Inscription
Connexion

27 juil. 2023, 23:59
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
Image
Disclaimer - Avertissement
Reducio
L'œuvre que vous vous apprêtez à lire est une fiction. Une fiction au sein d'une fiction en quelque sorte. Cette dernière peut contenir des scènes violentes, des descriptions explicites, des sujets pouvant toucher certaines âmes sensibles. Dans les mentions notables auxquelles je peux penser, il y aura du sang, de la violence, de la manipulation psychologique, ou encore des discours haineux et discriminatoires envers les Né-Moldus et Sang-Pur. Si jamais un passage vous touche un peu trop, je vous prie de me contacter pour que nous puissions en discuter et trouver une solution. De mon côté, je m'engage à trouver les meilleurs compromis entre l'écriture que je souhaite faire et le tout public.

Une dernière précision avant de vous laisser tranquille, mais le personnage principal secondaire de cette histoire, Honor Brando, est largement inspiré, honteusement inspiré même, du personnage d'Honor Harrington, de la série de livres de SF éponyme. Je vous invite de tout mon cœur à aller lire cette série de livres, ou au moins les premiers, qui sont, à mes yeux, les meilleurs livres de SF que j'ai pu avoir la chance de lire.

Si vous êtes encore là, merci à vous, et bonne lecture.
Narcisse Brando et sa plume.
RÉSUMÉ
-
Si vous ne voulez pas être spoilé, ne lisez pas.
Reducio
Attiré par sa puissance magique, Narcisse est tombé sur l'ancienne directrice de Poudlard : Kristen Loewy. Accompagnée de son assistante, une ancienne camarade : Aelle Bristyle, Narcisse suit un entraînement dans l'espoir de devenir plus puissant. L'ancienne directrice passe un marché avec lui, il l'accepte et met son corps en jeu pour obtenir de nouveaux pouvoirs. Il se plonge dans les méandres de sa conscience, luttant littéralement corps et âme pour ne pas se laisser parasiter par Kristen, qui avait tout prévu.

Pendant ce temps, Georges continue ses négociations pour prendre le pouvoir sur Poudlard. Sixtine Valerion ne peut plus rester inactive. Et lorsque son poste est menacé par des pressions de son ex toxique, elle décide de démissionner pour aller le tuer elle-même. Mais sur place, un piège l'attend. Georges et ses acolytes sur place, elle ne peut rien faire. Tuséki tue Soliman en le mettant sur le dos de Sixtine, puis laisse cette dernière pour morte. Il utilisera cette attaque soigneusement orchestrée pour manipuler Elina et organiser une réunion en face à face, avec pour ordre de leur remettre Honor. Elina accepte à contrecœur, au pied du mur. Lors de la rencontre, Georges révèle ses cartes : grâce à un portoloin dissimulé, il prend d'assaut Poudlard. Un hibou part pour prévenir Kristen, grâce à un ancien système de sécurité.

Narcisse a définitivement absorbée Kristen, à son réveil, il a retrouvé son bras, obtenu de nouveaux pouvoirs, et à tous les souvenirs de Kristen. Il apprend la mort prochaine d'Aelle, elle aussi manipulée par l'ancienne directrice. Mais avant qu'ils aient pu discuter, le hibou arrive, et Narcisse se prépare à partir de toute urgence. Mais Aelle ne reste pas passive : un combat s'engage, Narcisse fait la démonstration de sa nouvelle puissance, puis il lui révèle la vérité sur Kristen. Une fois parti, Aelle retrouve Ziokomo, et réfléchit à ce qu'elle doit faire.

A Poudlard, le combat s'engage entre Georges et Narcisse. Aucun ne semble vraiment prendre l'avantage sur l'autre, mais lorsqu'Honor s'échappe des geôles pour prendre part au combat, tout bascule. Narcisse se perd dans la frénésie de la bataille, et dans sa rage aveuglée, il transperce sa mère d'une attaque mortelle, qui s'était jetée entre lui et une attaque de Georges.

C'est à ce moment qu'Aelle intervient, armée de la baguette de Sureau léguée par son ancienne propriétaire. Narcisse compte se sacrifier pour emporter Georges avec lui et en finir une bonne fois pour toute. Mais encore une fois, elle prend sa place, et déclame ses dernières volontés, avant de se laisser exploser pour vaincre Georges.

Narcisse échange ses derniers mots avec sa mère, puis la laisse partir. Il prend ensuite la relève, et se rend au Conseil, pour en finir.

Tout finit bien, mais à quel prix, et surtout, combien de temps durera cette nouvelle stabilité ?
Dernière modification par Narcisse Brando le 19 oct. 2023, 21:19, modifié 2 fois.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

05 août 2023, 16:06
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
PROLOGUE

Brusquement, Narcisse ne fit plus qu'un avec son corps. Ses pieds, foulant une seconde plus tôt les feuilles mortes de la propriété des Shell, écrasaient désormais une herbe verdoyante, balayée par les vents iodés. Ses oreilles furent les premières à fonctionner de nouveau, et le premier son qu'elles captèrent furent celui des vagues s'écrasant contre les rochers en contrebas de la côte. Puis, il se souvint qu'il devait respirer, et reprenant son souffle en inspirant brutalement, ses genoux menacèrent de flancher. Sa main s'appuya sur l'un deux, alors qu'il se plia en deux, suant à grosses gouttes malgré la fraîcheur ambiante. Il n'avait aucune idée d'où il était. Après plusieurs minutes passées à reprendre contenance, il se redressa enfin, prudemment, observant les alentours. La mer s'étendait sous ses pieds, en contrebas de la falaise au bord de laquelle il se tenait, à perte de vue.

Le ciel bleu laissant le soleil le frapper de plein fouet l'aveugla, il fut forcé de placer sa main au-dessus de ses yeux alors qu'il se détourna de cette étendue d'eau grisâtre, reflet du temps et de la saison. Après la mer, ce fut une prairie qui s'étendit devant lui. Quelque chose n'allait pas. Elle était verdoyante, comme il l'avait remarqué tout à l'heure. Partout où il était allé, l'herbe avait succombé aux températures glaciales de l'hiver, mais pas ici. Plusieurs centaines de mètres en contrebas de cette clairière, une immense forêt se profilait. Les pins furent les seuls arbres qu'il put identifier avec certitude, les autres ayant soit perdu leur feuillage, soit se présentant particulièrement déformés, voire arrachés, ou carbonisés. Une ambiance étrange régnait ici, il le sentait. Il la sentait pénétrer ses os, partir à l'assaut de son corps, tandis que tous ses sens, en alerte, tiraient la sonnette d'alarme. S'il avait décidé d'écouter son instinct, il serait retourné d'où il venait, sans demander son reste.

En continuant de scruter, ses yeux finirent enfin par tomber sur quelque chose d'humain. Une petite maison. Dissimulée entre la forêt et la prairie, il la discernait à peine d'où il se tenait, petite comme une épingle à cheveux, il était pourtant certain que cette maison en était bien une. Et pour cause, l'aura qu'il avait capté et dont il continuait de sentir les effluves provenait de là-bas. Il n'avait aucun doute. Au-delà de l'inquiétude qu'ils criaient, ses sens le poussaient dans cette direction. Sans qu'il ne puisse véritablement l'expliquer, sans qu'il ne puisse véritablement comprendre. Ses jambes agirent d'elles-mêmes, et il se mit à marcher.

Il respirait profondément, l'air iodé picotant agréablement ses narines, et désagréablement ses plaies. De cet endroit se dégageait mystère, danger, mais également une certaine quiétude. Le cri des mouettes se perdait dans le vent, ce dernier causant autant d'ondulations sur l'herbe qu'à la surface de l'eau salée de la mer. Le terrain était accidenté, et plusieurs fois, l'adolescent manqua de perdre pied, frôlant l'entorse à chaque trou plus ou moins grand qu'il foulait en avançant. À sa droite, la côte s'étendait, presque jusqu'à l'horizon, avant de laisser apparaître la mer, qui s'étendait véritablement jusqu'à perte de vue, elle. À sa gauche, cette mystérieuse forêt, dont il ne parvint à cerner ni la nature, ni l'étendue. Malgré le fait qu'il ait transplané sur le bord de la falaise, surélevée par rapport au reste du terrain, ne lui avait pas permis d'apercevoir la fin de cette forêt. Il marcha longtemps.

La maison n'était pourtant qu'à quelques centaines de mètres de là où il était arrivé, mais le voyage lui paru incroyablement long. L'épuisement accumulé de ces derniers jours le rattrapa, et avant même d'avoir accompli la moitié du trajet, il était déjà à bout de souffle, ses membres douloureux manifestaient vigoureusement leur épuisement, et la sueur trempait son dos, malgré le froid. Ses pensées commencèrent à dériver. Il pensa à son père. Il pensait souvent à lui ces derniers temps. Avec tristesse, regret, rage, parfois même frustration, mais il pensait à lui. Il pensa à sa mère. Et là, ses émotions furent nettement plus contrastées. Amour, passion, angoisse, rage et terreur. Mais depuis qu'il avait appris sa capture par les hommes de Georges, un nouveau sentiment s'était ajouté : déni. Il n'arrivait pas à y croire, et surtout, il refusait d'y penser. Il choisit de balayer ces préoccupations d'un revers de la main, préférant se concentrer sur la troisième personne occupant ses pensées nuits et jours depuis quelque temps. Georges.

Son poing se serra sous la colère, lui faisant oublier sa fatigue et accélérer le pas. Jamais, de toute sa vie, Narcisse n'avait eu autant de pulsions de violence qu'en pensant à cet homme. Il se vit lui faire endurer mille et une souffrances, avant de le tuer, il se voyait le frapper, le cogner, lui casser un bras, puis une jambe, déchaîner toute sa rage sur lui en le frappant encore et encore jusqu'à ce qu'enfin, il l'efface totalement de sa vie. Il secoua la tête, ramené à la réalité par un brusque coup de vent qui manqua de le renverser. Son bras se leva pour protéger son visage, alors qu'il relevait les yeux.

La maison n'était plus qu'à quelques mètres.

Simple et humble. Des fondations en pierre noire contrastant avec ses murs en planche brunâtres, et un toit en paille parachevais l'ambiance reclue de cette bicoque. Il fronça les sourcils, comment était-il possible qu'il ne se soit pas déjà envolé. Et la cheminée qui s'en érigeait fumait, comment n'avait-il pas encore pris feu ? Une fenêtre à hauteur d'homme sur chacun des murs, derrière lesquelles il distingua des rideaux fermés. Devant l'entrée, quatre mètres de long pour cinq de large, longeant le mur entourant la porte, un potager. Parfaitement banal, il demeura plusieurs longues secondes devant la portière, à l'observer. Carottes, choux, tomates. Il fronça les sourcils. Plusieurs choses n'allaient pas, il pouvait le sentir.

Les fruits n'étaient pas tous de saison, d'ailleurs, presque aucun ne l'était. Mais cela, il ne le remarqua pas, tout ce qu'il observa, ce fut l'absence d'ondulations chez les cultures. Le vent semblait n'avoir aucune prise sur elles, comme protégée par une espèce de dôme invisible. C'est là que son instinct fit frémir sa nuque une première fois. Un bouclier protégeait peut-être la maison. Sans le moindre doute même.

Il serra les dents, il n'avait pas de temps à perdre.

Concentrant sa magie dans sa main alors qu'elle se levait doucement, il ferma les yeux. Lorsqu'il sentit son poing vibrer comme sous l'effet d'un moteur, il avança. L'air autour de lui ondula, comme s'il venait de pénétrer une bulle sans la faire éclater. Une sensation enveloppa son bras, puis son épaule, comme anesthésiée. Sa peau picota, comme sous le coup de petites décharges électriques, et il devina que seul son bouclier le protégeait d'un destin plus funeste. Mais alors qu'il se décida à avancer, la bulle de protection éclata. Ou plus exactement, elle s'évapora. Sa présence avait été de toute évidence détectée. Il déglutit avec difficultés, avant d'ouvrir de grands yeux lorsque la véritable nature de la maison se révéla à lui, dissimulée derrière l'écran protecteur.

- Wow...

La maison n'était pas petite du tout. En réalité, elle était même gigantesque. Probablement une trentaine de mètres de long pour une quarantaine de large. Elle apparaissait beaucoup plus décrépie qu'à l'origine cependant, les murs étaient craquelés, comme les fenêtres, et quelques pierres soutenant les fondations avaient jugées bon d'élire domicile hors de leur ciment. Mais le changement le plus drastique s'observa dans le potager, Narcisse, par réflexe, fit un pas en arrière.

Toujours protégées du vent, les cultures n'avaient plus rien à voir avec ce qu'elles étaient il y a quelques secondes. Mandragores, tentacula vénéneuse, filet du diable longeant les murs de la maison, protégé par un écran de haies au feuillage mystérieux ! Snargaluff et autres plantes dangereuses... Était-ce un mini Saule-Cogneur qu'il observa à l'extrémité du jardin, isolé des autres ?! Il allait de surprise en surprise, mais ces découvertes renforçaient son impression d'être tombé exactement où il le souhaitait. Il s'apprêta à faire un pas, après avoir renforcé sa détermination et renforcé sa volonté, lorsqu'il se racla brusquement la gorge.

- Hrm. Bonjour ? Pardonnez-moi de vous déranger. Je... je ne voulais pas vraiment pas débarquer de cette manière. Vous ne me connaissez pas, je ne vous connais probablement pas, mais... J'aimerais vous parler. Un bref instant, je vous supplie de me l'accorder.

Il attendit. Longtemps. Plusieurs secondes, qui se transformèrent en minutes. Prenant une grande inspiration, Narcisse décida de se rendre jusqu'à la porte, devant laquelle il s'arrêta. Il leva les yeux, son poing suivit le même mouvement. Une pensée fugace traversa son esprit et le fit sourire : pourquoi levait-on le poing pour toquer aux portes ? On pouvait parfaitement le laisser à hauteur de hanche, pas vrai ? Ce n'est pas pour autant qu'il le fit, et il avança son poing. Un frisson s'empara de lui, mais avant qu'il n'ait le temps de réagir, la porte s'ouvrit sous le contact de ses doigts. Sa gorge se serra, son cœur s'accéléra, une silhouette se dessinait dans l'encadrure.

- Bordel de...

Leurs voix se mélangèrent, impulsées par la même surprise qui prit Narcisse la personne qui se tenait face à lui au corps. Des yeux en amande, marrons d'un éclat lumineux sous les reflets du soleil, effaçant les nuances noires s'y dessinant. Il recula d'un pas, la femme ouvrit plus largement la porte. Narcisse secoua la tête, partagé entre joie intense, surprise totale et inquiétude. La seule chose qui avait changé chez Aelle, c'était la manière dont elle entretenait ses cheveux. Autrefois en carré au niveau des épaules, les voilà attachés en queue-de-cheval basse, dégageant sa nuque et le bas de son visage. Dans n'importe quelle autre situation, il l'aurait trouvé jolie, mais en cet instant, le regard noir qu'elle lui lança raviva toutes les raisons qui avaient poussé Narcisse à venir jusqu'ici. Était-elle la détentrice de l'aura ? Il huma l'air, comme si cela pouvait l'aider à l'identifier. Non, elle n'était pas seule, son instinct hurlait de terreur lorsqu'il projetait sa magie à l'intérieur de cette maison. Il observa qu'elle tenait sa baguette, et lui faisait face de trois-quarts, souple sur ses appuis. Il prit une grande inspiration, elle ne lui laissa pas le temps de parler.

- Brando ?! Par Merlin, qu'est-ce que tu... Non. Non, j'en ai rien à cirer, juste casse-toi.

La ténacité avec laquelle elle n'avait pas changé d'un iota depuis qu'il la connaissait aurait pu faire sourire Narcisse. En l'occurrence, l'air qui se mit à onduler entre les deux sorciers ne lui donna aucune raison de ne serait-ce que se laisser aller à un tic de lèvres. Il n'avait jamais vraiment eu peur d'elle, alors qu'il aurait dû. Il l'avait toujours vu comme une amie, même si la réciproque n'avait jamais été vraie. Simple connaissance de Poudlard à une époque, elle était devenue l'élève d'Honor durant presque un an. Ils ne s'étaient pas tant rapproché que ça durant cette période, au grand désespoir du Narcisse de l'époque.

Mais il n'était pas là pour recoller les morceaux, pas aujourd'hui. Sa voix gronda, bien malgré lui.

- J'ai pas le temps de jouer avec toi Aelle.

Il fit un pas dans sa direction, elle se braqua, et leva sa baguette en éclair. Son visage était fatigué, tiré, courbaturé d'égratignures et de légères brûlures et ses yeux étaient cernés, mais la voix qui s'échappa de sa gorge et les flammes brûlant au fond de ses yeux ne laissèrent aucune place au doute.

- Casse. Toi.

Elle pencha la tête sur le côté.

- C'est pour ton bien, vraiment.

Il y a encore seulement quelques mois, Narcisse aurait ri de cette situation. Il aurait désamorcé la tension avec un sourire et des excuses, en donnant ses explications le plus franchement du monde, innocemment candide, le regard brillant d'étoiles.

Aujourd'hui, même Aelle laissa filtrer sur son visage l'expression de sa surprise lorsque son regard croisa celui de l'adolescent. Aucune émotion ne pouvait se lire sur ses traits. Une ombre occulta son visage, ce dernier se dégageait de la pierre. Et ses yeux éteints ne reflétaient plus la moindre étincelle ni de joie, ni d'angoisse, ni de peur, plus rien. Deux petits trous noirs dans son crâne, ne reflétant que le visage de la jeune femme qui l'observait. Elle fronça les sourcils lorsqu'une lumière blanche naquit doucement au creux de ses iris, illuminant le haut de son visage. Un tic agita la lèvre inférieure de l'adolescent.

- C'est pas toi que je veux voir.

Elle était plus petite que lui, il leva les yeux pour regarder derrière elle, avant de faire un autre pas. La baguette d'Aelle fendit brusquement l'air. Une explosion de lumière grisâtre aveugla Narcisse, et il se retrouva brutalement projeté plusieurs mètres en arrière. Il se réceptionna sur ses pieds, sa chemise déchiré suivant un long trait sur sa poitrine, laisse bâiller une longue coupure dégoulinante de sang. Un sourire mauvais déforma ses lèvres lorsque ses yeux blancs se dirigèrent sur elle.

- Oh putain... ça se sentait que t'attendais ça...

En un battement de cœur, l'air autour de Narcisse s'électrisa. Refoulant la douleur, serrant les dents, la main devant son visage, les doigts crispés autour de sa paume, il fondit sur Aelle en poussant sur ses jambes. Déchirant le sol au-dessus de son passage, il disparut sous les yeux de la jeune femme, esquivant un nouveau sort qui laissa un trou béant dans la terre, avant de se matérialiser devant elle. Son poing vola comme la foudre, visant son menton, pour la mettre hors de combat en un coup.

La tête d'Aelle disparut de la trajectoire, et le poing termina dans l'encadrure de la porte qu'il fracassa dans un grand bruit en projetant des morceaux de bois. Il ne retira pas son poing, l'expression de son visage changea. Une tristesse se dessina sur ses traits, tandis que ses yeux s'éteignirent.

Aelle était saisie d'une quinte de toux caverneuse la pliant en deux, manquant presque de la faire convulser. Sans réfléchir, il la rattrapa par l'aisselle, ignorant copieusement la manière dont elle se débattit en tentant vainement de respirer au milieu de la toux. Narcisse vit le sang couler le long de son menton, s'accumulant derrière la paume de sa main. Ses genoux cédèrent, il l'accompagna dans la chute, termina une rotule sur le plancher, l'observant avec un mélange d'inquiétude et de perplexité. Plusieurs secondes s'écoulèrent, durant lesquelles elle ne put cesser d'expectorer ses poumons. Le son aurait pu faire croire qu'elle se déchirait la trachée à chaque toux. Narcisse s'apprêta à ouvrir la bouche, sentant une inquiétude grandissante bondir dans sa poitrine.

- Tu me déçois, Aelle.

Son cœur manqua un battement. Ses oreilles se mirent à bourdonner, les bordures de sa vision s'obscurcirent. Une terreur sourde explosa dans sa poitrine, un long frisson glacial partant de la base de sa nuque se répandit dans le corps de l'adolescent. Il n'osa plus faire un geste. Tous ses sens hurlaient, son instinct criait à l'aide, suppliant Narcisse de bouger, de fuir, de faire, ne serait-ce qu'un geste pour sauver sa vie. Tout ce qui l'entourait disparut soudainement, toute son attention focalisée sur l'origine de cette voix sinistre, faible, mais grave, qui le faisait trembler jusque dans ses fondements.

La respiration courte, le dos et le visage pris soudainement d'une poussée de sueurs froides, l'adolescent, dans un effort proprement surhumain, se força à lever le regard. Des bruits de pas s'avancèrent, il vit des mocassins s'arrêter juste à côté d'Aelle et de lui. Il serra les dents, et se leva lentement, son regard suivant les jambes puis le corps de l'inconnue. Sa nuque le brûlait, son cœur menaçait de sortir de sa poitrine. Ses yeux avaient de nouveau viré blancs, et de la paume de sa main s'échappait quelques étincelles de la même couleur, de par eux-mêmes. Son corps agissait de lui-même, il s'était mis en position de combat par réflexe, tous les sens à l'écoute. Elle portait une simple blouse de soie, ainsi qu'un pantalon de costume noir. Entre ses doigts couturés de cicatrices, il frémit en reconnaissant la baguette de sureau. Lorsqu'il croisa son regard, il ne vit rien d'autre durant une seconde qu'une paire d'yeux bleus, semblant plonger en lui, sondant profondément son âme. Il avait déjà vu des portraits de Kristen Loewy, mais il ne s'était pas attendu à jamais la rencontrer en vrai.

Reflétant un calme absolu, aucune émotion ne sous-tendait son visage, mais Narcisse sentait que s'il faisait, ne serait-ce qu'un mouvement un peu trop brusque, ou s'il avait ne serait-ce qu'une parole de travers, c'en serait fini de lui. Une mèche blanche attira son regard. Son visage était squelettique, presque fantomatique, mais malgré son apparence maladive, il ne la voyait pas comme affaiblie. D'un même souffle, tous deux penchèrent lentement la tête sur le côté, tels des serpents se jaugeant avant de frapper. Leurs souffles se synchronisèrent, l'air entre eux vibrait en se distordant, des étincelles noires et blanches grésillèrent dans l'air qui les séparait. Aucun ne bougeait. Alors que la tension de Narcisse menaçait de lui exploser les vaisseaux sanguins, il observa brièvement, avant qu'elle ne la fasse s'évaporer d'un clignement d'yeux, une goutte de sueur se former à la base de ses cheveux. Et alors, imperceptiblement, presque sans mouvement de la part de ses lèvres, un sourire déforma les commissures de sa bouche.

Il hocha doucement la tête.

- Madame. Je suis Narcisse, Narcisse Brando, et...

- Je sais qui tu es.

L'adolescent dissimula sa surprise et retint au dernier moment son haussement de sourcil, lorsque la toux d'Aelle s'amplifia. Lorsqu'il baissa le yeux vers elle, elle se releva d'un bond, tremblante, les genoux faibles, menaçant de céder à tout instant, braquant à nouveau sa baguette sur le visage de Narcisse. Il détourna doucement le regard de Kristen, son inquiétude reprenant le dessus.

- Kof, kof... ca... casse-toi ! Kof kof...

Alors que l'adolescent s'apprêta à la désarmer calmement, il vit la main de Kristen voler jusqu'à l'épaule de la jeune femme. Elle s'y posa à une vitesse impressionnante, Aelle se figea, reprenant doucement sa respiration. L'ancienne directrice était plus grande qu'elle, et elle se pencha pour lui chuchoter à l'oreille.

- Aelle, et si tu allais faire du thé.

Ni Aelle, ni Narcisse ne purent contenir leur surprise. Aelle se tourna violemment dans la direction de Kristen, Narcisse haussant les sourcils, perplexe, et surtout très curieux. Il sentait la colère de son ancienne camarade, il la voyait trembler de rage, il pouvait entendre toute la frustration de sa voix.

- Mais... Kristen, c'est... Tu ne vas pas...

- J'ai dit, vas nous préparer du thé.

