Le professeur de Botanique ne tenait plus en place. Il avait passé l'après-midi à guetter l'heure du dîner avec impatience après avoir décidé tout seul de prendre son repas à la table des Poufsouffle. Quand enfin l'heure vint, il se glissa sur le banc entre Elian et une de ses copines. Tout endimanché dans ses vêtements les plus flamboyants et la moustache aussi lisse que le jour de son premier mariage, le professeur détonnait au milieu de tous ces enfants. « Salut ! Il paraît que c'est l'anniversaire de quelqu'un, ici. » lança-t-il joyeusement à la jeune assemblée et plus particulièrement à son filleul, qu'il fixait avec un air attendri.

Le professeur dîna avec les élèves, se gardant bien de sortir ses cadeaux qui attendaient sagement l'heure du dessert pour être offerts. Il profita simplement de cette compagnie bien charmante, adressant parfois quelques coucous à ses amis de la table des professeurs, notamment Padrec. Par moment, il lui semblait sentir le regard insistant de Sarah sur lui et il se sentait très honoré qu'elle lui accorde autant d'attention : les deux adultes étaient visiblement en bonne voie pour devenir de formidables amis. « Dis donc, tu ne finis pas tes brocolis ? » glissa-t-il à un enfant de douze ou treize ans en poussant vers lui la corbeille de pain. A côté, Elian avait presque son entière attention et ni sa majorité désormais atteinte ni le fait que les autres enfants se débrouillaient très bien ne parvinrent à convaincre Sigmund qu'il était capable de manger tout seul, alors il coupa soigneusement sa viande et ses haricots verts et veilla à ce que son verre d'eau soit toujours plein.

Le repas avançait tranquillement et Sigmund trépignait de plus en plus d'impatience, tapant nerveusement du pied en guettant çà-et-là le moindre changement sur la table. Enfin, enfin ! les plats disparurent pour laisser place à la suite. Voilà, elle était là ! Sa commande toute spéciale pour les dix-sept ans de son adorable filleul. La gigantesque pièce montée, impressionnante tant par sa taille que par ses multiples mini pâtisseries l'ornant apparut au beau milieu de la table. Un charmant glaçage or et noir délimitait chaque gâteau et au sommet, une réplique très fidèle de Solal la Crapaude surplombait le tout. Le « JOYEUX ANNIVERSAIRE ELIAN » en pâte à sucre ne laissait aucun doute sur le destinataire de l'immense pâtisserie. Il ne restait plus qu'à passer aux festivités.

Sur les tables voisines, d'autres gâteaux bien plus modestes mais tout aussi appétissants apparurent, accompagnés des desserts habituels. Sigmund avait expressément demandé des douceurs spéciales pour Elina et Archibald, en guise d'excuses pour avoir tout bonnement... oublié de leur demander l'autorisation pour l'organisation d'un tel festin sucré. Il fallait dire que tout ceci n'était pas censé avoir lieu : l'homme avait initialement imaginé un simple petit gâteau d'anniversaire. Et naturellement une pâtisserie n'ayant jamais fait de mal à personne, il n'avait pas jugé bon d'informer qui que ce soit avant d'effectuer sa commande auprès de Krobley, qui la transmettrait au chef pâtissier. Cependant, l'idée avait mûri dans la tête du sorcier et peu à peu, l'image d'un gros gâteau avait succédé celle du biscuit dans son plus simple appareil. Des détails çà-et-là avaient fleuris et très vite, il s'était dit qu'il était plus simple de séparer la pâtisserie en plusieurs gâteaux de façon à former une pièce montée. Et au milieu de ses réflexions, il lui était apparu naturel qu'un tel gâteau se devait de nourrir au moins l'intégralité des Poufsouffle de l'école, ce qui impliquait d'avoir quelque chose de plutôt consistant et imposant. Soucieux de ne pas créer de jalousies, quelques commandes supplémentaires avaient été passées pour les trois autres tables d'élèves et celle de l'équipe éducative. Quand il avait passé commande auprès de Krobley deux jours plus tôt, il était alors simplement devenu trop tard pour faire marche arrière. Tant pis !

Totalement inconscient du traitement de faveur dont bénéficiait le Poufsouffle pour son anniversaire, Sigmund se leva sans crier gare sitôt les gâteaux apparus. Il frappa joyeusement dans ses mains et entonna avec force et enthousiasme : « JOYEUX ANNIVERSAIRE, ELIAN ! JOYEUX AN-NIIIVER-SAIRE ! » Son regard insistant se posa successivement sur tous les amis de son filleul comme pour les intimer de le rejoindre expressément. Un chant d'anniversaire, c'est toujours mieux à plusieurs !

