QUELQUES MINUTES PLUS TÔT

Reducio

« Bien. Lorsque je prononcerai votre nom et votre prénom, vous viendrez vous asseoir sur ce tabouret. Je poserai alors le Choixpeau sur votre tête afin qu'il détermine dans quelle maison vous serez. Une fois répartis, vous pourrez regagner la table de votre nouvelle maison. » Ok Klea, c’est pour bientôt. Mais après tout, comme elle l’a dit dans le train, qu’importe la maison. Des préférences ? Bien sûr que la petite fille en a, mais de la pression en revanche, elle n’en a aucune. Peu importe ses nouvelles couleurs pour sept ans -et même bien plus- elle et tous les Han en seront ravis, elle en est sure. Bon, peut-être pas les plus vieux aigris du fond de l’arbre généalogique mais leur avis, ils pouvaient bien se le garder. Il est aussi important que le premier balais-jouet de Klea. Ah non, ça c’est important. Aussi important que sa première paire de chaussettes, éventuellement.

Alors elle attend. Elle ne savait pas que le H se trouvait si loin dans l’alphabet. Ou peut-être est-ce l’impatience qui se fait ressentir, tout d’un coup ? Mouais, ça doit être ça.
Et puis on l’appelle. Elle a failli ne pas entendre son prénom, tellement elle a eu le temps de partir loin durant toutes ces minutes.
Elle s’installe sur le tabouret presque bancal et on lui colle le Choixpeau sur la tête. Oh non, ne me dites pas qu’il hésite ? C’est là que Klea va réellement arrêter de faire la maline et va commencer à stresser. Ne pourra-t-elle pas être répartie comme tout le monde ? Va-t-elle devoir retourner à la maison illico presto ? Ah non. Ça s’échauffe du côté vert serpent. Quoi, ils sont en train de se battre ? Ah non. Ils applaudissent. Serpentard, donc. Et même ça, Klea a été capable de le louper, son esprit est parti beaucoup trop loin pour rester concentrée plus longtemps. Quel boulet. Mais bon, elle est avec une partie de la fratrie. Alors elle se lève en vitesse et rejoint vite sa nouvelle famille, ravie. Oh oui, qu’elle va être bien à Poudlard la petite. Elle en est sure, vu l’accueil chaleureux qu’on lui a réservé.

Mais dites-moi, c’est quand qu’on mange, finalement ?

Absorbée par le fait de manger. C'est terrible cela, tout de même. Un peu de retenue ma chère. Heureusement que Miceala Han n'est pas présente dans la pièce pour voir la Répartition de son petit bébé. Elle aurait été bien déçue, la pauvre femme. Actuellement, Klea n'a qu'une idée en tête : manger. Et elle serait certainement prête à demander de l'aide à Merlin pour cela.
Mais pour l'instant, on en est pas là. Elle s'installe là où il reste de la place chez Serpentard. A peine elle a le temps de voir un petit pouce se lever du côté d'un de ses frères également Serpentard mais depuis quelques années maintenant qu'un nouvel élève est appelé. Et ça dure longtemps comme ça. Après tout, Han, c'est relativement tôt, dans l'alphabet. Mais qu'est-ce qu'il est long cet alphabet. Pourtant, c'est intéressant de voir la Répartition des autres une fois soi-même répartie. Et c'est qu'elle y prend goût, à applaudir ses camarades de promotion, finalement. Et puis elle regarde sa copine de voyage se faire répartir à Serdaigle. Dommage, elle ne sera pas dans la même maison à l'école que sa toute première connaissance. Amie, qu'elle dirait même.

Cependant, Klea, elle, elle ne perd pas le nord. Alors quand les autres enfants sont enfin répartis et que le petit discours de bienvenue est fait, elle n'entend pas grand chose. Le seul mot entendu et compris doit certainement être buffet, au point où elle en est. Enfin, le fameux moment arrive. Mais madame Han peut être fière de sa progéniture. Elle ne se jette pas dessus. Non. A la place, elle prend le temps de regarder. Parce qu'elle sait qu'elle ne pourra malheureusement pas tout enfiler. Alors elle la joue stratégique. Elle prend par ordre de préférence. Et comme par hasard, du poulet.
Et autour d'elle, tout le monde piaille. On reconnait facilement les premières années des autres de par leur tenue mais surtout par les conversations que tiennent les plus grands, déjà bien habitués des lieux. Et puis les premières années, c'est quitte ou double niveau ambiance. Soit ils connaissent visiblement déjà du monde, soit on ne leur fera pas décrocher un seul mot.