D'une injonction dissimulée, elle passa à un véritable ordre. Narcisse n'en revenait pas. S'il avait bien retenu une chose de ses interactions avec Aelle, c'était qu'elle était probablement la pire tête brûlée qu'il connaissait. Mais cette surprise n'était rien à côté de celle qu'il ressentit lorsqu'il la vit obéir ! Elle lui lança un regard noir certes, et elle trépigna sur place, le visage déformé par la colère face à une Kristen de marbre, mais elle finit par s'éclipser ! Il ne put s'empêcher de la suivre une seconde du regard, avant de se souvenir face à qui il était. Il expira longuement par le nez, tournant légèrement la tête. Les mots se bousculaient dans sa gorge, envahissant sa langue, la saturant. Tourner autour du pot n'avait jamais été son genre, et malgré toute l'inquiétude qu'il ressentait pour son amie, il n'arriva pas à changer de sujet.

- Je vous cherchais.

- Je sais.

Là, il ne put s'empêcher de froncer les sourcils sans dissimuler l'expression de son visage. Il la regarda en face. Elle jeta un regard dans la direction où était partie Aelle, avant de le regarder à nouveau.

- Je ne laisse personne harponner mon esprit gratuitement.

Un sourire naquit lentement sur ses lèvres, et Narcisse ne put s'empêcher de le lui rendre. La lumière blanche au fond de ses yeux disparut, s'évanouissant telle une ombre éclairée par le soleil. Puis, sans qu'il s'y attende, sans qu'il ne puisse anticiper le mouvement de l'ancienne directrice, son index fendit l'air entre eux pour venir délicatement effleurer la pointe de son menton. Il frissonna, n'osant réagir.

- La curiosité est un vilain défaut.

L'adolescent se racla la gorge en détournant le regard. La tension était toujours là, mais quelque chose le calmait. Il ne sentait aucune animosité chez elle. Cependant, il se méfiait, car il savait qu'il était mauvais pour lire les gens, il ne se faisait par conséquent plus confiance pour se laisser désarmer. En cet instant, il était toutefois transcendé, la présence de Kristen le stimulait, le poussait dans ses retranchements. Son esprit lui souffla la réponse, avant même qu'il n'ait pu la conceptualiser. Il plongea ses yeux noirs dans les siens.

- Et alors ? Vous allez m'aider, ou pas ?

Aucune réaction, aucun mouvement, pas un souffle ni un mouvement du visage. Elle plissa lentement les yeux. Il sentit quelque chose s'insinuer en lui, malicieusement, indiciblement, comme si elle tentait de le déchiffrer. Il ne se défila pas, lui rendant son regard de la manière la plus directe. Après plusieurs secondes, elle croisa les bras sur sa poitrine en haussant un sourcil.

- Fort bien, je vais t'aider. En échange, je ne veux qu'une simple chose, une toute petite chose.

Ce fut au tour de Narcisse de hocher un sourcil, il tourna la tête.

- Je vous écoute.

Elle sourit. Dans un bruit de tissu, elle leva la main gauche, refermant tous ses doigts, sauf son index squelettique, qu'elle braqua sur Narcisse, au niveau de ses yeux. Sa voix doucereuse et grave, presque enjôleuse, chanta à nouveau aux oreilles de l'adolescent.

- En échange, je te veux, toi.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

05 août 2023, 16:08
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE PREMIER

Le bruit de la plume griffonnant sur le papier emplissait le bureau du Président d'un son tout à fait mélodieux à ses oreilles. Vêtu d'une chemise en soie, d'une veste bordeaux et de sa célèbre cape rouge sang bordée de dorures lui couvrant le côté droit du corps, Georges Tuséki se retenait d'éclater de rire. Les derniers mots scellant le sort de l'école de sorcellerie Poudlard étaient en train d'être couchées sur papier, et il en frémissait d'impatience. S'il s'était révélé fort contrarié à l'annonce de la capture de la terroriste moldue par le personnel de l'école, une semaine plus tard, cet élément représentait désormais pour lui un atout indéniable. S'il la jouait fine, et qu'il prenait son temps, le contrôle de l'école lui tomberait dans le creux de la main sans même qu'il ait à lever le petit doigt. Depuis quelques jours et quelques nuits, à coup de lettres, de missives et d'entretiens, petit à petit, les négociations avançaient. Ce que voulait l'homme était simple : l'école de sorcellerie Poudlard devait abandonner sur-le-champ toute indépendance pour basculer sous le contrôle du Conseil des sorciers. Et ce que voulait la directrice de l'école était tout aussi simple : le Conseil devait maintenir le cap, et ne pas fourrer leur nez dans leurs affaires.

Les arguments en faveur de Tuséki et ses alliés s'entassaient un peu plus chaque jour qui passait. Incapacité de contrôler ses élèves, refus de contrôler les statuts de sang, ingérences dans les affaires politiques, impossibilité pour le Conseil de vérifier les statuts des professeurs et leurs compétences. Un sourire déforma les lèvres de Georges, dégageant ses dents qui luirent dans l'obscurité de son bureau, seulement éclairées par le candélabre posé à côté de lui. Puis, aussitôt l'appréhension et l'impatience du succès à venir savourées, aussitôt elles furent balayées par une violente douleur qui enflamma son flanc. Il avait oublié de contrôler sa respiration. Un filet d'air passa entre ses dents lorsqu'il se laissa tomber sur le dossier de sa chaise, ses mains allant se poser pour appuyer sur sa cicatrice pour appuyer dessus, il ferma les yeux. Puis il se mit à réfléchir.

Malgré le fait que les cartes étaient en faveur de Georges, le fait que l'école détenait la moldue était pour le moment une menace. Georges voulait à tout prix récupérer Honor. Il voulait la briser elle-même, il voulait la voir céder devant lui, il voulait l'entendre supplier, et il allait prendre son temps. La missive qu'il rédigeait à l'instant était le dernier ultimatum adressé à la direction de Poudlard. Ils pouvaient encore abandonner la moldue aux mains des brigades magiques, et la passation de pouvoir se ferait en douceur. Son regard fixait le plafond. Il laissa s'écouler plusieurs minutes, immobile, attendant que la douleur passe.

- Maudite garce...

Petit à petit, l'homme gagnait des voix auprès du Conseil, et il était à deux doigts d'obtenir la majorité pour voter la prise de Poudlard en cas de force majeure. La missive qu'il écrivait était un audacieux coup de bluff, il ne pourrait mettre la menace à exécution uniquement lorsqu'il aurait fait craquer les derniers récalcitrants du Conseil. Les nouvelles têtes au sang frais qui remplaçaient les anciens membres étaient tous du côté de Georges. Étonnamment, la résistance venait des anciens sièges. Il serra les dents, avant de lever son bras pour violemment claquer le bois de la table, agrippant la feuille sur lequel il était en train d'écrire pour le froisser, puis le déchirer. Il n'était pas encore temps. Il ne devait pas se hâter. Il prit une lente et longue inspiration, très doucement, pour ne pas tirer sur les tissus cicatriciels. Son regard glissa sur la table, désormais tapissée de morceaux de parchemin, pour poser ses yeux sur une petite fiole verte, contenant un liquide d'un mauve sombre.

L'antidote à ses maux. Les meilleurs potionnistes, alchimistes et chercheurs avaient mis au point cette potion, pour permettre à l'organisme de Georges d'évacuer les balles qui lui pourrissaient la vie. Voilà une autre raison de prendre son temps... Les soigneurs avaient prédit plusieurs semaines de guérison. L'explication technique était incompréhensible, mais pour résumer, durant ces semaines, Georges allait littéralement pisser de l'acier. Il ferma les yeux en serrant les dents en repensant à la douleur cuisante qui lui arrachait hurlements et poussées de sueur à chaque passage au cabinet. Quel embarras. Il avait déjà pris la dose maximum cette semaine, mais il rongeait son frein, il voulait guérir vite, et il voulait retrouver cette moldue, et son fils. Il attendait d'ailleurs le rapport du groupe de policiers qu'il avait envoyé chez la famille Shell. On les avait rapatriés dans un état lamentable, et ils étaient totalement incapables de rendre compte du moindre fait. De plus, Narcisse, Dianne, et Ella avaient tous trois disparus dans davantage d'explications. Georges avait donc dû, encore une fois, attendre.

On toqua à la porte, Georges se redressa, balayant les morceaux de parchemin du plat de la main, avant de rajuster sa chemise puis de croiser les mains sur le bureau.

- Entrez.

La lourde porte en ébène noir s'ouvrit fluidement, et Georges eut le plaisir d'observer Saphyr, la sous-brigadière du groupe qu'il avait envoyé. Enfin, elle s'était remise, et s'affichait de manière présentable. Son visage couturé d'égratignures, ses os brisés, son corps déformé, il retint une grimace rien qu'au souvenir de cette vision. Quelle humiliation. Il s'adossa à sa chaise, sans inviter Saphyr à s'asseoir. Un léger froncement de sourcils déforma ses traits lorsqu'il l'observa boîter en s'avançant vers lui jusqu'à se retrouver à un mètre de son bureau. Il croisa ses mains en posant ses coudes sur la table, avant de l'inviter à parler d'un haussement de sourcils. Elle se racla la gorge, l'air visiblement confuse et embarrassée.

- Hrm. Président, je viens faire mon rapport.

- Je vous en prie.

Il se délecta de la petite surprise qu'il put lire sur son visage lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'allait pas pouvoir s'asseoir. Elle se raidit, cherchant une position plus ou moins confortable à tenir debout, avant de se mettre au garde-à-vous, les bras le long du corps.

- Comme demandé, nous avons rejoint la maison Shell le plus tôt possible. Nous avons questionné Miss Shell, et je me suis rapidement rendu compte qu'elle nous menait en bateau. Nous avons donc... procédé à un interrogatoire plus approfondi. Mais...

Elle déglutit avec difficulté. Georges lut la peur sur son visage, la honte, la surprise, mais surtout le déni, comme si elle refusait encore de croire ce qui s'était passé.

- Mais, le sang-pourri était là. Il avait pris en otage la famille Shell, et s'en est servi pour nous prendre par surprise. Lorsqu'il a vu que nous n'étions pas là pour... les protéger, il est sorti de sa cachette.

Une nouvelle déglutition, une goutte de sueur roula le long de sa tempe, elle ne l'essuya pas.

- C'est... c'était... Monsieur, c'était incompréhensible.

Le visage de Georges s'assombrit, il devint dur et froid, tandis qu'il se pencha lentement sur son bureau, s'appuyant sur ses bras pour regarder plus en détail Saphyr. Elle baissa le regard, sa voix se mit à trembler.

- Il... En un éclair, il nous a tous mis hors de combat. Je, je n'arrive plus à me souvenir exactement... Mais, Guillaume, il l'a tué. Je... me souviens... je crois, il était au sol, et... et Guillaume a supplié, mais le sang-pourri l'a juste tué. Et...

Plus le regard de Georges appuyait sur elle, plus sa voix se brisait, plus elle tremblait. Elle prit une grande inspiration en rassemblant son courage.

- Et quand on s'est réveillé... la famille Shell avait disparu. Et... la suite, vous la connaissez. Monsieur.

Un long silence pesant fit place au compte-rendu de la sous-brigadière. Un léger grondement s'échappa imperceptiblement de la gorge de Georges, qui s'était levé, les bras croisés dans son dos. Son regard transperçait la policière. Un sentiment de dégoût profond mêlé à une fureur indicible lui piquait l'arrière de la gorge. Comment osait-elle se présenter face à lui de cette manière ? Comment osait-elle lui soumettre un tel rapport ? Comment avait-elle osé perdre face à un sang-pourri ?! Voilà donc tout de quoi était capable cette police ? Elle reprit la parole, un fond de panique perçant dans sa voix, la sueur recouvrait désormais l'entièreté de son visage, Georges avait envie de vomir.

- Tout est allé trop vite ! Nous ne nous...

- Assez.

Sa voix gronda, faisant trembler l'air autour de lui jusqu'aux vitres de son office. Saphyr blêmit en baissant le regard, se mordant les lèvres jusqu'au sang, laissant échapper un cri retenu au fond de sa gorge. Georges pencha lentement la tête sur le côté, son index tapotant lentement la paume de sa main. Puis il baissa le regard pour regarder sa nouvelle baguette posée sur son bureau.

32,5 centimètres, en bois d'if, un cœur en plume d'Oiseau-Tonnerre. D'un rouge-orangé nacré, quelques reflets vermillons parcouraient la longueur du manche. Il n'avait pas encore eu l'occasion de la tester. Un sourire mauvais déforma ses lèvres, tandis qu'il décroisa les bras pour les ramener au niveau de ses hanches, laissant ses mains pendre le long de son corps. Il se racla la gorge en faisant rouler ses épaules, avant de déposer ses mains sur son bureau, la paume droite non loin de sa nouvelle baguette.

- Laissez-moi résumer, que je sois certain de bien comprendre...

Sa voix était mielleuse, douce, presque enjôleuse, mais une tension sous-tendait les tons graves de cette voix en apparence innocente. Il se redressa lentement, sa main empoignant discrètement sa baguette. Saphyr continuait de regarder le sol, elle avait croisé les mains dans son dos, peinant à respirer. Les pas de l'homme résonnèrent sur le sol marbré, les talons de ses bottines Richelieu claquant le pavé. Il déclama sa litanie sans même regarder la policière, les bras le long du corps, sa baguette dissimulée par sa cape.

- Vous deviez vous rendre au manoir Shell pour retrouver le sang-pourri. Vos ordres étaient ensuite de finir de nettoyer cette famille de traîtres, en mettant cela sur le dos du jeune Brando.

Il passa dans le dos de Saphyr qui détourna la tête en fermant les yeux de toutes ses forces. Ses ongles pénétrèrent les paumes de ses mains, elle se mordit la langue pour ne pas crier.

- Il s'avère que le sang-pourri était bien avec cette famille, comme je l'avais prédit, mais vous voulez me faire croire que cette lopette est celui qui les a pris en otage, puis qui vous a écharpé sans difficulté apparente. Et ce, tout en laissant l'un de nos brigadiers se faire tuer.

Ses pieds se plantèrent à côté de Saphyr, à quelques centimètres d'elle, puis il se baissa pour murmurer à son oreille.

- Et puis, évidemment, vous avez laissé filer, et le sang-pourri, et la famille de traîtres.

Ses lèvres se rapprochèrent de son oreille, il perçut son frisson.

- Aurais-je omis quelque chose ?

Elle hocha frénétiquement la tête, inspirant régulièrement par à-coups. Pas un mot ne s'échappa de sa bouche, Georges sentit toute la honte et la terreur qui se dégageait d'elle. Mais il continua de la fixer, ses yeux gris la transperçant sans pitié. Après plusieurs secondes, elle hocha de nouveau la tête, laissant échapper sa voix brisée et sanglotante.

- Non Monsieur ! C'est... c'est exactement ça ! Je vous demande pardon pour mes hommes ! Pitié !

Un sensuel frisson de plaisir parcourut la colonne vertébrale de Georges lorsqu'enfin, il la sentit se décomposer face à lui. Voilà le vrai visage de cette femme. Il se demandait même ce qu'une femme faisait à un tel poste. Comment les mentalités avaient pu se dégrader et s'affaiblir au point d'en venir à nommer des êtres faibles et vulnérables pour ce genre de métier. Au fond, ce n'était pas de sa faute, lorsqu'on chasse le naturel, il revient au galop, pas vrai ? La preuve était que depuis que Poudlard avait une directrice au lieu d'un directeur, absolument tout allait de travers, n'avait-il pas tort ? Mais désormais, pour Georges, il était plus que temps de remettre un peu d'ordre. Il se redressa en inspirant profondément, humant les effluves de peur et le parfum de cette brigadière. En d'autres circonstances, il aurait peut-être pu lui trouver quelques utilités et s'amuser avec elle mais... En l'occurrence, une seule envie le démangeait.

Il se détourna d'elle, et il put l'entendre reprendre sa respiration, visiblement soulagée. Une remontée gastrique visita le fond de la gorge de l'homme. Cette faiblesse le dégoûtait. Il s'assit sur le bord de son bureau, laissant entrevoir sa main qui tenait sa baguette. Il pencha lentement la tête sur le côté, claquant de la langue de manière désapprobatrice.

- Tsk, tsk, tsk... Allons, inutile de vous excuser.

Une inspiration différente des autres, elle redressa la tête. Son visage s'illumina imperceptiblement alors que l'espoir renaissait au fond de son cœur. Georges se délecta de cette vision, il lui lançait un sourire désarmant.

- Je suis persuadé qu'à partir de dorénavant, vous ne me décevrez plus jamais...

- Oui Monsieur ! Merci de me faire confiance ! Je vous promets de retrouver le sang-pourri et de...

- Puisque vous n'en aurez plus jamais l'occasion.

L'interrompant dans sa pitoyable reconnaissance dégoulinante, la baguette de Georges fendit l'air en sifflant. En un éclair, la policière vola jusqu'au plafond du bureau, percutant le bois à une vitesse folle. Le craquement de ses os se mêlèrent à ceux du bois, indissociables. Une gerbe de sang jailli de sa bouche tandis qu'elle se recroquevilla sur elle-même, le souffle coupé par la douleur tandis qu'elle commençait à s'étouffer dans son sang. Sans lui laisser le temps de se remettre de sa surprise, Georges abaissa d'un geste rageur sa baguette. Le corps de la femme s'écrasa sur le sol dans un nouveau craquement, elle crachat de nouveau du sang, tâchant les bottines de l'homme. Il claqua de la langue en relevant la lèvre supérieure d'un air méprisant et dégoûté, avant d'asséner un coup de pied sec dans le visage de Saphyr. Une nouvelle gerbe de sang, un nouveau craquement, une dent vola en tintant contre le sol.

Georges leva sa baguette face à son visage, elle tremblait légèrement entre ses doigts, et il la gratifia d'un sourire satisfait en hochant la tête. Elle était plus puissante que ce à quoi il s'attendait, et il appréhendait avec impatience les nombreux tests par lesquels il la ferait passer pour la soumettre à sa volonté. Son attention fut de nouveau attirée par la femme qui gémissait de douleur en sanglotant, rampant sur le sol à la vitesse d'un escargot pour tenter de s'éloigner vers la porte. La main de Georges vola à nouveau, et le corps de Saphyr se retrouva en lévitation face à lui, distordu, comme un marionnettiste qui aurait tiré un peu trop fort sur les fils emmêlés de sa poupée. Sa voix froide brisa le silence comme un pic à glace.

- Cette faute envers moi était la dernière.

L'homme plongea son regard dans celui de sa victime, en déposant presque délicatement la pointe de sa baguette sur son front.

- Sectumsempra.

Dans un bruit de lame dégainée de son fourreau, les vêtements et la peau de la femme furent tailladés. En un éclair, des cascades de sang jaillirent de son corps, aspergeant les meubles et le sol, ainsi que Georges, dont la folie de son sourire n'égalait que celle brûlant au fond de ses yeux. Dans un geste menaçant, il leva les bras, tandis que les hurlements de Saphyr étaient lentement remplacés par les gargouillements de sa gorge, elle étouffait dans son propre sang. Son bras gauche s'abaissa lourdement, le poing serré, s'écrasant puissamment contre le visage de la policière qui s'affaissa de nouveau au sol. Elle ne criait plus. Georges prit une grande inspiration en essuyant le sang de son visage avec les doigts, avant de tout nettoyer d'un geste de baguette.

- Tergeo.

Et dans un souffle, il se détourna, sans accorder la moindre attention au cadavre se vidant encore de son sang sur son sol de marbre. Passant à côté de son bureau, il s'empara de son médicament, pour le vider d'un trait en crispant le visage sous le goût atroce de la mixture. Il balança la bouteille vide qui s'explosa contre un mur, avant de fermer les yeux pour respirer, au diable la douleur, il ne pouvait plus attendre ! Il devait trouver un moyen d'accélérer les choses. Il avait envie d'abattre chaque membre de ce foutu Conseil qui n'allait pas dans son sens. Après tout, ne pas être d'accord lui, c'était quelque chose qui pouvait être comparable à de la trahison non ? Son cerveau s'agitait dans tous les sens, il cherchait désespérément un moyen de faire pression sur les membres restants, ou alors de...

Il rouvrit les yeux, avant de sortir de son tiroir deux beuglantes. Deux enveloppes blanches. D'un mouvement souple de baguette, il enregistra la première.

- À destination des nettoyeurs. Je veux mon bureau nettoyé demain à la première heure. Aucune question.

Sa plume vola, destination le département des mystères, section nettoyage. Puis la deuxième. Il en frémissait d'avance. L'idée qu'il venait d'avoir lui faisait peur, tant elle frôlait selon lui le génie. Il ne put se départir de son sourire carnassier lorsque les mots se gravèrent.

- À destination du patriarche de la famille Scott. Soliman, en guise de cadeau de bienvenue au sein de notre cher Consilium, je me disais que vous pourriez régler des comptes avec une vieille amie. Je vous donne rendez-vous demain, à quatorze heures, dans mon bureau.

Et d'un mouvement gracile de baguette, il expédia les beuglantes. Une fois ces dernières en vol, il ne s'écoula même pas une seconde avant que le rire de Georges ne retentisse dans la pièce. Un rire caverneux, mauvais, triomphant, venant du fond de sa gorge, secouant chaque fibre de son être, réveillant les moindres douleurs de ses cicatrices. Mais il s'en moquait. Ses yeux gris, écarquillés, laissaient entrevoir la flamme de sa démence jusque dans les moindres recoins des traits de son visage. Le sang-pourri venait soudainement de perdre toute son importance. Il avait joué son rôle, mais désormais, c'était terminé, il pouvait bien crever dans sa cachette où il devait probablement se terrer.

Une fois l'hilarité passée, il grogna de douleur en reprenant sa respiration, avant de sortir péniblement de son bureau en boitant. Une main tenant sa hanche, et l'autre sa cuisse. Les prochains jours allaient être particulièrement éprouvants. Mais c'était quitte ou double, il savait qu'il était capable de supporter la douleur si cela lui permettait de guérir plus rapidement.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

10 août 2023, 00:40
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE DEUXIÈME

Tom Swart était un véritable petit chenapan. Inspiré depuis toujours par sa grande sœur, Merinda, Tom, du haut de ses douze ans, de ses cheveux roux ébouriffés et dotés d'une paire d'yeux verts toujours prêt à fureter partout où il allait, ce gamin n'était en aucun cas un modèle de bonne conduite. Mais il était souriant, enjoué, et surtout, toujours partant pour une aventure. Voilà désormais plusieurs semaines que le petit tente de convaincre sa grande sœur de venir avec lui dans une de ses expéditions. Sa grande sœur, elle avait toujours été prompte à enfreindre le règlement, ses parents lui avaient raconté. Et pourtant, cette année, Merinda semblait au plus bas. Tom n'avait pas tout suivi, il avait du mal à comprendre. Il avait eu la chance de ne pas avoir été touché ni de près ni de loin par aucun des événements tragiques qui ont secoué Poudlard et le monde magique. Il savait juste que des gens étaient morts. Et la mort, c'est toujours triste, pensait Tom. Il savait que Merinda avait des problèmes avec un de ses ex, que le garçon avait rencontré il y a plusieurs années, Narcisse, il lui semblait. Il l'aimait bien, Narcisse, et il l'avait côtoyé de nombreuses fois au château. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, sa grande sœur n'arrivait jamais à lui expliquer sans fondre en larmes ou briser quelque chose.

Déterminé, donc, à lui redonner le sourire, il avait préparé son petit paquetage pour un petit voyage dans les cachots, le soir, après le couvre-feu. Il fallait qu'elle se change les idées Merine, voilà ce que le petit pensait. Et petit à petit, au fur et à mesure que la soirée s'avançait et que la pénombre emplissait les couloirs, il fut plus que ravi de voir sa grande sœur se prendre au jeu. Le plan était simple : faire le tour des cachots, sans se faire prendre, et revenir à leur salle commune comme si de rien n'était. Tom adorait sa grande sœur, et il savait qu'il ne risquait rien avec elle. Elle était même au club Prodigium, et ouais ! Et elle avait même 18 ans cette année, ça vous en bouche un coin hein ?

- Suis-moi, ne fais pas de bruit.

La voix de Merinda chuchota presque directement dans l'esprit de Tom, au détour d'un croisement, seulement éclairé par la faible lumière luisant de la pointe de la baguette de la Serpentard. Tom fut tiré de ses rêveries avant de se laisser dissimuler par un sortilège de désillusion, il regarda ses mains bouche bée de les voir disparaître.

