Eileen était heureuse ce jour-là d'errer dans les couloirs en compagnie de sa préfète. Elles avaient sympathisé peu de temps auparavant au sujet d'une nuit étrange qu'avait vécu la benjamine. Elles avaient alors toutes les deux pu évoquer un rêve commun : celui d'échanger avec Helena Serdaigle, le fantôme de leur maison.

Cette dernière était tellement discrète que les deux jeunes filles n'avaient pas encore pu la rencontrer. Eileen voyait en elle une tranche d'histoire et se rendait compte de la chance que ce serait de pouvoir échanger avec le fantôme de sa maison. Elle savait cette Dame triste et avait bien conscience qu'elle aimait le calme et le tact. En échangeant avec elle, la rouquine espérait pouvoir rencontrer son héroïne et ferait tout pour ne pas la contrarier. Elle voulait simplement la remercier de veiller sur sa maison et peut-être lui parler de sa vie de fantôme. Ce serait sûrement intéressant de savoir comment elle vivait son statut et de connaitre sa vie en tant que telle.

Aussi, lorsqu'elle s'était mis en tête de partir en quête de cette Dame, Eileen avait été heureuse de savoir qu'elle serait accompagnée par une personne plus posée qu'elle. Elle avait souvent tendance à être trop enthousiaste... et ne voulait pas le moins du monde être une gêne pour celle que l'on appelait la "Dame Grise" mais qu'elle se refusait à appeler ainsi. Dans son esprit, elle était une grande dame, qui avait souffert de son vivant d'un malheureux concours de circonstances et méritait elle aussi d'accéder au bonheur.

Se tournant vers son aînée, elle lança :
- "Tu crois qu'on pourra la trouver par ici ?"

Ellana marchait en compagnie d’Eileen dans les couloirs. Elle ne savait pas réellement pourquoi elle avait accepté cette balade, sans doute était-ce sa curiosité insatiable qui avait parlé et qui avait voulu qu’elle en découvre plus sur le mystérieux fantôme qui hantait le dortoir des filles. Au moins, maintenant que les examens de fin d’année étaient finis, elle n’avait plus que ses révisions en tête et elle pourrait se concentrer sur cette quête de la vérité. Elle avait tenté de trouver une explication rationnelle à la présence qu’avait ressenti la première année le jour où elle était venue la voir, quelques jours auparavant, mais rien ne correspondait sur tous les points. Peut-être avait-elle mal cherché, peut-être n’était-ce qu’un fait de l’imagination de cette fille – mais elle aussi avait ressenti il y a quelques temps cette sensation d’apaisement quand elle avait fait un cauchemar qui l’avait réveillée, malgré la lavande d’Erin et l’attrape-rêve que lui avait offert sa petite sœur.

Avec le temps et les années, la brune avait appris à connaître le château comme sa poche, mais étonnamment, elle ne savait pas exactement où elle avait le plus de chances de trouver la Dame Grise, le fantôme qu’elles cherchaient pour lui poser quelques questions, notamment comment on pouvait se camoufler dans les couloirs et passer inaperçue. Les couloirs étaient grands, longs et labyrinthiques, et les repères difficiles à placer, mais ça ne voulait pas dire qu'elle ne savait pas où chercher pour le coin le moins fréquenté de cet endroit... Elle en connaissait quelques uns, où peu de personnes passaient et ils étaient par ailleurs plutôt en haut du château, la Tour Nord surtout de ce qu'elle savait. Ou alors, les souterrains où il ne devait pas y avoir grand monde, mais c'était sans elle pour s'y aventurer. Un frisson lui parcourut l'échine rien qu'à y penser.

- Je sais pas. La Tour Nord, j'pense qu'y'a pas beaucoup d'gens qui vont là-bas ? demanda-t-elle à sa camarade, en retour à la question qu'elle lui avait posée.

Depuis son arrivée en septembre dernier, Eileen avait pu circuler dans pas mal d'endroits du château pourtant elle ne pensait pas encore le connaitre suffisamment. Il fallait avouer qu'elle passait le plus clair de ce temps entre les salles de classe, la bibliothèque, la salle d'étude, la grande salle, sa salle commune et l'extérieur. Elle adorait la volière, la tour de l'horloge, le parc, les serres notamment la N°6 où elle rencontrait régulièrement sa chère Mochara pour lui raconter ses aventures. Elle aimait se balader auprès des animaux du parc, regarder la nature s'épanouir et varier au fur et à mesure des saisons... Bref... Lorsqu'elle avait un moment de libre, elle était plutôt soit chez les Serdaigle, soit dehors... Elle n'avait jamais pris le soin d'explorer le Château. Un tord, peut-être qu'il lui faudrait réparer lors de sa prochaine année en ses murs...