En parlant de connaissance, peut-être est-ce le bon moment pour s'en faire, non ? Son voisin, par exemple, un certain Ernest Stevens selon la Répartition. Parce que les liens familiaux, c'est bien chez les Han, mais Klea n'a absolument pas l'intention de coller ses frères car elle n'a pas fait connaissance avec d'autres personnes. Mais si la petite blonde n'est pas du genre bien timide, elle n'est pas forcément très douée avec les inconnus. Le plus dur, c'est de se lancer.
"Salut. Ernest, c'est ça ? Moi c'est Klea. T'es content, d'être à Serpentard ?" Bon, c'est assez bancal, comme présentation et comme début de conversation, mais qu'aurait-elle bien pour dire de plus ? Déjà, elle a retenu son prénom, c'est bien, non ? Et puis, elle ne le connait pas, son petit camarade. Peut-être n'a-t-il absolument pas envie de lui adresser la parole, alors autant jouer la sureté et engager la conversation de façon plutôt sobre. Après tout, on dit que la première impression est la bonne alors Klea, tâches de faire bonne impression.

Comme tous les premières années, Ernest avait attendu patiemment qu’on appelle son nom. Les minutes s’écoulaient lentement alors que les élèves étaient répartis dans les différentes maisons. L’adolescent observait les visages qui le précédaient. Lequel serait ses compagnons ? Lesquels seraient ses rivaux ? Avec qui partagerait-il ses repas et le quotidien de ses journées ? Le Choixpeau Magique ne se contenterait pas de donner de lui une lecture véridique et de jouer les juges de caractère, il allait aussi déterminer les gens avec qui il passerait les sept prochaines années. Des gens qu’il côtoierait tous les jours, en cours, dans sa salle commune, dans ses dortoirs. Huit heures par jours, sept jours par semaine, environ trois cents jours par an… ça faisait beaucoup d’heures…

Une fois répartie, il entendit les acclamations s’élever de la table de Serpentard. Il savait qu’elles ne lui étaient pas directement destinées. Personne ne le connaissait. On saluait simplement le fait de grossir les rangs. Son premier sentiment fut le soulagement. Celui de ne pas être différent. Celui d’avoir au moins un point en commun avec sa mère. Il en partageait pourtant bien plus qu’il ne voulait le croire. L’adolscent avait suivi le mouvement et s’était installé à la table des verts et argent, à la suite de ses camarades. La pièce était animée et il était difficile de suivre une conversation dans tout ce brouhaha. Alors il se contenta de se tourner vers le petit groupe d'élèves qui restait et d’attendre de voir si quelqu’un d’autres rejoindrait leur table.

Une fois la répartition terminée, le traditionnel discours accompagnant le début d’année fut donné par la directrice. Ernest l’observa tout le temps qu’elle parlait et encore un peu après qu’elle se fut rassis et que le buffet soit annoncé. Elina Montmort avait une réputation qui la précédait. L’adolescent se demanda quelques instants qu’est-ce que ça prenait de devenir ce genre de sorcier ou sorcière. Puissante. Puis son attention fut attirée par les mets qui apparurent sur la table. Il n’avait pas l’habitude de ce genre d'opulence. Encore moins du gras et du sucre qui accompagnaient les cornes d'abondance qui apparaissaient sur la table. Il observa toute la nourriture, déstabilisé par tant de choix. Il se décida pour ce qui se trouvait face à lui. Pour ne pas avoir à embêter les élèves à côté desquels il se trouvait. Ou à leur parler.

Mais contre toute attente, la demoiselle qui était assise à côté de lui décida finalement de lui adresser la parole, une fois l’assiette bien pleine. Ernest attrapa une serviette et s’essuya la bouche tout en essayant de mâcher sa nourriture plus rapidement pour pouvoir lui répondre. Il reconnut la petite blonde pour l’avoir aperçu un peu plus tôt. Les acclamations lors de sa répartition avaient été plus résonnantes que les autres. Elle se présenta et il fut étonné qu’elle ait eu le temps de saisir son prénom.

“Euh… Salut… Je… tout ma famille était à Serpentard… alors c’est bien…et toi ?”

C’est ce qu’il essayait de se répéter. Comme si ça allait effacer les paroles qui avaient été dites, comme si ça allait effacer le sang. Son sang. Un sang mêlé.

@Klea Han
Encore toutes mes excuses pour être passée à côté...

