Suite de "la tête dans les étoiles [péripétie]" (ici)
Dimanche 3 mai 2045,
@Aelle Bristyle,
Troisième année.

Quand on y réfléchit c'est vraiment agréable de discuter avec Bristyle quand elle n'est pas énervée. J'ai presque l'impression qu'elle est de bonne humeur soudainement comparé à précédemment. Quand elle continue à discuter de la visualisation, je lui jette un coup d'oeil et me replonge ensuite dans l'observation du ciel.

Elle a l'air si austère et calme à ce moment là. C'est très impressionnant pour moi. Je mijote un instant ses mots. J'ai l'impression de m'être tellement entrainée à la visualisation que c'est plutôt les gestes et mon énergie qui sont difficiles à canaliser pour lancer un maximum de sortilèges. Pourtant, je sais que j'ai fait beaucoup d'effort et que j'aurais potentiellement des soucis par la suite avec celle-ci. Je suis heureuse que cela ne soit pas le cas pour le moment.

- Priddy nous l'avait bien expliqué, je trouve. C'est une bonne prof. J'aime bien la visualisation de l'imprégnation parce qu'il faut imaginer deux choses à la fois. Notre sort qui entoure l'objet et puis aussi ce que va faire le sort.

Je jette un coup d'oeil à ma petite pierre colorée qui m'attend devant mes genoux et je souris d'un sourire qui doit se ressentir dans ma voix.

- J'y arriverai certainement moins bien avec un caillou que j'connais moins !

Cela me fascine la manière dont la magie fonctionne. Et je commence à réaliser que cela ne se passe pas pareil pour tout le monde. Le ressenti n'est certainement pas le même... Je lui pose alors une question, peut-être me répondra-t-elle ?

- T'as déjà eu des problèmes avec la visualisation toi ?

Encore merci d'avoir bien voulu continuer d'écrire avec moi !

Dimanche 3 mai 2048 — très tôt le matin
Parc — Poudlard
7^ème année


C'est la première fois depuis longtemps que la nuit n'est pas mon ennemie. J'ai beau sentir la fatigue pulser contre mes tempes, je ne me sens pas mal à l'aise entourée des ténèbres comme je le suis ; aucun cauchemar ne me soumet à ses dures lois. Je crois que je pourrais même mettre à penser à elle sans craindre que mon coeur se détache pour dégringoler quelque part au fond de mon corps. Heureusement, Dwight me donne l'occasion parfaite pour ne pas me laisser aller à ma nostalgie : elle évoque le prénom de notre professeure de Sortilèges.

Je hoche doucement la tête. Oui, c'est une bonne professeure. Oui, j'aurais aimé la connaître plus tôt, certainement. Je continue d'écouter la jeune fille mais je me rends soudainement compte, comme lorsque parfois on s'extirpe brutalement de nos rêves pour réintégrer la réalité, qu'à la fin de l'année je n'aurais plus jamais l'occasion de la voir. La pensée passe dans mon esprit, y laisse un sillon puis disparaît au profit d'autre chose.

Je baisse les yeux sur le caillou de la Poufsouffle. Je secoue la tête, perplexe.

« Ça a rien à voir avec ton caillou, la raillé-je en levant un sourcil étonné. C'est qu'un caillou, ce serait pareil avec n'importe lequel. »

Comment a-t-elle pu se mettre dans la tête que sa connaissance d'un caillou pourrait changer le contrôle qu'elle a sur lui ? Je secoue la tête avant de m'intéresser à sa dernière question.

« Tout le monde en a un jour ou l'autre. Mais ça arrive de moins en moins avec l'entraînement. »

Mais ça ne disparaît jamais : la visualisation demande un effort et il encore plus ardu quand il s'agit de sortilèges inconnus.

Je suis heureuse de la continuer avec toi !

- J'essaierai avec un autre caillou alors pour voir !

Je pouffe à ses côtés, réellement détendue. Ce n'est pas ce qu'elle va dire qui va affecter ma croyance. Un sortilège d'imprégnation doit justement imprégner un objet, si on ne le connait pas bien, comment est-ce que ça peut aussi bien marcher ? Pour l'instant j'ai juste du mal et il me faut beaucoup de concentration mais je sais que j'y arriverai un jour, la connaissance de mon objet sera forcément importante pour moi.

- Mais j'pense que ça a une importance même si elle est petite ! Pour moi, un artefact c'est un objet précieux et plus les sorts qu'on utilisent dessus sont complexes, plus faudrait le connaitre bien.

Ma fougue est de retour et je souris à pleines dents comme une imbécile heureuse. Je parle avec des étoiles dans les yeux, toujours en ne la regardant pas mais en regardant le reflet des étoiles sur le lac. Ma voix est un peu plus basse que précédemment quand je reprends mes mots.

