La matinée du mardi était toujours occupée, pour les Serpentard de première année, par de l’Histoire de la Magie. Aussi, quand Sunday se réveillait, son corps lourd anticipait déjà l’endormissement qui l’habiterait probablement une fois en cours. S’il appréciait les anecdotes qui renflouait ses maigres connaissances lors de ces cours, il fallait avouer que la montagne d’informations n’avait rien de bien inspirant pour le garçon. Les dates, les années de naissance, tout ça n’étaient que des chiffres à ses yeux et il ne voyait pas bien l’intérêt de les connaître par cœur — pour lui, qu’un événement se soit passé en 1500 ou en 1980, ça n’avait pas réellement d’importance, ce qui était important c’était bien que l’événement était arrivé à un moment et qu’il était amusant de s’imaginer comment l’événement avait pris place.
Quand il avait vu son emploi du temps pour la première fois, il avait été heureux de voir les horaires : c’était bien moins d’heures que ses journées en école primaire ! Puis, quand il avait vécu sa première semaine de cours, il avait compris que les journées étaient peut-être un peu moins longues, mais qu’elles étaient fatigantes d’une manière différente. La matinée du lundi passée à se concentrer sur des exercices de métamorphose était, pour Sunday, une corvée. L’Histoire de la Magie avait le mérite de ne pas demander de pratique magique, mais la concentration demandée à son cerveau était toute aussi épuisante et il peinait à réviser quoi que ce soit, si bien que les connaissances du mardi précédent étaient déjà oubliées le mardi suivant. Loin d’être une graine d’historien, le garçon traînait des pieds tous les mardis matins, son manuel sous le bras.

Pour cette raison, Sunday avait pris l’habitude de s’asseoir vers le fond de la classe, là où il pourrait griffonner sur ses parchemins sans trop se faire remarquer et là où il espérait se faire oublier de leur professeure. C’est donc ce qu’il fit ce matin là, affalant son corps mou et fatigué sur sa chaise comme un pantin. Il n’était arrivé qu’avec quelques minutes d’avance, si bien que la plupart des élèves entraient déjà à leur tour en bavardant, certains s’installant à leur place officieusement attribuée, d’autres souhaitant s’installer à une place différente de leurs habitudes. Sunday, lui, changeait toutes les semaines avec l’espoir qu’un nouvel angle l’aiderait à éveiller son cerveau aux mots de Madame Lydon — ce n’était jamais le cas.
Un soupire glissa hors de ses lèvres alors qu’il croisa ses bras sur la table pour enfoncer son visage dans leur creux. Il espérait que la professeure entre et leur propose quelque chose de nouveau ; une pièce de théâtre, par exemple, qui aurait au moins l’avantage d’être divertissante. Mais c’était là des rêveries qu’il savait appartenir au domaine du fantasque, et il se laissa aller à ses pensées, tentant de s’éloigner du cours qui débuterait.

S'il y a bien un cours que j'arrive pas à suivre c'est celui d'Histoire de la magie, fallait avouer que retenir des dates, et des évènements d'un univers que je connais pas, ça m'intéressait pas vraiment. Déjà que c'était difficile de retenir celui du monde moldu, alors celui du monde magique, fallait pas pousser non plus. Habituellement, le cours me permettait soit de dormir et de me laisser porter dans mes rêves, soit de réfléchir à mes prochaines bêtises. Ce matin, j'étais arrivé en retard comme à mon habitude et la dernière place se trouvait à coté d'un élève que je connais peu, un petit qui semblait autant intéressé par le cours que moi. Fallait dire que je le comprenais. Au moins, ça me permettait de me sentir un peu moins seul à ma table.

Ça faisait déjà plusieurs minutes que le cours avait commencé et je voyais mon voisin commencer à s'endormir, quittant bien vite notre monde pour celui des rêves. J'avais envie de lui faire une petite blague, histoire de pimenter un peu mon cours un peu barbant. Lui donnant un coup de coude, je viens lui dire d'une voix basse.