___________
@Elian Kernac'h @Herminie Peers @Jeffrey Hunter @Chems Daley @Charlotte Dwight @Aelle Bristyle et tous les autres amis d'Elian, et littéralement qui veut !

Elian sursauta quand Herminie fut soudain remplacée par son parrain sur le banc. Il se mit à rire gaiment, visiblement insouciant du fait que c'était une chose tout à fait inhabituelle. Pourtant, le jeune sorcier avait naturellement tenté plusieurs fois de s'installer à côté de Sigmund à la table des professeurs. Ce n'était pas facile de lui expliquer qu'il n'avait pas le droit puisque pour lui, c'était comme si on lui refusait un repas de famille. Aujourd'hui, tonton Sig' avait apparemment trouvé l'astuce pour qu'ils puissent dîner ensemble : il suffisait que ce soit le sorcier qui vienne à lui, à la table de Poufsouffle ! Son parrain sentait bon et quelque chose de resplendissant émanait de lui. Sa joie affichée était assez contagieuse mais Elian commençait à se renfrogner.

« Un anniversaire ? Qui fête son anniversaire en même temps que moi ? demanda-t-il d'un air dépité. Dites-lui que c'est vraiment pas gentil... »

Long à la détente, ses yeux s'écarquillèrent soudain. En écoutant au fond de lui, il avait deviné que son parrain n'aurait pas fait un tel événement pour un autre sorcier que lui. Il s'agita sur lui-même, excité comme une puce.

« Mais c'est moi ! Je fête mon anniversaire en même temps que moi ! » annonça-t-il à ses camarades sans mesurer l'évidence.

Il ne se sentait pas bien différent des autres jours, à vrai dire, puisque la journée avait plutôt été studieuse entre les cours de Sortilèges et de Métamorphose - si ce n'était qu'il avait pu casser les oreilles de tout le monde avec la carte d'anniversaire chantante que son père lui avait envoyé. Très heureux d'être traité comme un prince aurait pu l'être, il laissa son parrain lui préparer une assiette dont il ne garda que les haricots verts. C'était son anniversaire, Sig' ne pourrait pas le forcer à manger de la viande comme son père faisait parfois. La bouche pleine, Elian essaya plusieurs fois d'interroger ses voisins de table, toujours extatique :

« Vous m'avez fait un gros cadeau ? Tout le monde va se mettre à chanter ? C'est pour moi toutes ces bougies au-dessus de nous ? »

Elian observa le ciel enchanté de la Grande Salle - parsemé de bougies flottantes qui étaient là bien avant sa naissance -, comme s'il le découvrait pour la première fois. Il sentait toutefois que son parrain n'était pas tranquille, à côté de lui. Il posa sa main pour fixer au sol son genou agité, puis il l'enlaça avec tendresse. Qu'il était heureux de compter Sig' parmi ses meilleurs copains ! C'était comme s'il avait invité ses amis chez lui et que son père cherchait à les connaitre. Dix-sept anniversaires et son père avait toujours refusé d'inviter qui que ce soit chez eux... Ses yeux cherchèrent ceux du sorcier et sa main serra un peu plus son étreinte. Elian faisait silencieusement le choix que ce serait le seul anniversaire qui compterait à ses yeux. Soudain, une énorme construction à l'odeur sucrée se planta sur la table de Poufsouffle.

Le jeune sorcier restait sans voix contrairement à son parrain qui entama un chant sonore. Il observa tout le monde autour de lui, puis retourna sur le crapaud au sommet de l'énorme gâteau, s'extirpant du banc pour avoir une meilleure vue. Son sourire augmentait au fil de son inspection et des paroles.

« Mon gâteau ? » fit-il en pointant son nom du doigt.

S'il semblait surtout lorgner le crapaud au sommet, au fur et à mesure ses gros yeux fatigués se mirent à produire des larmes de crocodiles. Elian fondit dans les bras de son parrain comme un petit garçon, le visage tout rouge.