— Euh… Salut… Je… tout ma famille était à Serpentard… alors c’est bien…et toi ? Oh, c'est qu'il a l'air timide, ce nouveau petit serpent. Et le temps d'une petite seconde, Klea craint de l'avoir effrayé avec son air beaucoup trop enjoué. Tout le monde n'est pas comme elle, avec le même caractère et tout le monde n'est pas forcément heureux d'être réparti là où ils l'ont été ou même, peut-être pas forcément heureux d'être à Poudlard tout court ? Un jour, son insouciante lui posera des soucis. C'est certain.
— Moi j'sais pas trop. Dans ma famille on est passé par toutes les maisons. Mais y'a mon frère à Serpentard, le Troll qui me fait coucou depuis tout à l'heure là bas, qu'elle lance avec sa main dirigée vers son frangin, avec un sourire bien forcé et un regard typique d'une petite soeur pour son grand frère, alors je suppose que c'est bien aussi. J'crois. Un père Serdaigle, une mère Serpentard et des frangins Poufsouffle, Gryffondor et visiblement Serpentard, y'en a pour tous les goûts, chez les Han. Mais c'est vrai que cette répartition disparate n'est que de cette génération. Les sorciers plus vieux de la branche Owen de la famille, le côté maternel, donc, ont tous, sans exception connue, été répartis dans la même maison que la petite fille. De l'autre côté de la famille, c'est un peu plus varié. Mais faut dire qu'elle les connait un peu moins aussi. Heureusement pour elle, ses deux parents l'avaient bien prévenue : qu'importe la maison dans laquelle elle atterrit, comme pour ses frères, aux yeux des parents Han, cela ne change absolument rien. Bon, heureusement pour la petite, elle est dans la maison de sa famille maternelle. Aucune réflexion ne pourra donc lui être glissée plus ou moins discrètement. Alors disons, pour trancher, que Serpentard, c'est très bien. Et puis, si le Choixpeau l'y a envoyée, c'est bien pour une bonne raison, non ? Klea, elle y croit, en ce vieux machin. Il a vu passer plus d'élèves que n'importe qui ici, alors l'expérience, c'est pas ce qui lui manque.

— Mais du coup... si tu dis que ta famille est Serpentard, c'est que toi aussi t'es d'une famille sorcière ? La fille qui était avec moi dans le train m'a parlé de trucs... j'étais perdue. Tu connais Mary Poppins toi ? Une magicienne avec un sac sans fond à ce qu'il parait. Ne pas faire peur aux autres Klea, on a dit. Mais malheureusement pour Ernest, il est l'une des premières personnes qui croisent le chemin de l'énergique Klea. Et elle en a des choses à raconter. Même si elle tente de se contenir, ce sera toujours plus fort qu'elle. Il faut absolument qu'elle raconte cette rencontre, justement. Ça avait été un voyage riche en apprentissage, elle qui n'y connaissait rien en Moldus, elle avait été servie en informations dans un lapse de temps si court, elle était loin d'imaginer le monde de différences qu'il peut y avoir entre sorciers et Moldus. Comment est-elle censée se retenir de raconter tout cela, alors qu'à ses yeux, c'est la découverte de l'année ? Alors pour tout de même laisser à son nouveau camarade de promotion le temps de souffler, mais surtout parce qu'elle ne perd pas le nord, elle prend une ou deux bouchées de nourriture encore chaude en guise de temps mort dans son débit de paroles.

@Ernest Stevens

La demoiselle semblait vive et elle avait un certain débit de parole. Peut-être que c’était ce qu’il fallait à Ernest pour le sortir un peu de son mutisme. Mais serait-ce suffisant pour briser sa coquille alors que cette journée était déjà si chargée en émotions ? Il se contenta de répondre à sa question par la première pensée qui lui avait traversé l’esprit au moment où il avait entendu le Choixpeau prononcer le nom de la maison de Serpentard. Pourtant, elle ne semblait pas plus enthousiaste que lui. Indécise, tout au plus. Ce qui étonna légèrement le garçon. Il jeta un coup d'œil à la personne qu’elle désignait comme étant son frère et acquiesça. Il avait grandi seul avec ses deux mères. Et ça lui avait convenu pendant longtemps.

Et puis les questions avaient commencé à être posées. Celles des origines. Elianor et Lucy n’avait jamais caché à Ernest la manière dont il était entré dans leur vie, le fait que Lucy ne soit pas sa maman biologique. Mais pendant longtemps, le garçonnet avait pris ça pour une norme. Ce n’était quand arrivant à l’école qu’il avait réalisé que la plupart des autres gamins avaient un papa. Non pas qu’il manque d’amour, mais c’était une question de biologie. Et de son père, il ne savait rien du tout, en dehors du fait qu’il était moldu. Pour la parité et la représentation du couple que formait ses mères. Une sorcière et une moldue.

