J'ai pris la décision au début de l'année de m'intéresser au langage Vélane, dans le cadre du programme JoBaRBiLLe. Depuis, j'essaie de m'astreindre à un rythme de travail régulier, de façon à progresser efficacement dans les apprentissages. Je ne suis pas tout les jours très motivé, il faut dire que de voir à quelle vitesse certains progressent peut s'avérer un peu démoralisant lorsque j'ai l'impression de stagner, mais jusqu'à maintenant je m'y tiens. C'est donc dans cette optique que je suis aujourd'hui venu à la bibliothèque. Je trouve ce lieu calme, et loin des perturbations de l'extérieur, presque comme une bulle. C'est agréable.

Je me dirige à pas rapides vers l'espace de travail. Il n'y a pas grand monde, j'ai donc tout le loisir de choisir ma place. J'opte pour une grande table de quatre personnes, à laquelle je m'assois seul. J'aime avoir de l'espace pour travailler et il reste encore pas mal de places de libre, personne ne devrait donc venir m'enquiquiner tout de suite. Je sors mes affaires, en commençant par le livre que j'ai enfin pu emprunter tout récemment. Il est quand même curieux qu'ils n'en aient qu'un exemplaire ici, je pense qu'ils devraient investir. Chaque fois que je souhaitais me le procurer, quelqu'un était déjà passé avant moi. Ça a été vraiment très agaçant. Enfin, bien heureusement je peux enfin le lire. Il était temps ! Je sors à côté quelques fiches, ma plume et mon encrier, de quoi prendre des notes en somme. J'essaie de résumer tout ce que lit, cela m'aide à mieux mémoriser, et comme le livre ne m'appartient pas cela me laisse aussi une trace de ce que je peux y voir, consultable à tout moment.

Je feuillette l'ouvrage et retrouve rapidement la page où je m'étais arrêté. Le livre que j'ai entre les mains traite des bases de la politesse et des tournures de phrases courantes permettant de s'attirer les bonnes grâces des Vélanes à l'oral et à l'écrit. Cela peut paraître simple sur le papier, mais c'est en réalité un véritable casse-tête. Il y a tant de petites règles, de petits détails à respecter minutieusement. Je savais que ça ne serait pas simple à intégrer, mais j'avoue avoir sous-estimé l'ampleur de la tâche. Je commence à noter ce que je comprends sur mes petites fiches, en synthétisant au maximum, et note mes questions sur une feuille à part afin de pouvoir les poser à l'intervenant lors de notre prochain cours.

Une vingtaine de minutes plus tard, je me retrouve bloqué. Une partie de ce qui est écrit ici ne fait absolument pas sens pour moi. Je trouve la formulation ambiguë au possible et n'arrive pas à déterminer dans quel cas de figure faut-il utiliser ce qui nous est présenté et dans quel autre cas il ne faut surtout pas en faire usage. Je commence à tourner et retourner les pages, revenant en arrière, puis en avant. Je lis et relis le passage, toujours sans savoir comment l'interpréter. Cela commence à m'agacer, je laisse donc échapper un soupir puis grommelle quelques mots dans ma barbe. Ce n'est vraiment pas clair. Par Merlin, je ne comprends pas un fichtre mot de tout ça !

J'espère que ça te conviendra ! N'hésite pas à me faire un retour par hibou, je peux modifier deux/trois trucs si besoin.

Quand Ennis s'était glissée dans l'espace de travail de la bibliothèque dans le but d'investir une table en cette fin d'après midi, elle n'imaginait pas trouver autant de monde. Quoique... Les examens approchaient et bizarrement, un charme soudain semblait agir sur certains élèves qui devenaient plus studieux encore que le plus cliché de tous les Serdaigle du château. L'endroit n'était pas vraiment bondé, il ne fallait pas pousser, mais chaque table comportait au moins un ou une élève. Elle élimina donc toutes les tables de deux des possibles endroits pour prendre place, ainsi que les tables de quatre déjà occupées par au moins deux autres étudiants. Restaient donc la table centrale où déjà une personne par côté s'était étalée mais aussi quelques tables en quatuor. Observant ces quelques choix, Ennis se dirigea vers celle où elle reconnut une tête. Un Serpentard qu'elle côtoyait pendant les matches de Quidditch - rarement donc si l'on considérait le nombre de fois où ils se rencontraient dans l'année - mais aussi une fois par semaine, à l'occasion des cours dispensé par Monsieur Carpentier.