- Wooow trop fort !

Merinda pouffa de rire, peinant encore quelque peu à se sortir la tête de ses sombres pensées, tandis que son petit frère arriva jusqu'à elle en roulades maladroites. Son cœur s'allégea. Elle ne le réalisait pas, mais depuis le début de leur petite escapade, elle avait réussi à ne pas penser à Narcisse une seule fois. Elle lui en voulait d'être parti sans lui dire. Elle lui en voulait de ne pas l'avoir emmené avec elle. Elle l'avait maudit, elle avait pleuré, elle avait hurlé de rage et de douleur en l'imaginant subir les pires atrocités. Et maintenant, il avait disparu, certains disaient qu'il était mort, elle refusait d'y croire. Pas Narcisse, pas lui. La presse n'avait pas manqué de scander haut et fort la capture d'Honor par les forces de Georges, et elle s'était sentie infiniment peinée d'apprendre que la femme qu'elle avait toujours admiré et respecté en était arrivé à de telles extrémités, mais également profondément soulagée de la savoir hors d'état de nuire. Plusieurs fois, elle avait craint pour ses parents.

Ce soir-là, son esprit était enfin libéré de toutes ces préoccupations, ne fusse que pour un temps. Tom se blottit contre ses genoux, tous deux étaient accroupis et chuchotaient, au comble de l'excitation. Il leva vers elle un regard excité et impatient, empli de défi.

- Alors, on va où maintenant ?

Elle hésita un court instant, se mordant l'intérieur de la joue pour réfléchir en plissant les yeux.

- Y'a un cachot tout au fond du couloir, il paraît que le concierge y cache quelque chose, ça fait plusieurs jours qu'on le voit souvent rôder par là.

Le regard de son petit frère ne la trompait en rien, il était incroyablement intéressé ! Tous deux hochèrent la tête dans un silence entendu, avant de discrètement prendre le chemin pour descendre plus profondément dans les cachots. Aussi silencieux que des ombres, aussi discrets que des serpents, Merinda se fit la remarque que Miss Valerion serait probablement fière d'elle. Au fond, bien caché. Elle n'en montrerait jamais rien, mais elle savait qu'elle apprécierait sa débrouille. Après plusieurs longues minutes de marche accroupie, les Swart se positionnèrent à croisement, dissimulés derrière les coins de mur. Quelque chose n'allait pas, et un frisson picota la nuque de la jeune femme.

Il manquait une porte.

Elle avait parcouru mille et une fois ces cachots, elle en connaissait le moindre recoin, la moindre porte, le moindre pan de mur. Et elle était certaine de ce qu'elle voyait : là où aurait dû se trouver une énième porte menant à un cachot, elle ne voyait que le mur de pierres grisâtres constituant presque l'intégralité des couloirs. Tom, lui, n'était pas aussi méfiant, il n'avait probablement pas réalisé ce que Merinda avait remarqué. D'un geste de la main, elle le fit venir à lui, il se glissa jusqu'à elle, rampant sur le sol, ce qui ne manqua pas de leur arracher un sourire. Elle posa son index sur ses lèvres.

- Reste ici. Fais le guet.

Il hocha la tête en imitant le salut militaire que Narcisse avait de temps à autre l'habitude de faire par réflexe. Le cœur de Merinda se serra, mais elle décida de ne plus se laisser atteindre par ses émotions. Au moins pour une soirée. Déglutissant avec difficulté, elle s'avança discrètement là où la porte aurait dû se trouver. Elle jetait des coups d'œil réguliers aux alentours, guettant l'arrivée potentielle du concierge, ou d'un quelconque adulte. Une fois face au mur en question, elle eut la confirmation que quelque chose n'allait pas. Les pierres étaient bien là pourtant, et leur contact ne laissait aucun doute, mais... Elle fit virevolter sa baguette.

- Appare Vestigum.

Aha, elle le savait. Son esprit désormais entièrement concentré à résoudre ce mystère, le sortilège de révélation de traces fut encore une fois l'un de ses plus fidèles alliés. De nombreuses traces allaient et venaient, directement en direction du mur. La porte devait être dissimulée. Elle se tourna vers Tom, et d'un geste de la main, l'intima à la rejoindre. Ce qu'il fit sans se faire prier, trop excité à l'idée de résoudre un mystère ma foi fort mystérieux. La main de Merinda vint se porter à son menton, son petit frère l'imita, mimant sa gestuelle, des étoiles au fond des yeux. Elle posa sa baguette contre le mur.

- Dissendium.

Pas le moindre doute, la porte était là. Elle laissa échapper un claquement de langue, avant de fermer les yeux pour se concentrer quelques instants. Le sortilège qu'elle s'apprêtait à lancer était l'un des plus compliqués qu'elle connaissait, mais elle n'était pas membre du Club Pridigium pour rien. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, une faible lueur brillait au fond de ses yeux verts.

- Destructum.

Quel que fût le sortilège dissimulant la porte aux yeux des jeunes aventuriers, aussi miraculeusement qu'elle semblait avoir disparu, elle réapparut dans un miroitement. Comme vibrant entre les pierres lorsqu'elle se matérialisa, Tom tomba sur les fesses en laissant échapper une exclamation ébahie, il était bouche bée. Et il fallait bien le reconnaître, la jeune femme fut prise de frissons. Tous deux souriaient comme des enfants, simplement déterminés à s'amuser jusqu'à se faire prendre, quitte à écoper d'une très sévère punition. Ce n'est pas ce qui les inquiétait, l'un comme l'autre avait le goût de la bêtise bien faite. Merinda posa la main sur la poignée, mais une vibration lui picota les doigts. Un sort protégeait encore la porte ? Décidément, quoi qu'il se cache derrière le battant, le concierge devait vraiment tenir à ce que personne ne le découvre. Pas de chance pour lui, les Swart étaient de la partie. Elle pointa à nouveau sa baguette sur la porte.

- Aberto.

Un cliquetis retentit, plus bruyant que les deux aventuriers n'auraient souhaité qu'il soit. Ils s'immobilisèrent tous les deux, serrant les dents, le visage et le corps crispés, dans l'attente de la réprimande qui ne manquerait pas de tomber d'une seconde à l'autre. Mais les secondes défilèrent, et personne ne vint. Un sourire hilare déforma le visage de la fratrie, chacun se retenait d'éclater de rire sous l'adrénaline. Tom trépignait littéralement d'impatience, il ne se fatiguait même plus à demeurer accroupi. Merinda tourna doucement la poignée, lui jetant un regard amusé.

- Honneur aux morveux ?

- Oui oui oui oui ! Allez on y va !!

Elle ouvrit la porte d'un geste fluide et uni, laissant son petit frère s'engouffrer dans le creux laissé béant par le battant.

- Merine ? Il... il fait tout noir...

Le vent glacé qui s'échappa de la pièce ne provenait-il que de l'imagination de la jeune femme ? Ou bien était-ce la voix soudainement privée de toute joie de son petit frère qui lui fit dresser les cheveux sur la tête ? Un sentiment de peur profonde s'empara soudainement d'elle, sans qu'elle ne puisse l'expliquer. Ses doigts tremblèrent, devinrent gourds, sa gorge s'assécha, sa langue devint une pierre dans sa bouche.

- Merine ?.. Tu fais quoi... J'ai peur...

Elle se ressaisit. Jetant un dernier regard aux alentours, elle s'engouffra à son tour dans l'encadrure de la porte, avant de poser la main sur l'épaule de Tome qui tressaillit. Elle le rassura d'un chuchotement, l'incitant au silence, avant de se redresser en observant ce qui l'entourait. L'obscurité était, en effet, absolue. Au même titre que le silence. Le seul bruit résonnant aux oreilles de Tom et Merinda était leurs battements de cœur. Le petit garçon serra la main de sa sœur, avant de lever les yeux vers elle, mais même à cette distance, il ne la voyait pas. Aucun n'osait ne serait-ce que respirer un peu trop fort. Une terreur sourde glissait dans cette pièce, flottant telle une brume, un miasme, dans le noir absolu. La jeune femme prit une grande inspiration, avant de lever sa baguette.

- Lumos Sagitta.

La boule de lumière aveugle un court instant les deux aventuriers, qui se couvrirent le front de leur main pour offrir un peu d'ombre à leurs yeux, le temps de s'habituer au changement de luminosité.

La paire d'yeux noisette qui se posa sur eux arracha un hurlement de panique à Tom, qui tomba à genoux, rejoint en un éclair par Merinda qui le protégea de ses bras. Le corps de son petit frère tremblait comme une feuille, son visage était recouvert de larmes, et une odeur âcre fit réaliser à la jeune femme que son petit frère venait de s'uriner dessus. Sa gorge se bloqua, alors qu'elle soutenait le regard perçant qui semblait fouiller au fond de son âme. Elle n'osait bouger, elle n'osait détourner le regard. Elle avait peur que si elle ne fasse que hoqueter de peur, sa vie s'arrête sur-le-champ. Les yeux qui la fixaient étaient injectés de sang, ils ne clignaient pas. Emplis d'une haine sans borne, d'une violence inouïe, d'une froideur polaire et d'une folie démesurée, les yeux la voyaient. Se remémorant qu'il était nécessaire pour survivre de respirer, Merinda se rendit compte, par un effort et un courage proprement stupéfiant, que toutes ces émotions n'étaient pas dirigées contre elle. Elle ne sut pas expliquer pourquoi, mais elle le savait. Elle le sentait.

Tout en affermissant sa prise autour de son frère dans un réflexe protecteur, Merinda se força à détacher son regard des yeux. D'épaisses chaînes translucides, presque spectrales, luisant faiblement d'une lumière vert pâle enserraient impitoyablement la femme suspendue à quelques mètres du sol. Ses bras et ses jambes musculeuses écartés, poignets et chevilles attachés par les chaînes, la jeune femme frémit. Elle connaissait la prisonnière. Elle connaissait ce visage, elle reconnut la cicatrice qui barrait la poitrine d'Honor.

Elle laissa échapper une expiration d'horreur, cachant de sa main les yeux de Tom, incapable elle-même de détacher son regard du spectacle macabre qui s'offrait à elle.

Le corps de la femme, déjà couturé de cicatrices, était désormais barré de multiples lacérations. Tels des serpents glissant sous sa peau, faisant écho à ceux de ses tatouages, ils recouvraient ses membres. Parfois, Merinda avait causé quelques blessures à ses camarades d'entraînement lorsqu'ils se débattaient un peu trop fortement pour se défaire des liens infligés par Incarcerem. Mais pour en arriver aux plaies à peine soignée visibles sur l'ensemble du corps d'Honor, il aurait fallu lutter d'une force inconsciente. Il aurait fallu ignorer la douleur, abandonner toute raison, et pourtant, elle n'avait aucun doute. Aucun sentiment n'arrivait à dominer le maelström explosant dans sa poitrine, elle bafouilla péniblement.

- Ho... Ho... Honor ?..

La mère de Narcisse ne répondit pas. Elle ne bougeait pas d'un iota, c'est à peine si les mouvements de sa respiration pouvaient être observés. Elle n'était pas nue, mais seuls une brassière et un short en tissu recouvraient son corps. Merinda se cacha la bouche de sa main, peinant à respirer. Elle n'aurait pas dû être là. C'était impossible. Et pourquoi était-elle ainsi entravée ? Pourquoi était-elle à ce point emplie de haine ? Son immobilité apparente contrastait de manière angoissante avec le brasier qui se dégageait d'elle. Longuement, elles se fixèrent, sans un mot. Mais là où Merinda n'osait parler, Honor, elle, choisissait de garder le silence. Son regard transperçait sans la moindre pitié la jeune femme comme si elle ne la connaissait pas.

C'est à peine si la Serpentard réagit lorsque la lourde porte s'ouvrit brutalement derrière Merinda et Tom, laissant apparaître Suileabhan et Sixtine, tous deux armés de leur baguette, apparemment aux abois, le souffle court. La professeure pointa sans hésiter sa baguette sur Honor, lançant un regard empli de colère et de déception à l'encontre de sa prodige. Si Merinda n'avait pas été à ce point bouleversée, elle aurait aisément pu y déchiffrer l'inquiétude lancinante qui se dégageait des yeux bleus de sa professeure. Le concierge agrippa les deux adolescents par le bras, les soulevant de terre sans la moindre difficulté, il irradiait de colère, mais aussi d'inquiétude, à l'image de sa compagne.

- Allez, avec moi. Tout de suite.

Ni Merinda ni Tom ne montrèrent une quelque résistance, au contraire, ils s'appuyaient avec l'énergie du désespoir sur lui, les jambes tremblantes, le petit sanglotait pitoyablement, ébranlé au plus profond de son âme. Sixtine continuait de braquer sans merci sa baguette sur Honor, la considérait à peine plus qu'un être humain tant elle bouillonnait de colère à son égard. La professeure tressaillit malgré elle lorsqu'Honor sourit, relevant doucement les yeux pour regarder Sixtine. Mais elle ne dit rien. Elle la regarda, longuement, aussi longtemps que l'ancienne Auror accepta de se prêter à ce petit jeu. Reprenant contenance en un battement de cœur, elle éteignit la boule de lumière de sa prodige, avant de faire tournoyer sa baguette en l'air, pour resserrer encore les chaînes, arrachant un grognement de douleur à sa prisonnière.

Nul mot ne fut échangé, Sixtine quitta la pièce, la porte se fondit à nouveau dans le mur, disparaissait comme si elle n'avait jamais été là. Honor ferma les yeux après quelques secondes, plongeant au plus profond d'elle-même, dans un endroit où le temps et l'espace n'avaient pas le même cours qu'à l'extérieur. Et là, dans son palais mental, elle imagina mille façons de s'échapper d'ici, et un million de manières de tuer Georges.

*
*---*

- Redites-moi ça en face, redites-moi exactement ce que vous avez osé me dire !

La voix de Sixtine Valerion faisait trembler les murs et les étagères remplies de livres qui tapissaient les murs du bureau de la directrice. Les deux mains sur la table qui la séparait de sa supérieure, elle laissait libre cours à sa fureur, tremblant presque sous le coup de l'émotion. À peine l'incident du cachot avait-il été résolu que quelques heures plus tard, un autre semblait se poser. La directrice était adossée à son fauteuil, le bas de son visage dissimulé derrière ses doigts, le regard baissé. Elle semblait encore plus ébranlée que la professeure. Les paumes claquant contre le bois la firent réagir tandis que Valerion réitérant son injonction. Elina prit une grande inspiration, avant de se pencher vers elle en croisant les mains devant son visage.

- Nous avons reçu une nouvelle lettre du Conseil.

Elle marqua un temps d'arrêt, baissant à nouveau le regard, ses doigts se crispèrent. Plus de dix jours après le début des négociations éprouvantes entre le gouvernement et l'école, Elina s'étonnait toujours de l'état dans lequel certaines de ces missives arrivaient à la plonger.

- Leurs exigences se sont étendues. Désormais, ils exigent que chaque membre du personnel né-moldu soit tout simplement renvoyé. Séance tenante.

Sixtine ne détourna pas le regard, sa rage ne diminua pas d'un degré. Sa voix grondait toujours autant, elle attendait que la directrice poursuive.

- Et... ils... demandent... à ce que... vous...

Malgré toute la prestance d'Elina, elle ne put conserver l'intégralité de sa contenance face au tonnerre de colère s'abattant sur elle. Elle déglutit avec difficulté, avant de se reprendre dans un effort colossal, plongeant son regard dans celui de Sixtine.

- Ils exigent que la professeure de défense contre les forces du mal, Sixtine Valerion, quitte également son poste.

Elle laissa planer un silence. Aussi bien pour être certaine que sa professeure comprenne que pour lui permettre de se reprendre avant de continuer.

- Toutefois, la lettre précise que si Sixtine Valerion désire continuer à enseigner à la prestigieuse école de sorcellerie de Poudlard, il lui en sera éventuellement donné l'autorisation si elle se plie à cette simple requête...

À nouveau, sa gorge se serra, les ongles de Sixtine crissèrent doucement contre le bois du bureau tandis que sa fureur ne faisait que croître, enflammant ses yeux bleus. Elina inspira longuement.

- Il lui sera demandé de répondre à la convocation de Scott Soliman, patriarche de la famille Soliman, membre du Conseil des sages, Secrétaire d'état à la Sécurité de la population sorcière. Afin que devant chaque membre de cet éminent Conseil, la professeure reconnaisse publiquement les torts causés par son comportement inqualifiable, à l'homme tenu en grande estime par notre gouvernement. Il lui sera demandé de reconnaître son comportement abusif lors de leur relation intime, d'expier ses fautes en se soumettant à un jugement par ses pairs, et de...

Elle sut qu'elle ne pourrait pas terminer avant même que Sixtine ne l'interrompe en se détournant d'elle. En apparence, rien n'indiquait que la professeure ressentait une quelconque émotion. Mais l'air qui ondulait doucement autour d'elle contredisait cet apparent calme. Par réflexe, Elina commença à se ronger l'ongle de l'index, avant de reprendre contenance en un battement de cils. Sixtine prit une longue inspiration, avant de regarder la directrice. Sa tenue était impeccable, elle se tenait droite, elle avait les mains croisées sur sa longue robe. Elle hocha la tête en direction d'Elina, qui frissonna.

- Vous n'avez pas à...

- Elina.

Par ce simple mot, ce simple geste, Elina comprit que quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise, à moins de restreindre physiquement la professeure, elle était dans l'incapacité absolue de la retenir. Elle s'adossa dans son fauteuil, passant sa main sur son visage. Sa voix était à peine plus audible qu'un soupir.

- Je vous en prie, ne faites rien d'inconsidéré.

- Me présenter face à Soliman pour sauver ma carrière, qualifieriez-vous cela d'inconsidéré ?

La directrice fut proprement ébahie. Jamais elle n'aurait soupçonné que Sixtine Valerion se plie ainsi à une simple lettre. C'était impossible, en réalité. Mais digne de la maîtresse Occlumens qu'elle était, la professeure était aussi illisible qu'un livre écrit dans une langue inconnue. De l'index, Elina tapota ses lèvres, avant de fermer le poing doucement.

- Je pense que vos élèves ont besoin de vous si les choses tournent... en notre défaveur.

Sixtine et Elina se jaugèrent un court instant, puis l'ancienne Auror se détourna dans un claquement de talons. La directrice eut l'étrange pressentiment que si elle ne l'arrêtait pas sur-le-champ, quelque chose allait mal finir. Mais si elle avait ne serait-ce qu'une chance de conserver sa professeure de défense à Poudlard, alors il fallait faire tout ce qui était nécessaire, quitte à mettre sa fierté de côté. Elle relut la lettre, son esprit de désintéressant de la question de la professeure, pour se concentrer sur celle des professeurs né-moldus... Allait-elle être obligée de se débarrasser des professeurs de soins aux créatures magiques, d'étude des runes, d'étude des Moldus, et de sa professeure de Sortilèges ?

Plongeant son visage entre ses mains, elle regretta l'absence de l'ancienne directrice. Jamais elle n'aurait hésité. Mais elle était partie, et avait laissé son ancienne élève avec un bien lourd fardeau à porter pour ses jeunes épaules.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

13 août 2023, 00:26
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE TROISIÈME

- Brando, est-ce que c'est vrai ?

Enfin. Après plus de dix jours de parfait silence, Aelle avait enfin réussi à adresser la parole à Narcisse. Leur cohabitation était pénible. Aussi bien pour elle que pour lui. Contrairement à Kristen, qui semblait s'en délecter, Aele ne prenait aucun plaisir à voir l'adolescent rester dans les parages, dormir sous le même toit qu'elle, ni même l'avoir à portée de vue. Elle avait développé un certain talent pour éviter de le croiser, limitant ses interactions avec lui au strict minimum, celles qui ne nécessitaient aucun échange verbal. Son animosité envers lui était presque palpable, sa haine, sans borne, et se pourrait-il que Narcisse ait perçu de temps à autre, une pointe de ce qu'il identifiait comme de la jalousie ? Il n'avait pas réussi à comprendre d'où pouvait bien provenir un tel ressentiment. Peut-être que sa simple présence suffisait à l'irriter ? C'était le cas autrefois, pourquoi cela aurait-il changé ?

Il poussa un profond soupir, ignorant la question de son ancienne camarade, avant de plonger sa tête dans la bassine d'eau glaciale, posée au bord de la plage longeant la falaise en contrebas de l'habitation des deux femmes. Une plage de sable noir, aux gravillons épais et coupants comme du verre, crissant sous le pas, parsemés de trous apparents à des creux d'obus. Certains étaient encore fumants de la veille. Narcisse aurait très bien pu faire ses ablutions d'un claquement de doigts, mais depuis toujours, il privilégiait le savon et l'eau. Une manière pour lui de conserver son lien avec le monde moldu dont il était issu. Mais aujourd'hui, c'était devenu pour lui le dernier lien qui le rattachait avec sa famille. Se laver. Un acte aussi simple qu'essentiel, pour lequel ses deux parents avaient contribué. Le vent froid le fit frissonner lorsqu'il ressortit la tête de l'eau claire. Il aurait pu renfiler sa chemise pour se protéger, mais cette simple morsure, cette simple douleur qui piqua ses plaies, il avait l'impression qu'il la méritait. Par cette douleur, cette pénibilité, il se sentait vivant, et il avait l'impression qu'il méritait de pouvoir prendre une nouvelle inspiration.

Le pas d'Aelle crissant sur le sable s'approcha de lui, il ne broncha pas quand elle posa sa main sur son épaule pour le forcer à la regarder. Pas un sourire n'avait vu le jour sur le visage de l'adolescent depuis qu'il était arrivé ici, son regard grave, presque mort, plongea dans celui de la jeune femme qui recula d'un pas. Mais il ne bougea pas. Il la regarda un moment, avant de faire disparaître le baquet d'un claquement de doigts, puis de faire venir sa chemise d'un autre.

- Qu'est-ce qui est vrai ?

Sa voix rauque craquait au fond de sa gorge, il n'était plus habitué à s'en servir pour un autre usage que la magie. Lui qui pensait avoir vécu l'enfer, ces dix derniers jours lui prouvaient qu'on pouvait toujours expérimenter pire. Le tissu s'accrocha à ses plaies lorsqu'il passa le bras dans la manche, laissant l'autre flotter dans le vent, vide. Aelle serra le poing, refusant de céder du terrain.

- Bordel, tu sais très bien !

Il finit de boutonner sa chemise, sans se presser, sans qu'aucune expression ne change les traits de son visage.

- Honor. C'est vrai qu'elle... Et toi ? C'est vrai ce qu'on dit ?

Il expira. Il eut envie de lever les yeux au ciel, de rire un bon coup, chassant ces problèmes d'un revers mental de la main, avant de tapoter l'épaule de son amie pour la rassurer.

- Oui.

Mais voilà, la vérité était simple. Il ne pouvait pas la rassurer, ni démentir, puisque tout était vrai. Cette nouvelle réalité dans laquelle il vivait, lui aussi aurait tout donné pour la changer. Sa main passa sur son visage pour dégager quelques mèches de cheveux trempées.

- Mais tu le savais déjà, non ? Pourquoi tu demandes ? Après tout, tu sais toujours mieux que tout le monde, pas vrai ?

Aelle blêmit, Narcisse ne se reconnut pas dans ces mots. Il parlait peu désormais, acariâtre, reclus dans son palais mental quand il ne subissait pas l'entraînement de Kristen, les seuls mots qui échappaient à sa bouche étaient bien souvent aussi coupants que les galets noirs contre le mur de la falaise grise. Elle aussi était marquée par ses esbroufes magiques, creux et traces noires se disputaient le podium. Parfois, il repensait à sa première discussion avec Kristen. Parfois seulement, il n'avait plus beaucoup de temps pour ses propres pensées.

Il se souvenait de la surprise qu'il avait ressenti, de la confusion qui s'était mêlée à l'incrédulité quand elle avait exposé ses exigences. Elle le voulait, lui. Encore aujourd'hui, il n'était pas certain de comprendre entièrement le plan de cette femme. Elle ne s'était pas fatiguée en explications. Tout ce qu'il avait compris, ou pensait avoir compris, c'est que son corps l'intéressait, mais nullement dans le sens sexuel du terme. Elle avait également exprimé l'intérêt manifeste qu'elle portait pour ses yeux, les qualifiant de "tout simplement extraordinaires". Aelle avait manifesté sa révolte, outrée par ces mots qui peinaient encore à trouver un sens aux oreilles de Narcisse. Les deux femmes s'étaient ardemment disputées. Enfin, qualifier cette incartade de dispute était inexact.