— Fais attention, tu ronfles, elle va t'entendre.

J'esquisse un sourire amusé. J'avais pas envie de passer un nouveau cours à rien faire. Au moins j'avais un complice cette fois ci.

— Ça te dit qu'on s'amuse un peu ? 1 mornille que tu renverses pas l'encrier du gars devant sur lui.

J'adorais lancer des défis à n'importe qui, fallait les voir foncer pour le faire et moi profiter du spectacle pour me marrer un peu. J'espérais que le petit était un peu plus fun que réactif, par ce que pour l'instant, il me semblait un peu mollasson.

Sunday ne bougea pas, quand bien même la professeure entra dans la salle de cours, et quand bien même il sentit une présence s’installer autour de lui. L’ennui et le sommeil alourdissaient son corps avec tant de force que sa maigre volonté était insuffisante pour le pousser à faire semblant de s’intéresser à ce qui se passait autour de lui. La somnolence bouscula bientôt ses pensées, les emmêlant, leur donnant des formes farfelues et des images vagues tandis que l’esprit du garçon s’éloignait petit à petit… Jusqu’à ce qu’un coude ne vienne s’écraser contre ses côtes, surprenant le Serpentard par la même occasion. Il ne sursauta cependant pas, les réflexes diminués par son état, et se contenta d’adresser un regard plissé à son camarade, tandis qu’il se battait contre la lourdeur de ses paupières.
— Mais non, il y a que les vieux qui ronflent.
Il fit néanmoins l’effort de glisser son dos contre le dossier de la siège en parcourant la salle du regard avant de s’accrocher aux mots de la professeure l’espace de quelques instants, pour vérifier qu’elle ne prononçait pas quelque parole intéressante — ce n’était pas le cas, et sa tentative de cultiver un intérêt pour le cours retomba comme un soufflé. Le dit défi raviva l’esprit de Sunday qui, comme fouetté par les effets d’une potion d’Aiguise-Méninges, redressa son dos et se pencha légèrement vers Nico pour apercevoir l’encrier en question. Il souffla à son camarade Serdaigle, qui n’avait visiblement pas le caractère studieux qu’on attendait d’un élève de la maison bleue et bronze :
— Okay mais j’ai pas d’argent donc je gagne une mornille, mais j’en perds pas, et sans plus attendre de réponse de la part de son interlocuteur, il attrapa un coin de son parchemin qu’il déchira sans vergogne, le roulant en une boule qui constituerait son unique munition pour le moment. Tirant la langue pour se concentrer, les sourcils froncés et les yeux plissés, il s’arma d’une pichenette à la lourde responsabilité : il lui fallait cette mornille pour s'offrir de nouvelles chocogrenouilles et compléter ainsi sa collection. Visant, préparant son tir, il permit ensuite à son doigt d’amorcer le mouvement brusque qui constituait une pichenette, donnant l’élan nécessaire à la boule de parchemin.* Ou du moins c'est ce qu'il pense, car son doigt frôla simplement le parchemin sans le toucher dans un silence embarrassant, réduisant à néant ses espoirs d'impressionner son voisin. Il lui offrit un sourire carré maladroit et gêné, avant de murmurer un « Celle là compte pas, c'était pour tester. » peu convaincant. Puis, il se reprit à une seconde fois sans attendre l'autorisation de son partenaire de crime. * Cette fois, son doigt rentra en contact avec la boule dans un « toc » caverneux, mais le sourire qui naquit sur le visage de Sunday s'évanouit aussitôt, tandis que sa munition s'écroula au sol au pied de leur table. Il s'éclaircit la gorge avant de donner un coup de coude à son voisin.
— J'ai combien d'essais ?


