Assise confortablement sur une chaise, Dorra était absorbé par la révision de ses cours de la semaine. La bibliothèque était très calme, propice à la concentration. Les seuls bruits qu'on pouvait entendre étaient les vagues murmures des élèves qui chuchotaient ou le claquement des pages des manuels. La jeune préfète préférait toujours réviser ici, elle trouvait l'endroit chaleureux et les senteurs dégagées par les livres et le bois des étagères lui était très agréable.

Aujourd'hui, elle allait s'attardait sur ses cours d'Etude des Moldus. L'écossaise avait une certaine facilité avec cette matière, sûrement car elle était proche de son côté maternel Moldu à qui elle rendait régulièrement visite. Le cinéma, la musique, les sports.. elle connaissait et maitrisait la plupart de ses sujets. D'ailleurs, elle s'étonnait que les sorciers n'adoptaient pas quelques traditions moldus qu'elle trouvait fort pratique.

Ses doigts effleurant les pages avec légèreté, la Gryffondor feuilletait son manuel en gribouillant parfois quelques mots sur son parchemin. Elle pris aussi ses notes de cours, et les relut afin de se remémorer des remarques faites par leur professeur en classe. C'est là, qu'elle lut le mot barrière, qu'elle avait d'ailleurs entouré par un cercle. Elle se souvint alors du débat qui avait lieu en cours, et pourquoi les sorciers trouvait préférable de garder une barrière entre les deux communautés.

La jeune fille ressentit alors un petit pincement au cœur, ce sujet lui rappela ses problèmes familiaux, le déchirement qu'a vécu sa famille paternelle à cause de sa mère Moldue, ses cousins à Poudlard qui ignoraient son existence car elle était de Sang-Mélé. Son visage prit alors un air triste, et elle s'égara dans ses pensées, le regard perdu dans le vide.

Les journées se réchauffaient doucement, ce qui rendait le parc trop fréquenté pour réviser ou y faire ses devoirs tranquillement. Entre les voix et les balles qui risquaient sans cesse de tomber sur son cahier, il était difficile de se concentrer. Alors Dawn se rabattit sur le deuxième lieu où elle aimait passer du temps dans ce château. La jeune fille entra dans la bibliothèque avec l'intention d'écrire sa dissertation sur la vision de la sorcellerie au Moyen-Âge pour le cours d'histoire de la magie. Au moins, ici, elle a toute la documentation nécessaire à portée de main.

L'endroit était calme, comme toujours. Pourtant, la sixième année remarqua que la pièce était pleine d'élèves. Cela s'expliquait par la proximité des examens de fin d'année. L'année dernière, c'est à cette même période que la gryffone se mit à préparer sérieusement ses BUSEs, trois mois à l'avance. Son regard papillonna d'une table à une autre dans l'espace de travail, toutes étaient occupées. Elle n'aura donc pas le choix que de partager son plan de travail avec un autre élève. Heureusement pour Dawn, elle reconnut un visage familier dont elle s'approcha.

- Salut Dorra, ça te dérange si je m'assois là? Demanda-t-elle tout bas pour ne pas déranger les autres.

Elle attendit la réponse de la plus jeune. Elle espérait qu'elle serait positive car elle ne connaissait aucun autre élève présent dans cette salle actuellement.

Perdue dans ses pensées, Dorra voyait défiler dans son esprit les souvenirs des altercations de famille auxquelles elle a pu assister. Elle se rappela les rares fois où elle avait croisé son oncle chez sa grand-mère et ses mots tranchants, ses insinuations offensantes, ses propos diffamatoires qui, des années après, étaient toujours aussi blessants émotionnellement et physiquement. Son père était traître d'avoir souillé le sang des Kane en épousant une Moldue, et elle, était le fruit d'une union illégitime selon lui, et était donc aussi tâchée que sa mère.

La jeune brune n'arrivait toujours pas à trouver une explication rationnelle à ce comportement. Elle trouvait que toutes les personnes était égales, sorciers ou moldus. Pourquoi donc toute cette méprise, cette haine, qui brûlent chez ses extrémistes ? Elle soupira, puis baissa les yeux pour relire la phrase qui lui avait fait remonter toutes ces réminiscences. Elle ne remarqua pas qu'une personne s'était approchée d'elle, et ce n'est que quand une voix basse s'adressa à elle, qu'elle réalisa ce qui se passait autour d'elle.