Kristen avait écrasé Aelle. Jamais Narcisse n'avait vu la jeune femme se plier ainsi à quelqu'un. Et elle ne le faisait pas de bonne grâce, la fureur qui distendait ses traits après leurs échanges était évidente. Mais elle s'y pliait, puis elle s'isolait, allait détruire quelques arbres, et revenait pour assister sa maîtresse, comme une aide à domicile. Si durant les premières heures, Narcisse aurait pu trouver le tableau comique, il en comprenait désormais tout le sens.

Les deux femmes étaient physiquement à bout. Kristen, il n'en était pas étonné, elle avait l'aura de celle qui avait consacré sa vie à l'élévation de son esprit et la recherche de la puissance, sous toutes ses formes, ce qui l'avait consumé. Mais Aelle, l'adolescent était habitué à la voir en bonne santé. Les nombreux mois qu'elle avait passé chez Honor, comme élève pour apprendre les arts martiaux, lui avaient même permis de se forger un corps plus solide que beaucoup de sorciers. Et pourtant, aujourd'hui, elle était aussi squelettique que Kristen, un fantôme de son passé, les traits tirés, malades, elle toussait souvent, crachant du sang régulièrement. Il était toutefois intéressant de noter que sa magie s'était de toute évidence amplifiée, et que celle de Kristen était tout simplement... époustouflante.

- Il suffit.

Tous deux perçurent le danger avant que l'espace entre eux explose, libérant des gerbes de sable, vitrifiant les grains noirs sous la chaleur, et faisant trembler le sol. Mais Narcisse était tout simplement plus rapide. Sans que l'expression de son visage ne change, comme s'il s'y attendait, il poussa sur ses jambes, se retrouvant à côté d'Aelle, pour faire barrage de son corps, étendant le bras. Le souffle de l'explosion carbonisa le dos de sa chemise, il ne grimaça même pas. Aelle semblait furieuse, elle serra les dents, grondant de colère, avant de regarder en direction du sommet de la falaise.

Une silhouette fantomatique flottait dans le vent salé. Kristen les observait, manifestement désappointée. En un clignement d'yeux, un bruit de fouet l'amena à leurs côtés. Sa voix sifflait, et malgré la faiblesse apparente de son corps, Narcisse sentait encore toute la puissance de sa magie. Il baissa lentement le bras, attendant le sermon.

- Alors ?

Aelle fut plus prompte à réagir, reculant d'un pas, se détournant de Narcisse, avant d'épousseter ses manches, l'air indignée.

- Brando m'a déconcentré.

Kristen ne dit rien, mais tourna le regard vers l'adolescent, qui claqua des doigts pour réparer sa chemise, toujours sans broncher malgré son dos qui fumait. La jeune femme grimaça, incapable de retenir son bref élan d'empathie malgré toute l'animosité qu'elle nourrissait à son égard. La voix de Narcisse était froide, dénuée de toute tonalité, il regardait dans le vide, les grains de sable fumants se mélangeant sous ses yeux.

- Aelle n'aurait pas pu esquiver à temps, et vous le saviez.

Il leva enfin le regard, pour le plonger dans celui de Kristen. Puis en un éclair, sa baguette fendit l'air. Narcisse ploya le genou, une gerbe de sang giclant sur le sable noir. Il ne broncha toutefois toujours pas, se contentant de demeurer genou à terre, sentant le liquide chaud se répandre sur sa cuisse, avant de goutter sur le sable qui le but comme du papier buvard. Elle prenait un malin plaisir à viser ses jambes quand elle le punissait, mais elle les soignait toujours, avec une habilité qui laissait encore l'adolescent ébahi. Durant plusieurs secondes, nul ne parla. Aelle regardait la scène, serrant le poing, comme confuse sur ce qu'elle devait faire. Narcisse en eut le cœur brisé. Qu'avait-elle bien pu vivre pour se retrouver ainsi ? Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, une coquille vidée de toute substance.

- C'est à moi que t'adresses.

La baguette de Kristen siffla à nouveau, entaillant cette fois-ci la joue de Narcisse. Le froid mordit sa plaie tandis qu'une moitié de son visage se couvrit de sang. Il attendit qu'elle continue, il savait qu'elle allait le faire. Elle le faisait toujours. Un claquement de langue, un battement de cœur, une baguette qui virevolta, les plaies de Narcisse se refermèrent, le sang fut nettoyé comme s'il n'avait jamais été là. Un soupir de soulagement échappa à Narcisse, qui se redressa souplement, son regard était toujours baissé, plongé dans celui de sa nouvelle professeure. Il observa alors quelque chose qu'il n'avait jamais vu chez elle encore : le doute. Il arqua un sourcil, elle leva une main pour tapoter de son index son menton.

- Mh...

Elle réfléchit longuement, avant de faire quelques pas en direction d'Aelle, puis elles se mirent à discuter. Le vent couvrait leurs chuchotements, mais Narcisse s'en moquait. Il regarda la paume de sa main. Couturée de plaies mal refermées, un peu plus maigre qu'à son arrivée, légèrement tremblante, il n'avait pas l'impression d'être en bonne santé. Et pourtant, il sentait sa magie plus puissante que jamais rugir en lui, n'attendant que d'être déchaînée. Mais il n'était pas encore temps. Kristen voulait déclencher quelque chose chez lui. Il ne savait pas quoi, elle n'expliquait jamais rien. Elle dirigeait à la baguette, puis observait, et expliquait ensuite. On avançait toujours dans le noir avec elle, nous forçant à maintenir les sens en constante alerte, toujours sur le qui-vive.

L'attention de Narcisse fut attirée par les éclats de voix entre les deux femmes, le hameçonnant d'une manière désagréable, le tirant de sa quiétude. Le caractère de cochon d'Aelle n'avait pas tout à fait disparu, et il fut ravi de la retrouver un court instant. Se dressant de toute sa hauteur, s'exprimant dans de grands éclats de voix ponctués de moult gestes de la main, elle semblait hors d'elle. Kristen également, mais il avait rapidement compris qu'elle était du genre colère renfermée, qui n'explose que ponctuellement après une longue période d'incubation.

- Pourquoi vous perdez votre temps avec lui ?! Alors que vous m'avez, moi ! Comme nous l'avions toujours convenu !

- Ce ne sont pas tes affaires, Aelle. Tu sais parfaitement quels sont les termes de notre arrangement.

- Ne vous foutez pas de moi !

Dans un élan de colère mal placée, elle agrippa les vêtements de Kristen, les serrant jusqu'à les froisser. La nuque de Narcisse picota. Elles faisaient trop de bruit. Sa main fut agitée d'un léger tic. Il ne bougea pas.

- Je te conseille vivement de me lâcher.

Il n'aimait pas comment Kristen traitait Aelle. Leur relation avait l'air d'être précieuse aux yeux de son amie, et elles avaient l'air de se connaître depuis fort longtemps. Comment pouvait-elle lui parler ainsi et la traiter comme elle le faisait ?

- Ta gueule Kristen ! Tu crois vraiment que je vais te laisser me foutre sur le côté encore une fois ?!

Il n'aimait pas non plus comment Aelle lui parlait. En fait, il se rendit compte que son comportement l'avait toujours irrité, au fond. Elle s'était toujours comporté comme une gamine terrifiée, incapable de prendre les choses en main pour calmer ses insécurités, se réfugiant toujours derrière ses murailles en blâmant les autres.

Un tic souleva sa lèvre inférieure, l'air autour de lui commença à lentement onduler, quelques grains de sable se mirent à léviter à ses pieds. Ses yeux devinrent blancs, mais par une pirouette mentale, comme s'il empilait deux bols l'un dans l'autre, il refusa de perdre sa vision. Il verrait toujours le monde comme il était, pas comme ses yeux voulaient lui montrer. Et il le vit comme il était. Mais il sentit alors sa magie exploser dans sa tête, les échos des voix de Kristen et d'Aelle se mélangeant maladivement, jusqu'à lui causer un haut-le-cœur. Sa main se leva malgré lui, en un éclair. Kristen eut un sourire que ni Aelle, ni Narcisse ne virent. Il claqua des doigts, une boule blanche, de magie pure, jailli de l'espace entre son pouce et son index, aspirant l'air autour d'elle.

Puis, l'instant d'après, elle explosa entre les deux femmes, les forçant à se séparer. Ce ne fut qu'une poussée, aucun vêtement ne fut déchiré, par une blessure ne fut faite. Aelle perdit l'équilibre, projetée sans pouvoir rien y faire, Narcisse déplia ses doigts en pivotant sa main, elle atterrit en douceur sur le sable. Kristen, quant à elle, se retrouva calmement adossée à un rocher noir, à quelques mètres de là. Quelques secondes de silence, le bras de Narcisse s'abaissa.

- Vous faites trop de bruit.

Pourquoi était-il à ce point en colère ? Pourquoi tremblait-il de rage ? Pourquoi son cœur tonnait-il ainsi dans sa poitrine ? Ses pieds crissèrent sur le sable alors qu'il fit face à Kristen, sa tête se penchant en arrière pour la regarder.

- Je n'ai pas que ça à faire. Chaque jour qui passe efface un peu plus les raisons de pourquoi je suis venu.

Encore une fois, il ne reconnut pas les mots qui sortirent de sa gorge. Ils lui déplurent tout particulièrement, il n'aimait pas ce qu'il disait. Mais en cet instant, il avait l'impression de vivre la scène comme un rêve, en simple spectateur de son corps, de ses mots, de la situation, sans pouvoir rien faire, à part assister à la scène, et attendre. Narcisse pointa un index accusateur sur Kristen.

- Je n'aime pas comment vous enseignez. Vous êtes cruelle et vous dissimulez les choses importantes. Voilà dix jours que je suis là, vous n'avez mis en place aucun programme d'entraînement fixe, vous n'expliquez rien. Alors vous me pardonnerez, mais je commence à douter de votre utilité.

Le corps de Narcisse poussa sur ses jambes, il atterrit face à Kristen, à quelques centimètres d'elle, leurs visages étaient si proches qu'une main n'aurait pu s'insérer entre eux. Aelle se redressa péniblement rouge de colère, et dégaina sa baguette. Sans même tourner le regard, Narcisse claqua des doigts et la désarma. Puis, sa main suivant le mouvement, il vint percuter le rocher sur lequel Kristen était adossé. Un coup de tonnerre se fit entendre, il avait mêlé magie et force physique, réduisant une partie de la pierre en poussière, fissurant le rocher sur presque toute sa hauteur. D'inquiétants craquements se firent entendre, un violent courant d'air agita les cheveux et les vêtements de Kristen et Narcisse. L'air autour de lui ondulait puissamment, ses yeux blancs fixaient l'ancienne directrice, mais il voyait aussi clairement qu'il la voulait.

Un silence s'installa entre eux, les mouettes s'étaient tues également, seul le vent continuait d'avoir l'audace de souffler en sifflant sur les crêtes rocheuses. Kristen pencha la tête sur le côté, sans détacher son regard de l'adolescent. Elle glissa ensuite ses yeux derrière lui, pour regarder Aelle.

- Comme tu as médit de lui, Aelle. Ce garçon est bien plus adorable qu'il en a l'air, tu ne trouves pas ?

Son regard revint sur lui, avant de le fixer. Elle expira longuement, Narcisse perçut sa résolution, mais aussi sa résilience. Plusieurs longues secondes s'écoulèrent sans qu'aucun n'ose bouger. Elle finit par croiser les bras sur sa poitrine.

- Tu es bien présomptueux.

Un nouveau soupir, elle se dégagea en passant sous son bras, il la laissa faire, une soudaine fatigue venait de brusquement le prendre. Elle glissa ensuite sa tête à côté de la sienne, posant presque son menton sur son épaule, se hissant sur la pointe des pieds pour lui chuchoter à l'oreille.

- Mais, puisque tu as été un très bon garçon, je suppose qu'on peut déjà passer à l'étape suivante...

Un frisson parcourut l'échine de Narcisse, par réflexe, il se retourna pour lui faire face, et en un éclair, les rôles furent inversés. Ce fut lui qui se retrouvait dos au rocher, et ce fut elle qui lui faisait face. Aelle avait récupéré sa baguette et s'était approchée, bouillant toujours de rage au point que l'air autour d'elle semblait également frémir. Le bruit des vagues ponctuait les respirations des trois protagonistes, chacun attendant le prochain mouvement de l'autre. Aussi calme qu'elle semblait l'avoir toujours été, Kristen, les mains croisées sur son ventre, baguette en main, fixait l'adolescent comme s'il ne s'agissait que d'un objet plus ou moins précieux. Elle tourna ensuite son regard sur Aelle, avant de sourire.

- Et si nous allions boire un thé ? Il vaut mieux être assis pour parler de ces choses.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

13 août 2023, 23:56
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE QUATRIÈME

Une grande horloge mécanique trônait contre le mur de la plus grande pièce de la maison d'Aelle et de Kristen. Tous trois étaient attablés autour d'une massive table en bois d'acajou, d'un orange vif autrefois, désormais noirci sur presque toute sa surface. Les chaises n'étaient ni confortables, ni inconfortables, c'était à croire qu'elle n'existaient pas, et que Narcisse se tenait assis sur de l'air solide. Peut-être était-ce le cas, il n'en savait rien. Extraordinairement simple et dépareillée, cette salle à manger en devenait presque oppressante, tant le silence ponctué des coups d'aiguilles d'horloge pesait sur l'adolescent. Mais si ce n'était que ça. Aelle ne le foudroyait plus du regard, désormais. Elle se contentait simplement de carboniser des yeux sa tasse de thé fumante, posée en face d'elle, qu'elle s'était bien gardé de toucher. Ses ongles s'étaient visiblement enfoncés dans les paumes de sa main, et il suffirait d'une étincelle, pour que tout s'embrase entre eux. Narcisse se mordit l'intérieur de la joue avant de reporter son attention sur la maîtresse de maison.

Kristen était encore une fois l'image même de la quiétude. D'une élégance sans commune mesure, adossée sans pour autant être affalée, le petit doigt relevé de l'anse de la tasse alors qu'elle sirota une gorgée de thé, on aurait presque pu la croire inoffensive, une brève seconde. Mais à l'instant où son regard bleuté transperça à nouveau l'adolescent, tous ses sens se mirent en alerte. Il ne put se retenir de sourire nerveusement, serrant le tissu de son pantalon pour contrôler les tremblements de sa main. Lui non plus n'avait pas touché à son thé. Dehors, le vent s'était levé, la charpente grinçait de temps à autre, les vitres tremblèrent sous les rafales. À tout instant, Narcisse s'attendait à ce que le toit finisse arraché.

Le cliquetis de la porcelaine contre la coupelle assortie lorsque Kristen posa son récipient, se saisissant d'une serviette en tissu léger pour se tapoter les lèvres. L'adolescent était bien malgré lui totalement incapable de détourner le regard. Il n'arrivait pas à détacher ses yeux de cette femme qui l'intriguait, le troublait profondément, l'ébranlait aisément aux plus profond de lui-même. Une certaine attirance lui empoigna le cœur, au-delà de tout désir charnel, cette volonté d'écouter, de se montrer à la hauteur d'elle, se montrer digne et gagner ses faveurs. Il ferma les yeux un court instant, avant de prendre une grande inspiration, puis de regarder Aelle. Même lui comprit comment sa camarade avait ainsi pu se parjurer et se corrompre. Elle brûlait de se distinguer à ses yeux. Comment ne l'avait-il pas remarqué plus tôt ? Tous ses travers, tous ses défauts, chaque comportement qu'elle avait, tout ça pouvait désormais s'expliquer par...

- Je vais mourir, bientôt.

Deux cœurs manquèrent leur battement presque à l'unisson. Si Narcisse demeura figé, écarquillant les yeux avant de les braquer brusquement sur Kristen, Aelle eut une réaction beaucoup moins mesurée. Elle se dressa de toute sa taille, renversant sa chaise derrière elle qui claqua contre le plancher, causant des remous dans le thé de Narcisse, renversant une goutte du sien sur le bois noirci. Son visage était devenu écarlate, ses ongles raclèrent le bois, y laissant une marque à peine visible. Sa poitrine se gonflait au rythme de ses respirations effrénées, elle l'air d'une bête sauvage, prête à bondir à la gorge de sa maîtresse. Ses narines s'évasèrent, sa lèvre supérieure se retroussa un bref instant avant qu'elle ne commence à parler, elle avait les yeux injectés de sang.

- Vous... vous, vous vous... foutez de moi, pas vrai ?..

La rage sous-tendait sa voix qui grondait, Narcisse baissa doucement les yeux, avant de saisir sa tasse, se décidant enfin à boire une gorgée. Le thé était véritablement délicieux. Une douce chaleur se diffusa dans sa gorge, avant de se répandre dans sa poitrine, pour finalement gagner chaque recoin de son corps. Il rouvrit les yeux, pas une seconde ne s'était écoulée. Kristen gardait le regard sur un point fixe de la table, les doigts entrecroisés, posés sur le bois. Aelle respirait bruyamment, tremblant de tous ses membres. Quelque chose de lourd venait enfin d'être excisé, et Narcisse n'attendait que la suite. Il ne put s'empêcher de ressentir une vague de respect pour cette femme, qui faisait face à la mort de la manière la plus courageuse qui soit. Cette vague balaya toute tristesse et peine qu'il aurait pu ressentir en cet instant. De toute manière, il doutait sincèrement qu'elle aurait apprécié une telle compassion. Plusieurs secondes s'écoulèrent, Kristen prit une courte inspiration.

- Nous étions trop optimistes dans nos prévisions.

La colère sourde d'Aelle fut court-circuitée par un lent mouvement de l'ancienne directrice. Elle leva doucement le bras droit, avant de remonter sa manche du bout des doigts, révélant un membre squelettique, frêle, et maladif, on pouvait voir les veines au travers de sa peau. Elles étaient noires. La peau s'était comme craquelée par endroits. Narcisse ne put retenir une grimace, ses sourcils se froncèrent d'inquiétude. La réaction d'Aelle fut consternante. Elle s'effondra à genoux, ses mains agrippant le bord de la table. De la colère, elle était passée au désespoir.

- Non...

Kristen ne répondit pas. Elle fronça les sourcils, ses traits se crispèrent, elle ferma un œil, l'autre fixait son bras levé. Narcisse ne s'attendait pas à grand-chose, il se contentait d'être simple spectateur. Mais ce qu'il observa alors lui retourna littéralement l'estomac, et il ne put contrôler sa main qui vint brusquement se plaquer contre sa bouche pour retenir sa remontée gastrique qui le prit par surprise. Ses yeux s'écarquillèrent, il sentit toute force abandonner son corps, sa tête commença à tourner, son cœur voulait s'échapper de sa poitrine.

Les dents serrées, le visage crispé sous une évidente douleur, Kristen observait la lente décomposition de son bras se révéler aux yeux d'Aelle et de Narcisse. Les muscles, déjà fortement atrophiés, se rétractèrent encore davantage. Sa peau, déjà craquelée, se noircit jusqu'à l'épaule. Quelques particules sombres, semblables à du charbon, se détachèrent du membre, chutant aussi lentement que s'ils s'agissaient de cendres. Son deuxième œil se ferma, et son visage se crispa davantage lorsque sa tête bascula en arrière. La noirceur nécrosée avait gagné le bas de son visage, et était remonté jusqu'à son œil droit, formant des paternes semblables au lit d'une rivière asséchée. Malgré l'horreur viscérale que ce spectacle éveillait au fond de l'adolescent, il était tout simplement incapable de détourner le regard. L'agonie sembla durer des heures, mais finalement, lorsque Kristen expira brutalement, se pliant en deux, manquant de cogner son front sur la table, Narcisse se souvint que lui aussi devait respirer.

Son cœur tonnait à ses oreilles, ses yeux étaient secs à cause de ses paupières qui avaient oublié de cligner. Lorsqu'Aelle s'approcha de Kristen, l'air inquiète, consternée, détruite, il se leva à son tour, commençant à faire le tour de la table pour les rejoindre. L'adolescente lui lança alors un regard noir. Des larmes avaient tracé leurs sillons sur ses joues. Il se figea, demeurant debout, face à la table, la main sur le bois, les jambes flageolantes. Aelle se pencha à côté de Kristen, les mains posées sur ses épaules, il entendit à peine ses chuchotements brisés.

- Kristen... qu'avez-vous fait ?

L'adulte ouvrit alors les yeux. Narcisse eut un nouveau haut-le-cœur. L'une des orbites de Kristen était tout simplement vide, et son autre œil était d'un blanc laiteux inquiétant. Elle cligna des paupières, son bras mort s'était finalement écroulé sur la table, Aelle posa ses doigts dessus, se mordant la lèvre inférieure jusqu'au sang. Sa voix tremblait.

- Vous êtes une imbécile. Une imbécile folle, depuis combien de temps me cachez-vous ça ?!

Sa voix tremblait, mais elle tonnait de pure fureur, faisant trembler les fenêtres presque aussi fort que le vent qui soufflait en bourrasques à l'extérieur. Narcisse se sentit comme un étranger lorsque Kristen sourit à Aelle, sa main valide tapotant celle de son élève.

- Ce n'est pas important.

Lorsqu'elle plongea son œil dans ceux de Narcisse, un frisson le parcourut. Elle voyait, il le sentait. Mais il sentit également que voir lui coûtait, le simple fait de garder son corps en vie devait lui coûter bien davantage que tout ce qu'il pouvait imaginer. Elle se mit à tousser, Aelle s'approcha, elle leva la main pour l'arrêter.

- Aelle, j'aurais besoin que tu me prépares le Remontant, s'il te plaît.

- Mais...

- S'il te plaît. Ne gâche pas tout.

Même pour Narcisse, le conflit intérieur qui rongeait son ancienne camarade était évident. Elle lui jeta un regard mortel, puis regarda Kristen d'un air effrayé. Elle ferma les yeux, prenant une grande inspiration, avant de cogner du poing sur la table en tournant les talons. Ses yeux se posèrent sur Kristen, elle semblait au bord de l'explosion, prête à la frapper, et durant un instant, l'adolescent aurait aimé la voir essayer. Mais il fut déçu, et encore une fois, attristé de constater à quel point la Aelle qu'il avait connu autrefois avait changé.

- Merde !

La porte de la cuisine claqua lorsqu'elle s'y engouffra.

Kristen et Narcisse se jaugèrent durant de longues secondes de silence. Pas un n'osa faire le premier geste. Mais Narcisse était Narcisse, et après une brève hésitation, il commença à s'approcher d'elle, un pas après l'autre, très lentement, sans détacher son regard du sien. Un sourire énigmatique ornait les lèvres de Kristen.

- Tu as le droit d'être dégoûté, de me trouver pathétique. Profites-en, c'est la seule fois où je le permettrais.

Il sourit, posant un nouveau pied devant l'autre, laissant sa main droite frotter du bout de ses doigts le bois de la table.

- C'est pas dans ma nature.

Elle pouffa de rire, puis grimaça, avant de finalement lourdement s'adosser à sa chaise. La moitié gauche de son visage suait à grosses gouttes. Narcisse la regardait avec un mélange de curiosité et de pitié. Elle parla sans le regarder, l'air lasse.

- Parfois, les seuls choix qu'il nous reste sont tous mauvais.

Il avança encore, sans détacher son regard de son visage. Elle cligna lentement de l'œil, avant de péniblement lever son bras infirme.

- Toute ma vie, je n'ai cherché qu'une seule chose : la puissance, sous toutes ses formes. J'en paye aujourd'hui le prix fort.

Un étrange frisson parcourut la colonne vertébrale de Narcisse, il jeta un regard en direction de la cuisine. Son visage se durcit lorsqu'il reposa les yeux sur la femme qui se tenait face à lui.

- Et Aelle ? Que doit-elle payer pour vous satisfaire ?

Elle eut un rire sec.

- Ha. Elle n'a vraiment pas menti sur toi. Toujours à t'inquiéter pour les autres, même s'ils t'ont fait du mal.

Sa respiration était rauque, il n'était plus qu'à quelques mètres d'elle.