Mardi 14 avril 2048
Table des Poufsouffle — Poudlard
7^ème année


Chaque bouchée de brocoli est accompagnée d'un regard acéré lancé en direction du drôle de duo qui se trouve à exactement cinq personnes de moi sur la droite, sur le banc en face. Je ne fais guère attention à l'endroit où je m'installe lorsque je viens dîner. Il y a quelques élèves que j'essaie de fuir, certains parce que je ne peux pas me les voir, d'autres parce que je sais qu'ils me taperont la discussion si j'ai le malheur de m'asseoir trop près d'eux. À mon plus grand malheur, la personne qui est au centre de toutes les attentions ce soir fait partie des élèves que j'essaie parfois de fuir, lorsque j'y pense. Mais ce soir je n'y ai pas pensé et si je me suis assise ici c'est parce qu'il ne restait que peu de place à table : une proche d'un groupe surexcité de première année, une seconde juste à coté de Jeffrey Hunter et une seconde dans l'entourage plus ou moins proche d'Herminie Peers — le choix a été rapidement fait, n'est-ce pas. J'avais oublié qu'il faisait partie de l'entourage de la solaire Poufsouffle.

J'engouffre donc de grandes bouchées de mon plat tout en lorgnant sur Kernac'h et son drôle de compagnon. Je ne sais pas exactement ce qui les lie tous les deux mais c'est évident qu'ils n'ont pas une relation de professeur et d'élève. Nul doute que j'en saurais davantage si j'écoutais les rumeurs. Mais je n'écoute pas les rumeurs. Par contre, je sais que Charleston est un drôle de personnage. Je sais aussi que les drôles de personnage sont souvent beaucoup trop exubérants pour se faire apprécier de moi. Le mélange Charleston-Kernac'h est très, très mauvais. L'un est surexcité, l'autre est complètement déluré — je ne sais même plus lequel correspond à quel qualificatif, c'est dire.

Mes regards acérés se font tantôt agacés, tantôt gênés. Ils font beaucoup de bruit. Le vieux tente de rameuter toutes les personnes autour de lui pour l'anniversaire de l'autre abruti et ledit abruti promène ses énormes yeux globuleux sur toutes les attentions offertes par le professeur avec une naïveté qui aurait pu être attendrissante si seulement elle n'appartenait pas à Elian Kernac'h.

Ce n'est pas tant que l'événement me dérange. Je me fiche comme d'une guigne de l'anniversaire du Poufsouffle. Mais c'est surtout que le dîner ne dure qu'une heure à tout casser dans une journée et qu'il a fallut que ce dîner-là soit gâché par une fête surprise. Et puis d'abord, depuis quand a-t-on le droit d'organiser des fêtes surprises ? Je suis certaine de n'avoir jamais assisté à une fête de ce genre en plein dîner. Et pour qui ? Kernac'h ? À quel moment ce garçon mérite-t-il un tel honneur ?

Je potasse toutes ces choses en avalant le plus vite possible mon brocoli et mes pommes de terre, et en essayant de ne surtout pas m'étouffer avec. Je fais passer le tout avec une gorgée de jus de citrouille lorsqu'apparait l'immense gâteau. Je déglutis péniblement, affligée par l'exubérance du professeur de Botanique. Et après quoi ?! On va chanter tous en coeur ? Oui, voilà que l'homme se met à chanter et Kernac'h à produire de grosses larmes d'émotion avant de serrer le premier dans ses bras.

Je rentre la tête dans les épaules dans l'espoir que les yeux de Charleston ne s'arrêtent pas sur moi. Il semble scanner la table et nul doute qu'il alpaguera la moindre personne dont il parviendra à croiser le regard pour l'inciter à chanter avec lui. Il est hors de question que je fasse une telle chose, évidemment, mais l'embarras si Charleston devait prononcer mon prénom serait trop grand : je devrais refuser avec véhémence de chanter pour Kernac'h et ce serait très gênant. On ne fait pas pleurer un garçon le jour de son anniversaire — même si celui-ci est particulièrement insupportable.

Une Aelle sauvage ! Je ne sais pas si je participerais beaucoup, ça dépendra de si quelqu'un remarque, mais je trouvais ça marrant de l'écrire puisqu'elle est dans le coin ! Et dire que Sig pense que c'est une amie ahahah.
PS : Aelle est si dure dans ses pensées alors qu'en vrai elle ne déteste pas Elian tant que ça.

Herminie bavassait joyeusement avec Elian quand un grand escogriffe tiré à quatre épingle qui s'avéra être son ex-professeur d'Etude des moldus s'inséra sans prévenir entre les deux adolescents. Elle se cogna d'ailleurs contre son autre voisin dans sa hâte de ne pas se trouver collée au porteur de moustache, et s'excusa avec une grimace, avant de glousser à l'épiphanie que ressentit Elian en comprenant que l'attention, bien que surprenante, était bien évidemment pour lui.