Dawn, la capitaine de la Cheervalerai Ecarlate se tenait à côté de l'écossaise, attendant sa réponse pour s'asseoir. La jeune préfète se dépêcha alors de désencombrer la table de ses affaires éparpillées un peu partout, en répondant sur le même ton bas : 'Salut Dawn, non non, bien sûr que non, assieds-toi.. "

Elle regarda sa collègue des cheers s'installer, en lui souriant. A part les entrainement, Dorra n'avait jamais vraiment eu l'occasion de discuter avec Dawn. Elle était plus âgée, et elle la voyait rarement dans la salle commune.

@Dawn Wolf

Sa camarade cheerleader lui donna la permission de s’asseoir et Dawn fût soulagée. Elle la remercia avant de tirer doucement la chaise vers elle, de s’installer et de disposer ses bouquins, son parchemin et sa plume sur la table le plus silencieusement possible.

- Ne t’inquiètes pas, je ne vais pas t’embêter.

La sixième année se doutait que si Dorra s’était installée ici, c’est qu’elle recherchait le calme de la pièce, tout comme elle. D’autant plus que la bibliothèque n’était pas faite pour d’incessants bavardages. En revanche, elle craignait de paraître froide et fermée.

- Mais n’hésites pas si tu as une question. Je pourrais peut-être répondre.

Étant trois années plus âgée, elle pourrait sans doute aider sa cadette dans ses leçons. À moins qu’il ne s’agisse d’un cours de vol ou de divination, qui sont des matières qu’elle n’avait jamais étudié ou abandonné. Le but de cette manœuvre était surtout de montrer à Dorra, qu’elle pouvait engager la conversation si elle le souhaitait mais que, de son côté, Dawn ne voulait pas la déranger. Elle ne connaissait la plus jeune qu’au travers de la Cheervalerie Écarlate. Elle aimerait apprendre à mieux connaitre ses cheerleaders mais entre les emplois du temps et les amitiés de chacune, il est difficile de se voir en dehors des entrainement et des matchs. Elle comprendrait tout de même si la troisième année choisissait la tranquillité.

@Dorra Kane

Dorra regardait la capitaine des cheers s'installer, en prenant soin de ne pas faire de bruit au risque de déranger les quelques élèves présents dans la bibliothèque. La préfète sourit à la remarque de son aîné et s'empressa de la rassurer en chuchotant ," Tu ne m'embêtes pas du tout, au contraire on se motivera à avancer sur nos devoirs. ". Il faut bien avouer que le sujet sur lequel travaillait la jeune fille ne l'inspirait pas du tout, et à chaque fois qu'elle y pensait, l'écossaise se retrouvait entraînée dans un tourbillon de souvenirs amers. Des souvenirs qui l'atteignaient au plus profond de son âme, et qui provoquaient même en elle une remise en question de sa valeur. Ce qu'elle a pu voir ou entendre des rares réunions de familles n'avait laissé qu'une empreinte profonde de douleurs, qu'elle essayait difficilement de refouler et n'en parlait presque jamais. C'est pour cela qu'elle avait peur de s'attacher aux autres, elle craignait d'être abandonné et de revivre les cauchemars de rejet et d'exclusion dont elle était la cible de son oncle et sa famille.

Dawn était un exemple de personnes que Dorra appréciait, mais hésitait à faire un pas vers elle, même si elles passaient souvent du temps ensemble pour les entrainements de cheerleading. Elle ne se sentait complétement à l'aise qu'avec son meilleur ami Awstin, quoiqu'elle n'a jamais osé partager avec lui ces expériences douloureuses qu'elle avait vécue.

La capitaine lui proposa son aide pour ses devoirs, et la jeune brune était curieuse de connaitre l'avis de la sixième année. Avec une voix un peu hésitante, elle prononça ces quelques mots, " Euh.. Je révise un cours d'étude des moldus, et euh.. y'a une question qui.. elle me dérange un peu.. " Elle saisit alors son parchemin et le retourne pour le montrer à Dawn, en pointant de sa plume la ligne en question, " Ici, ça dit, pourquoi faut-il garder une barrière entre les deux communautés, sorcière et moldue.. " Dorra leva ensuite les yeux pour regarder sa camarade, avant d'enchainer " Tu penses quoi toi de ses barrières ? "

@Dawn Wolf

Dorra la rassura à propos de sa présence et ajouta que les deux filles pourront se motiver mutuellement. Il est vrai que l’idée de travailler ensemble et de s’entraider ravit la sixième année. L’étude est deux fois plus efficace lorsque l’on sait qu’on n’est pas seul dans la galère. Elle n’avait pas souvent de compagnie dans ces moments-là et l’avis de la plus jeune pourraient lui être utile dans sa rédaction.