Elle ne connaissait pas plus que ca la Tour Nord car elle n'avait jamais eu l'occasion de s'y rendre.
- "Je crois ne pas encore avoir été dans cette Tour... Je ne peux pas te dire."

Elle n'avait jamais réfléchi à l'endroit où pouvaient séjourner les différents fantômes du château même si elle restait fondamentalement curieuse, elle avait préféré s'intéresser aux vivants pour débuter sa scolarité... puis les jours et les mois avaient passé trop vite...

Heureusement qu'Ellana ne se perdait pas dans les dédales de l'école, l'irlandaise avait encore beaucoup à apprendre ! et pas qu'en cours !
- "Je sais qu'elle n'aime pas qu'on la dérange. J'espère qu'elle ne nous en voudra pas si on la trouve..."

La jeune fille n'aimait pas être une source de souffrance quelconque, elle s'inquiétait des sentiments du fantôme de sa maison, alors même qu'elle ne l'avait encore jamais rencontré. Elle espérait qu'Elle ne les trouverait pas trop indiscrète et qu'Elle accepterait d'échanger avec elles.

Suite à sa proposition d'aller voir si la Dame Grise se trouvait dans la Tour Nord, un endroit du château où il y avait la salle des runes et le bureau du concierge, de ce que la jeune fille en savait, elle entraina sa camarade à travers les couloirs, essayant de ne pas se perdre : elle n'aurait vraiment pas l'air maligne si les escaliers lui jouaient encore des tours. Parfois, elle regrettait un peu le monde sans magie, où tout était parfaitement prévisible -du moins, dans une certaine mesure, quelqu'un ne déboulait pas avec des objets qui volaient à sa suite- et où les escaliers ne se déplaçaient pas. Si elle avait mis autant de temps à se repérer dans le château, c'était en grande partie à cause d'eux, et elle ne comptait plus se faire avoir, maintenant qu'elle avait réussi à se faire une carte mentale des lieux.
Si son père avait été là, elle était certaine qu'il aurait été impressionné par l'architecture du bâtiment, et lui, il aurait fait des plans, des cartes, et en moins de deux jours, il aurait pu se repérer parfaitement dans le château, comme elle en trois ans. Passionné par l'architecture et le design, Gustave aimait particulièrement visiter les anciennes constructions comme des châteaux forts et des églises, pour voir comment ils avaient été construits et imaginés.

- La Tour Nord, y'a les cours de runes donc y'a pas beaucoup d'monde, surtout qu'il n'y a plus cours, expliqua-t-elle à sa camarade, qui ne semblait y être jamais allée. "J'pense pas qu'elle soit méchante" continua-t-elle plus bas, comme si elle avait peur que le fantôme de sa maison s'avère être en réalité un monstre qui sauterait à la première occasion pour leur faire du mal. Chassant ces pensées, elle regarda un peu tout autour d'elle, se demandant où un fantôme aimant ne pas se faire trop repérer pouvait se cacher. Derrière une armure ? Ce serait vraiment étrange... Ou alors, à un croisement où il n'y a jamais personne, car c'était un petit couloir sombre et étroit ? Peut-être, mais existait-il seulement ce type de couloir ? Tandis qu'elle réfléchissait, la jeune fille marchait en silence, un peu perdue dans ses pensées qui déviaient comme un bateau vogue au fil de l'eau. A présent, elles étaient tournées vers son père, ayant envie qu'il voit l'endroit où elle vivait quotidiennement. Peut-être que Lyna, avec son nouvel appareil photo magique pourrait prendre des photos. Mais ce ne serait jamais pareil que de voir en vrai les grands et multiples couloirs, et la silhouette impressionnante du bâtiment s'élançant vers les cieux.

Si la fin de l'année scolaire était synonyme de nostalgie voire de mélancolie pour la plupart des élèves de Poudlard, ce n'était pas le cas pour les fantômes qui erraient entre ses murs – du moins en ce qui concernait Helena Serdaigle. Cette dernière appréciait dans une certaine mesure les élèves de sa propre maison, voire certaines têtes blondes et moins blondes quand elles faisaient preuve d'un minimum de jugeote, mais n'échangerait pour rien au monde le calme des derniers jours, pendant lesquels les élèves profitaient du beau temps dans le parc ou sur le bord du lac.

Helena pouvait ainsi aller où bon lui semblait dans le château, sans avoir à se préoccuper du manque de politesse d'un couple en plein rendez-vous galant ou d'un première année se croyant tout permis avec les esprits. Quelle ne fut donc pas sa surprise lorsque, au beau milieu de sa conversation avec un tableau, elle aperçut deux élèves de Serdaigle déambuler dans les couloirs. De meilleure humeur qu'à l'accoutumée du fait de la fin d'année scolaire, elle les apostropha, un sourcil arqué marquant sa curiosité : "Mesdemoiselles, que faites-vous encore à l'intérieur ? Vous feriez mieux de profiter du soleil dehors. Il n'y a rien de mieux qu'un peu de lecture en compagnie du calmar."

