenu.

Cher Lyam,
Existe-t-il une étoile, supérieure à toutes les autres ?

Lyam fut surpris par la question que lui posait son amie, mais celle-ci le faisait réfléchir. Y avait-il réellement une réponse à cette question ? Et si oui, de quel type de réponse s'agissait il ? Il ingurgita la fin de son petit déjeuner et se leva de table, avant de partir vers celle de Serdaigle. Peut-être que l'expéditrice de l'enveloppe qu'il tenait dans la main avait son idée sur la question...

Quatorze février. C'était un jour de l'année comme un autre, se forçait-elle à croire, mais elle savait bien que ce n'était pas le cas. C'était le jour de l'anniversaire de Stella, une de ses anciennes meilleures amies, dont elle s'était un peu éloignée avec le temps. Mais surtout, c'était la Saint-Valentin, la fête des amoureux, et tout le tralala. En salle commune, quelques jours auparavant, elle avait déposé deux petits papiers dans une urne, censée remettre les mots à leur destinataire au matin de cette journée.

Levée un peu plus tard qu'à son habitude, sans doute lié au fait qu'elle s'était couchée bien tard la veille, ne parvenant pas à trouver le sommeil à la pensée de la journée qui allait suivre, elle avait des cernes plus ou moins creusées, laissant échapper un bâillement de temps à autre. Ayant retenu ses cheveux en une demi-queue pour son cours de botanique de l'après-midi, elle était descendue une fois coiffée et habillée, pour pouvoir profiter du petit-déjeuner avant que la Grande Salle ne se remplisse trop.
Elle mangea cependant plus lentement que d'habitude, attendant l'arrivée des hiboux qui apportaient le courrier pour -peut-être- recevoir quelque chose. Elle aurait été triste de ne rien avoir de la part d'Erin et quand enfin elle vit les oiseaux fendre le ciel de la Grande Salle, elle fut heureuse de recevoir un petit mot de la part de sa meilleure amie et se promit de la remercier de sa gentille attention quand elle la recroiserait dans la journée.


Quand elle eut fini de lire sa missive et la mit de côté pour terminer son repas, prenant quelques tranches de brioche et un œuf au plat, elle continua de manger, la tête pleine de pensées. Que penserait Erin de sa propre lettre ? La trouverait-elle trop courte, rédigée trop rapidement ? Allait-elle être heureuse de voir qu'elle avait pensé à elle, ou déçue que la jeune fille ne lui dise pas beaucoup de choses ? Et surtout, elle se demandait ce que Lyam allait faire de la question qu'elle lui avait posée. Comment allait réagir le jeune homme ? Se contenterait-il de laisser le parchemin de côté en oubliant sa question ? Ou creuserait-il pour trouver une réponse ?

- Oh, salut, lui dit-elle en le voyant arriver, avant de se replonger dans ses pensées. Avait-il fait exprès de choisir ce moment-là pour se montrer ou passait-il pour autre chose ?

Traversant la grande salle pour rejoindre son amie, Lyam était perdu dans ses pensées. Comment interpréter la question d'Ellana ? Il pouvait prendre la question simplement et se demander si une étoile était réellement au dessus des autres. Mais dans un endroit aussi vaste et complexe que l'espace, y avait il un soleil supérieur aux autres, un astre plus haut, une étoile plus brillante ? Peut-être, il n'en savait rien. Mais pourquoi Ellana lui posait-elle cette question, à lui ?

Le Gryffondor était quasiment convaincu qu'elle n'avait pas seulement voulu parler d'astronomie. Dans la vie de tous les jours, une étoile pourrait très bien s'apparenter à un objectif à atteindre ou même à une personne. Dans ce cas, chacun aurait une étoile ? Ou plusieurs ? Lyam avait l'impression de saisir ce dont voulait parler l'Aiglonne, mais il n'arrivait pas à mettre des mots dessus.

Arrivé au niveau d'Ellana, il s'approcha d'elle. Cette dernière le salua, elle l'avait donc vu. Elle devait se douter qu'il venait lui parler à propos du hibou qu'elle lui avait envoyé, mais le garçon sembla trouver bon de le préciser, agitant doucement le morceau de parchemin au moment où il lui adressa la parole.


Peut-être que tout ce qu'il avait trouvé avait un sens, seulement que ce n'était pas le même... Trop de questions sans réponses trottaient dans sa tête et il comptait bien y remédier.