"T’as pas l’air convaincu…"

Ernest doutait de tout, ou presque. Il lui fallait des faits, des chiffres, des choses très cartésiennes pour prendre une information pour acquise et cesser de tout remettre en question. Il s’appuyait sur les preuves et les démonstrations.

Il continua d’écouter Klea avec attention. La question de la naissance dans une famille moldue ou sorcière ne le mettait pas très à l’aise. Plus depuis les affrontements sorciers moldus de 2045. Même si les choses étaient passées et semblaient plus ou moins réglées, les tensions demeuraient. Et puis il y avait eu les propos tenus par ses grands-parents. Des mots durs, tranchants. Des mots qu’Eleanor avait pris de plein fouet sans sourciller, pour les protéger lui et Lucy.

“Euhm… oui… enfin oui, je viens d’une famille de sorcier… mais je connais Mary Poppins… c’est un film moldu.”

Délicat de répondre sans trop en dire et sans mentir non plus. Ernest n’était pas prêt à afficher ses origines et le modèle de famille dans lequel il vivait mais il n’était pas un bon menteur. L’honnêteté le rattrapait toujours.

“C’est une nounou en gros… et elle a un sac sans fond un peu le même genre que tu peux trouver au Chemin de Traverse… enfin ailleurs aussi j’imagine. J’en ai d’mandé un à ma mère mais elle a dit qu’on verra quand j’aurais mon premier bulletin…”

Elianor était intraitable en matière de résultats. Une pression de plus pour ce jeune garçon qui ne savait pas encore bien où est-ce qu’il mettait les pieds.

Est-ce que Klea est réellement convaincue d'être à Serpentard ? Oui et non. Être à Serpentard lui correspond énormément sur le point de vu mental, jamais aucun doute ne pourra être émis là-dessus, mais elle est surement encore trop jeune pour se rendre compte de tout cela. Oh que oui, elle est fière, ambitieuse et rusée, avec un petit penchant pour tirer la langue aux règles, cela ne fait aucun doute. Mais Serpentard, c'est la maison de papy et mamie. Ceux qui ne jurent que par la grandeur. Grandeur de la famille, grandeur du sang, grandeur de la maison. Alors si ça l'arrange à première vue d'échapper aux remarques accusatrice de sa grand-mère, elle aurait pourtant donné cher pour avoir l'occasion de rentrer en contradiction avec ses valeurs en allant dans une autre maison. A son jeune âge, né sorcier ou pas, sang pur ou pas, elle ne s'attarde nullement sur la question, le côté Han de la famille lui ayant bien montré qu'ils sont tout aussi légitimes que le côté Owen. — Si le Choipeau le dit, c'est que ça doit être bien, je pense. Haussement d'épaules. Convaincue ? Définitivement pas. Mais Klea, c'est une enfant, elle sera très vite convaincue en voyant ses colocataires et ses camarades de classe. S'ils sont gentils, elle sera contente de sa maison. Aussi simple que cela. — C'est juste que ça fait trop plaisir à grand-mère Anna à mon goût. J'aime pas comment elle pense et comment elle juge ceux qui vont pas dans son sens. Des mots d'enfant qui paraissent être dénués de toute compréhension de la situation. Pourtant, la petite fille a bien compris la bataille qui se jouent dans le monde sorcier depuis quelques années. Et elle n'est pas ignorante, elle sait qui se positionne comment, dans sa famille, même si on essaie tant bien que mal de l'en protéger.

Les paroles du petit garçon, Klea, elle les écoute avec attention. Quelle chance a-t-il d'être né dans une famille sorcière mais d'en connaître tant sur les Moldus. Avant ce matin même, elle n'avait vraiment jamais été dérangée par son manque de connaissance sur les Moldus. Mais là, savoir que des sorciers sont aussi bien éduqués sur le monde sorcier que le monde Moldu, elle en serait presque jalouse. — T'as d'la chance de connaitre autant de trucs, c'est trop cool les films ! Elle s'exclame mais elle n'en a aucune idée. Pourtant, imaginer ce à quoi peut ressembler un film lui fait drôlement envie.