Lorsqu'Eileen fut interrompue dans sa conversation avec Ellana par celle qu'elles recherchaient toutes deux, elle n'en crut pas ses yeux. Soudain, elle était là, face à elles. Et en plus elle les apostrophait avec gentillesse ! L'irlandaise sourit à la remarque avec le calamar. Cette rumeur devenait plus que persistante, il faudrait qu'elle s'y intéresse de près !

La jeune fille s'était vite remise de sa surprise et laissa là sa réflexion sur l'habitant du lac. Elle se demanda quelle était la meilleure façon de saluer un fantôme. Elle ne voulait en aucune façon froisser son interlocutrice.
- "Bonjour madame, c'est un plaisir de vous rencontrer ! Je m'appelle Eileen et voici Ellana..." en désignant sa camarade. "J'espère que nous ne vous dérangeons pas" continua-t-elle en présentant d'un geste le tableau avec lequel le fantôme discutait.

Puis, en guise de réponse à la question :
- "J'adore lire dehors, c'est un de mes pêchers mignons.... mais j'avoue que nous espérions toutes les deux vous croiser aujourd'hui... nous vous cherchions...."

L'Aiglonne ne savait trop comment mettre le sujet sur le tapis. Elle d'habitude si sociable se trouvait, une fois n'est pas coutume, un peu perdue. Comment être franche sans froisser son interlocutrice ?
- "Nous avons eu une drôle de rencontre dans le dortoir des filles. Nous aimerions des réponses et vous pouvez probablement nous aider... est-ce que ca vous dérangerait si nous vous posons quelques questions ?"

La rouquine attendait le ventre noué la suite des évènements.

Les couloirs vides étaient une des choses qu'Ellana aimait le plus au château -avec l'immense parc. Elle aimait faire ses rondes nocturnes, profitant du silence de ces endroits qu'elle connaissait si bien. Les couloirs de la Tour Nord, eux, n'étaient pas très prisés non plus et c'était surtout pour ça qu'elle avait proposé à Eileen de faire un tour dedans. La première année était une jeune fille enthousiaste et semblant beaucoup aimer bavarder, mais elle avait attisé la curiosité de la plus âgée, en lui parlant d'une sorte de fantôme-oiseau du dortoir des filles de Serdaigle.

Alors qu'elle marchait dans les couloirs, déambulant à la recherche du fantôme de sa maison pour en apprendre plus sur les entités ancestrales qui l'habitait, elle la vit. Helena Serdaigle. La Dame Grise. Devant elle, le fantôme qu'elle voyait à de rares occasions, le même fantôme qui aimait aller dans des coins reculés du château, là où il n'y avait pas grand monde. Sans même y faire attention, elle se rendit compte qu'elle fixait l'être qui se tenait devant elle, et c'est Eileen qui prit les devants, expliquant toute leur situation. Ellana, elle, demeura coite. Elle n'osait pas parler devant ce fantôme qui l'impressionnait, et c'est seulement au bout d'un certain temps que les paroles de la Dame Grise parvinrent à son cerveau. A chaque fois qu'un fantôme lui parlait, elle avait l'impression d'être reprojetée à la première fois où elle en avait vu, et ça lui faisait encore bizarre de se dire que de tels êtres existaient. Si elle avait rapidement assimilé d'autres aspects de la magie, celui-là restait un des plus impressionnants. Trois ans, ce n'était pas assez pour s'y faire.

- Bonjour... murmura-t-elle finalement, rougissante et détournant le regard une fois sa contemplation terminée. Elle n'osa pas dire un mot de plus, intimidée par cette présence.

"Plaisir partagé, Miss, plaisir partagé...", répéta Helena avec un doux sourire. Elle était tout bonnement impressionnée par la politesse de la plus jeune fille qu'elle avait en face d'elle. "Oh ne vous en faites pas, nous avions terminé, n'est-ce pas Augustus ?" Helena fit un signe de tête au personnage du tableau comme pour lui dire au revoir et glissa vers les deux élèves pour se mettre à leur hauteur. Ainsi donc, les deux Serdaigle la cherchaient ?