Antonn Clifford était en train de feuilleter un livre tout en prenant des notes. La préfète savait son camarades calme. Du moins, c'était ce qu'elle avait conclu des cours de langue Vélane où il était quelqu'un d'intéressé mais pas envahissant. Ce qui dans un cours à effectif réduit était appréciable. Ne souhaitant pas le déranger outre mesure, elle s'installa dans la diagonale de l'adolescent, disposant ses affaires autour d'elle. La table était suffisamment grande pour que l'un et l'autre puisse s'étaler sans empiéter sur l'espace de l'autre... C'était parfait. L'irlandaise se mit alors au travail, planchant sur des runes, une matière où elle était à l'aise... Parfait quand on avait peu de temps avant le dîner. L'exercice d'association demandée par le professeur Clare devrait être terminé d'ici là.

Cependant, un bruit de page tourné vivement finit par attirer son attention. Elle leva le nez de son parchemin où quelques lettres de Futhark s'emmêlaient et pu voir que le quatrième année faisait de multiples allers-retours dans son livre. "Tu as un problème?" Demanda Ennis d'un ton qui pouvait paraître inhabituelle. En effet, la Gryffondor n'était pas forcément connue pour être de ceux qui apporte de l'aide. Et pourtant, elle ne la refusait pas, se proposait même parfois si tant était que la personne soit de ceux qui lui semble faire des efforts. Et le batteur en faisait parti d'après son ressenti de cette heure d'enseignement hebdomadaire commune depuis plusieurs mois. Son ton était donc celui d'une personne qui cherche à savoir si l'autre à besoin d'aide. Une question posée à voix basse teintée de son habituel accent.

Je lève les yeux de mon livre et découvre Ennis, que je n'avais pas vu s'installer à ma table. Est-ce que ça fait longtemps qu'elle est là ? Si j'avais su, j'aurais fait en sorte de mieux masquer mon incompréhension. Je n'aime pas révéler mes fragilités, je préfère quand les gens pensent que tout est facile pour moi. Quitte à travailler bien plus dur avant chaque cours pour ça. Enfin, il ne sert plus à rien de faire semblant maintenant. Et puis, peut-être que je suis trop dur avec moi et qu'il est normal que j'éprouve quelques difficultés en avançant dans l'apprentissage d'un langage qui, il y a quelques mois, m'était encore complètement étranger. Mais ça, ça me semble trop dur à admettre, c'est juste leur livre qui est mal fait.

Je soupire avant de lui tendre le fameux livre, encore ouvert à la page me posant problème. Elle doit déjà l'avoir lu, puisqu'il me semble qu'elle a un peu d'avance sur moi. Je ne le fais que parce que je sais qu'elle est bonne élève et que j'ai espoir qu'elle puisse me débloquer. Je serais un imbécile de rester coincé à la même page, alors même qu'on me propose de l'aide. Je ne sais pas trop si j'apprécie la Gryffondor. Au début de l'année, j'aurais répondu sans hésitation que non, puisqu'elle fait partie des Griffes Ardentes. Mais grâce à Britanny, je sais maintenant qu'il ne sont pas tous si terrible que ça. Je suppose donc que sa coéquipière ne m'est pas antipathique. Je ne la connais pas assez pour avoir un avis plus tranché que celui là.

- Les Vélanes ont une façon de fonctionner un peu différente de la nôtre, et j'avoue que j'ai parfois du mal à comprendre le pourquoi du comment. Il y a tant de codes à maîtriser pour éviter de les offenser. J'ai parfois l'impression que peu importe ce qu'on leur dit, on risque de commettre une gaffe. C'est un véritable casse-tête de tout retenir !