Le quatorze février était vraiment un drôle de jour, celui où tout le monde déclarait sa flamme à quelqu'un. Pourquoi d'ailleurs ce jour-là avait-il été choisi ? Ne pouvait-on pas dire à quelqu'un qu'on l'aimait hors de cette tradition ? Et sans tellement savoir pourquoi, Ellana avait aussi laissé un petit mot énigmatique à Lyam, un de ses amis. Pour le faire réfléchir. Il était de toute façon hors de question qu'elle écrive quelque chose de net et de lisible sur lui, ne sachant même pas ce qu'elle pensait réellement de son ami. Elle avait à moitié confiance en lui, mais elle l'aimait bien. Elle aimait bien sa manière de penser, de voir les choses.

Le ciel, c'est vaste, c'est grand. On pourrait comparer une étoile dans l'univers à une goutte d'eau dans un océan ; on en reviendrait à la même infinité. Combien de personnes existait-il sur Terre ? Le nombre exact était-il seulement connu ou ne faisait-on que des approximations, des arrondis, au risque d'oublier quelqu'un ? Les étoiles, c'était pareil. Leur nombre est inconnu, tellement il y en a, tellement le passé, le présent et le futur se mélange quand on les regarde. La jeune fille avait appris ça avec sa mère, il y a longtemps, lorsque devant un ciel étoilé, un soir alors qu'elles avaient décidé de se faire une petite soirée toutes les deux entre mère et fille, elle avait demandé "Maman, la lumière elle est instantanée ?". Cette même nuit, elle avait réalisé qu'elle admirait un cimetière.

- Tu penses que ça veut dire quoi ? demanda-t-elle simplement. C'est beau les étoiles.

Avec sa question, Ellana semblait lui faire comprendre qu'elle avait écrit sa question sans réponse précise. Elle n'avait sans doute pas spécialement réfléchi à cela, attendant peut-être qu'il aborde le sujet. Si Lyam appréciait la compagnie d'Ellana, il avait également appris à penser à sa manière, à réfléchir en dehors des limites généralisées, à pousser sa réflexion bien plus loin qu'il ne le faisait. L'Aiglonne pouvait parfois paraître atypique dans ses réactions mais Lyam voyait en cela une qualité. Peu nombreux étaient les enfants de leur âge qui s'interrogeaient de la sorte sur des sujets bien moins basiques qu'ils n'en avaient l'air.

C'est beau les étoiles. Il s'était déjà retrouvé de nombreuses fois à observer la voûte céleste une fois la nuit tombée. Lyam aimait la beauté de la nature et des paysages, comme des couchers de soleil ou des vues de haut. Les étoiles, c'était tout autre chose. C'était plus vague, plus abstrait. Dans ces moments où il avait fixé les nombreux points noirs dans le ciel, jamais il ne s'était questionné sur ce qu'ils étaient réellement. Généralement, il avait profité de ces moments apaisants pour réfléchir à autre chose, l'esprit au calme.


Il ne pouvait être plus précis, si ce n'était dire qu'il s'agissait d'une chose positive. Selon lui, une étoile représentait une chose peu définissable, mais bénéfique. Toutefois, il y voyait une certaine dimension triste, éloignée, passée. Comme si l'étoile ne brillait plus autant, que c'était un mirage, une illusion.

Depuis sa plus tendre enfance, Ellana regardait les étoiles. Avoir une mère astronome jouait beaucoup là-dessus, et sans ça, elle ne se serait sans doute pas intéressée à cette pratique, pas intéressée au ciel et à tous ses mystères. Pourtant, que sa mère les étudie ou non, ils étaient bien présents... Simplement, elle avait été élevée avec, avec ce culte du ciel. Regarder les étoiles avait toujours quelque chose d'apaisant, comme si elle retrouvait son entièreté devant la beauté du firmament. Elle aurait pu voir en ses points lumineux quelque chose de triste, comme le fait que ce qu'on voit sont les vestiges d'un lointain passé, bien antérieur à la vie sur Terre, mais ça ajoutait un charme à l'observation et elle tentait d'imaginer comment était le ciel à présent, comment on le verrait dans plusieurs millions d'années. Est-ce que beaucoup de choses auraient changé ?

Une étoile, pour elle, c'était joyeux. C'était une petite boule de lumière et de souvenirs entremêlés, une sorte de miroir du passé ; tout chez elles rappelait à la brune, son passé, le passé. Et pourtant, malgré cette nostalgie de l'époque où elle regardait les étoiles avec sa mère, elle ne pouvait s'empêcher de penser que les étoiles étaient des points lumineux et flamboyants, toujours là pour guider les voyageurs perdus, toujours là pour guider les âmes en peine.