* Lancer de dés :

Purée, je pensais que j'étais un cas mais le Serpentard à coté de moi, c'est quand même quelque chose. Il est à peine réveillé quand je lui ai mis un coup de coude. Mais fallait croire que c'était plus ma proposition qui l'intéressait d'ailleurs. J'esquisse un sourire laissant échapper un petit rire, au moins il était marrant celui-ci, ça changeait du reste de la classe qui pour la moitié écoutait à peine ou écrivait péniblement.

— Faut croire que t'as pris un sacré coup de vieux alors.

Il avait du culot en plus, j'aimais ça. Mon sourire s'accentue tandis que je le laisse commencer ses petits bouts de papier. Voyons voir comment il allait s'y prendre. Bon, il avait l'air plutôt manuel, moi j'aurais utilisé un sortilège, mais il avait l'air d'être du genre à faire des origamis. Un premier lancer et il rate. Aïe, ça commence mal pour lui !

— Bah alors, tu dors toujours ? J'esquisse un sourire en lui lançant du tac au tac. D'ailleurs c'est quoi ton nom ? Ou tu préfères que je t'appelle Ronfleur ?

Mon sourire devient de plus en plus rieur tandis que je le me focalise sur son second lancer. Qui lui est encore pire que le premier. Bon, il est peut-être marrant mais il est pas vraiment doué.

— J'ai pas vraiment de soucis à me faire pour ma mornille à ce que je vois alors vas-y .. disons que t'as le droit à 2 lancers encore, j'suis gentil !

Je sors ma mornille, en la posant sur la table près de moi comme pour le motiver un peu, toujours un regard plein de malice vers lui. Il avait plus que deux essais, mais vu les deux premiers, je pense que j'aurais pu miser le triple que ça aurait rien changé. Mais quand même, on sait jamais, peut-être qu'il va changer de technique.

Sunday aurait pu avoir honte s’il n’avait pas passé le restant de son année à se ridiculiser, que ce soit lors des leçons ou en dehors de celles-ci. Armé d’une maladresse légendaire et de ses réactions particulières, le Serpentard semblait sortir du lot comme un sapin au milieu d’un champ de marguerites sans même tenter quoi que ce soit. Il faut dire que sa propension à user de toute sorte de stratagème pour éviter d’utiliser la magie, ou pour contredire les partisans de la magie ne passait souvent pas inaperçu et participait à le rendre étrange aux yeux des autres. Heureusement pour lui cependant, le Serpentard ne se rendait pas compte de ces particularités et il continuait à dynamiser ses échanges d’une spontanéité qui lui était toute propre, tout en ayant pleinement conscience de son inclination pour la maladresse.
Il adressa un regard à son camarade quand celui-ci lui demanda son nom mais l’ignora un instant, le temps de préparer son second tir. Quand celui-ci échoua aussi lamentablement que ses tentatives d’être bon élève, le Serdaigle sortit une mornille de sa poche comme pour enclencher la motivation de Sunday — mais même motivé, le garçon ne pouvait pas prétendre à la réussite de l’entreprise tant il se savait mauvais pour tout exercice qui demandait un tant soit peu de coordination et d’habilité physique.