À peine avait-elle proposé son aide à Dorra que cette dernière accepta en lui indiquant une question que la mettait en défaut. Heureuse de pouvoir aider, Dawn l’écouta attentivement. Son devoir d’Études des moldus traitait de la séparation du monde moldus de celui des sorciers. Elle mit son propre devoir, qui résonnait étrangement avec celui de la troisième année, de côté. C'est un sujet qui a souvent été abordé durant de ses six années d'études, surtout lors de ses cours d'Histoire de la Magie. Elle n'a jamais suivi les cours d'Études des moldus mais si elle avait dû répondre à cette question en troisième année, la réponse serait bien différente que celle qu'elle donnerait aujourd'hui. À l'époque, elle voyait simplement que sa mère moldue s'était parfaitement adaptée à sa famille sorcière et qu'elle avait été acceptée parmi eux sans problème. Elle ne comprenait pas pourquoi les deux mondes continuaient à vivre séparé. Quelques mois plus tard, ces barrières entre moldus et sorciers sont tombée et cela avait couté la vie à son grand-père paternel, créant une colère insurmontable chez l'adolescente. L'année dernière, elle avait été littéralement plongée dans un bouquin où elle avait pu voir une femme d'une autre époque se faire assaillir et capturer à cause de sa magie. Tous ces évènements avaient changé sa vision du monde.

- Je pense que malheureusement les mentalités ont beaucoup de mal à changer que ce soit chez nous ou chez les moldus… On a bien vu ce que ça donnait sans ces barrières il y a trois ans. Et ce n'était bon pour personne.

Dawn semblait ouverte à écouter la jeune fille et l'aider dans sa réflexion, et elle commença à partager son avis, sans trop se livrer en même temps. Elle déplora les mentalités bornées qui maintenaient les barrières entre les deux mondes et empêchaient leur rapprochement. Dorra aussi partageait cet avis, il était vrai que beaucoup de sorciers se considéraient supérieurs aux moldus et les évitaient, par peur de se salir. De leur côté, certains moldus éprouvaient de la crainte envers le monde de la magie et avaient du mal à accepter cette différence.

Mais la jeune fille reprochait surtout à ses semblables ce fossé qui s'était créé entre les deux mondes, une division nourrie par la haine et le dégoût face aux moldus. Car, elle n'avait pour exemple que sa mère dépourvue de tout pouvoir magique, mais très ouverte aux sorciers, intéressée par leurs traditions, et n'ayant aucun mal à accepter leurs différences. Par contre, c'est cette dernière qui a beaucoup souffert des préjugés de la famille paternelle de la jeune fille. C'est elle, qui par sa simple présence provoquait des disputes qui avaient failli maintes fois avoir de très graves conséquences. Et Dorra, pour avoir ce sang, impur et inférieur comme l'avait qualifié son oncle, qui coule dans ses veines, s'est vu isolée durant son enfance d'une partie de cette famille.

Dorra rebondit alors sur les paroles de Dawn, " Mais si la seule barrière est dans l'esprit, ne devrions-nous pas nous efforcer de sensibiliser les gens qui nous entourent, les encourager à s'accepter mutuellement malgré les différences ? Bien sûr, il y aura toujours des individus obstinés, incapables de s'ouvrir à l'autre, mais il est possible d'en influencer certains..." Ses mots étaient empreints d'une conviction profonde, témoignant de son espoir ardent de bâtir un pont entre les deux mondes et réduire les divisions qui les séparent.

@Dawn Wolf

Dorra écouta la sixième année avant de réagir à son tour. Un débat semblait s'être installé entre les deux filles et ce genre de dialogue devait être fréquents chez les sorciers.

- Si tout le monde pouvait vivre l'expérience de la cohabitation comme je la vis au quotidien depuis ma naissance, ce serait plus facile. Ma mère est moldue. Précisa-t-elle.

Les parents Wolf ont toujours tenu à ce que Dawn et son frère connaissent les codes des deux mondes auxquels ils appartiennent. Dawn se souvenait de l'histoire de la rencontre de ses parents. Sa maman avait été plus contrariée du mensonge que choquée des pouvoirs magiques de son fiancé. Et même si ses grands-parents paternels ont eu un peu de mal au début, ils ont fini par accepter leur belle-fille qui s'est parfaitement intégrée dans un monde qui n'est pas le sien. De l'autre côté de sa famille, ils ne savent rien de la magie et c'est uniquement à cause du Secret Magique. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui manquait à la jeune fille de tout leur dire.