- J'aime les étoiles. Je pense aussi que c'est un joli souvenir... Mais je pense qu'elles sont toujours là quand tu en as besoin. Tu sais, certaines peuvent aider à se repérer dans l'espace. Parfois, elles peuvent aider à se repérer en soi, déclara-t-elle. Elle avait en réalité longuement réfléchi à sa question avant de la poser à Lyam, longuement hésité avant de le faire, avant de se décider. Mais elle ne pensait pas réellement qu'il voudrait en savoir plus. Peut-être était-ce une sorte de test aussi.

Il l'avait appris en cours d'astronomie et par lui même : rien n'était plus approprié au questionnement que les étoiles. Tout ce qui était de l'ordre de l'espace n'avait jamais réellement été compris. Depuis toujours, l'Homme regardait le ciel. Il regardait cette voûte sombre et infinie sur laquelle brillaient des milliers de points lumineux. Il s'était longtemps interrogé dessus, cherchant à comprendre des phénomènes plus que lointains. L'espace n'était qu'un gigantesque mystère dont l'on n'arrivait qu'à effleurer la substantifique moelle.

Ellana présentait également les étoiles comme des guides, des moyens de se repérer. Il était vrai que certains astres étaient d'une grande utilité lorsque l'on s'était égaré, mais encore fallait-il les connaître. La Serdaigle avait complété en disant qu'elles permettaient de se repérer en soi. Lyam était d'accord avec cette idée, il l'avait lui même expérimentée. Regarder les étoiles lui permettait de mieux réfléchir, de se poser les bonnes questions. Ces mêmes étoiles rassemblaient les morceaux pour qu'il puisse mieux comprendre sa situation, et mieux percevoir ce qu'il devait faire.


Quelqu'un de plus important que les autres aux yeux d'une personne ? Quelqu'un qui pourrait influencer d'autres hommes ou d'autres femmes ? Un étoile montante. On utilisait souvent cette expression pour mettre en valeur une personne qui avait la capacité d'exceller dans son milieu. Une personne en qui l'on fondait un Espoir.

Oh, mais pourquoi se questionnait-elle tant sur les étoiles, sur ces étendues infinies de points blancs, sur ce qui semblait être l'infiniment petit mais qui était en réalité l'infiniment grand ? Pourquoi avait-elle toujours tant de questions, tournant sans relâche dans sa tête ? Pourquoi réfléchissait-elle trop ? Elle n'avait que treize ans, après tout ! Treize ans et semblait déjà s'être éloignée à des années lumières, treize ans et déjà trop de questionnements. Trop de questions sans réponses, trop de questions où la réponse ne tombait pas du ciel. Les questionnements, c'est une chasse au trésor ; on cherche, on cherche, à la recherche de quelque chose, on ne trouve pas et puis, après quelques instants de persévérance, on trouve enfin. Et alors, on dépose les réponses comme des œufs dans un panier, délicatement. Et on est heureux d'avoir trouvé ce qui était caché.
Mais elle aimait réfléchir. Elle aimait prendre le temps de se poser, prendre le temps de penser et de songer, de laisser vagabonder son esprit, loin, très loin. Et Lyam... Lyam aussi la faisait réfléchir. Lyam aussi la faisait trop penser. Elle appréciait réfléchir avec lui, lui livrer des phrases mystérieuses.

- Que ça peut être quelqu'un qui te montre le chemin, comme une étoile ? demanda-t-elle, peu certaine d'avoir bien compris ce que lui disait Lyam -et ce qu'il sous-entendait, par la même occasion. "Oui, à mon avis, quelqu'un peut montrer le chemin, quelqu'un peut guider d'autres... Tes parents, tout d'abord... C'est eux qui te protègent, c'est eux qui t'éduquent, c'est eux qui t'aident... Ils te guident d'une certaine façon... Et puis, y'a aussi..." elle s'arrêta là. Arriverait-elle à le dire ? Pourquoi avoir choisi ce jour, le 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour poser cette question ? Ce n'était pas un hasard, elle le savait. Mais elle ne parvenait pas à mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Qu'était Lyam, pour elle ? Un simple ami ? Un simple petit rayon de soleil, qui venait illuminer certaines de ses journées ?
Cacher la vérité sous des métaphores était une technique bien facile...