— Tu peux m’appeler Ronflex, au pire, fit-il remarquer alors que attention oscillait entre la pièce et le visage du Serdaigle, avant de se rendre compte que ce dernier ne comprendrait sûrement pas la référence, alors il rajouta d’une petite voix : ’Fin, si tu connais. Sinon c’est nuL.
D’une certaine façon, la perspective que le Serdaigle n’avait pas retenu son nom depuis le début de l’année le rassura, il était certain de ne pas le vexer en lui demandant son prénom aussi — ce qu’il oublia de faire, les pensées déjà occupées par son objectif suivant : il lui restait deux essais et il n’avait aucune idée de comment les optimiser. Il refusait d’utiliser sa magie en plein cours, car sa baguette, Saperlipopin, et lui-même n’étaient pas un très bon duo. Pendant sa réflexion, sa jambe se mit à bouger frénétiquement comme si l’exercice le stimulait un peu trop, et il fredonna inconsciemment ce qui sembla l’aider à structurer ses pensées. En fond, le cours d’Histoire de la Magie continuait à se dérouler avec la monotonie que Sunday associait à la matière, mais les mots de la professeure qui peinaient habituellement à s’immiscer dans la perception de Sunday déconcentraient à présent le fil de ses pensées. Emmêlées, ses dernières ne lui proposaient rien de bien constructif et toute inspiration possible pour lui permettre de réussir le défi du Serdaigle s’en retrouva entravée. Il lui fallait distraire ce dernier, alors il saisit le sujet de conversation qui avait été précédemment lancé :
— Sunday, et toi ?
Pour la première fois de sa vie, il espéra que son camarade se mette à se moquer de son prénom afin qu’il ait une raison de lui piquer sa mornille ou de mettre un terme au défi, avant de finalement balayer la pensée couarde. Finalement, une idée de génie lui agrippa le cerveau pour le secouer dans tous les sens et il manqua de se lever de sa chaise tant il était excité par cet excès d’ingéniosité — voilà qui expliquait son appartenance à la maison de Serpentard. Il murmura un « Attends » avant de fouiller dans sa trousse pour en sortir un élastique qu’il utilisait habituellement pour garder ses crayons de couleur ensemble. Il noua sa règle à sa baguette grâce à l’élastique puis utilisa cette perche artisanale pour faire tomber l’encrier aussi discrètement que possible — leur camarade était si plongé dans les paroles de leur professeur qu’il ne remarqua même pas la perche frôler son coude. Sunday s’empressa ensuite de retrouver ses deux outils et d’en retirer l’élastique dans un chaos de gestes désorganisés. Le Serdaigle n'avait donné aucune règle et aucune consigne, et Sunday s'empressa ensuite d'attraper la pièce dans son poing.

Une chose est sûr, c'est que mon voisin table est persévérant. Mais je comprenais toujours pas pouquoi il voulait pas utiliser sa baguette ? Ça serait quand même beaucoup plus simple non ? A moins qu'il soit trop nul pour lancer un simple sortilège de lévitation ? En vrai, vu le profil du Serpentard qui avait l'air plus flemmard que moi, ça m'aurait à peine étonné. Au moins, il avait de l'humour et sa petite remarque m'arrache quand même un sourire, il avait un peu de réparti.

— Faut que j'utilise une flute pour te réveiller du coup ?

J'esquisse un sourire amusé, lançant un petit regard au Serpentard. Au moins, ça lui faisait comprendre qu'on était dans le même camp tous les deux. A chaque fois, tous les nés sorciers comprenait pas forcément mes références, mais c'était sympa de voir qu'on pouvait avoir des choses que les autres connaissaient pas. Alors comme ça, il s'appelait Sunday ? Il avait vraiment le prénom de l'emploi. Dimanche, le jour des flemmards et des grasse mats, c'était quand même quelque chose qui lui allait particulièrement bien à celui là, et c'est Nico qui vous le dit. Enfin, plus si flemmard que ça vu que d'un coup, je le vis se relever en ayant vu une idée lui traverser l'esprit. Je l'observe un peu en levant un sourcil, le laissant faire. J'y croyais moyen à son truc, à tout moment ça allait se péter, c'était sûr .. ah bah non. Et voilà que le type devant voit son pot tomber à la renverse devant lui. Aïe, va falloir qu'il nettoie tout ça maintenant. La chute de l'encrier avait causé un petit brouhaha dans la classe, tandis que certains réagissait un peu à cette petite chute malencontreuse, ce qui me laissait le temps de discuter avec le petit malin à coté qui s'en était pas mal sorti.

— Bien jouuuééé, je croyais plus en toi mais tu m'as eu ! Vas-y prend ta mornille Sundy.

Faut croire que le petit Serpentard allait pas éviter les petits surnoms que je donnais à tout le monde. Je la fais glisser sur la table, avec un petit sourire taquin avant de ré-enchainer directement.