Le repas se passa vraiment très bizarrement, avec Monsieur Charleston qui traitait Elian comme un enfant de sept ans et le couvait du regard comme un Serpencendre ses œufs. Herminie ne cessait de faire des mimiques un peu gênée à ses voisins, et se concentrait beaucoup sur son assiette, n'osant pas déranger le moment parrain-filleul. Heureusement, le professeur n'eut rien à redire sur la façon dont elle finissait son assiette. "Tu verras !", répondit-elle à son ami en se penchant au dessus de la table. "Et euh, les bougies ? ", mais elle n'eut pas besoin d'épiloguer. L'adulte avait eu l'air de plus en plus agité, jusqu'à ce qu'un gigantesque dessert apparu devant eux. Tout en haut de la pièce montée, trônait une réplique à croquer de Solal, ce qui tira un gloussement ravi à Herminie. Bon, ça, c'était hyper classe. Elle sursauta quand Monsieur Charleston bondit comme un diable du banc, et se mit à crier - pas chanter - le fameux chant d'anniversaire, et à leur faire les gros yeux pour qu'ils obtempèrent. Doux Merlin, heureusement que Elian était Elian, elle doutait que personne d'autre n'aurait supporté l'expérience - la carte d'anniversaire qui leur avait cassé les oreilles semblant plus modeste tout à coup. De bonne grâce, elle entonna avec les autres "Jo-yeux an-ni-ver-saire, Jo-yeux an-ni-ver-saire, Jo-yeux an-ni-ver-saire Elian ! Jo-yeux an-ni-ver-saire !", alors que son désormais majeur ami fondait en larme d'émotion dans les bras de son parrain.

Merci pour la surprise Je me sens honorée.

Qui veut pour le beugnage la collision au début !

« Bien sûr que c'est ton gâteau, fiston. » confirma Sigmund en coulant un regard attendri vers son filleul. Il accueillit son étreinte avec une joie non dissimulée et veilla à le serrer aussi fort que son garçon le faisait, tout en couvrant ses cheveux blonds d'une multitude de gros baisers bruyants. Il ne fallut guère beaucoup de temps à ce vieux parrain pour reconnaître les sanglots de son enfant mais d'abord incertain de leur origine, il fut pris de terribles doutes : et si Solal la crapaude ne ressemblait pas à Solal ? Et si le gâteau n'était ni assez grand, ni assez impressionnant pour plaire à l'enfant ? Avait-il repéré un motif déplaisant parmi les nombreux ornements du troisième étage de la pâtisserie, ou était-ce le parfum du quatrième étage qui n'était pas à son goût ? Il n'aurait pas dû choisir de la pistache, c'était un terrain trop dangereux.

Mais il finit par se rendre à l'évidence : Elian était simplement heureux, et ces mêmes émotions commençaient à envahir son parrain qui ne put réprimer ses larmes. Alors il serra simplement le Poufsouffle un peu plus fort contre lui comme pour cacher ses pleurs dans ses cheveux, mais ses nombreux tressautements et ses reniflements insistants ne lassaient place à aucun doute. « Je n'ai... je n'ai même pas de mouchoir... » renifla-t-il en relâchant son étreinte, le nez tout ronge et le regard mort d'amour. Il attrapa la première serviette de table venue et épongea son visage comme il put, puis entreprit de fouiller frénétiquement dans son sac banane. Comme toujours, Sigmund Charleston cachait tout un tas de trésors, mais il s'agissait là d'une occasion bien spéciale et les paquets commencèrent à s'accumuler sur la table. Dès qu'il en sortait un, il plongeait à nouveau son bras entier dans le petit sac pour en extraire un nouveau, et le cycle semblait sans fin : si la pile de cadeaux ne pouvait hélas rivaliser avec la taille de l'impressionnant gâteau, l'adolescent se retrouva toutefois avec une quinzaine de présents empaquetés devant lui. « Dix-sept ans, dix-sept cadeaux. C'est pour toi, mon Elian chéri. »

Calé dans les bras de son parrain, Elian l'observa attentivement : ce dernier pleurait, lui aussi. Les similarités entre eux ne cessaient d'accroître en vieillissant au point où ils se contaminaient sans le vouloir. Il essaya de se concentrer plutôt sur le chant entonné par ses camarades, se frottant l'œil avec sa main. En plus de son anniversaire, quelque part, il célébrait le dernier soir avant le départ de Minie pour le Japon. Elian n'avait pas pour habitude de s'inquiéter, il ne demandait qu'à ce qu'elle vive des aventures incroyables pour qu'elle puisse les lui conter auprès du feu. Son absence se ferait tout de même sentir au fil du temps. Il lui avait demandé aussi de lui ramener une branche de cerisier, le bois de leurs baguettes magiques, pour son anniversaire.