- Les sorciers pourraient être plus ouverts au changement car, entre les nés-moldus et les sangs-mêlés, nombreux sont ceux ayant un lien avec les moldus. Malheureusement, nous sommes gouvernés par des sangs-purs… Du côté des moldus, c'est différent. Il est difficile de s'ouvrir à quelque chose dont on a peur. Nous avons un pouvoir qu'ils n'ont pas et qui nous donne l'ascendant sans le vouloir. Certains pourraient changer d'avis, bien sûr. Mais ce ne sera jamais la majorité…

Si le changement devait se faire, il y a bien longtemps que cela se serait passé et Dawn avait perdu l'espoir à ce sujet.

- J'ai moi-même eut du ressentiment envers les moldus, il y a trois ans. Admit-elle honteuse.

La jeune fille écoutait avec attention la capitaine des cheerleaders qui partageait son point de vue sur les barrières qui séparaient le monde magique du monde moldu. Elle était ravie de pouvoir avoir une conversation stimulante avec une autre gryffondor, sur un sujet aussi crucial que complexe.

"Moi aussi," répondit-elle à la sixième année, "Ma mère est moldue, mais je suis plus proche de sa famille que de celle de mon père. C'est triste de devoir constamment faire attention à ce que je dis devant mon oncle et mes grands-parents, alors qu'ils sont parfaitement capables d'accepter notre nature de sorciers."

Puis, elle écouta attentivement l'avis de Dawn qui émit des remarques pertinentes expliquant pourquoi il était difficile d'atteindre ce rêve, avant d'enchainer, " Je suis sûre qu'il y a des sangs purs qui acceptent les moldus et qui ne se laissent pas enfermer dans leur héritage familial. Mon père en est un exemple. Il vient d'une famille de sorciers très conservateurs, mais il a épousé une moldue. Ca lui a valu des conflits, mais il a toujours refusé de se plier à leurs opinions limités."

Elle poursuivit avec passion : "Et je suis convaincue que nous, les sorciers, pouvons aider les moldus à accepter notre existence en leur montrant notre bienveillance. Les moldus ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas, mais si nous commençons à les aider sur des tâches simples, ils pourront constater que nous avons de bonnes intentions. Après tout, le bien et le mal existent partout, que l'on soit sorcier ou moldu."

La jeune préfète était heureuse d'avoir une discussion allant au-delà des simples bavardages de l'adolescence, mais était une une véritable réflexion sur l'avenir de leur monde et de leur communauté.

"Qu'est-ce qui s'est passé ?" demanda-t-elle ensuite curieuse, quand Dawn avoua avoir éprouvé des sentiments négatifs envers les moldus il y a quelques années.

@Dawn Wolf

Dawn avait dû laisser son jugement s'obscurcir au fil des années et c’est l’opinion plus positive et pure de la troisième année qui lui fit remarquer son état d’esprit plutôt pessimiste sur la question. Elle avait fini par se convaincre qu’en aucune façon les moldus et les sorciers pourraient vivre ensemble. Pourtant, une partie d’elle partageait cet avis et ne pouvait s’empêcher d'acquiescer aux paroles de sa camarade.

- J’ai déjà failli faire la bêtise devant la famille de ma mère. Je me demande encore comment mes parents ont fait pour garder le secret quand mon frère et moi, on était petit… J’aimerais les voir plus souvent mais heureusement qu’ils vivent loin car je suis du genre gaffeuse. Dit-elle avant de rebondir sur la suite du discours de la plus jeune. Pardon, je ne voulais pas généraliser. Je suis d’accord qu’il y ait du bon et du mal partout et que les deux mondes seraient riches d’apprendre à connaître l’autre. On devrait trouver le courage de se soulever contre les détracteurs. Qui sait, peut-être que le changement viendra de nous, les jeunes.

Le discours de Dorra avait redonné un peu d’espoir à la sixième année. Peut-être que tout n’était pas perdu après tout. Avec de la volonté et en se rassemblant, les mentalités pourraient évoluer petit à petit. Et puis, la préfète posa LA question. Dawn s’attendait à attirer son attention avec une phrase aussi évasive. Elle-même aurait dû se faire violence pour ne pas se laisser aller à la curiosité. Il y a trois ans, elle aurait refusé de répondre et aurait changé de sujet. Mais la peine s’était un peu apaisée et elle se sentait plus libre d’en parler.

- Mon grand-père a été tué par les forces de l’ordre moldues lorsqu’ils se sont rebellés contre nous.

Dawn n’en dit pas plus. Y’avait-il besoin d’en rajouter? De toute façon, elle n’était pas sûre d’être capable de prolonger son explication. Malgré tout, elle craignait toujours de fondre en larmes en évoquant le sujet et le lieu ne s’y prêtait pas.

Désolée pour l'attente