- C'était son choix. Son état est... moins préoccupant que le mien.

Enfin arrivé à ses côtés, il s'accroupit doucement à côté d'elle, sans un bruit. Rare étaient les fois où il ne ressentait pas l'envie de parler. Cette fois-là en était une. Il attendit quelques instants, laissant son regard flotter sur Kristen, qui finalement, le regarda.

- J'ai besoin de ton corps, Narcisse.

Un nœud glacial se noua au creux de la poitrine de l'adolescent, et par réflexe, il posa sa main à l'endroit de son cœur, et serra le tissu de sa chemise. Il craignait de comprendre. Il se redressa, et s'assit sur le bord de la table, posant une main sur le bois, plongeant son regard dans celui laiteux de la femme qui semblait avoir tout prévu dès la seconde où il avait posé le pied sur cette falaise.

- Vous voulez dire que...

- Oui.

Il demeura silencieux. Longtemps, très longtemps. Quelques bruits de verre brisés retentirent de la cuisine, il n'y prêta pas attention. Il fronça les sourcils, perplexe, un inquiétant pressentiment remontant le long du fil de sa conscience.

- Et si je refuse, je suppose que vous allez prendre celui d'Aelle, me trompe-je ?

- Non.

De la perplexité, Narcisse passa à la colère. Dans un réflexe rageur, sa main vint empoigner le col de sa chemise en mousseline, manquant de la déchirer. Le fond de ses pupilles se mit à luire d'une lumière blanche vive, sa voix grondait. Ce n'était pas tant sa réponse qui avait causé sa fureur que le fait qu'elle ait répondu sans même y réfléchir. Pour la première fois, depuis qu'il était ici, le rapport de force semblait s'être inversé, car ce fut Kristen qui prit la parole la première, sans pour autant détourner son regard ni broncher pour autant.

- Tu ne pourras pas vaincre Georges sans moi.

Il hésita. Il réfléchit, il considéra. Malgré tout ce qu'elle était, cette femme n'était pas du genre à mentir. Pas directement, en tout cas. Peut-être se trompait-il, mais quelque chose aiguillonnait son cœur, le poussant à vouloir l'écouter. Il lâcha la chemise de Kristen, et l'empêcha de s'effondrer lorsqu'elle se rassit sur la chaise. Sa peau était glacée, mais pas autant que la voix de Narcisse.

- Et en quoi, exactement, vous pourriez m'aider ? Vous êtes puissante, certes, mais que pouvez-vous m'apporter ? Et que se passerait-il si je décidais de vous tuer, là, tout de suite, pour vous interdire de prendre le corps d'Aelle ? Je ne vous laisserai pas faire, vous savez ?

Il commença à se détourner d'elle, mais cette dernière lui empoigna brusquement la main d'une force qu'il ne soupçonnait pas.

- Je l'ai déjà affronté. Tu ne pourras pas le vaincre. Pas dans ton état.

Son cœur manqua un battement. Il se mordit l'intérieur des joues, s'immobilisant totalement. Son index tapotait nerveusement son pouce. Il réfléchissait. Il sentait, au plus profond de lui, qu'elle ne mentait pas. Sa colère fut détournée de son lit, suffisamment longtemps pour lui donner envie de continuer à l'écouter. Il revit sa mère, son père, Tiffanie, tous ceux qu'il avait perdu à cause de cet homme qu'il maudissait chaque jour. Il ne pouvait pas lui donner le plaisir de simplement perdre face à lui. Les dents serrées, grognant de désapprobation, il se tourna vers elle, pour la transpercer d'un regard aussi noir que ses pupilles. Elle sut qu'elle avait hameçonné son attention, et elle voulut le faire attendre. La voix de Narcisse siffla entre ses lèvres.

- Parlez. Vite.

Surprise au début, son expression refléta ensuite bien vite une mystérieuse satisfaction.

- Quand j'ai quitté Poudlard, je suis entré à la faculté de Soin aux Créatures Magiques. J'y suis resté deux ans, avant de rentrer finalement à la Grande École de l'Art du Duel.

Il émit un claquement de langue impatient.

- Abrégez.

Elle leva sa main dans un geste d'apaisement. Il prit une grande inspiration, avant de claquer des doigts pour faire venir jusqu'à lui une chaise, sur laquelle il s'assit, avant de poser sa main sur son genou. Son regard noir transperçait Kristen. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi, d'un seul coup, il ressentait autant de rage et d'emportement. Elle reprit, calmement, portant sa tasse à ses lèvres.

- C'était il y a 30 ans environ. Une grande chasse à l'homme avait été organisée. Pour retrouver un homme que l'on surnommait le boucher des moldus et des sorciers impurs. Cet homme n'était autre que Georges Tuséki.

Le sang de Narcisse ne fit qu'un tour à la mention de son nom, son poing se serra, son cœur s'accéléra. Malgré toute la haine qu'il lui portait, car il le haïssait comme jamais il n'avait haï quiconque, il ne pouvait s'empêcher de ressentir l'envie dévorant d'en apprendre davantage sur l'homme qui avait ruiné sa vie. Il prêta donc une oreille des plus attentive à l'histoire de Kristen, qui regardait désormais le contenu de sa tasse, ses doigts entourant le récipient.

- J'étais jeune. Impulsive et ivre arrogante, j'ai suivi le mouvement sans même réfléchir une seule seconde. J'étais certaine que je pourrais l'avoir, après tout, ce n'était qu'un homme.

Voilà qui était inhabituel. Unique, même. Narcisse venait-il d'identifier ce qui s'apparentait au spectre de la peur, provenant du fond de la voix de Kristen ?

- Georges n'est pas un homme.

Il hocha imperceptiblement la tête, c'était définitivement de la peur.

- Ce fut un massacre. Une boucherie. Aucun sort ne semblait pouvoir l'atteindre. Et lui... lui balayait les corps, déchiquetant, découpant, carbonisant tout sur son passage... J'ai survécu, mais uniquement parce qu'il ne m'avait pas reconnu comme une menace suffisante pour s'occuper de moi.

Ses doigts se mirent à trembler, faisant cliqueter la tasse contre la coupelle. Mais c'était la haine qui causait ce geste, sans le moindre doute. Elle prit une grande inspiration.

- Après cet incident, j'ai dédié ma vie à devenir plus puissante. L'idée qu'un jour, je me retrouve à nouveau impuissante face à quelqu'un, c'est au-delà de mes forces.

Et d'un coup, sans prévenir, elle éclata de rire. Ce rire terrifia Narcisse, qui se redressa sur sa chaise, avant de se lever doucement. La folie sous-tendait ce rire, éclatant, cristallin, elle était secouée de toute part par cette hilarité. Puis, aussi vive qu'une ombre disparaissant sous le soleil, elle se dressa, sa main empoignant le visage de Narcisse, ses doigts appuyant sur ses joues, ses ongles pénétrant sa peau.

- Et tu voudrais me faire croire que toi, tu pourrais le vaincre ?!

Son regard était fou, ses traits déformés par la fièvre étaient hypnotisant. Il prit une grande inspiration, avant de saisir le bras de Kristen pour la forcer à le lâcher, ignorant les coupures et le sang qui coula le long de ses joues.

- Ça vous la couperait, hein ?

Dégageant sa main d'un geste brusque, elle reprit immédiatement.

- Je te propose un marché, Narcisse.

Il identifia enfin l'émotion qu'il entendait sans la reconnaître depuis tout à l'heure : le désespoir. Son cœur battait à mille à l'heure, et il n'avait qu'une envie ; de disparaître sans laisser de traces, aller affronter Georges sans réfléchir, en espérant peut-être mourir pour rejoindre ses parents, mais quelque chose au fond de lui l'en privait. Il était retenu ici, par une force plus grande que lui, qui enveloppait sa conscience, bridait son imprudence et son impatience. Il avait soif de vengeance, mais le discours de Kristen avait insufflé une once de cautèle à son tempérament. Il pencha la tête sur le côté, observant l'ancienne directrice d'un regard méfiant, mais curieux. D'un battement de cils, il lui signala qu'il l'écoutait.

Elle reprit alors toute sa contenance, et seule la haine pouvait se lire sur son visage. À nouveau, Narcisse percevait sa puissance, tel un fourneau à l'intérieur duquel se consumait un brasier bien plus grand pour être contenu. Péniblement, elle leva son bras nécrosé, et toucha son bras gauche.

- Tu vas me donner ton corps, et j'y transplanterai mon bras sain.

Elle marqua un silence. Il sut qu'elle le fit exprès, il savait, mais cela ne l'empêcha de poser sa question, il était incapable de détourner son regard du sien, il était comme hypnotisé. L'idée de disposer d'assez de puissance pour stopper Georges obsédait ses pensées.

- Et après ?

- Après ? Et bien, tout dépendra de toi.

Kristen recula d'un pas, observant Narcisse de haut en bas, comme on examinerait un cheval avant de l'acheter.

- Après, ma conscience partira à l'assaut de la tienne. Si tu résistes, je meurs, mais tu gagnes un nouveau bras, et de nombreux fragments de ma conscience, ainsi que toute la puissance latente qui survit encore en moi.

Elle marqua un nouveau silence, il en aurait presque ri, tant la tension était palpable, comme un miasme poisseux qui l'étreignait.

- Mais si tu succombes... Je récupère ton corps. J'y implante ma conscience, tes pouvoirs deviennent miens. Ta jeunesse deviendra ma jeunesse. Enfin, j'aurais le corps idéal. Et avec tes yeux, je serai invincible.

Elle s'avança à nouveau vers lui, avant de déposer son menton sur son épaule, sans qu'il ne réagisse, il était comme figé, plongé au cœur de lui-même, en pleine réflexion. Les lèvres de Kristen effleurèrent l'oreille de l'adolescent.

- Toi qui fais peu cas de ta propre vie, je suis certaine que tu ne dédaigneras pas ta seule opportunité de tuer Georges, n'est pas ? Après tout, si je gagne, Georges meurt, et tu disparaîtras avec la satisfaction de savoir cette ordure sera traité avec tous les égards qui lui sont dû. Et si tu gagnes, tu pourras t'en charger toi-même.

Un léger rire s'échappa du fond de sa gorge, Narcisse frissonna en sentant l'air chatouiller son oreille. Il détourna le visage d'elle lorsqu'elle s'éloigna. Sa respiration était profonde, son regard ne voyait pas. Sa conscience s'était réfugiée au fin fond de son esprit, essayant de considérer toutes les possibilités. Mais il ne voyait que l'opportunité de pouvoir tuer Georges. Peu importe comment, au fond de lui, c'est ce qu'il croyait vouloir, il était persuadé de vouloir sa mort.

Kristen pouffa à nouveau de rire, une étincelle mystérieuse brillant au fond de son œil, puis elle se détourna pour ouvrir la porte de la cuisine.

- Prends ton temps surtout, tu ne voudrais pas prendre le risque que je meurs avant que je ne récupère ton corps, pas vrai ?

Il n'entendit même pas la porte claquer. Son cerveau tournait à plein régime. D'abord inconcevable, cette idée fit petit à petit son chemin jusqu'à son cerveau. Plus il y pensait, et moins il arrivait à imaginer une autre issue. Par réflexe, l'ongle de son pouce se retrouva entre ses dents.

Il ignorait combien de temps il demeura immobile, debout au milieu de la pièce, ignorant tout ce qui se déroulait autour de lui. Mais un frisson glacial lui parcourant soudainement l'échine le tira de sa torpeur, et il jeta un regard par la fenêtre. Un très mauvais pressentiment venait de l'envahir, mais il sut, sans savoir pourquoi, qu'il n'était pas lié au choix qu'il avait à faire.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

15 août 2023, 23:20
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE CINQUIÈME
TW : Violence crue

De nombreuses fois, au cours de sa vie, Sixtine Valerion s'était demandée comment elle aimerait mourir. Elle y avait d'ailleurs pensé plus que de raison. Combien de fois l'attrait du vite l'avait-elle tenté, combien de fois avait-elle hésité à simplement s'en aller, sans dire au revoir à quiconque ? Encore aujourd'hui, elle ne pouvait les décompter sans serrer les dents. Sa vie, en était-elle fière ? En était-elle seulement satisfaite, un tant soit peu ? Qu'y avait-il dans sa vie qui en vaille la peine ? Elle avait systématiquement repoussé tous ses amants, incapable de maintenir une relation amoureuse saine sur la durée, même Suileabhan, le concierge de Poudlard, ami d'enfance, n'avait pu la contenter pleinement. Et ce n'était nullement de sa faute, elle le savait bien. Mais ce n'est pas ce qui allait la réconforter. Au final, la seule relation de sa vie, qui ait jamais duré fut celle avec l'homme le plus détestable et le plus méprisable qu'elle ait jamais connu. Soliman Scott.

Dissimulée par son sortilège de désillusion, le tissu de sa robe virevoltant dans le vent du soir, elle contemplait le manoir immense de la famille Scott. Enfin, famille... Cet homme, incarnation de l'égocentrisme, vivait seul. Elle en ressentit une satisfaction perverse, presque malsaine, à savoir que personne ne partageait sa vie avec ce déchet ambulant. Depuis sa dernière altercation avec lui, durant laquelle elle avait implanté de faux souvenirs pour le terroriser et inverser la dynamique de leur relation, elle s'était jurée que s'il s'en prenait de nouveau à elle, d'une façon ou d'une autre, elle le tuerait.

Et ce jour était arrivé.

Ses doigts enserrèrent sa baguette, son cœur accéléra dans sa poitrine. Il avait osé, il avait osé s'en prendre à la dernière chose qui lui restait, sa carrière. Ses prodiges, ses élèves les plus doués, elle risquait de les perdre. Elle allait les perdre, même. Après tout, elle n'avait même pas été capable de protéger le jeune Brando... Une vive douleur la prit à la poitrine lorsqu'elle y repensa. Si elle avait pu, elle aurait... Si elle avait su, elle aurait pu. Mais c'était trop tard, et quelqu'un devait payer pour ça. Georges serait le suivant. Tout en avançant dignement sur le chemin pavé qui la séparait de la grande porte du manoir, ses talons résonnant dans le vent, elle fit le décompte de ses dernières actions.

Elle avait démissionné de son poste, afin qu'aucun des actes qu'elle s'apprêtait à entreprendre ne puisse retomber sur Elina ni Poudlard. Elle avait laissé sa dernière lettre pour ses prodiges, ses dernières indications, et ses dernières recommandations. Un autre pas, une perle de larme réussit enfin à faire son chemin entre les longs cils de l'ancienne professeure. Elle réalisa qu'elle n'avait pas écrit ses dernières volontés, à qui les aurait-elle confiées de toute manière ? Elle voulait que personne ne la pleure, elle savait qu'elle ne manquerait à personne, puisqu'elle ne comptait aux yeux de personne. Après tout, toute son existence, avait toujours été elle, seule contre la vie, qui prenait un malin plaisir à parsemer son parcours d'embûches insurmontables.

Ses pas stoppèrent lorsqu'elle s'arrêta face à la double porte. La nuit était tombée désormais, elle dissipa son sort, se matérialisant dans l'obscurité. Ses cheveux noués en chignon impeccable, ses ongles parfaitement manucurés, elle ne put s'empêcher de sourire en pensant que même pour aller rejoindre la mort, elle avait pris soin de soigner son apparence. Elle secoua la tête, son expression s'effaça, son regard bleu transperçant le noir de la nuit. Elle leva sa baguette devant son visage, sa résolution se renforçant à chacune de ses respirations.

- Hominum Revelio.

Elle était peut-être suicidaire, mais pas stupide. Elle ferma les yeux pour ressentir la présence de quiconque se trouverait dans ce bâtiment. Un elfe, deux elfes... Un être humain. Un seul. Elle se concentra. Il était assis sur un canapé, immobile. Ses paupières se rouvrirent, elle pointa la porte de sa baguette, et sans même formuler un quelconque sortilège, la déverrouilla. Les lourdes portes grincèrent, elle se dissimula à nouveau derrière son sortilège de désillusion, avant d'avancer à grands pas dans le couloir d'entrée. Ses talons claquaient sur le pavé, elle s'en fichait. Qu'il tremble, qu'il sache qu'elle arrivait pour lui.

Elle ne mit pas longtemps à le trouver, par ailleurs. Il n'était nullement camouflé, ni même caché, il n'avait même pas bougé. Toujours invisible, elle s'approcha de lui en braquant sa baguette dans sa direction. Elle hésita à se révéler à lui, elle voulait qu'il sache qui l'avait emporté, elle voulait que la dernière vision qu'il ait avant de quitter ce monde de la manière la plus atroce possible soit Sixtine Valerion. Elle voulait voir le dernier fragment de sa conscience l'abandonner, ses dernières barrières céder, elle voulait...

- Miss Valerion.

Son cœur manqua un battement. Cette voix, ce n'était pas la voix de Soliman. Elle connaissait cette voix. L'homme assit devant elle, qu'elle était en train d'approcher par-derrière, se leva alors lentement, laissant battre sa cape de son bras. Une cape rouge sang, bordée de dorures. Georges. Un frisson parcourut sa nuque, elle écarquilla les yeux, mais continua de le braquer de sa baguette. Il affichait un calme absolu, et se tourna dans sa direction, plongeant le regard là où elle se tenait, sans coup faillir. Elle sentit son regard la transpercer.

- Vous vous êtes fait attendre.

Elle n'abaissa pas sa baguette, elle ne recula pas, elle ne transplana pas. Il était le suivant de toute manière, elle ferait simplement quelques heures supplémentaires cette nuit. L'occasion d'enfin prendre sa revanche pour l'affront qu'il lui avait fait subir il y a quelques mois... la voilà enfin. Il leva la main, dans laquelle il tenait un verre rempli de vin. Elle le fit éclater d'un battement de cils. C'est à peine s'il broncha, se contentant de soupirer de lassitude, en levant les yeux au ciel, avant de tapoter sa chemise désormais rougie par le liquide. Un sourire mauvais déformait ses lèvres. Elle n'attendait qu'un geste trop brusque de sa part.

- Allons, allons... Montrez-vous, Miss Valerion. Après tout, il n'y a ici que vous et moi, nul besoin de vous dissimuler.

Une colère sourde envahit Sixtine. Cet homme, ce salaud, n'affichait pas la moindre trace de peur. Il la sous-estimait. Non, pire que cela, il ne semblait même pas la considérer comme une menace à ses yeux ! Elle se sentit insultée jusqu'au plus profond de son être. Ses doigts modifièrent rapidement la prise sur sa baguette, et elle se matérialisa face à lui, avant de brusquement, sans prévenir, sans même laisser s'écouler le temps d'un battement de cœur, déchaîner sa magie contre lui.

- Confringo !

La lumière de l'explosion illumina la pièce, le souffle fit chuter tous les petits objets, et renversa même les canapés et les tables à proximité. Le visage de Sixtine fut frappé d'une brusque chaleur, et elle serra les dents, s'apprêtant à transplaner dans le dos de l'homme pour ensorceler son esprit et le vider de toute substance. Elle voulait le réduire à un état moindre qu'un homme, pire qu'un chien, un animal, une coquille vide dépourvue de toute conscience, de toute pensée. Elle allait transplaner, elle transplana. Quelque chose tira sur son bras. Des doigts d'acier enserrèrent son avant-bras, mais c'était trop tard. Elle se matérialisa derrière Georges, sentant quelque chose lui être arraché, une douleur indescriptible, vive et poignante remonta le long de sa poitrine tandis qu'elle perdait l'équilibre. Elle sentit le monde autour d'elle vacille, elle perdit l'audition, les battements de son cœur envahissant brusquement ses oreilles, alors que les bordures de sa vision s'obscurcirent. Son talon claqua contre le sol, son genou suivit, sa main droite serra de toutes ses forces sa baguette, elle était toujours là.

Le visage soudainement recouvert de sueur, elle tourna le visage vers Georges, qui se tenait toujours parfaitement droit, alors que la fumée de l'explosion se dissipait. Elle écarquilla les yeux, sa gorge se serra, quelque chose explosa là où aurait dû se trouver son bras gauche. Il tenait entre ses doigts le bras gauche de Sixtine Valerion, du sang se déversant de la plaie. Elle manqua de perdre l'équilibre, sa main indemne vint presser la plaie béante, infecte, imprécise et sale du désartibulement. Comment avait-il pu ne pas être entraîné avec elle ?! La douleur explosa en elle, et elle se mordit la lèvre pour ne pas hurler de douleur. Se soigner, sauver sa peau, ou abattre Georges, elle n'avait le temps d'accomplir qu'une seule action. Elle choisit de lever sa baguette en direction de l'homme, les yeux injectés de sang, le liquide chaud dégoulinant par jets sur le sol et sur ses vêtements.

Elle se retrouva bouche bée lorsqu'il se retourna dans sa direction. Sa main se mit à trembler. Il n'avait pas une égratignure. Seuls ses vêtements avaient volé en poussière, des fragments dorés et rouges flottant à ses côtés, une tâche sombre fumante se résorbait au creux de sa poitrine. Il afficha un sourire mauvais, avant de baisser le regard vers le bras qu'il tenait, puis le jeta négligemment sur le côté, dans un bruit de chair et d'os qui se heurtèrent au sol. Il secoua doucement la tête, affichant un air presque déçu, avant de dégainer à son tour sa baguette, ses muscles roulant sous sa peau comme s'ils étaient dotés de leur volonté propre. Les veines bleutés et violettes couraient également à la surface de sa peau, il leva la main pour se recoiffer d'un geste négligent. Au loin, Sixtine entendit une voix scander.

- Repello Transere !

Sa main cessa de trembler, elle ferma les yeux. Le sortilège anti-transplanage. Elle serra les dents, laissant la rage et la frustration l'envahir tandis que le tournis lié à la perte de sang l'affaiblissait peu à peu. Elle aurait pu transplaner ailleurs dans le manoir, mais nulle part ailleurs hors de la zone délimitée par le sort, et elle refusait de fuir. Un claquement de fouet retentit, suivi par cinq autres. Elle leva les yeux, et reconnut son ancien compagnon. Georges fit tournoyer sa baguette, et ses vêtements se réparèrent autour de lui, épousant à nouveau son torse comme une seconde peau, comme s'il n'avait jamais été touché. Ses doigts vinrent frotter son poignet.

- Miss Valerion... Comme vous me voyez déçu.

Elle leva un genou, reposant son pied sur le sol, levant en un éclair sa baguette en direction de Soliman, elle allait mourir, mais en emporterait au moins un avec elle. Si le patriarche Scott réagit comme le pire des lâches en fermant les yeux et en poussant un petit cri de fillette, se dissimulant derrière ses mains, Georges se contenta de fendre l'air de sa baguette. Elle s'attendait à être désarmée, mais pas à voir son poignet sectionné en un éclair. Le sang jaillit à nouveau, une nouvelle douleur la foudroya, semblant la prendre par tous les côtés, par tous les membres, tous ses sens étaient assaillis. Les quatre hommes de main de Georges agirent presque aussi vite que lui, et agissant à l'unisson, levèrent leurs baguettes pour immobiliser Sixtine, puis la faire léviter, l'écartelant de cordes invisibles. Elle sentit la douleur l'envahir, lentement, rapidement, puissamment, insidieusement, se précipitant dans ses veines à l'assaut de ses sens et de sa conscience. Georges leva la main, la douleur cessa.

Ses plaies cessèrent de saigner, mais elle n'en demeura pas moins grandement affaiblie pour autant, c'était à peine si elle était capable de reprendre sa respiration. Tuséki rabattit sa cape en abaissant sa baguette, tandis que ses hommes se dispersèrent autour du corps de Sixtine. Il la désigna ensuite de la main, s'inclinant légèrement vers Soliman.

- Elle est à vous.

Il hésita un instant, toujours visiblement terrifié. Sixtine se refusait à y croire, elle se mordit la lèvre si fort que du sang coula à nouveau jusque sur le plancher. Il fit un pas vers elle, semblant reprendre contenance, roulant prudemment des épaules, rajustant son veston. Qu'il approche, qu'il approche, Sixtine allait le foudroyer du regard. Toute sa vie, toute son âme, elle allait tout risquer dans un seul sort. Les yeux sont les fenêtres de l'âme ? Et bien, il était temps de le prouver, et elle allait déverser toute la puissance de sa magie jusqu'à s'en consumer, mais elle n'allait certainement pas rester sans rien faire. Encore un pas, elle attendait qu'il soit juste en face d'elle pour redresser la tête. Son cœur tonnait dans sa poitrine, se synchronisant au rythme de sa respiration. Et lorsqu'enfin, il fut à portée et se racla la gorge, elle rassembla toutes ses forces pour lever la tête en écarquillant les yeux pour les plonger dans ceux de Soliman. Meurs.