Mais la conversation tourne assez vite. La question du bulletin. Ce n'est pas quelque chose dont Klea a discuté avec ses parents avant de partir à l'école mais elle sait. Elle sait qu'ils seront intraitables au moins les premiers temps. Il ne faudrait pas qu'elle se laisse aller, leur petite princesse chérie. Leur seule fille, faisant tache dans le tableau familial ? Hors de question. Les Han ne sont peut-être pas d'un strict extrême, ils restent tout de même fiers. Sacrément fiers. — J'espère que ça sera pas trop dur alors, j'espère que tu pourras l'avoir ! Et puis j'suis sure les Serpentard savent s'entraider ! Qu'elle envoie, avec un sourire. Naïve ou pleine d'espoir et d'un poil d'innocence de la jeunesse, toujours est-il qu'elle est sincère dans l'envie de réussite, que ce soit la sienne, ou celle de son nouveau camarade. Et puis elle espère bien que l'entraide existe au sein de la maison, voire de la promotion, parce que sept ans ensemble, ce serait dommage de ne pas avoir un esprit d'équipe, tout de même.

— D'ailleurs, t'es pressé d'avoir quels cours ? J'ai trop hâte d'avoir potions et défense contre les forces du mal. C'est notre directrice de maison en plus. Je sais pas si ça fait peur ou si c'est la classe... Qu'elle ajoute un peu plus bas, un peu moins certaine que pour sa première affirmation. Ça aussi, ça met pas mal de pression, tout compte fait.

Klea avait plutôt l’air d’avoir confiance en la décision du Choixpeau Magique. L’avis d’Ernest était plus mitigé. Avant son arrivée à Poudlard, Ernest avait lu tout ce qu’il avait pu sur la Cérémonie de Répartition et sur ce qui était censé être le test de personnalité le plus élaboré du monde des sorciers. D’accord, le Choixpeau avait été enchanté par les quatre sorciers qui avaient probablement été les plus puissants de l’histoire et on disait qu’il était l’objet enchanté le plus intelligent qui soit mais quand même, ce n’était qu’un objet. Un objet qui avait quand même pu lire dans ses pensées.

“Il paraît qu’il se trompe jamais… m’enfin il paraît aussi qu’il refuserait de l’admettre si ça arrivait…”

Aucun des deux adolescents ne semblait avoir de réponse précise à une question plutôt difficile pour des gamins de onze ans. Enfin presque douze, pour Ernest. Qui pouvait réellement savoir qui il était à cet âge-là ? Et puis ils ne savaient pas vraiment ce qui les attendait, ni l’un ni l’autre, même si Klea, grâce aux retours de son frère pouvait en avoir une petite idée.

“Dans ma famille aussi, ils étaient à Serpentard…”

Cela dit, il se retint d’exprimer les convictions essentialistes de ses grands parents. Il adressa un sourire qui ressemblait plus à une moue en acquiesçant. Ça avait quelque chose de réconfortant d’entendre les paroles de la petite blonde. Aucune famille n’était parfaite semblait-il. Ce qui n’empêchait pas Ernest de ressentir ce manque. Celui de la reconnaissance. Pour ses grands-parents, le petit brun n’existait même pas. Une tâche d’encre sur la page lisse et parfaite de leur famille dans un exemplaire de Nobles par nature.

Soulagé également qu’elle montre un intérêt particulièrement bienveillant à la culture moldue. D’après la Serpentard, c’était une chance. Ernest n’avait jamais vu les choses sous cet angle. Pour lui, il s’agissait plus d’un handicap que d’une bénédiction. Enfin… Pas tout à fait. Il aimait sa mère moldue et ce qu’elle représentait. Il était fier de Lucy et fier d’être son fils. Mais parfois, c’était difficile de faire la part des choses. Toutes ses contradictions ne cessaient de se battre dans son esprit.

“T’es jamais allé au cinéma ? Mes m.. parents et moi on y va tous les week-ends. Tu devrais essayer un jour, c’est plutôt cool. C’est un peu comme les images de la gazette. Sauf que c’est plus long et qu’il y a aussi le son… et en général, ça raconte une histoire.”

La demoiselle montrait déjà pas mal de sollicitude envers l’adolescent. Ernest ne savait pas trop quelle attitude adopter face à ce comportement. Mais peut-être que c’était une bonne manière de commencer sa rentrée à Poudlard. En tout cas, il trouvait Klea plutôt avenante.

“Je ferais de mon mieux… Mais j’ai lu la plupart des manuels et ça a l’air tellement cool… Je crois pas que ce sera trop difficile de s’intéresser. Toutes les matières ont l’air hyper intéressantes.”

Pour ce qui était du sac, il verrait bien à la fin du premier trimestre. Mais mieux valait ne pas mettre la charrue avant les boeufs. Pour commencer, il n’avait pas la moindre idée de qui serait ses professeurs, ni même de qui était la directrice de sa maison. Ceux qu’il avait repéré, c’était la Directrice de l’école, Miss Montmort et le Directeur Adjoint, Mr Featherstone.