- La connaissance de mon caillou est un peu nulle mais si c'était quelque chose de plus compliqué... Pour visualiser l'imprégnation, c'est évident pour moi que ça serait plus important. Chacun son interprétation j'imagine.

Je suis tout de même surprise de savoir qu'elle a eu un jour du mal avec la visualisation. Est-ce que c'est à cause d'une méconnaissance du sujet ou du sortilège ? C'est vrai que pour certains sorts il est difficile de savoir comment l'aborder. Mais de mon côté, je trouve que nos sorts suivent notre imagination et que c'est le plus intéressant.

- Le plus amusant dans la magie c'est qu'avec de l'imagination et avec le savoir de ce qu'on veut faire on peut tout faire.

Oh misère je pensais qu'elle resterai calme...

Je suis le déroulé de sa réflexion en l'observant d'un air plus que perplexe et affligé. Mais que raconte-t-elle ? Sa remarque parfaitement juste à la fin n'efface malheureusement pas le reste.

« Oui, lui soufflé-je d'une voix pressée, on peut faire tout ce qu'on veut faire avec le savoir et l'imagination. Et la puissance. Et les compétences. C'est ce qu'il y a de fabuleux avec la magie mais... »

Je secoue la tête, fronce les sourcils et la regarde avec plus d'attention encore.

« En imprégnation, c'est pas tant l'objet ou l'artefact qu'il faut connaître que les sortilèges que tu utilises, dis-je d'une voix sûre. Peu importe que tu connaisses par coeur les aspérités sur ton caillou ou que tu saches le dessiner les yeux fermés. Regarde. »

Sans sa permission, j'attrape ledit caillou qui repose devant elle. Je le garde dans ma paume ouverte et pointe ma baguette dessus. Je ferme les yeux et me soustrais au monde qui m'entoure, comme je l'ai déjà fait des centaines de fois. Je ne me préoccupe pas de son regard ou de ce qu'elle pourrait dire. Je me plonge en moi-même et prends tout le temps qu'il faut visualiser le caillou se recouvrir d'une fine couche de magie. Je n'ai pas besoin que ce soit parfait mais je préférerais que ça le soit.

« Wingardium Leviosa. »

Le caillou s'élève dans l'air et je sens qu'il restera à voler ainsi quelque temps sans que je n'ai à le contrôler. Je pose ma baguette dans l'herbe pour le prouver à ma camarade.

« Tu vois ? Je connais rien de ton caillou et pourtant j'ai réussi. » J'observe la pierre d'un air songeur avant de me tourner soudainement vers elle : « Ça va s'arrêter bientôt. Tu pourras continuer d'essayer de l'imprégner toi-même. »

Oh misère, je pensais qu'elle ne serait pas orgueilleuse...
Au moins sont-elles l'une et l'autre intéressées par la discussion, c'est plutôt un bon point.

L'attention que me porte Bristyle me trouble un peu mais j'essaie d'emmagasiner tout ce qu'elle me dit. Je continuerai à être plus à l'aise avec un objet que je connais parfaitement et si mon caillou est bien banal, s'il me faut un jour enchanter un objet plus complexe pour le faire fonctionner, je pense que bien le connaître me permettra de mieux réussir.

Mais cette fois, je ferme ma bouche. Surtout quand je la vois attraper sa baguette et me subtiliser ma petite roche. J'ouvre grand les yeux et j'observe ce qu'elle fait. Mon petit caillou qui finit par s'envoler non loin de nous me fait sourire. C'est évident qu'elle allait réussir à faire la même chose que moi. Mais je suis heureuse de voir la petite pierre voler. Toutefois, cela contredis totalement ce que j'ai dit quelques instants plus tôt et il va falloir que j'admette que la connaissance de l'objet n'est pas le plus important.

- Mouais t'as pas tord. Mais tu pense que ça joue même pas si jamais tu veux faire fonctionner des objets plus compliqués ? Genre si ton imprégnation elle permet de faire fonctionner un objet... Mmh Je sais pas, un balai peut-être ? C'est pas mieux de connaitre un peu l'objet quand même ? Je sais que je serais plus à l'aise de lancer mes sorts sur des objets que je connais bien mais... Bon ça montre que t'as raison.

Je montre la pierre de ma main pour lui montrer que je suis quand même d'accord avec ce qu'elle me dit. Je regarde le caillou avec une hâte certaine. J'ai envie qu'elle s'arrête de voler pour la faire bouger moi aussi.

On ne changera pas nos petites de toute manière !
En espérant que cet échange puisse continuer !