Un courant d'air, un trait fendit l'air sous le nez de Sixtine. Elle se figea, le visage de l'homme qui lui faisait face se déforma brutalement, ses mains tentèrent de remonter à sa gorge, désormais ouverte sur toute la longueur, tandis qu'une cascade de sang s'en déversait. Georges abaissa ensuite sa baguette, comme s'il la nettoyait du sang de sa victime. Ses hommes ne bronchèrent pas, c'est à peine s'ils clignèrent des yeux. Une boule se forma dans le cœur de Sixtine, lorsque le poids de la réalisation l'écrasa. Georges s'avança vers eux, déposant sa main sur l'épaule de Soliman, l'empêchant de s'effondrer au sol. Ses mains pressaient sa plaie béante, son regard paniqué ne fixait qu'un seul point, il tentait vainement de reprendre sa respiration. Tuséki lui murmura à l'oreille, avant de lever sa main pour la poser sur son menton.

- Shh... Là. Vous avez joué votre rôle à merveille, mon cher. À merveille.

Puis, aussi vif qu'un serpent, il souleva de force le menton de Soliman, forçant la plaie à s'ouvrir davantage, bloquant ses mouvements avec son autre bras. Son visage reflétait une satisfaction malsaine, prédatrice, son regard était fou et brûlait d'une lueur sordide. Petit à petit, sous le regard impuissant de l'ancienne professeure, la vie quittait le corps de son ex compagnon, et au fond d'elle, elle voulut ressentir au moins une pointe de satisfaction. Mais le fait de savoir qu'elle venait de plonger à pieds joints dans le piège de Georges, aveuglée par sa colère et sa soif de vengeance parasitait tout. Elle ne ressentait qu'une profonde détresse, ainsi qu'une envie de meurtre qu'elle n'avait jamais expérimenté auparavant. Elle devait faire quelque chose, vite, et maintenant, elle ne pouvait pas laisser cet homme agir aussi impunément !

Georges laissa le corps de Soliman s'effondrer à ses pieds, qu'il dégagea de la pointe de sa chaussure, un air dégoûté sur le visage. Puis, d'une rotation de la tête pour plonger son regard gris dans celui de Sixtine, il balaya cette préoccupation, comme s'il ne s'agissait que d'un moucheron un peu trop teigneux. Il sourit, sa lèvre supérieure dégageant ses dents, et un éclat de rire naquit du fond de sa poitrine. Il fut secoué durant plusieurs longues secondes d'un rire abominable, gras et triomphant, écartant les bras en regardant le plafond, avant de reprendre brusquement sa respiration. Sa main vint se poser sur son flanc, il cherchait le moindre signe de douleur, et sourit d'un air satisfait en hochant la tête en constatant qu'il ne ressentait rien. Puis il se souvint que Sixtine existait, et sembla presque surpris de poser son regard sur elle. Elle ne dit rien, elle le fixait, le foudroyait du regard, le maudissant de ses pensées, refusant de lui accorder le plaisir de parler.

Dans un effort puisant dans ses dernières forces, elle cligna des yeux, et catalysa le plus puissant sortilège qu'elle put, le faisant jaillir du fond de ses iris, pour bondir sur Georges. Il écarquilla les yeux en faisant un pas en arrière, le monde tournant soudainement autour de lui, peinant à reprendre sa respiration, se tenant la poitrine comme si son cœur allait lâcher. Ce fut au tour de Sixtine de sourire. Ses hommes furent pris de panique, et petit à petit, relâchaient leur étreinte, encore un peu, juste un peu...

La main de Georges vola soudainement, et gifla brutalement Sixtine, faisant éclater sa pommette. Le sang ruissela sur son visage. Il leva la main en hurlant.

- Bande d'abrutis, tenez-la !

Il se racla la gorge, plusieurs fois, toussant presque, avant de prendre une grande respiration, avant de finalement pousser un soupir de soulagement.

- Par mes aïeux ! Je crois qu'il va falloir que je vous prive également de ceci.

Sixtine avait déjà perdu la vue lorsqu'il fendit à nouveau l'air de sa baguette, cisaillant ses globes oculaires, mais ça, il ne le savait pas. Elle s'était carbonisé les yeux avec son sortilège, et même la douleur de la plaie nouvelle ne suffit pas à la faire tressaillir. Un monde de ténèbres l'envahit, elle sentit ses forces l'abandonner, mais si elle avait pu encore bouger ne serait-ce qu'un orteil, elle serait à nouveau repartie à la charge. Georges le sentit, et il éclata de rire à nouveau, puis elle tomba au sol, se fracturant quelques côtes, qui s'enfoncèrent dans ses poumons. Elle cracha du sang. Malgré le fait qu'enfin, ils avaient dissipé leurs sorts, elle était toujours incapable de bouger. Sa respiration irrégulière peinait à soulever sa poitrine, et le moindre filet d'air la mettait au supplice. Le goût métallique du sang inonda sa bouche.

Elle entendit ce qu'elle crut reconnaître comme un canapé dans lequel on s'assoit, puis le bruit d'un liquide que l'on verse dans un verre. Georges huma le doux nectar du vin qu'il venait de se resservir, laissant échapper un long soupir de satisfaction. Il croisa les jambes, et appuya sa tête contre ses doigts, son coude soutenant le poids de sa tête.

- Toutes mes félicitations, Miss Valerion. Vous venez officiellement d'assassiner le patriarche de la famille Scott. Oh, notez bien que je vous comprends, il avait abusé de sa position pour exiger votre démission, puis usé de son influence pour vous extorquer des faveurs proprement indignes pour quelqu'un de son rang !

Un bruit de déglutition suivit le mouvement de ses lèvres après qu'il eût siroté une longue gorgée de vin. Elle essayait de mourir vite, pour ne pas avoir à l'écouter, mais même ce simple souhait, son corps le lui refusa. Si ses yeux pouvaient encore pleurer, elle l'aurait fait, ne serait-ce qu'à cause de la douleur et de la rage qui la consumaient.

- Quel malheur, mais nous arrivâmes trop tard, Soliman était déjà mort, et vous, grièvement blessée. Malgré les injonctions des forces de l'ordre, vous n'avez pas obtempéré, il faut dire que votre réputation de récalcitrante était bien connue, et vous avez donc fait un... non, deux blessés graves.

Le bruit de sa baguette fendant l'air puis celui de deux corps heurtant le mur avant de s'effondrer parvint aux oreilles de Sixtine. Des éclats de voix commencèrent à retentir, dans lesquels se lisaient l'hésitation et la révolte. La voix de Georges fit vibrer les fenêtres.

- Oh, il suffit ! Vous deux, ramenez-les à l'hôpital, ils iront bien. Le Conseil n'oubliera pas vos fidèles services, un peu de cran, messieurs !

Après quelques secondes de silence, deux claquements de fouet retentirent dans la pièce. Selon les calculs de Sixtine, il ne restait plus qu'un homme et Georges. Peut-être que si elle arrivait à leur mordre suffisamment fort la gorge, elle pourrait les tuer. Un verre se brisa au sol, Georges se leva ensuite, rajustant sa chemise.

- Et quelle tragédie que vous n'ayez pas survécu à vos blessures... Mais dans le feu de l'action, la panique... Ah, quel malheur, vraiment, c'est navrant. Mais vous savez, les forces de l'ordre sont bien souvent confrontées à des choix vitaux, et ne disposent que de quelques millisecondes pour se décider.

Il avança vers elle, il s'accroupit à ses côtés, puis agrippa ses cheveux pour porter son oreille jusqu'à ses lèvres, à l'intérieur desquelles il murmura. Sa voix sifflante et mielleuse fut probablement la pire douleur que Sixtine ressentit de sa vie.

- Je crois que je vous dois des remerciements, madame.

Sa tête fut soudainement lâchée et heurta le sol. Un bruit de papier qu'on froisse retentit, puis un éclat de voix.

- Ça par exemple, vous avez vu ça, Tom ?!

Le papier fut déplié, Georges s'avança vers le policier.

- Une lettre signée par Elina Montmort en personne, dans lequel elle écrit noir sur blanc, je cite, autoriser "la prise de congé de Miss Valerion, le temps qu'elle règle ses problèmes personnels, quels qu'ils soient."

Un air faussement choqué apparut sur le visage de Georges. Bien que Sixtine ne le vit pas, son exclamation faussement surprise ne laissait aucun doute. Si seulement elle pouvait bouger, ne serait-ce qu'un peu. Mais elle se rendit compte que depuis plusieurs secondes, ses poumons avaient arrêté de fonctionner. Sa respiration avait cessé, elle décompta les secondes, jusque parce qu'elle le pouvait. Un nouveau bruit de papier.

- Tenez Tom, amenez ceci au secrétariat, urgence et priorité absolue. C'est une pièce à conviction vitale, il ne faudrait pas la perdre.

- Bien monsieur.

L'instant d'après, le claquement de fouet laissa place au silence, et Georges s'approcha à nouveau d'elle. Elle entendit son sa voix sifflant entre ses dents, et sentit le triomphe de la satisfaction dans ses tonalités.

- Comme quoi, parfois, même le privilège de la naissance ne vous préserve pas de la pourriture...

Il se leva, et tourna les talons comme si de rien n'était, faisant à nouveau voltiger habilement sa baguette. Les plaies de Sixtine se rouvrirent, il voulait s'assurer qu'elle ne survivrait pas. Il ne saurait jamais que c'était inutile, et que l'ancienne professeure avait déjà rendu son dernier souffle sans même pouvoir entendre sa dernière litanie. Insignifiant petit triomphe pour Sixtine, elle ne sut jamais comment elle avait pu se montrer aussi idiote dans un moment aussi critique. Elle n'eut même pas le temps pour une dernière pensée autre que la haine qu'elle ressentait pour l'homme qui l'avait piégé et manipulée.

Lorsque la police vint nettoyer les lieux le lendemain, plus de la moitié des membres présents rendirent leur déjeuner.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

17 août 2023, 00:03
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE SIXIÈME

Seule dans l'obscurité de l'aube, Kristen se tenait. Le vent salé et froid des côtes de l'Écosse balayait son visage et ses cheveux claquaient son visage. Elle ne prit la peine de remettre ses mèches derrière l'oreille que du côté gauche de son visage, l'autre ayant perdu toute sensation depuis désormais des mois. Sa longue cape noire battait également sous les bourrasques, le froid s'insinuant vicieusement dans le moindre pli de ses vêtements. Elle sourit, voilà encore quelque chose que son corps pouvait ressentir. La lumière de l'aube illumina enfin la mer qui s'étendait devant elle, le soleil levant reflétant ses rayons sur l'eau, aveuglant l'œil vaillant de Kristen. Le Remontant l'avait remis en état, il le faisait toujours, mais elle sentait que chaque gorgée de ce breuvage la forçait à tirer un peu davantage sur la corde déjà délitée de sa vie. Plus que jamais, son temps lui était compté. Elle prit une grande inspiration, humant l'air iodé et humide du matin, avant de lever les yeux au ciel, son attention attirée par un hululement caractéristique. Aurélia, sa chouette, était en train de piquer dans sa direction, les ailes grandes ouvertes, n'attendant que le bras de sa propriétaire pour s'y poser.

Kristen ne sentit même pas les serres de son volatile s'enfoncer dans son bras droit. De toute manière, il était inutile de prendre soin de ce membre, il était déjà à moitié mort, et ne fonctionnait plus que grâce à la volonté de sa propriétaire, et une bonne dizaine de décoctions magiques circulant dans son organisme. Du dos de l'index, elle caressa délicatement le dessous du bec de sa compagne, puis laissa glisser ses doigts dans son plumages, jusqu'à sa patte droite, à laquelle était attachée une lourde liasse de feuilles. Journaux, lettres, documents, recherches, tout ce que ses contacts avaient jugés utiles de lui transmettre. Ce rituel quotidien, elle le gardait secret. Elle aimait laisser Aelle, et désormais, Narcisse, qu'elle arrivait toujours à tout savoir sans qu'ils ne puissent l'expliquer de façon certaine. Cela la fit sourire, elle tira de son étui les précieux documents, laissant Aurélia s'envoler à nouveau pour aller s'installer dans son arbre favori à quelques dizaines de mètres de là. Elle parcourut en diagonale les feuillets, délaissant désormais les informations peu utiles au profit de celles qui pouvaient présenter une utilité immédiate.

Puis ses yeux se posèrent sur le journal, daté de ce matin, et ses doigts laissèrent échapper le reste des documents, qui venaient brusquement de perdre toute leur importance. Ses yeux parcoururent attentivement, mais avec agilité les caractères, sa main libre venant se poser d'elle-même sur sa bouche, ses paupières étaient écarquillées. Elle tournait les pages à une vitesse folle, n'osant croire ce qu'elle lisait. Elle expira, doucement, pour reprendre son calme, mais en vain. Elle tremblait de la tête aux pieds, mais ce n'était en aucun cas dû au froid. Un sourire mauvais, triomphant, naquit sur ses lèvres. Elle retint son éclat de rire, mais de justesse, avant de prendre le chemin de sa maison, repliant très précautionneusement le journal, comme si elle ne l'avait jamais ouvert.

*
*---*

Narcisse manqua de transpercer le papier journal de ses doigts, lorsqu'il le récupéra sur la grande table du salon, négligemment et innocemment posé sur un de ses coins. Le gros titre avait attiré son regard, et un frisson glacial avait coulé le long de sa colonne vertébrale, avant de remonter jusqu'à sa nuque. Ses jambes avaient cédé sous son poids, et il s'était avachi dans une chaise, la première qu'il avait trouvée. Il relisait encore et encore les grandes lettres de la première page, accompagnée par une photo d'un manoir des plus lugubres, devant lequel se tenait tout un cordon de policiers. Il secoua la tête, refusant toujours d'y croire, car le journal titrait : "Meurtre au manoir Scott ; tous les détails du règlement de compte entre le patriarche Soliman et son ex-compagne Sixtine Valerion. Pas de survivants." Et si encore, ce n'était que ça. Mais quelques pages plus loin... Il lut autre chose. Il ne savait pas quel élément meurtrissait davantage son âme, le fait que sa mère ait été exécutée pour terrorisme, ou le fait que cette nouvelle ne soit écrit qu'en tous petits caractère, sur la troisième page, sans même une image, un article à peine bâclé, dans une volonté de se débarrasser de la nouvelle et de passer à autre chose. La mort de sa mère ne valait-elle donc même pas un gros titre ?!

L'air autour de lui vibrait, et il se rendit compte qu'il était en train d'hyperventiler, suant à grosses gouttes, tremblant de tous ses membres, son cœur battant à tout rompre. Mille émotions le perçaient de leurs aiguilles acérées, ne lui laissant aucun répit. Mille pensées tiraillèrent son esprit dans tous les sens, ne laissant que des lambeaux. Culpabilité, tristesse, incrédulité, vengeance, colère, décrépitude, fureur. Sans même qu'il s'en soit aperçu, Kristen s'était approché de lui, et avait subtilisé doucement le journal de ses doigts, le défroissant d'un revers de la main. Elle se mit à le lire à son tour, se frottant le menton, avant de le tendre à Aelle, qui l'avait suivi. Elle croisa les bras sur sa poitrine, tandis que la jeune femme se mit elle aussi à lire, avec cette fois-ci, une plus forte réaction, manquant à son tour de s'effondrer, se rattrapant à la table. Contrairement à Narcisse, elle déchira par impulsion le papier, serrant les dents jusqu'à les faire crisser. Kristen n'y prêta pas attention, un étrange sourire flottait sur ses lèvres. L'adolescent n'entendit pas un seul de ses mots.

La main qui se posa sur son épaule diffusa alors une douce chaleur, s'infusant jusqu'au plus profond de ses os, mais il ne s'écoula pas un battement de cils avant qu'il ne se redresse brusquement, renversant la chaise derrière lui, reculant péniblement avant de s'adosser à un mur. Les bordures de sa vision étaient obscurcies par la rage, ses iris scintillaient de blanc, l'extrémité de ses doigts électrisait l'air autour d'eux. Ses traits étaient déformés par la rage.

- Je suppose qu'il est inutile que je te signale qu'il s'agit certainement là du résultat de ton hésitation.

Il se figea brusquement. Toute vie semblait avoir quitté son corps, toute magie semblait s'être éteinte en lui. Seule irradiait, aussi incandescente qu'un sortilège Feudeymon, une colère froide et brûlante au fond de son cœur. Il leva les yeux vers Kristen, elle ne le regardait même pas. Elle s'était contenté de récupérer les deux morceaux du journal pour les reconstituer d'un coup de baguette. Il vit rouge, et en un éclair, il poussa sur ses jambes, l'agrippant à la gorge, l'écrasant contre la table qu'il fit trembler. Aelle se dressa brusquement, et toute sa faiblesse brusquement envolée, elle lui décocha un violent coup de poing en pleine joue. Il lâcha Kristen, reculant en chancelant, davantage frappé par le choc de tout ce qui venait de chambouler son monde que sous une réelle douleur. On aurait pu lui arracher l'autre bras à l'instant, qu'il ne l'aurait probablement pas senti. Seule la colère alimentait encore son énergie, carbonisant sa raison aussi vite que l'air emplissait ses poumons.

Aelle se mit en position de combat, dégainant sa baguette, quand Kristen se redressa en toussant, la forçant à abaisser son bras, son autre main serrait sa gorge. Sa respiration était sifflante, sa gorge était à moitié écrasée, mais par une insufflation de sa magie, sa voix était puissante.

- Encore une fois, tu t'agites inutilement. Tu gaspilles ta vie, tu t'évertues à battre l'air de la manière la plus superflue !

Elle s'appuya sur Aelle, qui n'eut d'autres choix que d'utiliser sa main qui tenait sa baguette pour la soutenir, mais son regard foudroyait toujours l'adolescent. Kristen s'essuya les lèvres, avant de se mettre à sourire, l'air assurée.

- Tu sais ce que tu dois faire. Tu sais quelle est la seule et unique action véritablement importante et utile qu'il te reste à accomplir.

Sa main se leva pour aller empoigner son bras gauche, son sourire prit un air carnassier. Il comprit, Aelle comprit. Il appuya sa main contre le mur pour se redresser, ignorant le filet de sang qui coulait de sa bouche, sa poitrine se soulevant puissamment sous les impulsions de sa respiration rageuse. Son poing serré tremblait, ses yeux reflétaient une folie qui menaçait de le consumer. Une bête se débattait en lui. Une bête épouvantablement effrayante, qui le terrifiait, l'intimidait, mais qui n'avait jamais été plus proche de triompher qu'à cette seconde. Elle lui griffait le cœur, cognait de toutes ses forces contre les remparts de sa raison, lui hurlant et lui susurrant de se laisser aller à ses pulsions.

Narcisse n'avait jamais été quelqu'un de violent. Impulsif, certes, énormément, mais aucune violence n'avait jamais animé ce trait de caractère. Et pourtant, dormant tout au fond de ses gènes, profondément enfoui sous un nombre de protections et de serrures infinies, se trouvait le spectre d'une folie furieuse, ne demandant qu'à laisser libre cours à ses envies. Il n'en avait pas tout à fait conscience, mais il tenait ça de sa mère. Honor avait toujours été une femme violente et impulsive, et elle n'avait réussi à trouver un sens à sa vie que grâce au calme placide de son mari. Pour elle, Oscar représentait le verrou qui sécurisait son démon. Et lorsqu'il était mort, plus rien ne pouvait la retenir. Désormais, quelque chose venait de céder au fond de l'abyssale conscience de Narcisse. Un verrou venait de sauter.

Kristen ne put dissimuler son sourire. Quand un homme bon part en guerre, renie ses principes et n'a plus rien à perdre, même les plus grandes puissances peuvent soudainement se retrouver occultées. Elle bondit sur l'opportunité.

- Combien d'amis vas-tu laisser mourir, Narcisse ? Combien de vies devront être prises pour qu'enfin, tu ouvres les yeux ?

Toute la maison trembla brusquement au rythme d'un battement de cœur. Puis, aussi rapidement qu'elle était apparue, toute l'énergie magique de Narcisse regagne son enveloppe charnelle. Et lorsqu'il redressa la tête pour plonger ses yeux noirs dans ceux de Kristen, même elle en ressentit un frisson. Des sillons de larmes avaient été tracés, ses traits étaient tirés, il semblait avoir pris plusieurs années d'un seul coup. Il fit un pas vers elles, Aelle s'interposa, avant de saisir sa mentor par les épaules.

- Kristen, tu ne peux pas me faire ça ! C'est à moi de le faire ! C'est pour ça que je suis resté avec toi, tu te souviens ? C'est pour ça que tu m'as gardé auprès de toi, pas vrai ?!

Sa voix se brisait, mais de manière surprenante, celle qui avait l'air le plus bouleversée, c'était Kristen. Elle avait écarquillé les yeux, et ses lèvres étaient entrouvertes. Ses mains agrippèrent les épaules d'Aelle.

- Non ! Aelle. Je ne peux pas te laisser faire ça !

- Mais pourquoi ?! Pourquoi par Merlin ?? Ou alors, tout ce que tu m'as dit, durant toutes ces années, tout n'était que mensonges ?!

Kristen secoua la tête, et Narcisse remarqua une émotion à laquelle il ne s'attendait pas : la peur. Il ne comprit pas pourquoi, et il se rendit compte qu'il s'en foutait. Leurs babillages ne l'intéressaient pas, il continuait d'avancer vers elle.

- C'est pour ça que j'ai fait tout ce que tu m'as dit ! C'est pour ça que j'ai serré les dents aussi longtemps, alors pourquoi ?! Pour...

- Parce que je tiens trop à toi !!

Tous se figèrent, même Narcisse. Seulement, lui, à la différence d'Aelle, qui sembla proprement se décomposer face à sa mentor, l'adolescent arqua un sourcil de perplexité. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose sonnait faux, très faux. Ce ne fut que lorsque Kristen prit doucement Aelle dans ses bras, et posa sa tête sur son épaule pour regarder Narcisse, qu'il comprit. Elle souriait, et elle le regardait. Une vague de compassion prit brusquement d'assaut le cœur du jeune homme, mais elle se heurta aux nouveaux remparts impitoyables de son âme, glissant sur ses protections comme sur du papier ciré. Quelque chose clochait, mais Narcisse se rendit compte qu'il n'en avait plus rien à faire. Qu'advienne que pourra, il voulait juste obtenir la puissance nécessaire pour se venger de Georges, et de tous ceux qui avaient le malheur de se trouver entre eux.

Aelle, comme animée par un réflexe fantomatique, leva à son tour ses bras pour enlacer Kristen, comme si c'était quelque chose qu'elle attendait depuis de nombreuses années, elle tremblait légèrement. Kristen continua de sourire un instant, avant de soudainement changer d'expression, puis se pencha vers Aelle.

- Je ne peux pas revivre ce que j'ai vécu avec Owen... Je ne peux pas... S'il te plaît, quand j'ai failli le perdre, quand j'ai failli le tuer... Je ne peux pas revivre ça.

Les genoux d'Aelle faiblirent, et Kristen la fit souplement s'asseoir sur la chaise à côté. Elle ne sanglotait pas, mais de lourdes larmes roulaient sur les joues de la jeune femme. Narcisse ignorait totalement de quoi elles parlaient, et pire que tout, il n'en avait cure. Elles leur faisaient perdre du temps. Là où il aurait dû ressentir de la compassion, de la peine, il ne ressentait que de l'irritation, de la haine et de la colère. Il n'avait pas le temps de s'en inquiéter non plus, et s'avança jusqu'à Kristen, se tenant de toute sa hauteur face à elle. Sa voix grondait au fond de sa gorge.

- Kristen. Quand peut-on commencer ?

Elle soupira en se redressant, laissant sa main sur son épaule. Elle ne se fatiguait même plus à dissimuler son air victorieux. Sa tête se pencha sur le côté, elle haussa un sourcil.

- Tu es sûr ? Après tout, je ne voudrais pas...

- Arrêtez. Fermez-la.