— Mais ça c'était l'entrainement ! Je vais te montrer comment on fait. Vas-y, donne moi un truc à faire et on va dire que si je gagne ... je récupère ma mornille. Deal ? Il allait pas s'arrêter en si bon chemin. D'ailleurs moi, c'est Nico. que j'ajoute dans un clin d'oeil.

Sunday était fier de son coup mais le chahut alentour écrasa ce sentiment. Le Serpentard observa le garçon en face de lui et il sentit les racines de la culpabilité s’enfoncer dans son esprit, avalant la fierté qu’il avait ressenti quelques secondes plus tôt. Les sourcils haussés et les yeux légèrement arrondis, il finit par baisser les yeux vers les deux armes de son crime qui, par une chance insensée, n’avaient attiré le regard de personne. Les mains glissées sous son bureau, coincées entre ses cuisses, il joua l’innocence alors que Nico ne semblait absolument pas troublé. Il l’affubla même d’un surnom que Sunday comprit aussitôt, puisqu’il s’agissait là d’une marque de barres de céréales moldues. Jouant avec la pièce entre ses doigts, le Serpentard observa son partenaire de crime désinhibé qui en voulait déjà plus. Le regard parcourant le visage du blond, pensif, il finit par se pencher légèrement vers lui avec le regard d’un détective qui venait de coincer son suspect.
— Dis donc, tu serais pas en train de m’entourloupiner, Niki ? questionna-t-il, enterrant sa crédibilité alors qu’il complexifia un mot déjà existant pour créer un néologisme. Dans le même temps, il attifa son camarade d’un surnom qui n’avait aucune autre source que l’envie de Sunday de lui donner un surnom de manière réciproque. Sunday tenait à garder sa mornille, mais il détesta l’idée d’exprimer son avarice et il balaya les alentours du regard, cherchant la prochaine arme de leur crime, ou pire, la prochaine victime. Si les deux garçons partageaient la culture des mauvaises notes et des bêtises, leur inattention ne provenait pas des mêmes sources, et quand Nico semblait être un as des blagues et des tours, Sunday lui n’était en réalité qu’un maladroit qui enchaînait les bourdes et les gaffes à force de garder la tête dans la lune et de laisser ses pensées flotter comme des nuages poussés par un vent brusque. Mais l’idée de passer pour un garçon trop gentil le dérangea légèrement et il gigota sur sa chaise avec inconfort alors qu’il tentait de se pencher pour apercevoir quelque chose qui l’inspirerait. L’illumination vint et il se pencha à nouveau vers Nico pour lui murmurer son défi dans une confidence coupable.
— Tu vois, la boîte de Lego dans la bibliothèque des élèves ? Si tu me la rapportes, je te rends ta mornille.
Le défi étant bien trop épineux, Sunday était certain que Nico abandonnerait, ce qui était de toute façon le but. La boîte de Lego était bien trop volumineuse pour que Nico puisse la récupérer sans se faire voir, et le bruit des pièces à l'intérieur de la boîte retentirait dans toute la classe. De plus, le Serpentard était certain que son camarade ne tenait pas assez à sa mornille pour tenter le diable. Le regard plongé dans celui de Nico, Sunday attendait sa réponse avec un sentiment de déshonneur profond. Peu importe la réponse du Serdaigle — bien qu’il espérait le voir refuser — Sunday ressentait le besoin naïf de redorer son propre blason en offrant à son camarade toute sa gentillesse.

Chacun devait avoir sa chance et je le lui avais donné, maintenant c'était à mon tour de pouvoir récupérer ma mornille. J'esquisse un sourire, quel entourloupe, c'était comme ça que les choses fonctionnaient. Mais non, il fallait que monsieur y trouve à redire. Oh mais peut-être qu'il savait que je réussirais à tous les coups ce qu'il me demanderait de faire.