Alors que le chant finissait sur son prénom - il l'avait lui-même rejoint avec enthousiasme - son regard curieux se posa sur Aelle Bristyle : elle n'avait pas chanté. Brièvement, un éclair noir sembla traverser ses gros yeux - c'était celui qu'il avait lorsqu'il s'apprêtait à faire un caprice. Son attention fut heureusement déviée par l'agitation à ses côtés : tonton Sig sortait toutes sortes de paquets emballés depuis son sac banane. Beaucoup de paquets. Très heureux, il en profita pour enlacer ses camarades un par un en commençant par Minie. Probablement que certains, plus inconnus, s'étaient vus être étreints sans l'avoir demandé. Il passa derrière Aelle, hésita, et reprit son chemin sans rien tenter. Plusieurs années s'étaient écoulées mais Elian se rappelait toujours de la réaction de la sorcière quand il s'était accroché à elle, dans cette salle d'étude. Ce n'était pas le moment de voltiger à travers la table, le gâteau était trop appétissant.

S'appuyant de nouveau sur la table à côté d'une pile de présents de toutes tailles, Elian essayait de les compter et d'en soupeser certains qui attisaient davantage sa curiosité. Sans le vouloir, il voyait le regard réprobateur de son père se poser sur eux : dix-sept cadeaux, c'était sûrement beaucoup pour lui qui voulait l'habituer à ne rien attendre de la part des gens. Il colla un bisou sur la joue de son parrain, voyant à présent tout l'intérêt d'atteindre la majorité sorcière, puis pointa du doigt Aelle :

« Aelle n'a pas chanté ma chanson d'anniversaire. »

Il croisa les bras et ferma les yeux.

« Alors je veux qu'Aelle m'aide à ouvrir mes cadeaux. »

C'était ainsi que le birthday boy avait parlé. Il tendit un paquet à côté de lui, à Minie, et en prit un autre pour le faire passer à Aelle. Techniquement, elle ne pouvait pas se montrer vulgaire ou irrespectueuse devant tonton Sig puisqu'il était professeur. Comme c'était l'anniversaire de sa majorité et que c'était apparemment un événement très important, Elian se sentait pousser des ailes en demandant un peu tout ce qui pouvait lui plaire.

« Et puis je veux deux parts de gâteaux. »

Elian attrapa un très petit cadeau à son tour pour le déballer.

Les mardi n'étaient pas spécialement les journées les plus fatigantes dans l'emploi du temps de Jeffrey. En fait, c'était même une journée qu'il aimait particulièrement puisqu'elle était consacrée les matins aux cours de Sortilèges qu'il appréciait particulièrement. Et les après-midi il n'avait pas cours donc il pouvait souvent en profiter pour s'entraîner sur son balai ou faire une sortie running. Le garçon aurait donc eu toutes les raisons d'être content de sa journée mais pour une fois il était dans un tout autre état d'esprit.

Déjà le réveil avait été rude car aujourd'hui était l'anniversaire d'Elian et ses potes de dortoirs s'étaient montrés un peu trop enthousiastes de bon matin pour le célébrer. Jeffrey avait cependant pris sur lui pour passer outre ce réveil brutal et avait bien volontiers tout fait pour bien lancer la journée de son ami. Mais ce soir l'estomac du britannique était noué et il n'avait pas autant mangé que d'ordinaire. Demain les correspondants AMICO allaient partir aux quatre coins du globe et Maddie, qu'il venait juste de retrouver après des vacances stressantes, en faisait partie.

L'adolescent essayait de faire bonne figure pour ne pas gâcher l'enthousiasme de sa petite amie et heureusement ce soir-là l'ambiance agitée à la table des Poufsouffle permettait de masquer quelque peu les états d'âmes du garçon. A ce titre, le moment du dessert se révéla une parfaite diversion. La prise de parole de Mr Charleston le fit sourire. Ce professeur était aussi sympathique qu'il était gênant par moments. Et même si après six années passées ensemble Jeffrey était habitué aux réflexions lunaires d'Elian, il ne réussit pas à contenir un rire presque nerveux en entendant les remarques de son pote de dortoir. Dire que quelqu'un capable de dire "Je fête mon anniversaire en même temps que moi !" allait pouvoir utiliser la magie en dehors de Poudlard avant lui !