“Notre directrice de maison ? C’est qui ?”

Comment ça, il paraît que le Choixpeau peut finalement se tromper ? Peut-être que finalement, Klea n’aurait pas sa place à Serpentard ? Elle n’est aux couleurs de la maison que depuis quelques minutes et la voilà qui se pose déjà une tonne de questions. — Tu penses qu’on aurait dû aller dans une autre maison ? Pas de « je », que du « nous » alors que ce garçon, elle ne le connait qu’à peine. Pourtant, elle ne se voit pas changer de maison seule, elle n’est pas l’unique Serpentard à se poser la question. D’elle-même, elle aurait fait confiance au choix de cette antiquité magique. Maintenant, si on lui suggère une autre possibilité, elle peut vite écouter tous les avis. Tout est tellement nouveau ici qu’elle ne sait plus où donner de la tête.

— J’ai jamais mis les pieds dans un tel lieu et puis mes parents sont tout le temps occupés. Oui, Edward et Miceala sont tout le temps soit en vadrouille, soit dans le boulot. Il n’est vraiment pas rare que toute la famille soit rendue chez d’autres sorciers pour toute une journée et que les enfants soient obligés de suivre sans même réellement savoir pourquoi. Définitivement, Klea aurait aimé avoir des parents un peu moins pris par toutes leurs activités. Et puis, aller au cinéma ? Tous les week-ends ? Quelle idée saugrenue pour la petite blonde qui n’a connu qu’une vie exclusivement sorcière. Pourtant, ce que lui raconte son camarade a l’air plutôt intéressant et divertissant. Chaque activité et moment passé avec ses parents est bon à prendre, visiblement. — Ça a l’air trop cool alors, j’espère y aller un jour. T’as eu les bons Serpentard dans ta famille, ça donne envie comme truc, sorcier ou pas sorcier ! Innocence de l’enfant qui lance la remarque comme elle lui vient. Pour elle, s’il a eu l’occasion de connaître toute une partie de vie Moldue, avec des parents sorciers et à Serpentard comme il lui raconte depuis quelques minutes, elle l’imagine déjà beaucoup plus chanceux qu’elle. Chanceux parce qu’elle ignore tellement de choses dans le monde, qu’elle se sent à la traine face à Ernest. Un jour, elle se pointera dans un cinéma et elle ira voir ces fameux films moldus. Après tout, deux élèves qui lui disent que c’est quelque chose de bien, c’est suffisent pour elle.

Et puis, il a l’air de s’intéresser pas mal à la magie et à leurs très prochaines études, c’est un très bon point selon la petite fille qui n’a qu’une hâte : pratiquer la magie au sein de Poudlard. Elle a trop attendu pour garder une once de patience. Elle se voyait déjà sur les bancs de l’école, l’année dernière mais malheureusement pour elle, elle n’est pas née suffisamment tôt pour intégrer l’école alors elle a encore attendu. Donc forcément, quand le garçon li demande qui est la directrice de Serpentard, elle n’a aucun doute. — Sixtine Valerion, elle s’appelle. Mais j’sais pas à quoi elle ressemble. Quoi que. Avec toutes les descriptions que ses ainés ont bien pu faire de l’équipe pédagogique depuis toutes ses années, Klea ne met pas beaucoup de temps à deviner qui est cette fameuse directrice. — Ah si, voilà, c’est elle, là-bas. Elle a trop la classe non ?

Ernest haussa les épaules à la question légèrement affolée de la petite demoiselle. Il lui semblait bien que Beauxbâtons fonctionnait également avec un système de maison mais il était quasiment sûr que ce n’était pas le cas à Durmstrang. Mais de là à savoir qui avait raison quant à la manière de diriger une école. À Poudlard, l’école avait été érigée par quatre sorciers et chacun avait formé ses propres apprentis en fonction de ses compétences et de ses convictions. Mais ça semblait quand même un peu arbitraire cette répartition. Enfin, il ne savait pas. Est-ce qu’il avait vraiment envie de savoir cela ? De vraiment savoir. De sonder les abysses de sa personnalité et de se regarder dans un miroir bien en face, d’assumer toutes les facettes de sa personnalité. Peut-être pas…

“De toute façon, une fois que c’est fait, il y a pas de retour en arrière… On est Serpentard.”

Autant le considérer tout de suite comme acquis. C’était désormais une partie de lui, immuable. Serpentard avait toujours fait partie de son ADN et à présent il ferait aussi partie de son futur et l’influencerait probablement durant le reste de son existence. Et l’existence, c’était long.