— T'as trop peur de la perdre, c'est ça ?

D'un air taquin, je le regarde comme pour lui provoquer une réaction. Il faut croire que ça marche vu qu'il se met direct à cogiter pour trouver quelque chose à imaginer qui pourrait me bloquer. Et faut croire que c'est un petit filou car quand je me penche pour écouter ce qu'il a à me proposer, je me contente juste de lever un sourcil. Ah ouais, il voulait jouer à celui qui était le plus malin ? Il me connait mal le petit Sundy. Pour l'instant, je me contente de rien faire et de rien dire, j'esquisse juste un sourire. Oui, par ce que j'étais pas non plus bête, j'allais pas faire ça tout de suite maintenant. Et il avait juste mentionné de lui rapporter, j'avais juste à m'en occuper à midi, et dès qu'il l'aurait dans les mains, ça serait son problème. Si personne me voyait sortir ça de l'armoire, ça serait lui qui prendrait dans le pire des cas.

— Vas-y marché conclu, mais tu dois me dois aussi un jus de citrouille si je réussis ! C'est pas rien quand même.

Je lui lance un clin d'oeil avant qu'un silence s'installe pendant quelque minutes durant lesquelles je retombe sur ma table, les yeux vers le tableau et le cours qui s'y tenait sans y prêtait ne serait-ce qu'un peu attention. Ma tête se tournant vers mon ami du jour, je lui demande.

— Tu penses qu'être ennuyant c'est dans le CV pour être prof d'histoire toi ? Enfin c'est déjà mieux que le cours de Valerion où j'ai pas le droit de fermer un oeil.

Je tenais pas à reperdre mes cheveux en même temps. Là au moins je pouvais pas écouter si ça me chantait. Mais bon. D'ailleurs, lui qui l'avait comme directrice, fallait qu'il me dise ce qu'il en pensait.

— Elle est comment d'ailleurs comme directrice de maison ? Elle t'a jamais .. embêté ?

Ouais, depuis le début de l'année, j'essayais de voir s'il y avait pas des trucs louches de son coté. Peut-être que Sunday pourrait m'en dire plus.

Sunday se faisait effectivement totalement entourloupiné : une mornille et un jus de citrouille ? De quel droit ? Le Serpentard recula légèrement sa tête et ses épaules comme pour s’éloigner du piège qu’était en train de lui tendre, de manière très évidente, son camarade. Scellant ses mots et ses pensées en pressant ses lèvres l’une contre l’autre, il décida finalement de mettre fin à la conversation. De toute façon, il ne voyait pas comment Nico pourrait voler la boîte ou pourquoi il souhaiterait s’attirer des ennuis juste pour une mornille. Cependant, la présence de la boîte de Lego triturait ses pensées et son regard finissait toujours par retomber sur le contenant. Le menton posé sur sa main, le coude sur la table, il se questionna sur la nécessité de ranger des Lego dans la bibliothèque de la salle d’Histoire de la Magie. Le Serpentard était certain que personne ne les utiliserait, après tout les sorciers voulaient toujours tout faire avec leur baguette, et il ne voyait pas comment on pouvait emboîter les pièces ensemble sans utiliser ses deux mains — ça n'aurait de toute façon pas d'intérêt.

Se laissant emporter par un torrent de pensées, Sunday vogua au gré de son imagination alors que ses oreilles restaient fermées hermétiquement au cours de Miss Lydon. Il le regretterait plus tard, très probablement, lorsqu’il plongerait le nez dans la mer de mots qui caractérisait habituellement les cours des manuels d’Histoire, mais même en s’employant de la plus grande volonté, Sunday ne pouvait ignorer le caractère soporifique d’un cours de théorie. Quant aux cours de pratique, ils étaient généralement trop difficiles pour lui et sa magie maladroite, si bien que la botanique était la seule matière dans laquelle il parvenait miraculeusement à obtenir des notes satisfaisantes.