Malgré ce constat l'anglais commença timidement à chanter sous le regard incitateur de Mr Charleston. Il augmenta légèrement le volume de son chant une fois que Minie eut donné l'exemple avant de sourire devant la scène entre le professeur de Botanique et Elian. Son pote avait le don de le faire passer par plusieurs émotions contradictoires en quelques secondes. Mais ce qui était sûr c'était qu'il était quelqu'un de gentil et de touchant. Malgré leurs caractères si différents Jeffrey considérait son camarade de dortoir comme un ami et il leva volontiers son gobelet de jus de citrouille en son honneur, assorti d'un « Joyeux anniversaire mon pote ! ».

Le garçon regarda la suite avec un air incertain en voyant Elian réclamer l'aide de Bristyle d'une manière bien à lui... Il n'était pas exclu que cette ronchonne de service en vienne à gâcher le moment. Mais avec autant de public autour et un professeur à proximité, la Poufsouffle devrait sans doute céder. Voilà qui s'annonçait encore plus croustillant que les dix-sept cadeaux à ouvrir.

@Elian Kernac'h, à priori ton protégé ne remarquera pas les tracas de Jeff.
Mentions : @Maddie Joy (pour une fois c'est un Jeff tracassé et qui rechigne à manger) - @Sigmund Charleston - @Herminie Peers - @Aelle Bristyle aka "ronchonne de service"

Je baisse mes yeux effarés sur mes brocolis lorsque résonne le « Elian chéri » prononcé par Charleston. Ses larmes et toute l'émotion qui découle de cette drôle de fête me mettent mal à l'aise. Si encore j'avais été installée un peu plus loin sur la table... Mais non, je suis tout prêt et j'ai une vue de choix sur les nombreux cadeaux qui apparaissent devant le garçon. Dix-sept ? Dix-sept cadeaux ?! Ma famille est aisée, c'est certain, mais je n'ai jamais eu autant de cadeaux, même pour fêter ma majorité — et qu'en aurais-je fait de toute manière ? Je n'ai pas besoin de tout un tas d'objets inutiles, moi. Contrairement à Kernac'h qui se réjouit de toutes ces attentions, évidemment. Il évolue avec une telle aisance au milieu de toute cette mascarade que j'ai du mal à détacher mon regard de lui. Il sourit, il pleure, il s'exclame, il rigole... Puis ses gros yeux se lèvent vers moi et je baisse aussitôt les miens sur mes brocolis.

Je m'accroche à ma fourchette en faisant mine de ne pas avoir remarqué la soudaine attention dont je suis victime. J'avale de grosses bouchées, je mâche nerveusement et fatalement, quand les mots tombent, quand j'entends mon prénom assorti à sa voix, le brocoli ne passe pas (ou passe du mauvais côté) et une toux grasse et brutale me force à sortir de mon mutisme. Je bois une longue gorgée de jus de citrouille pour faire passer la sensation terrible de l'étouffement tout en promenant mon regard sur le Poufsouffle qui croise les bras tout en exigeant des choses qu'il n'est pas en droit d'exiger.

Je repose un peu brutalement mon verre sur la table. C'est quoi, son souci ? On a quel âge ? Dois-je donc me forcer à chanter une chanson débile ? À exprimer une joie que je ne ressens pas ? À faire comme tous les idiots autour de moi qui ont un caractère si peu affirmé qu'ils se contentent de suivre sans réfléchir ; chanter sans réfléchir, sourire sans réfléchir, se réjouir sans réfléchir ? Et il voudrait que je l'aide à ouvrir ses cadeaux ? Kernac'h, ton anniversaire compte autant pour moi que la question de l'évolution des règles du Quidditch dans le monde du sport. En clair : ça ne m'intéresse pas. Pire : ça m'inspire un mépris si grand que j'aimerais bien quitter la table, là maintenant, pour aller m'entourer d'une compagnie un peu plus intéressante — celle des livres, par exemple.