La conversation bifurqua sur des choses plus communes de la vie d’un adolescent. Aller au cinéma par exemple. Ernest, par son statut de sang mêlé, ne se rendait pas toujours compte que la plupart des choses avec lesquelles il avait grandi était complètement inconnues pour la plupart des enfants né-sorcier et idem pour les nés moldus. Lui avait évolué entre deux mondes, deux univers bien différents et à présent bien séparés. Deux mondes dont il était la jonction. Et ça non plus, ce n’était pas facile tous les jours. Encore moins depuis qu’il avait réalisé qu’il devrait parfois prendre partie. Mais lui n’était dans le camp de personne. Parce que personne n’était dans son camp.

“À Londres, il y en a plein. Quasiment dans tous les quartiers. Et tu peux aller voir des films toute la journée !”

L’adolescent pensait une seconde à la maison et à toute sa vie qui était sur le point de basculer. À toutes les nouvelles habitudes qu’il devrait prendre et à tous les changements qu’il devrait opérer. C’était excitant. Mais c’était surtout flippant. La peur de l’inconnu le tenaillait. Il avait beau avoir lu des dizaines d’articles de livres ou de journaux, il y avait encore beaucoup trop de zones d’ombres qui planaient sur Poudlard et malheureusement, il serait obligé de les découvrir par lui-même.

Klea avait l’atout de la famille, c’était indéniable. Elle devait connaître pleins de trucs concernant Poudlard. Le genre d'informations qu’on ne trouvait pas dans les livres. Il l’écoutait donc avec attention, curieux. Il avait croisé quelques visages d’adulte mais ne s’était pas encore amusé à essayer de deviner qui ils étaient. Il verrait bien le moment venu. Ce qui ne traîna pas d’ailleurs. La petite blonde lui indiqua le nom de la femme qui était leur directrice de maison et ne tarda pas à lui pointer la créature assise à la table des Professeur. Ernest releva la tête et son regard se posa sur elle. Sixtine Valerion. Sa respiration s’arrêta l’espace de quelques secondes. Bouche légèrement entrouverte, il la scruta longuement. Port altier, cheveux impeccablement relevé dans une coiffure serrée, lèvres de sang et regard de tueuse. Ernest déglutit et baissa les yeux non sans sentir le rouge lui monter légèrement aux joues.

“Euh… Elle a de la présence, c’est sûr…”

C'est bien vrai, ce qu'il dit Ernest, il n'y a plus de retour en arrière possible. Maintenant, tous ces premières années seront décrits avec l'appartenance à la maison dans laquelle le Choixpeau vient de les envoyer. Klea entend souvent sa famille dire que telle personne est rusée comme Serpentard et qu'une autre est sage comme Serdaigle. Aujourd'hui, c'est inévitable qu'elle va y passer aussi. Mais avec quelle caractéristique sera-t-elle retenue ? Pas qu'elle considère vraiment son image comme absolument importante, mais elle n'a pas envie que l'on associe son prénom à n'importe quel adjectif. — T'as raison, on est à Serpentard. Et puis j'suis sure que le vert nous ira très bien. Elle préfère conclure sur une note moins dramatique et affolée que les dernières secondes qui viennent de s'écouler dans sa petite tête.

Comment cela, à Londres, il y en a plein ? Klea n'a absolument jamais remarqué de cinémas, et peu importe le quartier. Pourtant, c'est là qu'elle vit. Elle qui était persuadée jusqu'à présent d'avoir été élevée avec non seulement la chance de ne pas avoir des parents qui ressemblent à la branche un peu trop puriste de la famille, elle pensait aussi avoir été un minimum éduquée sur les Moldus, pour éviter cette ignorance et potentiellement cette haine envers ces derniers. Mais depuis quelques minutes, la petite fille tombe de haut. C'est à peine si elle arrive encore à croire qu'Ernest parle du Londres qu'elle connaît. C'est désespérant de se dire qu'elle a beau avoir traversé la ville en long et en large, elle a cette nouvelle impression d'avoir vécu avec des œillères. Déroutant, comme sensation. — Un jour, j'irai ! Ça doit être facile à trouver. Mais comment j'sais ce que j'vais aimer ? Elle s'y voit déjà, dans un cinéma. Elle n'a pas la moindre idée d'à quoi ce lieu peut bien ressembler et si même elle appréciera cette sortie, mais elle essaiera surement un jour ou l'autre. Si elle préfère cacher, ou du moins tenter de le faire, qu'elle se sent complètement perdue et qu'elle a l'impression de faire tache, à ne rien connaître, elle a toujours cette curiosité presque maladive qui la pousse à poser encore une question, autant combler ce manque de connaissances le plus vite possible.
Alors qu'elle s'attendait à débarquer dans un lieu familier, quasiment connu, en arrivant à Poudlard, en fait, c'est tout l'inverse. Elle a encore tellement à apprendre, bien plus que ce à quoi elle peut bien penser.