"Me chercher ? Je dois dire que je ne m'y attendais pas. Mais dites-moi tout, ce que vous racontez m'intrigue..." La curiosité naturelle de l'héritière de Rowena s'était éveillée dès que les mots « drôle de rencontre » avaient été prononcés. Il faut dire que son état de spectre l'empêchait d'avoir une once de surprise dans son quotidien monotone au château. Elle s'en accommodait, certes, mais une petite aventure de temps en temps pouvait avoir le don de la rendre plus guillerette qu'à l'ordinaire. "Le dortoir des filles... Je n'y passe que trop peu souvent. Je vous en prie, dites-m'en plus pendant que nous marchons ensemble." Près des deux jeunes filles, Helena fit face au couloir et amorça un mouvement vers l'avant, en invitant ces compagnes de promenade impromptues à la suivre.

Ellana semblait plutôt timide en présence d'Helena Serdaigle. C'est qu'il y avait de quoi être impressionnée. La plupart des gens aurait probablement penser à sa mère. Bien sûr, elle avait un sacré palmarès, en dehors même du fait qu'elle était une des fondatrices de Poudlard. Or, Helena avait beaucoup à apporter en elle-même. Depuis le temps qu'elle déambulait dans le Château (l'irlandaise refusait de se dire qu'elle "hantait" car elle trouvait un air péjoratif à ce mot connoté "fantôme qui fait peur" qu'elle connaissait bien avec les histoires irlandaises), elle avait du vivre plein d'aventures, voir plein de choses, côtoyer de grands noms. Tant de siècles passés, tant d'expériences et de savoirs, et elle acceptait de parler à deux jeunes filles, elles ! C'était un sacré honneur !

Eileen fut donc particulièrement heureuse de voir que le fantôme de sa maison les engageait à la conversation. Ce n'était pas tous les jours qu'une telle discussion était possible, aussi se promit-elle d'en profiter !

Et en plus, elle lui proposait gentiment de réaliser une ballade en même temps. Quoi de mieux que de discuter en marchant ?
- "Et bien voilà..." débuta-t-elle en même temps que la promenade. "Nous sommes plusieurs filles à avoir vécu à peu près la même situation ces derniers temps et je pense que vous pouvez nous éclairer de vos lumières."

Elle prit une profonde inspiration et se lança :
- "Il y a peu, j'ai fait un cauchemar. Quand j'ai voulu me rendormir, j'ai vu une silhouette d'oiseau au-dessus de mon lit. Et j'ai ressenti comme un apaisement, comme quand Maman me rassurait après un cauchemar. Et il y a eut un léger filet d’air accompagné d’un bruissement, comme le battement d'ailes d’un oiseau ! Après ca, j'ai dormi comme un bébé ! J'en ai parlé avec ma préfète" désigna-t-elle Ellana "car je pense qu'il y a un oiseau fantôme dans le dortoir des filles qui nous apaise et nous rassure après un cauchemar" débita-t-elle à toute vitesse.

S'arrêtant au milieu du couloir, la rouquine demanda, presque suppliante tant elle espérait ne pas devenir folle :
- "On s'est dit que vous qui connaissez tous les mystères du Château deviez savoir ce qu'il se passe. Est-ce que vous pensez que j'ai rêvé comme mes camarades ?"

Intimidée par la présence du fantôme, Ellana ne pouvait s'empêcher de se dire que la "personne" qui se tenait devant elle avait plusieurs siècles de vie -de mort ?- derrière elle. Fille d'une des fondatrices du château, elle l'avait certainement vu à ses prémices et voilà que, des dizaines et des centaines d'années plus tard, elle était toujours là, à errer au coin des couloirs. Elle avait dû en voir grandir, des enfants ! Y en avait-il certains qu'elle connaissait mieux que d'autre, certains à qui elle faisait des petites faveurs, quand ils étaient encore à Poudlard ? La Dame Grise ne semblait toutefois pas trop dérangée de leur présence ; un premier point qui rassurait Ellana. Elle s'en serait voulu si Helena était en train de faire autre chose et ne voulait pas les voir.

Quand le fantôme prit une direction dans les couloirs -menant vers un endroit encore plus reculé ou vers la lumière du parc ?-, la brune la suivit. Elle n'allait pas souvent dans la Tour Nord. A vrai dire, ce n'était qu'une fois par semaine, pour ses cours de runes, et elle ne s'amusait généralement pas à se balader autour. Elle connaissait un ou deux chemin pour se rendre à la salle où elle avait cours, qui se situait dans les hauteurs du château, mais pas bien plus ; Poudlard ne lui avait pas encore livré tous ses secrets.
Tandis qu'Eileen expliquait ce qui les avait menées à venir rendre visite à Helena Serdaigle, la troisième année l'écoutait.

- Et euh... c'qui est bizarre, c'est que plusieurs personnes disent avoir ressenti de l'apaisement après un cauchemar. 'Fin, si c'était qu'Eileen, on aurait mis ça sur des hallucinations mais... c'est bizarre qu'on... Elle s'arrêta une seconde puis se reprit "que plusieurs filles aient eu cette même sensation." compléta-t-elle.