Je grimace en finissant ma dernière phrase, comme pour mimer la douleur que me créent ces nœuds au cerveau que je m'inflige en apprenant cette langue. Par Merlin ! Ca a intérêt à me servir pour mon dossier, lorsque je candidaterais dans les meilleures écoles sorcières. Je pose ensuite des yeux curieux sur ma camarade avant de la questionner à mon tour.

- Dis Ennis, c'est quoi pour toi le plus compliqué à intégrer dans ce langage ?

Je suis sincèrement intéressé. Je me demande si les murs rencontrés sont les mêmes pour tout le monde, ou s'ils dépendent de la sensibilité de chacun. Est-ce qu'il y a des gens pour qui apprendre une nouvelle langue est simple comme bonjour ? Si oui, j'aimerais bien les rencontrer et qu'ils me donnent leur recette magique ! Voilà maintenant plusieurs mois que je persévère dans l'espoir de pouvoir un jour communiquer avec une vélane, et j'ai l'impression d'avancer aussi vite qu'un escargot. C'est terriblement frustrant.

@Ennis O'Belt, je te prie de bien vouloir excuser mon retard ! J'espère que ce que j'ai écrit te convient.

Le garçon ne répondit pas tout de suite mais finit par tourner le livre vers elle. Ainsi la sixième année pu rapidement comprendre à quelle étape le Serpentard semblait bloquer. Ou du moins se trouver en difficulté. Elle prit néanmoins le temps de l'écouter et de relire l'extrait qu'il lui avait présenté pour tenter de s'imprégner de ce qui semblait mettre un sacré coup de freinage dans son avancée.

- "C'est tout le non verbal qui entoure le langage que j'ai le plus de mal à reproduire. En soit, les tournures de phrases, leur grammaire, ça va." Elle maîtrisait après tout parfaitement deux langues et en apprenait deux autres. Et commençait à avoir des niveaux corrects ou au moins suffisant pour tenir une discussion courante et non technique tout en se faisant parfaitement comprendre. A ce propos, fait particulièrement amusant, son accent irlandais n'était pas aussi prononcé en russe qu'en français.

- "C'est surtout le fait que la posture peut faire dire tout et son contraire à la même formulation qui me perturbe. Surtout que j'ai appris à ne rien laisser paraître. Alors surjouer le fait de charmer. C'est compliqué et je suis... gênée." Non, l'irlandaise n'était pas à l'aise dans cet exercice qui demandait de jouer de l'attrait que les autres pouvaient avoir en la regardant. Peut-être qu'elle devait se détacher de cette image pour progresser plus vite? Ce n'était pas spécialement évident. Les vélanes avaient une sorte de fluide naturel qui les rendaient attractifs. Enfin pour les humains au moins.

- "Je crois que pour le reste, je n'essaie pas de retenir. Plutôt de trouver une forme de logique pour essayer de retrouver chaque élément." Indiqua-t-elle alors qu'elle essayait d'expliquer comment elle fonctionnait dans son apprentissage. Autant dire que ce n'était pas évident à verbaliser.

J'écoute ma camarade avec attention, comparant mentalement ce qu'elle me dit avec mon ressenti. Je suis globalement d'accord avec elle, ce que je montre en hochant régulièrement la tête pendant qu'elle parle. Moi non plus, je ne suis pas très à l'aise avec le non-verbal. Pourtant, j'ai appris très tôt à jouer un rôle en société, à apparaître tel que le souhaiterais mon interlocuteur, en mimant certaines émotions ou en travaillant mes intonations pour lui donner satisfaction. Mais je déteste la sensation de savoir que mon comportement aura une influence, que je ne peux pas simplement être moi-même : ça m'étouffe. J'ai si peur de faire une gaffe que dans ce genre de moment il n'y a plus rien de naturel chez moi, je n'y parviens pas, je deviens quelqu'un d'autre.

- La posture, ça m'angoisse énormément. Je crois que du coup j'ai tendance à être un peu crispé lorsque je pratique, j'ai tellement peur d'un gros malentendu.

