Le moins que l'on puisse dire, c'était que Khao Sok n'avait rien à voir avec ma forêt natale de Glengarriff. Et pourtant, dès mon arrivée aux abords de la forêt vierge Thaïlandaise je m'étais sentie comme à la maison, retrouvant un festival de son, de couleurs et d'odeurs végétales, d'humidité, différent, si loin et en même temps si proche de l'Irlande. Un lieu des plus vivants, primitif - dans le sens naturel du terme - mais dévoilant sous mes yeux le plus beau des tableaux de l'évolution : la flore.

Dès que les fiançailles ainsi que les cérémonies et rituels qui suivirent furent derrière moi, je n'avais cessé de projeter de cette fois laisser derrière moi Alexander* et le reste des Îles britanniques pour toucher du doigt autant que des yeux le sujet spécialisant de mes études supérieures récemment achevées : la flore tropicale asiatique. Certains au sein du clan avaient alors émit des réserves quant à mes projets : aucun O'Landeir n'avait jamais quitté les Îles britanniques depuis la migration celtique en Irlande, soit depuis toujours ou presque. Pourtant, la bénédiction de grand-père en poche, personne n'avait évidemment osé remettre en cause l'aval de l'incontesté patriarche et, quelques mois plus tard, j'étais la première de nous tous à poser les pieds sur les berges de l'Asie.

Pourtant, mes pensées étaient déjà à milles lieues d'une telle réflexion, et je n'avais pas non plus de temps à perdre à fustiger l'absence de vision d'une partie du clan. Non, le voyage ne faisait que commencer, une aventure pour une unique finalité : étendre ici mes connaissances pour continuer notre mission et préserver les plantes d'Irlande et d'ailleurs.





*Moïra parle ici d'Alexander Joyce (Sr), le grand-père de.. et bien, Alexander. Mes excuses pour la confusion.

J'avais fait jouer de mes contacts - beaucoup, longtemps - pour organiser ma première véritable expédition dans l'une des plus anciennes forêt primaire du globe, mais j'avais également poliment refusé toute proposition de sorciers thaïlandais ou britanniques sur place. J'étais seule sans l'être dans ce cœur naturel qui m'entourait et me faisait face, et c'était bien ce que je désirais.

Le moins que l'on puisse dire, c'était que ma progression n'était pas très rapide. Mais cela importait peu : je notais scrupuleusement toutes ces informations que je n'avais pas pu obtenir lors de mes études et surtout, balisais sur parchemin les meilleurs lieux s'offrant à moi pour l'étude ou le prélèvement de toutes les essences d'intérêt. Je venais à peine arriver, mais je le savais déjà au plus profond de moi, je reviendrais. Ne serait-ce que pour compléter l'objectif que la fortune de mon fiancé et futur mari m'aidera à accomplir : ma propre serre magique.

Au bout de deux semaines d'exploration forestière, j'avais déjà plus vu et plus écrit que lors de mon dernier semestre à l'IMSM. Je m'étais arrêtée un jour ou deux auprès d'un regroupement d'Acacia Auriculiformis, typiques des forêts tropicales thaïlandaises, autour desquels j'avais pu observer un nombre impressionnant de petits singes rieurs. Je me souvenais sans peine de la sensation plaisante d'observer l'écorce fissurée de ces acacias culminant à plus de trente mètres de haut, leurs milliers de longues feuilles en forme de faucilles. Tout en eux, de leur tronc penché aux petites fleurs jaunes parfumées, avait réussir à m'emporter dans un petit paradis tropical asiatique. Quand je serais mariée, il faudrait absolument que j'essaie d'en faire pousser en Écosse.

Au cœur de ces trois premières semaines d'expédition, je peux bien l'avouer, Khao Sok regorge d'espèces fongiques que, loin d'ici, en Grande-Bretagne, nous pouvons à peine évoquer tant nous manquons d'informations à leur sujet. Je ne sais même pas si la moitié d'entre elles ont été décrites par les moldus des lieux, encore moins par nous autres sorciers britanniques. C'est d'ailleurs l'une de ces espèces de champignons qui m'intéresse particulièrement, ou plutôt le genre Lentinus des forêts Thaïlandaises. Ce n'est pas anodin si c'est ici que je choisis de mener ma première expédition : un de mes contacts m'a affirmé qu'avec un peu de temps et beaucoup de chances, il y'avait encore nombres d'espèces de Lentinus qui n'avaient pas encore été décrites en ces lieux - trop bien cachés, trop sporadiques, voire qui étaient encore confondues parmi d'autres espèces du genre, par manque d'observations.

Je devais y remédier. L'exploit serait ainsi peut-être suffisant pour convaincre le reste du clan de s'ouvrir aux forêts et végétaux du monde entier. Mais, comme prévu, cela n'allait pas être facile. J'ai pu observer de nombreuses espèces de Lentinus, mais toujours aucune nouveauté à l'horizon. Je dois aller plus loin. Mais je ne désespère pas, loin s'en faut : il me reste encore plusieurs centaines de kilomètres carrés à explorer. Cependant, plus tôt dans la soirée, une pluie intense a commencé à tomber. J'ai trouvé refuge dans une grotte qui ressemble plus à une ouverture rocheuse qu'autre chose, mais c'est le mieux que je puisse trouver ici. Normalement, cet épisode pluvieux ne devrait pas durer trop longtemps.


RPGWRIMO : 262