Mon regard acéré trouve le chemin vers son visage quand elle avoue avoir eu tort — en avouant que j'ai eu raison : cela m'étonne toujours, les gens capables d'accepter qu'ils n'ont pas raison. C'est si rare. Ça me tranquillise de savoir qu'elle est prête à m'écouter et à accorder un temps soit peu d'importance à ce que je raconte. Je ne supporte pas ceux qui sont incapables de m'écouter sans m'opposer une farouche résistance ; il n'y a rien qui m'agace davantage que ça. Mais elle, elle accepte et elle discute. Et elle ne prend pas tout ce que je dis pour l'exacte vérité. Plutôt crever que d'avouer que j'aime autant le fait qu'elle avoue avoir eu tort que le fait qu'elle poursuive sur sa lancée. Les gens qui abandonnent leur point de vue dès que j'expose le mien me sont aussi insupportables que ceux qui ne savent pas changer d'avis.

« Pour que l’imprégnation soit parfaite, il faut savoir de quoi est fait l'objet et pouvoir le visualiser entièrement, évidemment, mais le connaître dans le sens où tu le dis, ça sert à rien. »

J'observe le caillou flotter entre nous. Il me serait facile de lui faire subir d'autres sortilèges et de lui ordonner de tourner en orbite autour de nous durant toute la durée que j'exigerais.

Je lève la tête vers la voûte céleste ; voilà une nouvelle étoile filante qui file à travers la toile obscure.

« Au final ce qui importe, c'est la façon dont tu ressens ta propre magie. Si pour toi c'est important... » J'affiche une petite moue désabusée, sans tourner les yeux vers elle. « Tu vas perdre du temps et c'est pas très utile, mais si ta magie a besoin de ça pour bien fonctionner, faut l'écouter. »

Je l'écoute religieusement. Mon sourire étire toujours mes lèvres et j'ai à nouveaux envie d'essayer de faire voler mon caillou.

- Mmh j'vois. J'y penserais plus tard, c'est une bonne idée. J'arrive pas encore à le faire bouger tout seul mais du coup je vais me concentrer plus sur ma magie que si le caillou.

Je regarde la petite pierre voler et j'en sort une autre d'une nouvelle couleur. Je ferme les yeux. Et j'imagine ma magie envelopper la petite roche. Je veux que mon lancer soit parfait. Je veux qu'elle vole aux côtés de ma première pierre. Une fois que je sens la magie prête à jaillir, je tapote le caillou avec ma baguette.

- Wingardium Leviosa.

Et soudainement, la petite pierre vient s'installer aux côté de celle que Bristyle avait déjà installée. Mon sourire s’agrandit. J'espère que ça va tenir assez longtemps. Alors je dépose ma baguette à côté de moi.

- Tu ressens quoi quand tu fais de la magie ? Moi j'veux que ma magie elle sorte et fasse plein d'étincelles !

C'est à cet instant que d'ici deux mois, je ne la reverrais certainement plus. Mes yeux s'écarquillent un peu. Je dois absolument profiter de cette occasion de discuter avec elle ou je ne la reverrais jamais... Et dans un autre sens... Je réalise qu'il y a une autre personne que je ne reverrais plus après deux mois... Will...

Mon sourire devient plus fâde quand j'attends sa réponse et je regarde les étoiles. C'est triste d'avoir autant d'écart avec ceux que j'admire le plus magiquement pour l'une et... presque amoureusement pour l'autre... Je passe une main dans mes mèches et ne dit plus rien sur le moment alors que quelques secondes plus tôt j'étais prête à l'accabler de questions.

J'arrache mon regard du ciel pour regarder l'enfant lancer son sortilège, le menton posé sur mes genoux. Elle se débrouille pas mal. Sa pierre rejoint la mienne ; à voir combien de temps le sortilège fera effet, désormais. Mais la meilleure façon de s'entraîner c'est de recommencer encore et encore, comprendre comment la magie fonctionne et comme on peut s'améliorer en lançant un sortilège. Toutes les occasions sont bonnes pour apprendre et pour s'entraîner. Si elle a compris ça, elle n'aura aucun mal à s'améliorer, je n'en doute pas.

Sa question me fait sourire. Très légèrement, d'un sourire qui se camoufle aisément dans le noir de ce début de matinée. Ce que je ressens quand je fais de la magie ? Je ressens tellement de choses. Parfois, j'ai l'impression de tenir le monde au creux de la main... Et de pouvoir en faire tout ce que je désire. Cela me fait ressentir une impression de puissance unique qui me rend ivre de joie. D'autres fois, elle me réchauffe l'intérieur du corps et me donne l'impression de me réjouir comme une enfant face à un joli jouet — j'ai l'impression que c'est la seule manière possible de vraiment sourire à la vie : ressentir sa magie. Pour moi, elle est l'un et l'autre. Le pouvoir et la beauté. La puissance et la joie.