Il s'était penché sur elle, ses yeux s'étaient illuminé de blanc un bref instant. Alle ne réagissait plus, elle semblait totalement effondrée. Kristen leva la main en souriant, l'air incroyablement satisfaite, elle jubilait presque.

- Fort bien, fort bien.

Semblant presque flotter lorsque sa cape virevolta, Kristen se pencha vers Aelle, avant de lui murmurer à l'oreille des mots que Narcisse ne comprit pas. Il s'en moquait, plus rien pour lui ne comptait. Il refusait de penser à autre chose que Georges. Il savait que s'il pensait à autre chose, il ne pourrait plus avancer. Il devait se concentrer sur ce qu'il pouvait faire. Aelle secouait la tête, un éclat de colère perçait dans sa voix, et il crut entendre quelques mots qui, en temps normal, lui auraient glacé le sang.

- ... je vais devenir ?

- Ne t'inquiète pas... je serai toujours auprès de toi, et une fois que j'aurais récupéré son corps, tout redeviendra comme avant. On pourra enfin reprendre nos expériences comme aux premiers jours.

Si les mots d'Aelle ne parvinrent pas tous à ses oreilles, ceux de Kristen étaient aussi clair que le tonnerre qui grondait dans le ciel. Et lorsqu'elle leva les yeux vers lui, un sourire mauvais aux lèvres, il sut que jamais il n'avait été dans le projet de cette femme de lui laisser la moindre chance. Il n'allait pas s'agit d'un échange, ni d'une lutte, mais d'une exécution. Elle aida Aelle à se lever, enjoignant Narcisse à les rejoindre dans le laboratoire dès qu'il serait prêt. Il prit une grande inspiration, avant de leur emboîter le pas sans même leur accorder un regard. Peu importe ce qu'il arrivait à partir de dorénavant. Peu importait s'il mourait, s'il perdait son corps. Tout ce qu'il voulait, c'était que Georges paye, et pour arriver à ce résultat, offrir sa misérable vie en échange de l'instrument de sa vengeance lui apparaissait comme un prix bien dérisoire.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

18 août 2023, 00:44
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE SEPTIÈME

Comment avait-elle pu se montrer aussi aveugle ? Par quelle sorte de malédiction Elina avait pu être aussi stupide ?! Assise face à son bureau, les doigts entremêlés dans ses cheveux, son regard plongé dans les feuilles de journal déchirées, elle fixait les gros caractères avec des yeux injectés de sang. Son cœur tonnait dans sa poitrine, comme des coups de tonnerre l'ébranlant à chaque seconde. Elle ferma les yeux, grimaçant sous la honte brûlante qui se mit à lui parcourir les veines. Avait-elle réellement pu croire, ne serait-ce qu'un seul instant, qu'une seule seconde, que Sixtine Valerion aurait pu agir autrement ? Ne la connaissait-elle pas suffisamment pour savoir que peu importe les enjeux, cette femme avait toujours été incapable de réfléchir à deux fois ?! Et plus particulièrement, lorsqu'on touchait à sa carrière, ou que l'on réveillait ses anciens démons. Elina se demanda : avait-elle sincèrement douté de Sixtine, ne serait-ce qu'un court instant, ou bien avait-elle choisi de volontairement se débarrasser de toute responsabilité pour protéger l'école ? Après tout, l'attaque ne pouvait en aucun cas être rattachée à Poudlard, et malgré les racontars de journalistes véreux, il ne s'agissait là que d'une vendetta personnelle menée par une femme irréfléchie.

Un reflux gastrique secoua la directrice, elle fut forcée de poser brusquement la main sur ses lèvres. Le picotement des larmes salées la força à fermer les yeux, et elle dut bloquer sa respiration pour ne pas être terrassée par les sanglots qu'elle sentait monter. Au fond d'elle, tapi, enfoui sous des dizaines de couches de raisons, de rationalité et de sagesse, elle se rendit compte que jamais elle n'avait envisagé que Sixtine Valerion puisse être défaite. Elle avait accepté de lui faire confiance, de mettre ses doutes de côtés, et tout ça pour ça... L'obscurité menaça de submerger son cœur, mais la vision d'une lettre décachetée provenant directement du Conseil insuffla un second souffle à Elina. Elle inspira profondément, s'attacha les cheveux en natte, et calma les tourments de son âme. Tout du moins, elle les repoussa pour un temps. Ce n'était pas le moment.

Georges. Ce salaud de Georges. Il avait bien calculé son coup. Comme de par hasard, le journal de ce matin était arrivé accompagné de cette lettre. Il ne mentionnait évidemment pas le journal, mais il était plus qu'évident qu'il avait lui-même pris grand soin que cette édition arrive sous les yeux de la directrice. Et dans le plus grand des calmes, il lui imposait une entrevue, en direct. Elina n'était pas dupe. Elle sentait, elle savait qu'il allait bondir sur l'occasion de la calomnie qu'il avait diffusé dans cette même édition sur la prétendue exécution de la moldue. Ainsi, en coupant l'herbe sous le pied de la directrice, il la mettait face au pied du mur. Désormais, impossible pour elle de révéler que Poudlard détenait toujours la moldue sans causer une pagaille générale, il n'était plus possible de régler cela par des passes discrètes sous la table de la diplomatie. Elle savait qu'une seule réaction pouvait être attendue de Georges si elle se décidait à divulguer publiquement ses mensonges après cette attaque. Elle allait perdre le peu de crédibilité qu'il lui restait. Oh, il était évident qu'avec un peu de temps, elle aurait pu bricoler un plan sans accroc, elle aurait pu affaiblir l'influence de ce nouveau président, pour finalement... Oui, elle aurait pu, si elle avait le temps. Si seulement Kristen n'avait pas dissimulé ce foutu Retourneur, elle aurait pu...

La porte s'ouvrit brutalement, à la volée, le bois cogna contre le mur et manqua de se disloquer. Elina redressa la tête, en bondissant hors de sa chaise. Suileabhan avançait à grands pas vers elle, le visage rouge de fureur, le regard noir, les poings serrés et la poitrine gonflant régulièrement sous le coup de ses puissantes respirations. Elle serra les dents, ce n'était pas le moment !

Les poings de l'homme frappèrent violemment contre la table, ses narines s'évasèrent comme celles d'un taureau, et il sortit une lettre de sa veste.

- Ma démission. Effective immédiatement.

Elina écarquilla les yeux, bouche bée. Il s'apprêtait à tourner les talons, la voix de la directrice l'interrompit.

- Arrêtez !

Il n'écouta pas, il continua d'avancer. Le poing de la femme cogna à son tour brutalement le bureau, elle laissa libre cours à sa colère, insufflant un peu de magie dans sa voix.

- Tout ce que vous allez réussir à faire, c'est vous faire tuer !

Enfin, il se figea. Comme frappé par la foudre, il s'immobilisa. Sa respiration était courte et rapide, ses poings serrés tremblaient. Elle ne lui laissa même pas le temps de répliquer, et frappa à nouveau du plat de la main sur le bureau, quelques mèches de ses cheveux blond platine glissèrent sur son visage.

- Kohler, vous êtes aussi têtu qu'elle ne l'était, alors écoutez-moi bien. Je refuse votre démission. Par conséquent, quoi que vous fassiez, vous allez jeter l'opprobre sur cette école ! Et plus rien n'empêchera Georges de s'emparer de ce qu'il veut, d'un simple geste de la main !

Elle laissa flotter un silence, s'emparant de la lettre avant de doucement s'avancer vers lui. Il refusait de lui faire face, elle ne le força pas à se tourner, mais lui tendit sa lettre.

- Si vous faites ce que vous vous apprêtez à faire, vous jouerez exactement comme il le veut. Vous lui offrez sur un plateau d'argent notre école, et surtout, si vous mourrez, vous ne pourrez jamais honorer la mémoire de votre ex-compagne.

Le temps lui faisait défaut, Georges allait bientôt émerger par le feu qui brûlait dans son âtre, et il était hors de question qu'elle le laisse la surprendre dans un tel état de faiblesse ! Elle ne devait rien lâcher, ne pas lui donner le moindre élément qu'il pourrait utiliser contre elle. Après quelques secondes, elle s'apprêta à insister, mais il se tourna vers elle. Deux pupilles noires, abyssales, dans lesquelles ne se lisaient qu'une infinie souffrance, camouflée derrière une couverture de colère, se plantèrent dans ceux de la directrice. Durant un bref instant, toute la peine qu'il ressentait se déversa sur elle. Puis elle bloqua, elle ferma son esprit, avant d'à nouveau lui tendre sa lettre. Il baissa le regard pour regarder le bout de papier, puis le repoussa de la main. Sa voix grondante ressemblait presque à un ronflement.

- Quand tout sera fini, vous allez l'accepter.

Il prit ensuite le chemin de la sortie, sa main se posant sur la poignée. Il parla sans se retourner.

- Pour l'instant, je reste. Faites votre boulot, je ferai le mien.

Elina s'attendit à ce que la porte vole en éclats lorsqu'il la claquerait, mais il la referma avec une douceur qu'elle n'aurait pu imaginer. Son horloge sonna. Elle tressaillit. La tristesse du concierge était devenue, durant un court instant, la sienne, l'exposant à une faiblesse qu'elle ne pouvait absolument pas se permettre dans une telle situation. Les braises de son âtre crépitèrent lorsque les flammes s'évanouirent, et s'imposant un effort mental qui même pour elle était inhabituel, elle réussit à afficher son air le plus digne et le plus calme lorsque la silhouette de Georges se dessina. Elina bouillonnait de l'intérieur. Même la simple vue de cette silhouette de flammes suffisait à attiser sa haine. Mais elle ne lui donnerait pas ce plaisir. Il se tourna vers elle, presque surpris de sa présence. Une nouvelle insulte qu'elle ne releva par aucun signe visible. Il mit du temps à prendre la parole, époussetant ses vêtements et rajustant sa cape, il voulait la faire parler la première. Mais finalement, il se racla la gorge, avant de laisser échapper une voix d'outre-tombe.

- Miss Montmort. Croyez bien que je suis fortement navré que nos retrouvailles tant attendues se fassent dans un contexte aussi... tragique. Je vous prie d'accepter toutes mes... condoléances.

En un sens, Elina fut impressionné par Georges. Pas un seul des mots qu'il prononça n'était sincère. Pas un. Malgré elle, elle admira sa capacité à transmettre tant de mépris par un ton aussi mielleux. Elle inclina imperceptiblement la tête, les bras le long de son corps, les mains croisées. Le poids de la lettre de démission de Suileabhan pesait lourdement dans la poche de sa veste.

- Président.

Pas un mot de plus. Elle ne lui offrirait aucune ouverture. S'il la voulait, il devrait venir la chercher, et ce faisant, il s'exposerait. Il pencha la tête sur le côté. Venait-elle d'apercevoir l'ombre d'un sourire flotter sur ses lèvres, ou bien n'était-ce là que le reflet des flammes ? Il posa une main sur sa hanche.

- Sachez que je regrette sincèrement la discussion que je suis sur le point de vous imposer. Mais depuis ce début d'année, force est de constater vos ingérences face à ces événements plus que tragiques.

Le sang d'Elina ne fit qu'un tour, l'une de ses paupières battit par réflexe, sa colère monta en flèche. Le remarqua-t-il ? Elle n'en sut rien, mais peut-être que l'excès d'assurance et le brin de satisfaction qu'elle captait de sa voix ne provenaient peut-être pas que de son imagination.

- Vous avez, plus d'une fois, refusé de collaborer avec le Conseil. Pire encore, vous vous êtes, de nombreuses fois, opposé à sa politique. L'incident du procès doit être suffisamment frais dans votre mémoire pour que je n'aie pas besoin de vous le rappeler, vous ne pensez pas ?

Elle ne lui offrit même pas le plaisir de hocher la tête, il ne sembla pas s'en soucier. L'homme se mit alors à faire les cent pas, probablement dans son bureau, et Elina songea qu'il se donnait beaucoup de mal pour avoir l'air sincèrement préoccupé.

- Et cette... attaque, tout aussi tragique, et regrettable, ne fait que conforter le Conseil dans ses opinions, et le fait se retrancher derrière ses positions.

Une nouvelle fois, elle fut tentée de l'interrompre, mais le coup de dents qui marqua brusquement l'intérieur de ses joues, au point de lui faire goûter le sang, suffit à l'empêcher d'ouvrir la bouche. Qu'il continue, qu'il ose seulement continuer. Il s'arrêta, et leva la main vers Elina tout en parlant.

- Et surtout... cette lettre, retrouvée sur le corps de Miss Valerion, elle qui vous met dans une situation, pour le moins, compromettante.

Le bruissement du papier qu'il brandit alors se confondit avec le bruit d'une bûche qui se fendit dans la cheminée, libérant une gerbe d'étincelles. La surprise d'Elina était totale, mais un effroyable pressentiment courut le long de sa colonne. Elle tourna légèrement la tête sur le côté, tentant d'effacer toute gravité dans sa voix qu'elle voulut légère et détachée.

- Une lettre ? Puis-je vous demander d'être un peu plus précis à ce sujet ?

- Mais, cela va de soi, madame.

Il déplia la lettre, et en lit le contenu à voix haute, et chaque mot qui sortait de sa bouche plongeait un peu davantage Elina dans un océan de rage et d'incrédulité.

- Hrm hrm : "Miss Valerion, par cette lettre, il vous est accordé votre prise de congé, le temps que vous puissiez régler vos problèmes personnels, quels qu'ils soient. Il va de soi que..."

Elina cligna des yeux, les flammes ondulèrent dans l'âtre, déformant la voix de Georges, qui avait de toute manière, marqué une pause qu'il savait stratégique. Elle le sentait, elle était certaine qu'il s'agissait là d'un piège. Mais il venait en cet instant d'excéder les limites de sa patience et de ce qu'elle pouvait tolérer. Ses pieds pivotèrent sur son plancher lorsqu'elle se plaça de profil, sa voix grondait et faisait vibrer les murs de la pièce.

- Il suffit. Je vous conseille d'immédiatement cesser votre petite mascarade, qui, au passage, ne prend pas le moins du monde. Et vous seriez, à mon avis, fort naïf de croire ne serait-ce qu'un seul instant que quiconque d'assez malin pourrait y croire.

Il leva les yeux, avant de lâcher la lettre en la projetant sur le côté, la laissant tomber comme si elle n'avait plus aucune valeur, puis il croisa calmement les bras, avant de s'asseoir dans ce qu'elle devina un luxueux fauteuil. La posture de puissance et de confiance qu'il affichait finit de balayer le calme apparent d'Elina, comme un pansement qu'on arracherait.

- Une mascarade ? Mais, voyons, ma chère, de quoi parlez-vous ?

- Ce petit jeu est méprisable, Tuséki ! Qu'est-ce que vous espérez obtenir avec ça ?! Il me serait aisé de prouver que Sixtine Valerion avait posé sa démission, ainsi que...

- C'est votre parole contre la mienne, Miss Montmort. D'autant que de mon côté, j'ai de multiples témoins, qui pourront jurer qu'ils ont récupéré cette lettre sur le corps de la malheureuse Valerion.

Elina se tut. Ils se toisèrent longuement, la directrice ruminant ses pensées, poussées jusque dans ses retranchements. Il tenait tous les secrétariats dans le creux de sa main, et même avec ses preuves, il aurait été extraordinairement aisé pour lui de les faire disparaître. Elle contre-attaqua sous un autre angle, ne serait-ce que pour lui laisser le temps de trouver une parade.

- Et cette histoire d'exécution de la moldue ?

Elle croisa les bras, tentant de regagner un peu de contrôle sur cette conversation qui prenait un tournant qu'elle n'avait aucune envie de prendre. Elle se sentait acculée, piégée. Elle savait qu'elle détenait la vérité, qu'il jouait dans le camp de ceux qu'il fallait abattre, mais cet homme, cet être appartenant à un temps passé, rien ne semblait avoir de prise sur lui ! Peu importe les efforts qu'elle déployait, peu importe ce qu'elle fasse, il balayait tout d'un simple revers de la main. Ils ne jouaient pas avec les mêmes règles, et ce ne fut qu'en cet instant qu'elle le réalisa. Elle parvint à dissimuler un léger tremblement en cachant son bras derrière son dos, faisant mine de croiser les mains derrière elle.

- Vous avez donc renoncé à elle ? Dois-je en conclure que je puis en disposer comme je l'entends ?

Elle pencha doucement la tête sur le côté, retenant un sourire.

- Vous n'émettriez aucune objection à ce que je ne divulgue que vous n'avez exécuté qu'un fantôme ? Je suis persuadé que l'opinion publique se délectera à nouveau de voir que le nouveau Président s'est pour la seconde fois trompé de coupable.

Un léger tic de l'index de Georges poussa Elina à croire qu'elle venait de faire mouche, et elle se laissa enfin à aller à un sourire triomphant, presque mesquin.

- Montmort. Vous n'êtes absolument pas en position d'exiger quoi que ce soit.

Un sourire mielleux se dessina sur ses lèvres, elle se mordit l'intérieur de la joue lorsque son cœur s'accéléra.

- Croyez-moi, chacun des membres du Conseil n'attend que mon feu vert pour enfin faire main basse sur votre école. Il faut dire qu'entre le sang-pourri que vous n'avez pas réussi à retenir chez vous, et cette sombre histoire de professeur que vous n'auriez même pas cherché à restreindre, votre dossier n'est pas reluisant.

Il tendit le bras avant de ramener à lui un verre à cocktail qu'il porta à ses lèvres, laissant ensuite échapper un soupir de contentement.

- Il serait dommage que tout se termine dans le sang et les flammes, vous ne pensez pas ?

Si Elina avait été un temps attristé par le souvenir de Narcisse, voilà cette préoccupation bien vite chassée. Elle n'en revenait pas qu'il ose ainsi brandir une telle menace ! Évoquer ne serait-ce qu'un contrôle sur Poudlard depuis les événements de 1998 était déjà tabou, mais évoquer une potentielle invasion sans détours, même elle ne s'était pas préparé à ça. Tout alla très vite, son sang ne fit qu'un tour, ses priorités furent revues en un éclair. Elle serra le poing. Il se pencha vers elle, le menton dans la paume de sa main.

- Je vois que j'ai votre attention désormais.

Il ouvrit ensuite la main avant de la tendre vers elle, comme s'il l'invitait à la serrer, paume vers le haut.

- Je passerai bientôt vous rendre une petite visite. Et il ne tient qu'à vous de décider de quelle manière celle-ci se terminera. Remettez-moi la moldue, et en échange, j'accepterai de bonne foi de reprendre les négociations entre le Conseil et votre direction. Après tout, que dirait le peuple si je forçai la main à une directrice qui semble faire de son mieux ?

Elle ne s'embarrassa même pas à répondre, elle avait la désagréable impression que, quoi qu'elle réponde, il trouverait toujours le moyen de le retourner contre elle. Alors elle se tut. Il referma le poing.

- Il est inutile que j'évoque l'autre possibilité, n'est-ce pas ?

Cette fois-ci, elle sut qu'il attendait au moins un semblant de réponse, et se forçant à garder les lèvres fermées, elle hocha la tête, un amer arrière goût de vomi au fond de sa gorge. Le sourire carnassier de Georges fut sublimé par les flammes lorsqu'il s'adossa à son fauteuil pour boire une nouvelle gorgée.

- Dans deux jours, vous me livrerez la moldue, sans faire d'histoires. Je viendrai personnellement la récupérer, en signe de ma bonne foi et pour montrer ma bonne volonté. Sur ce, j'ai beaucoup à faire.

Si durant un instant elle hésita à le saluer par principe, ce ne fut pas le cas de l'homme, qui disparut à peine ses mots balancés. Elle attendit une poignée de secondes, pour être bien certaine que la communication était parfaitement rompue, avant d'enfin se laisser aller. Elle manqua de tourner de l'œil. De rage. Elle tremblait de colère et de désespoir, un sentiment d'impuissance lui rongeant l'intérieur des tripes comme un acide. Son visage dissimulé dans le creux de ses mains, elle ouvrit les yeux derrière ses doigts pour regarder les braises de l'âtre. Rien ne se déroulait comme prévu, et elle ne comptait certainement pas sur le bon déroulé de cette opération.

Dans un réflexe qu'elle avait réussi à juguler depuis des années, son pouce se logea entre ses canines, dont elle entreprit de ronger l'ongle. Elle ferma les yeux, et se mit à réfléchir longtemps. Presque plongée dans un état de transe, elle considérait toutes les possibilités, même celles qu'elle s'étaient toujours refuser à ne serait-ce qu'envisager. Lorsque le soleil de midi vint taper au travers de sa fenêtre, elle rouvrit les yeux. Elle tourna la tête vers la porte, passa sa main sur son visage, avant de soupirer. Son cœur se serra, et un frisson d'angoisse lui chatouilla le dos. De sa baguette, elle fit venir à elle une beuglante discrète, qu'elle ensorcela pour qu'elle se rende auprès de tous les adultes du château.

- Rendez-vous immédiatement dans le bureau de la directrice, urgence absolue.

Elle plia un coin de la beuglante pour enregistrer un message à destination d'un seul homme.

- Kohler, amenez également la moldue.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]

20 août 2023, 00:39
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE HUITIÈME
TW : Greffe de membre

Malgré la tiédeur relative qui régnait à l'intérieur du laboratoire, Narcisse frissonna. Assis sur un tabouret, sa chemise retirée, son profil gauche en direction du lit de camp dans lequel était allongée Kristen, il prit, malgré son impatience, le temps de regarder la pièce en détails. Beaucoup plus grand que la disposition de la maison laissait à penser, il ressemblait en tout point à un laboratoire de savant fou. Ou en l'occurrence, de savantes folles. Mille et une fioles vides ou à moitié pleine trônaient çà et là, parfois à même le sol, parfois sur une étagère, ou négligemment abandonné au coin d'une table. Des liasses et des liasses de papiers jonchaient les deux bureaux, tapissant aussi bien leur surface que le plancher qui les entouraient. Des plantes et des livres entrouverts, déchirés, brûlés, des étagères remplies de décoctions inconnues, des vivariums vides, brisés, une odeur de salpêtre et de vinaigre s'était incrusté dans l'air ambiant. Les deux fenêtres aux carreaux floues de saletés et de graisse laissaient à peine filtrer le peu du soleil hivernal qui daignait pointer le bout de son nez, forçant Aelle à avoir allumé toutes les bougies qu'elle avait pu trouver afin de correctement éclairer l'endroit.

L'adolescent revint à l'endroit où il était assis, seul mètre carré de la pièce dans laquelle il se trouvait où la propreté semblait impeccable. Le sol était soigneusement délimité par un cercle de cendres, les lattes sentaient le vinaigre et le lit dans lequel Kristen attendait tout aussi patiemment disposait de draps plus propres qu'il n'avait eu l'occasion d'en voir depuis des jours. Son regard croisa celui de son hôte, et il hésita un instant à se détourner, avant de sentir ses sourcils se froncer malgré lui, et son cœur s'emballer. Il serra le poing posé sur son genou, l'air autour de lui vibra. Kristen sourit. Ce fut elle qui détourna le regard, mais d'un air beaucoup trop satisfait au goût de Narcisse, qui sentit un goût désagréable envahir l'arrière de sa bouche. Il pencha la tête sur le côté jusqu'à s'en faire craquer les cervicales, avant de faire rouler ses épaules, grimaçant lorsqu'il sentit l'absence de réponse de son bras gauche. Il ne s'y habituerait décidément jamais.

Aelle s'affairait avec une célérité qu'il n'avait jamais pu observer chez elle. Malgré ses joues striées de larmes séchées, ses mouvements étaient précis, et son regard déterminé. Pas une fois, elle ne toussa, sa santé fragile semblant s'être, pour un temps, mise en retrait, de peur de causer le courroux de la jeune femme au tempérament acariâtre qu'il connaissait si bien. Il ne put retenir un sourire lorsqu'elle se dirigea vers lui et Kristen, tenait deux fioles fumantes d'un breuvage à la couleur peu ragoûtante. Elle ne le regarda même pas, sa voix grondante sifflait entre ses lèvres.

- Buvez le contenu en cinq gorgées.