Je soupire en continuant, pour illustrer le fait qu'à moi aussi, ces aspects de la langue déplaisent un peu.

- Et je peux comprendre que le côté charme ça te gêne, surtout quand on y est pas habitué. Je ne suis pas toujours à l'aise non plus.

Et il faut dire qu'une bonne partie de la culture et la communication Vélanes repose sur le charme. Je le savais déjà avant, mais je ne me doutais pas d'à quel point. Je rebondis sur sa logique d'apprentissage en grimaçant et indiquant le livre du menton.

- C'est justement ce qui me pose parfois problème la logique. Je cherche toujours un sens à tout, et des fois il n'y en a pas : c'est juste comme ça. C'est le cas de certaines règles. Sauf que je n'arrive pas à me faire une raison, alors j'essaie de comprendre pendant des heures ce que je devrais juste apprendre.

Je suis assez admiratif de l'Irlandaise, qui semble avoir des facilités dans l'apprentissage des langues. Elle a d'ailleurs progressé plus rapidement que moi cette année. Content d'avoir trouvé quelqu'un avec qui discuter un peu à ce sujet, je me confie.

- Et puis, y'a des moments j'ai l'impression de plus ou moins stagner. Même en suivant les cours et en travaillant à côté, j'ai la sensation que mon niveau reste approximativement le même pendant longtemps avant d'enfin réussir à atteindre un nouveau palier. Ces périodes là sont un peu décourageantes.

Ce n'est pas le cas en ce moment, je crois avoir fait de beaux progrès récemment. Mais ça l'a parfois été pendant l'année. Cependant, je suis content de ne pas avoir abandonné. Je trouve très enrichissant d'apprendre cette nouvelle langue, malgré les difficultés qu'elle me cause.

Alors que l'irlandaise expliquait ses difficultés dans l'art de communiquer avec les Vélanes, elle vit son camarade de Serpentard hocher régulièrement la tête, signe qu'il devait voir où elle voulait en venir. Et quand il lui répondit, elle comprit qu'ils étaient dans la même problématique. Après tout, les Clifford étaient des Sang-Purs eux aussi, il y avait de fortes chances qu'Antonn ait reçu une éducation similaire à la sienne, où l'on devait toujours paraître extrêmement neutre dans ses relations, du moins dans les évènements publiques. "Il faut croire que ce à quoi nous ont habitué nos parents nous desserre. Parfois, j'envie ceux qui savent être spontané." Dit-elle en retenant un soupir, soupir qu'elle laissa s'exprimer en ajoutant, "parfois." Car mine de rien, elle se sentait en sécurité à cacher ce qu’elle ressentait lorsqu'elle n'estimait pas toutes les personnes présentes sécuritaires pour elle. "Je ne sais pas trop comment on pourrait faire pour tout ça. Le charme et ce qui va avec." Poursuivit-elle.

La discussion avait enchaîné avec la logique se cachant derrière la grammaire des Vélanes. "Il y a une logique. Elle est juste différente de celle de l'anglais. J'ai du mal à l'expliquer mais... Je pense que d'avoir déjà appris plusieurs langues dont deux dès toute petite fait que j'arrive à la saisir. Mais pas encore à expliquer comment ça marche. En tout cas, si je n'en avais pas trouvé une, je n'aurais pas progresser. Je suis incapable d'apprendre pour apprendre. Sinon, j'aurais de meilleure notes en Histoire." Elle ne put s'empêcher de sourire avant de faire un signe affirmatif de la tête pour confirmer ce que disait l'anglais sur sa dernière sensation.

- "Je crois que personne n'y échappe à ça." Elle fit une moue légère. "On devrait peut-être essayer de plus travailler ensemble en dehors des cours avec Mister Carpentier. Je sais que pour le ruse et le français, c'est de parler qui m'aide beaucoup. Ca ne doit pas être bien différent." Elle releva la tête, étudiant le visage du garçon. Qu'en pensait-il?