Comme si Nico lisait dans son esprit, ce dernier adressa une remarque sur le caractère assommant des cours de Miss Lydon, ce à quoi Sunday répondit par des yeux levés au ciel. De nouveau endormi par l’immobilisme et l’ennui qu’il éprouvait, il se contenta ensuite de hocher la tête, les paupières tombant devant ses yeux.
Les yeux clos, il se pencha légèrement de côté, vers son camarade, suite à sa dernière question, laissant planer un silence pensif. Le Serpentard ne s’était pas beaucoup fait remarquer par ses professeurs cette année, si ce n’était pour ses échecs et son impatience lors des exercices pratiques, et lui-même n’avait pas beaucoup observé les adultes, jugeant que moins il les regardait, plus le mur qu’il souhaitait ériger entre eux aurait des chances de se matérialiser.
— Moi, non. Je sais pas, elle est comme les autres adultes, non ? Ils prennent des années et tu saupoudres de la… comment on dit ? De la prétention ? Un truc comme ça, ouais. Tu saupoudres de la prétention sur eux, tu les mets au four le temps qu’ils gonflent, plus ils ont la grosse tête et mieux c’est. Et hop, tu les sors du four et ça fait des adultes ! Tout en narrant sa métaphore, le garçon ouvrit les yeux pour attraper sa plume et dessiner sur son parchemin un muffin qui ressemblait grandement aux pâtisseries parfaites que sa mère confectionnait à la maison, bien que sa représentation était étrangement difforme. Comme pour inviter Nico à participer à cette œuvre d’art, il glissa ses doigts autour de la plume de son camarade et la lui tendit, dans une invitation muette.

Pendant un petit temps d'envol, les paroles de la professeure d'Histoire de la magie se mêlèrent dans les flots de mes pensées. Je pensais surtout à l'autre jour, quand on avait découvert ces affiches et que j'avais été la cible du Serpy à cause de Miss Valerion, comment on la laissait faire des trucs pareils ? Fallait que je creuse un peu plus cet histoire, voir si j'étais le seul. Avec elle, on pouvait s'attendre au pire. Peut-être qu'elle voulait la fin de Poudlard ? Non, je pars trop loin. Me reconcentrant sur l'acolyte de table, je souris un peu gêné, levant un petit sourcil à la réponse du brun.

— Hey Sundy, tes parents ils t'ont pas bercé un peu trop près du mur ? T'es quand même un sacré .. quelqu'un.

J'esquisse un sourire taquin en rigolant légèrement, il était plutôt fun même si il avait son coté bizarre. C'était quand même un sacré personnage celui-ci, avec ses réflexions sorties de chez pas où. En même temps, quand je le regardais, je me disais qu'il y avait que lui pour sortir ce genre de choses au final. Mais fallait bien recentrer la conversation car je comprenais rien à ce qu'il me chantait.

— Moi je la trouve chelou .. elle fait des choses bizarres et parfois elle s'en prend aux élèves. Elle te fout pas les chocottes ?

Je le voyais d'ailleurs qui commençait à dessiner. Ah ouais, il était vraiment dans la lune celui-ci. Il était au courant que je dessinais comme un pied d'ailleurs ? Je refuse doucement sa proposition. Il s'en sortirait bien mieux que moi. Le truc c'est que je m'ennuyais comme un rat mort et qu'il restait encore 2 bonnes heures de cours inutile, fallait donc que je trouve un truc pour m'occuper.

— Psst, viens on fait un jeu. On dit deux mensonges et une vérité et on doit deviner c'est quoi qui est vrai. Vas-y, tu commences.

Peut-être que je voulais que Sunday me raconte un peu les ragots de Serpentard. Si je devais m'ennuyer pendant deux heures, autant en profiter pour grappiller quelques infos. Et oui, je perdais pas le nord, toujours une bonne raison de faire les choses. J'espérais juste que mon copain de Serpentard était plus bavard à ce niveau.