Surpris, mais pas au point de vouloir poser des questions, Narcisse s'exécuta, guettant du coin de l'œil Kristen, qui, à son grand soulagement, se mit à boire également. Plus il la regardait, plus elle lui apparaissait comme décrépie. Il était désormais plus qu'évident qu'elle n'en avait plus pour longtemps. Ses traits tirés, squelettique, sa peau craquelée à moult endroits, sa respiration sifflante et faible, la couleur de sa peau maladive, tous ces éléments hurlaient l'insalubrité. Pour être plus exact, seul son bras gauche semblait être en parfaite santé. En buvant la dernière gorgée, il se demanda ce que cela lui coûtait, de s'être montrée aussi forte tout ce temps. Même ces quelques jours, elle avait probablement dû payer le prix fort. Avait-il accéléré sa dernière heure ? Était-ce pour cela qu'elle semblait aussi pressée d'en finir ? Il y avait un désespoir chez elle, un désespoir et une urgence manifeste, qui n'apparaissait désormais que trop clairement face à la perception du monde renouvelée de l'adolescent.

Tous deux toussèrent, bruyamment, manquant de vomir et de rendre leurs tripes, une fois la potion bue. Aelle s'imposa, récupérant les récipients rapidement.

- Si vous en recrachez une goutte, je vous tue.

Et elle se détourna, se penchant immédiatement à l'accomplissement de nouveaux préparatifs. Narcisse se redressa au moment où la voix de Kristen résonna dans la pièce, plus faible que jamais. Il en ressentit un bref pincement à la poitrine, vivement chassé par l'urgence de la situation, et sa colère sans borne qui brûlait en lui depuis qu'il avait appris la mort de sa mère. Il ferma son cœur, son regard se durcit.

- Aelle, tu vas me réciter une dernière fois la marche à suivre, je ne veux prendre aucun risque.

La jeune femme tiqua à la mention de son nom, puis, dans un souffle, ses épaules s'affaissèrent. Elle se racla la gorge d'un sanglot contenu.

- La potion que vous venez d'avaler est la potion de Synchronisation. Elle va permettre, une fois le processus entamé, de synchroniser vos cellules pour qu'elles puissent entrer en résonnance.

Elle se tourna ensuite vers eux, tenant une nouvelle potion fumante et bouillonnante, éclatante d'un rouge vif. D'un geste vif de la main, elle la tendit à Kristen, qui hocha la main, une certaine fierté brillait au fond de son regard. Narcisse ne perdait pas une miette de ces explications, légèrement voûté, tel un ressort prêt à bondir à la moindre occasion.

- Ensuite, vous allez boire la potion d'Anti-cicatrisation. Elle va... permettre à votre peau de s'assouplir, et je pourrais ensuite détacher plus facilement votre bras. Et elle a un léger pouvoir anesthésiant, je l'ai dosé juste comme il faut pour qu'elle soit efficace, mais qu'elle ne vous prive pas de votre conscience.

Un bruit de déglutition se fit entendre à sa pause, puis elle se tourna vers Narcisse, le visage sous-tendu d'une grande fureur, mais également d'une grande retenue. L'adolescent l'avait-il déjà vu aussi maîtresse d'elle-même, mais en même temps animée d'une telle envie de lui en coller une ? Il aurait pu en sourire, dans une autre situation. Dans un geste fluide et souple, elle s'accroupit ensuite aux côtés de Narcisse, et dégaina sa baguette.

- Ensuite, je vais rouvrir la cicatrice du réceptacle. Il faut qu'il soit conscient pour pouvoir accueillir la greffe.

L'adolescent sentit une pluie d'aiguilles brûlantes brusquement s'enfoncer sous sa peau. Il se plia en deux, les yeux écarquillés, les doigts de sa main agrippant le tissu de son pantalon, la bouche grande ouverte, laissant échapper quelques gargouillements de douleur retenue. Le sang ruissela de sa plaie désormais grande ouverte. Aelle l'agrippa par l'épaule, le forçant se mordre l'intérieur de la joue. Elle lui lança un regard mortel qu'il ne manqua pas de lui rendre. Dans un réflexe, il leva la main pour presser sa plaie, elle la gifla sèchement.

- Si tu touches ta plaie Brando, je t'arrache l'autre bras.

Il s'immobilisa, avant de serrer le poing pour finalement, après une lente expiration, l'abaisser à nouveau, ignorant du mieux qu'il put la douleur lancinante qui le prenait à la base de son épaule. La seule chose outre sa volonté qui l'empêchait de penser à sa douleur, était le sourire presque sadique de Kristen, qui leva sa potion dans sa direction, l'air de dire : "Santé". Un frisson désagréable lui parcourut la nuque lorsqu'elle vida d'un trait la boisson, tandis qu'Aelle était absorbée par l'examen de sa plaie, sur laquelle elle jeta quelques sortilèges informulés. L'un découpa précisément la peau alentour, l'autre nettoya le sang et un dernier stoppa enfin le saignement, laissant la blessure ouverte, sans pour autant la cicatriser. Elle se redressa, récupérant le récipient vide pour le poser sur la grande table en chêne.

- Lorsque le point d'attache du réceptacle est propre, il faut...

Sa gorge se serra, elle sembla vaciller un bref instant. Kristen soupira, elle ne chercha même pas à pousser Aelle à continuer. Était-ce là un geste de compassion, ou d'impatience ?

- Il faut récolter le membre à transplanter, puis, une fois qu'il est attaché à réceptacle, il faut veiller à la survie de ce dernier.

Elle lui lança un regard noir, et l'espace d'un instant, sa voix récupéra sa puissance d'autrefois.

- Tu as bien compris, Aelle ?

Son index squelettique désigna Narcisse.

- Si le réceptacle meurt, je serai renvoyé dans mon corps. Et vu l'état dans lequel il est, je n'ai pas besoin de te faire un dessin sur ce qui m'arrivera si cela se produit.

Aelle détourna le regard, ses doigts se serrèrent autour de sa baguette, et ce fut à cet instant que Narcisse commença à craindre pour ce qui allait arriver. Il était évident que Kristen cachait quelque chose. Même pour lui, cela se voyait. Et désormais, il se faisait davantage confiance. Toutefois, même s'il se méfiait, ce n'est pas comme s'il avait le choix. Dans son état, il serait incapable de vaincre Georges. Ce fait lui apparut aussi clairement que s'il avait regardé le soleil directement. Et même s'il avait accepté de se sacrifier pour le plaisir de meurtrir cet homme, ce serait au prix de savoir que Kristen aurait jeté son dévolu sur Aelle, à son détriment. Et ça, il ne pouvait le supporter. Peu importe à quel point il avait plongé, à quel point il se sentait changé au fond de lui, c'était quelque chose qu'il ne pouvait même pas envisager une seule seconde !

Mais malgré sa folle et aveugle détermination, malgré sa volonté de tout faire pour trouver un moyen de se venger, tant de questions demeuraient. Si cela fonctionnait, allait-il récupérer un bras ? Sa conscience demeurerait-elle ? Serait-il forcé de choisir entre tuer Kristen pour garder sa vie et se sacrifier pour la laisser s'emparer de son corps ?

Le grincement du lit lorsqu'Aelle s'assit dessus interrompit le flot de ses pensées, il tourna le regard dans sa direction. Les épaules voûtées, légèrement tremblantes, il lui suffit toutefois d'une seule respiration pour récupérer sa contenance. Sa baguette dans une main, elle posa sa main libre sur le bras gauche de Kristen. Après une seconde de silence et d'immobilité, sa mentor leva avec difficulté sa main droite pour la poser sur l'épaule de son élève. Aelle secoua doucement la tête.

- Vous feriez n'importe quoi pour me laisser derrière, pas vrai ?

Kristen sourit en posant sa main décharnée sur celle de la jeune femme, qui la serra aussi prudemment qu'elle put.

- Tu me sous-estimes à ce point ? Tu penses sincèrement que ce petit gringalet pourrait m'empêcher de revenir ?

Aelle pouffa de rire, bien malgré elle. Narcisse se sentit touché par cette interaction, mesurant brièvement l'apparente profondeur du lien qui les unissait. Mais une seule pensée tournée vers sa mère suffit à balayer sa compassion et à verrouiller son cœur. Son visage s'assombrit lorsqu'il baissa les yeux en serrant le poing.

- Le gringalet vous entend.

Il hésita à les presser, mais au dernier moment, lorsque les mots s'apprêtèrent à franchir ses lèvres, il n'osa pas. Il ferma son esprit lorsqu'Aelle se redressa en essuyant compulsivement son visage. Ses yeux se fermèrent, il attendit. Elle murmure une incantation, et de la pointe de sa baguette, elle se mit à découper le bras de Kristen. Aussi promptement qu'elle put, elle sectionna la peau, puis les muscles, les tendons, et enfin, l'os. Si les yeux de Narcisse avaient été ouverts, il aurait vu l'ancienne directrice se plier en deux, couverte de sueur, mordant sa lèvre jusqu'au sang pour ne pas hurler. Aelle maîtrisait parfaitement sa magie, et seule une goutte du sang de Kristen coula pour frapper les draps. Elle hésita, la voix de sa mentor fendit le silence, d'un air presque paniqué.

- Dépêche-toi espèce d'idiote !

Lorsque Narcisse rouvrit les yeux, il vit Aelle se précipiter vers lui, collant le moignon du bras de Kristen au sien. Puis, dans un mouvement fluide de baguette, elle murmura une nouvelle formule.

- Vulnera Sanentur, Vulnera Sanentur, hanc te coniunge fabricae, et in sinum recipiat te.

Narcisse aurait certainement voulu pouvoir écouter le reste des mystérieuses phrases qu'elle prononça tout en faisant virevolter sa baguette autour de son bras, mais la seconde suivante, un violent coup de poing lui coupa la respiration. Il vit trouble, son cœur explosa dans sa poitrine, il se plia en deux sous la souffrance indicible qui venait de violemment remonter le long de son épaule. C'était comme si de la lave en fusion coulait directement du bras de Kristen par la plaie pour venir dissoudre l'intérieur de son corps. Il ne vit pas les tissus doucement s'imbriquer entre eux, il ne vit pas la peau du bras envahir lentement les tissus environnants, et il vit encore moins la contraction réflexe des muscles de son nouveau bras gauche lorsqu'il sombra dans des abîmes de souffrance comme il n'avait jamais connu.

Telles des marionnettes maniées par le même marionnettiste fou, Narcisse et Kristen convulsèrent dans un même souffle, de la même manière, leurs battements de cœur, leur respiration, et même leurs clignements d'yeux furent partagés un bref instant. L'adolescent crut sentir les mains d'Aelle soudainement appuyer sur son dos lorsqu'il s'écroula du tabouret, et il crut sentir le contact du plancher lorsqu'elle l'y allongea. Durant un instant terrifiant, il sentit le corps du bras qu'il portait peiner pour reprendre sa respiration. Puis il sentit Kristen rendre son dernier souffle, il croisa son regard, et il crut également qu'il allait rendre le sien, avant délicatement s'enfoncer dans les ténèbres de l'inconscience. L'air triomphant qu'il lit sur le visage de Kristen avant qu'elle ne meure lui fit penser que mourir ne serait peut-être pas la pire des choses qui puisse lui arriver.

*
*---*

Lorsque Narcisse rouvrit les yeux, il fut étonné de se tenir la tête en bas. Mais lorsqu'il baissa le regard, il constata qu'il était allongé. Il était allongé dans le vide. Sur rien. Une grande confusion l'envahit lorsqu'il tenta de se redresser. Il sentait bien qu'il se tenait sur quelque chose de solide, mais visuellement, il n'y avait absolument rien. Les alentours étaient également totalement dépourvus de repères visuels. Pas un bruit, pas un son, pas une odeur, seul un grand écran blanc l'entourait. Il déglutit avec difficulté, avant de se rendre compte qu'il venait de s'aider de son bras gauche pour se mettre accroupit. Un tremblement l'envahit. Ce n'était pas son bras gauche. Enfin, si, il l'était, mais il n'avait pas toujours été à lui. Se hissant avec grande précaution sur ses jambes, le moindre son causé par ses mouvements résonnant dans un écho infini, il se plongea dans la contemplation de son nouveau bras.

Il était légèrement plus frêle que le droit. Une douleur caractéristique le prenait, celle des enfants qui voyaient leurs os grandir lors de la croissance. Il n'avait également jamais eu de tels ongles, impeccablement manucurés, avec une lunule intacte, totalement dépourvus des marques que ses dents avaient pourtant laissé au cours de sa vie. Il voulut fermer le poing. C'était comme essayer de commander à un corps étranger. Il serra les dents, agrippant le poignet de sa main droite, respirant doucement, ordonnant aux doigts de se fermer. Et après plusieurs minutes d'efforts intenses, il se retrouva avec le visage couvert de sueur, et les doigts de sa main gauche qui touchaient la paume de sa main. Un grand sourire déforma ses lèvres, et il pouffa d'un rire de soulagement, reprenant avec peine sa respiration.

Ce fut à cet instant que l'obscurité apparut.

Sortie de nulle part, elle bondit soudainement, partant à l'assaut de l'endroit où se tenait Narcisse. Sans un bruit, glissant dans le vide immaculé entourant l'adolescent, elle semblait se frayer un chemin au travers des particules même de l'existence. L'instinct de Narcisse réagit à sa place, et il poussa sur ses jambes pour disparaître, avant de réapparaître plus loin. Mais à sa grande surprise, l'obscurité approchait toujours aussi vite, de façon implacable, le traquant sans relâche. Ce fut comme s'il ne s'était jamais éloigné. Abandonnant l'idée d'utiliser son bras gauche pour le moment, il serra le poing droit, et laissa sa magie envahir ses veines. Ses yeux devinrent aussi blancs que l'espace proche qui l'entourait, et, recroquevillé sur lui-même, il laissa exploser sa magie. Sans contrôle, sans restriction, il sut que s'il ne la laissait pas exploser maintenant, il n'aurait plus jamais l'occasion de le faire.

Une onde de choc lumineuse éclata en cercle autour de lui, repoussant les ténèbres qui cessèrent brutalement leur progression, avant de s'accumuler tel un amas gluant d'impuretés aux frontières de la magie de Narcisse. Suivant une ligne presque parfaite, s'étendant à l'infini, il lui aurait suffi d'avancer de quelques pas pour pouvoir toucher cette noirceur mystérieuse. Son hésitation fut rompue par une voix qui résonna presque directement sous son crâne.

- J'aurais presque été déçue que ce soit aussi facile.

Narcisse se redressa de toute sa hauteur, avant de se poster de trois-quarts face à l'obscurité. Dans une position devenue réflexe pour lui, il ne pensa même pas à lever son bras gauche, qui pendait mollement le long de son corps. De la noirceur des ténèbres lui faisant face, se matérialisa, comme vomie par l'obscurité, le corps de Kristen.

La première chose qui frappa Narcisse, lui faisant écarquiller les yeux et reprendre son souffle, ce fut à quel point elle était différente. Elle était d'une jeunesse presque égale à la sienne. Elle se tenait parfaitement droite, les mains dans le dos, d'un air digne et suffisant, une longue cape grise flottant dans un vent invisible. Ses vêtements élégants contrastaient avec la simplicité de leur spectre de couleurs : Une chemise fluide de soie blanche, une veste noire de costume assortie à un pantalon de costard de la même couleur. Ses pieds étaient dissimulés dans la noirceur bouillonnante sur laquelle elle se tenait. Narcisse fronça les sourcils lorsqu'il constata l'absence de la mèche blanche dans ses cheveux qui l'avait si souvent intrigué. Il se redressa doucement, posant sa main droite sur sa hanche, laissant la curiosité prendre le pas sur tout le reste. Elle devait avoir à vue de nez la vingtaine.

Mais ce qui le troubla encore davantage, ce fut de voir à quel point, même jeune, elle apparaissait toujours aussi maigre. Cette maigreur n'était donc pas uniquement due à sa maladie et à sa faiblesse. Sa tête allongée, les joues creusées, encadrées par de longs cheveux aussi noirs que la nuit, ne faisaient que contraster avec le bleu profond de ses yeux qui transperçaient l'adolescent. Elle secoua doucement la tête, avant d'étendre les bras. Il repéra la baguette de Sureau entre les doigts de sa main droite. Elle ferma les yeux un instant, avant d'expirer longuement d'un air profondément satisfait.

- Mh... Quel plaisir d'avoir à nouveau un corps aussi jeune.

Elle rouvrit les yeux en abaissant les bras, croisant les mains le long de son corps, au niveau de ses cuisses. La nuque de Narcisse picota, il fit glisser ses pieds sur le sol pour se retrouver légèrement de profil, elle sourit d'un air moqueur, avant de désigner ses cheveux de sa baguette.

- Cette mèche blanche, je la devais à ce bon vieux Tuséki, figure-toi.

La simple mention de ce nom suffit à faire battre le cœur de Narcisse plus puissamment dans sa poitrine. Mais un élément le déstabilisa, il cligna des yeux, et regarda ses mains. L'air autour d'elles vibrait d'une manière qu'il n'avait encore jamais ressentie. Désormais, il pouvait plier les doigts de sa main gauche comme il l'entendait, mais surtout, il se sentait puissant. Incroyablement puissant. Il avait l'impression qu'il pourrait faire tout ce qu'il voudrait. Kristen reprit, très calmement.

- C'est grisant, n'est-ce pas ?

Il releva les yeux, pour les plonger dans ceux de Kristen, avant de sourire malgré lui.

- Oui.

Il regarda les alentours, désireux d'obtenir des réponses. Mais lorsqu'il regarda à nouveau la femme qui se tenait devant lui, une immense frayeur s'insinua dans sa poitrine. Seule sa volonté, et le souvenir de sa mère lui permi de ne pas perdre pied. L'obscurité avança d'un pas, au rythme de celui de Kristen.

- Je t'en prie, profites-en bien surtout.

Dans un frisson de terreur indicible, elle se plaça en position de combat. Ce n'était pas grand-chose, un petit mouvement du bras pour placer sa baguette le long de son corps, un coup d'épaule pour dégager sa cape, un quart de tour de profil, mais cela suffit. Par réflexe, Narcisse s'accroupit en brandissant ses mains en avant, paumes ouvertes. Tout semblait s'emboîter si facilement, il n'arrivait pas à se souvenir de la dernière fois que son corps lui ait obéit de manière si fluide. D'un claquement du pouce contre sa baguette, Kristen amplifie soudainement l'obscurité qui l'entourait, l'étendant comme une couverture, comme la nuit qui tombe, occultant le soleil. Elle leva les bras au-dessus de sa tête, avant de les abaisser en pointant Narcisse, la noirceur se précipita sur lui.

Il inspira doucement en fermant les yeux. Il serra les poings, jusqu'à entendre le craquement de l'articulation de ses pouces. Son pied gauche glissa vers l'arrière, il brandit le poing droit devant lui, plaquant le bras gauche au niveau de sa poitrine. Lorsqu'il rouvrit les yeux, la lumière blanche électrique au fond de ses pupilles scintillait de mille feux. Un tic de la lèvre supérieure découvrit ses dents, et dans un calme qu'il ne se connaissait pas, il claqua rapidement des paumes, avant d'étendre les bras. Un bouclier d'une blancheur nacrée l'entoura en un éclair, et les ténèbres s'y brisèrent les dents, sans même qu'il n'ait besoin de bouger le petit doigt. Il pencha la tête sur le côté pour faire craquer ses vertèbres, avant de se redresser, campé sur ses appuis, guettant l'arrivée imminente de Kristen.

Il la vit quelques secondes plus tard. Elle flottait dans les ténèbres. Portée par des courants invisibles aux yeux de l'adolescent, son sourire était presque hystérique. Elle s'arrêta en flottant, quelques mètres au-dessus de lui, avant d'éclater d'un rire qui fit trembler la poitrine de Narcisse. La noirceur se fluidifia, et s'aggloméra à la base du bouclier de Narcisse, laissant apparaître, en transparence, un monde gris de l'autre côté. Elle brandit à nouveau les mains dans la direction de l'adolescent, et une onde grise fut expulsée de ses paumes. Il claqua des doigts, redirigeant le flux de son bouclier à l'extérieur de lui-même. Il serra les dents, il n'avait aucune idée de ce qu'il était en train de faire, mais comprenait-on réellement comment on respirait ? Comment notre cœur battait ? Pas le moins du monde, et pourtant, on le faisait, avec une simplicité déconcertante.

L'onde grise se heurta au nouveau bouclier de Narcisse, et ricocha dans un bruit de cloche cuivrée, faisant onduler la surface lisse et plane de la bulle de protection entourant l'adolescent. Elle s'immobilisa un court instant, avant de flotter jusqu'au sol. D'un air las, elle soupira.

- Ne te berce pas trop d'illusions. J'ai menti en disant que tout dépendrait de toi, une fois la transplantation faite.

Elle avança d'un pas, la bulle ondula sous la puissance de son aura. Narcisse eut le souffle coupé, les jambes immobilisées, dans un battement de cœur qui semblait provenir des tréfonds de la terre, il se retrouva accroupi, bavant sous la douleur indicible qui s'insinuait sous sa peau.

- Qu'est-ce que tu crois ? Jamais je n'ai eu pour projet de me laisser mourir.

Un autre pas, la bulle fut comme soufflée par un grand vent, Narcisse fut projeté sur le dos.

- En théorie, oui, tu peux essayer de résister.

Un autre pas, elle leva sa baguette, Narcisse fut soulevé de terre telle une plume, les bras écartés, comme tirés par des fils invisibles. La douleur l'anesthésiait toujours.

- Mais en pratique... Tsk.

Sa baguette bougea alors à une vitesse inimaginable, et de longues estafilades coupèrent Narcisse sur toute la surface de son corps. Le supplice des mille coupures revisitées, il ne sentit qu'un bloc de douleur frotter ses nerfs à vif. Il pendait pitoyablement au-dessus de Kristen, qui d'un geste de l'index, le fit descendre jusqu'à elle. Son visage se trouvait à quelques centimètres du sien, et elle chuchota.

- On ne t'a jamais appris qu'il ne faut pas boire ce qu'une inconnue te propose ? On ne sait jamais ce qu'elle a pu y glisser...

Dans un éclair de lucidité, il se vit boire l'une des nombreuses potions qu'Aelle lui avait données. Était-elle au courant ? Il en doutait, elle n'était pas du genre à faire ça. Elle préférait frapper de face, quitte à agir stupidement. Il leva les yeux en les plongeant dans ceux de Kristen, laissant libre cours à sa fureur, ses pupilles blanches dissipant brièvement les ténèbres les entourant. La jeune femme écarquilla les yeux, avant de sourire. Un désir manifeste se lisait sur son visage alors qu'elle levait doucement sa main, les doigts tendus en direction des yeux de l'adolescent.

- Fascinant...

En un éclair, le poing de Narcisse se libéra de son entrave, et balaya l'espace face à lui. Il crut sentir ses muscles se déchirer, ses os se briser, mais il ne toucha rien. Kristen s'était déjà matérialisée derrière lui, posant sa baguette sur son flanc, et hésita, l'air de réfléchir.

- Oh, et puis... après tout...

Elle retira sa baguette, et disparut dans les ténèbres.

- Peut-être qu'un petit échauffement pour retrouver mes sensations ne sera pas de trop.

Dans un souffle, alors que Narcisse était encore accroupi, en train de reprendre sa respiration, le visage couvert de sueur, tremblant en essayant de se redresser, elle apparut devant lui. Sa baguette se braqua sur son visage, elle sourit d'un air mauvais.

- Quoique...

*
*---*

Aelle s'était assise à même le sol, contre le pied de la table, les yeux posés sur le lit de camp dans lequel était allongé les corps de Narcisse et de Kristen. Elle avait encore pleuré lorsqu'elle avait compris que la vie avait quitté le corps de sa mentor. Elle s'en foutait. Celui de Narcisse était de temps à autre agité de soubresauts. Parfois, il gémissait, parfois il grognait. Jetant aux feux tout ce qu'elle pouvait ressentir en cet instant, balayant ses doutes, ses peurs et ses caprices, elle braqua à nouveau les yeux droits sur le corps de l'adolescent.

Dans le creux de sa main, elle serrait une petite fiole gravée, scellée d'un bouchon doré. La dernière goutte d'Élixir de Longue-Vie, qu'elle avait conservé depuis tout ce temps. Qu'elle s'était toujours refusée à utiliser pour quiconque. Elle serra les dents en jurant.

- Putain. Brando, si tu me forces à l'utiliser, je te jure que je te tue.

2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart
0131b4[\size]