— Avoue, elle fait un peu flipper quand même. Elle, en tout cas, a un peu de mal à l'avouer, justement. Et elle le fait sur un ton un peu plus bas que précédemment, en se penchant un peu vers son camarade, pour être certaine que personne ne puisse l'entendre. Sait-on jamais. Parce que c'est bien la première impression que Klea a eue de sa directrice de maison. La dame a de la prestance et un charisme indéniable. Elle espère que cela n'est que d'apparence et qu'elle ne va pas la métamorphoser en vieille chaussette en voyant les siennes trainer, justement. Être impeccable, c'est bien quelque chose que la blondinette a sûrement plus de mal à réaliser que trouver un cinéma Moldu en plein Londres, c'est pour dire.

Les paroles de Klea avaient quelque chose de réconfortant. Malgré ses doutes, elle semblait garder un certain enthousiasme concernant la répartition. Le petit brun aurait bien aimé arriver à faire preuve d’autant d’assurance mais il se laissait trop facilement emporter par le flot de questions qui se bousculaient dans sa tête. Quoi qu’il en soit, il semblait bien qu’il avait déjà trouvé une alliée dans la maison des vert et argent. C’était un début.

Ernest n’avait jamais réalisé que les choses qui entouraient son quotidien étaient si particulières à son statut. Élevé dans une famille mixte, il avait accès à la culture sorcière mais également à la culture moldue. Il le savait, mais il n’en avait pas toujours conscience jusqu’à ce que les sujets tombent dans les conversations.. C’était étonnant de voir l’intérêt de la demoiselle pour quelque chose qui était tout à fait commun pour lui. Mais c’est vrai que le cinéma, c’était vraiment sympa. Il adorait l’atmosphère des salles obscures, l’odeur du pop-corn et la sensation d’être plongé dans un tout autre univers que le sien. Ces sorties faisaient également partie des moments privilégiés qu’il passait avec ses mères. Juste tous les trois.

“T’habites dans une grande ville ?”

Il avait laissé échapper qu’il vivait à Londres, mais il n’avait aucune idée d’où venait la jeune serpentard. Les élèves de Poudlard venaient de tout le Royaume-Uni, mais aussi d’Irlande. Quoi qu’il en soit, il y avait probablement des cinémas dans toutes les grandes villes. Ça semblerait logique. Ernest avait rarement mis les pieds hors de Londres. Il s’était déjà rendu dans la région de Godric’s Hollow et de Poudlard lors de petites vacances. Mais c’était souvent parce que sa mère devait se déplacer pour son travail et qu’ils en profitaient pour faire le déplacement avec elle.

“C’est difficile de pas aimer. Après faut choisir un film qui risque de t’intéresser en fonction de ce que tu aimes comme genre d’histoire… Y a pleins de genres… Un peu comme les bouquins si tu veux… Le plus marrant, c’est quand les moldus font des films sur les sorciers… enfin ce qu’ils pensent être des sorciers….”

Ernest devenait un peu plus loquace. C’est que l’entrain de Klea était communicatif. Et que le fait de savoir toutes ces choses, ça lui donnait l’impression d’être un peu spécial. C’était également chouette de pouvoir parler du monde moldu et du monde sorcier à quelqu’un. À l’école, il devait toujours faire attention à ce qu’il disait et ça laissait immanquablement une barrière se dresser entre lui et les autres gamins.

Le petit brun releva la tête en direction de l’adolescente assise à côté de lui. Il jeta un nouveau coup d'œil rapide à la table des professeurs avant d'acquiescer à la remarque de Klea. Il ne pouvait pas le nier, leur directrice de maison avec quelque chose d’un peu effrayant.

“Ma mère dit qu’il faut pas juger les gens au premier regard… si ça se trouve elle est gentille… elle a peut-être juste pas l’air comme ça…”

Quoi qu’il en soit, elle restait une adulte. Et Ernest plaçait tous les adultes dans la même catégorie. Comme une espèce d’entité globale. Il y avait lui et les autres gamins. Ses mères et le reste des adultes. Ils représentaient l’autorité, les règles. Et le petit brun s’y pliait.