« Je ressens de la puissance et de la joie. »

Je passerais sous silence le besoin qui va de paire avec le reste. Le besoin de ressentir ces choses, de les ressentir toujours plus fort. Je tourne de nouveau les yeux vers le ciel.

« C'est tout ce que tu attends de la magie ? demandé-je alors d'une voix sincèrement curieuse. Qu'elle t'amuse, qu'elle fasse des étincelles et qu'elle soit belle ? »

Excuse-moi pour ce retard !

Je ne sais pas pourquoi je suis aussi calme en sa présence et pourquoi j'ai autant envie de discuter de jolie magie avec elle. Je sais qu'elle n'en a certainement rien à faire de ce que je lui demande mais elle me rassure régulièrement et m'encourage à continuer malgré son air bourrin et stressant. Mon regard se perd dans les étoiles en attendant qu'elle me réponde et la fatigue revient à moi. Il est probable qu'enchanter ma pauvre pierre m'ait fatiguée et l'heure tardive n'a certainement pas aidé.

Elle me répond. Une réponse appréciable. C'est totalement ce que je voudrai ressentir et je sais que je ne veux pas que ma magie soit calme. Je la veux pleine de couleurs, bruyante. Je le sais depuis longtemps et le fait d'imaginer un échange avec Walmamba pour l'année prochaine me rapproche encore plus de cette vision de la magie qui me plait temps. Un bâillement m'échappe.

- C'est beau. J'aime beaucoup ressentir ça aussi, la joie de la magie.

Un pouffement m'échappe. J'espère que tous les sorciers ressentent la joie de la magie. C'est véridiquement quelque chose que j'adore.

- Je veux que ma magie fasse du bruit et fasse ressentir des émotions aux autres. Mmmh heuu... T'as déjà vu un feu d'artifices moldu ? Ça fait boom boom dans ton corps et tu vibres super fort. J'ai envie de ressentir ça avec ma magie.

Je souris. Je ne sais pas comment exprimer mes émotions mais juste le fait d'en parler, je ressens une chaleur au fond de moi et je suis réveillée tout d'un coup. J'ai envie de sauter, de danser et de faire voler une tornade de cailloux. En parlant de caillou, celui-ci flotte toujours doucement entre nous deux.

- Je veux faire de la magie bruyante mais gentille et jolie.

Désolée pourle retard ! Charlotte me passionne, je veux écrire plus ! Si elle vibre, elle me fait vibre avec.

C'est beau, dit-elle. Un sourire sans joie m'étire les lèvres. Je secoue la tête en tournant le visage à l'opposée d'elle. Si elle dit que c'est beau, c'est qu'elle n'a pas compris ce que j'ai voulu dire. La puissance à laquelle je pense n'est pas belle. Elle est splendide et incroyable, dangereuse et fabuleuse, mais elle est pas belle de la façon dont l'entend une gamine comme elle. Ce n'est pas le but et ce n'est pas non plus ce que j'ai envie de faire de la magie. Mais elle ne sait pas, cette fille, elle ne sait rien des envies tapies dans les creux sombres de mon esprit. Si elle avait la moindre idée, elle ne serait pas assise aussi sereinement à mes côtés.

Je hausse vaguement les épaules à sa question. Un feu d'artifice moldu ? J'en ai déjà aperçu par la fenêtre de chez Narym quand il habitait à Londres. Des éclats dans le ciel au loin, les soirs de fêtes, surtout durant l'été. Comme les feux d'artifice magiques, mais beaucoup moins beaux et impressionnants, évidemment. Et toi, ai-je alors envie de lui demander, as-tu déjà vu un feu d'artifice magique ? Si elle vibre déjà avec du moldu, qu'est-ce que ce serait avec du magique ? Une explosion dans son corps ! Malgré moi, l'image m'éloigne des ombres attirantes de mon esprit.

Je secoue une nouvelle fois la tête, cette fois-ci plus amusée qu'autre chose. Elle a une façon de dire les choses, elle. Pas étonnant venant d'une personne qui a envie de faire ça de sa magie.

« Bruyante, gentille et jolie, » je répète à mi-voix. Je regarde Dwight. « Une magie qui te ressemble, quoi. »

C'est un peu ennuyeux, même si c'est louable comme envie. Sur le même principe, comment la mienne pourrait-elle être décrite ? Impressionnante, vulgaire, violente. Cela me plait. Je garde cependant ma réflexion pour moi, ayant autre chose à dire à la jeune fille :

« C'est pas la magie qui est gentille. C'est la personne qui l'utilise. La magie est ce qu'elle est, c'est tout. »

Argh, dur de m'arrêter aussi, j'ai dépassé un peu ! J'aime beaucoup la façon qu'a Charlotte de parler de sa magie.