J'ouvre la bouche pour rétorquer à Elian Kernac'h ces mots exacts... Et la referme à l'instant même où mon regard croise, dans le plus grand des hasards, celui de Charleston. Ce n'est pas tant qu'il m'intimide ou que je crains d'être réprimandée pour faire la seule chose à faire dans cette situation : refuser tout simplement d'être une marionnette entre les doigts tout collants de Kernac'h. Non, ce n'est pas à cause de la présence de Charleston que je ferme la bouche, mais parce que le Poufsouffle serait capable de faire une crise et de pleurer à gros sanglots. Et j'ai malheureusement appris depuis ma seconde année que tous les mots prononcés à voix haute dans la Grande Salle devaient être judicieusement réfléchis. Surtout en présence d'un professeur. Surtout pour une fête d'anniversaire. Surtout lorsque c'est moi qui les prononce.

La suite se déroule sans que qui que ce soit ne puisse l'empêcher : les cadeaux passent de main en main et je me retrouve avec un objet bien emballé entre les doigts et le regard oscillant entre Kernac'h qui agit comme un foutu gamin pourri gâté et les autres étudiants qui, pour la plupart, se prêtent gentiment au jeu. Évidemment, je ne peux pas ne pas regarder Peers, qui elle aussi s'est vu recevoir un paquet à ouvrir et qui l'ouvrira certainement avec une joie et un naturel que je ne ressentirai jamais.

Je baisse les yeux sur le cadeau. Le malaise que je ressens me cloue sur place. Surtout, il éveille ma colère, naturellement dirigée envers Elian Kernac'h qui croit que puisqu'il fête son anniversaire, tout le monde doit le fêter avec lui. Et je dois te dire, mon gars, que je n'ai aucune intention de le fêter avec toi.

Je dégaine ma baguette et fais magiquement voler le cadeau en direction du garçon qui exige des choses comme si ça lui était aussi facile que de respirer. Je ne pensais pas qu'il était comme ça et je dois dire que ça ne me plait pas. Je dépose le cadeau juste devant lui. Je retiens tant bien que mal toute ma froideur de s'exprimer.

« Tu ferais mieux de l'ouvrir tout seul, lui dis-je en me penchant pour mieux le regarder. Ce sont tes cadeaux après tout, je vais pas te gâcher le plaisir. » Oh si, en fait je rêve de le faire pour que tu comprennes que le monde n'est pas un jouet entre tes petites mains. « Et puis moi, je dois filer. »

Malheureusement, la froideur ne peut être totalement cachée et nul doute qu'elle peut s'entendre dans mes paroles. Et alors ? Il devra bien composer avec. Je m'empresse d'avaler un autre brocoli pour mettre plus rapidement à exécution le mensonge très peu élaboré que je viens de proférer.

Une question s'impose : Elian pleurera-t-il à chaudes larmes face au refus assez peu subtil d'Aelle ?

La chanson terminée, Elian et le dénommé "Tonton Sig'" avaient un trop plein d'émotion alors Herminie mangea docilement ses carottes en promenant ses yeux curieux partout ailleurs, sur le gâteau, sur les autres gâteaux aux autres tables, tiens, Aelle était tout près et n'avait pas l'air au summum de la joie - Herminie lui grimaça un sourire d'excuse - avant de ramener son regard sur la banane sans fond de Monsieur Charleston qui sortait un nombre incalculable de cadeaux tel un père Noël juvénile. Elle rendit avec empressement son câlin à Elian, avec une pointe de soulagement à n'avoir pas été oubliée par son meilleur ami face à la présence dévorante du parrain adoré. Avant qu'elle ne puisse lui dire un mot, il enlaçait déjà ses voisins, puis revenait à sa place enlacer le professeur moustachu - elle soupira en souriant, reconnaissant néanmoins que tout tonton poule qu'il fut, sa présence rendait son meilleur ami heureux.

Avant de perdre son sourire face à la réaction d'enfant gâté d'Elian. Dénoncer Aelle. Il avait dénoncé Aelle ! La bouche béante, elle accueillit le cadeau et commença à l'ouvrir en auto-pilote, ses yeux faisant le ping-pong entre Elian, Aelle qui restait d'apparence plus ou moins cordiale mais opposant un refus ferme - Herminie hésitait entre la féliciter et hurler pour détourner l'attention - et monsieur Charleston. Oh, des chaussettes. Probablement à la main.

"Professeur Charleston", couina la petite blonde d'une voix aiguë pour attirer l'attention de l'adulte loin de la Septième année - en espérant que Elian saurait soit gérer sa frustration, soit ne pas déceler l'ironie mordante - "Est-ce que c'est vous qui les avez tricotées ? Elles sont très belles", couina t-elle encore, agitant la paire de chaussette sous le nez orné de la moustache. "Je fais moi-même du tricot, vous savez", continua t-elle en croisant les doigts pour être suffisamment distrayante. "Je crois n'avoir pas eu l'occasion de vous souhaiter un bon retour à Poudlard, j'aimais bien vos cours d'étude des moldus, mais je n'ai plus botanique dans ma filière. Oh ! Est-ce que vous pourriez faire passer mon cadeau à Elian s'il vous plaît ?", termina la blonde plus fort histoire de peut-être aussi d'attirer l'attention de son ami en lui tendant un petit paquet enroulé dans un joli mouchoir en tissus. Les petites grenouilles l'avaient fait craquer et elle n'avait pas résisté à les lui offrir, en plus du cadeau qu'il avait réclamé de son voyage.

Herminie rend le câlin à @Elian Kernac'h, ouvre le cadeau n°1 puis tente d'occuper Tonton @Sigmund Charleston en lui causant tricot pour ne pas qu'il rouspète sur @Aelle Bristyle. Elle fait passer à Monsieur Charleston son cadeau pour Elian :

Reducio

Tarot divinatoire grenouillesque

Le regard du parrain ne quittait que peu la silhouette penchée sur la montagne de cadeaux. Elian apportait un réconfort sans nul pareil au botaniste qui éprouvait un manque immense depuis qu'il vivait loin de son petit-fils. Si sa relation avec Elian n'avait rien de semblable avec celle qu'il entretenait avec Nana, il était tout de même réconfortant d'avoir un petit poussin à chouchouter de manière aussi démesurée que son cœur le dictait.

Son garçon lui désigna Aelle, une adorable jeune fille un peu perturbée. Il n'avait pas échappé à Sigmund que l'adolescente se tenait très en retrait à une fête d'anniversaire où elle devrait pourtant s'amuser. Elle n'avait ni chanté, ni pipé mot. Évidemment, se dit Sigmund, elle devait simplement être malade : de bons rhumes circulaient régulièrement dans le château et certains se retrouvaient parfois aphones ou trop inconfortables pour parler. Il était alors naturel qu'elle se montre distante pour protéger ses amis de son vilain virus -et Elian était son ami proche, il lui avait confirmé ! et qu'elle ne puisse s'exprimer correctement. Si Elian s'était abstenu de la serrer dans ses bras pour protéger sa propre fragile santé, il lui tenait visiblement à cœur qu'elle participe à sa fête d'une autre façon. Sa prévenance et son sens du partage impressionnèrent son parrain qui se félicita pour l'excellente éducation fournie à cet adorable jeune homme de déjà dix-sept ans.

Mais cette dernière refusa simplement, et cela brisa le cœur de Sigmund : quelle pauvre enfant ! Aelle lui faisait de la peine. Bien sûr, elle voulait que son ami découvre lui-même ses présents et cela faisait sens, mais l'adulte savait d'expérience qu'elle ne souhaitait simplement pas prendre le risque de contaminer un enfant aussi fragile que le petit Elian. Voilà pourquoi elle se montrait froide ; ce genre de distance était nécessaire pour qu'Elian comprenne les choses et n'insiste pas. L'adolescente le connaissait certainement très bien ; il fallait bien cela pour être des amis proches.

Il n'eut cependant guère le temps de réconforter la jeune fille : une petite voix le tira tout aussi sec de ses rêveries et avant même qu'il n'eut le temps de songer à ouvrir la bouche pour parler à Aelle, son regard était déjà posé sur Herminie Peers, une jeune fille très vive et intelligente. « Absolument ! Tu as l'œil, ma grande. » confirma-t-il en bombant le torse, fier. Il n'était guère étonnant qu'une jeune personne aussi raffinée pratique le tricot, si bien que le professeur ne se montra pas étonné. Son sourire s'élargit simplement davantage sous sa moustache alors qu'il commença à expliquer les différents points utilisés pour la confection des chaussettes. Il accueillit simplement le paquet destiné à Elian en continuant ses explications, se perdant entre le point andalou et le point de riz alors qu'il les désignait à l'adolescente de sa main libre. « Ah, où en étais-je ? Tiens, voilà mon garçon. » acheva-t-il en tendant un paquet bien mieux emballé que les siens à l'adolescent.