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03 août 2023, 10:14
Chronique d'une disparition, Acte I.  solo 
Dortoirs | Grande Salle | Dortoirs.
Le 22 Janvier 2047.

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Ce fut avec les premiers chants d’oiseaux qui s’élevaient dans le ciel écossais, que les yeux d’Eileen s’ouvrirent. La jeune Irlandaise avait pris l’habitude de se réveiller ainsi dès son arrivée à Poudlard, ne voulant pas importuner les autres habitantes de son dortoir avec le bruit de son réveil mécanique. Alors, il était vrai que par conséquent, elle se levait plus tôt que la majorité de sa maison, mais elle avait alors le temps de tourner et se retourner dans son amas de couvertures jusqu’à ce qu’elle soit entièrement réveillée et prête pour affronter la nouvelle journée. Et c’est ce qu’elle fit une dizaine de minutes plus tard, en s’asseyant enfin sur le bord de son lit, avant de se lever et de prendre la direction de sa malle pour en sortir sa robe de Quidditch. Un vêtement qu’elle enfila un peu maladroitement, son esprit encore quelque peu embrumé par les dernières traces de son récent sommeil.

S’estimant présentable et son sac avec ses affaires de cours désormais sur son épaule, Eileen prit la direction de la Grande Salle afin de prendre son petit-déjeuner. Si certains préféraient ne rien manger avant un cours de vol ou un match de Quidditch, Eileen, quant à elle, préférait prendre des forces. Il était inconcevable pour elle de monter sur un balai le ventre vide. La jeune Irlandaise s’installa alors à sa place habituelle à la table des Poufsouffle, déposa son sac entre ses pieds et commença à remplir son assiette alors que la Grande Salle se remplissait petit à petit. La pièce fut bientôt animée par les voix des élèves, et à elles se joignirent rapidement le chant des chouettes et hiboux qui venaient livrer le courrier aux résidents du château. Cela faisait bien longtemps qu’Eileen avait appris à ne plus faire attention à ce bal aérien rempli de paquets et de plumes, elle n’en était jamais l’un des heureux destinataires de toute façon. Alors l’Irlandaise continua, paisiblement, de manger ses tartines beurrées lorsque, du coin de l’œil, elle vit une tâche foncée se rapprocher d’elle par la droite. Eileen était prête reculer le haut de son corps, ne voulant pas se faire percuter par ce qu’elle pensait être un rapace maladroit qui tentait d’effectuer sa livraison, lorsque l’oiseau, qui était en réalité une chouette chevêche laissa rudement tomber une lettre dans son assiette. La main droite de l’Irlandaise se suspendit dans les airs, alors qu’elle s’apprêtait à manger le reste de sa tartine, tandis que ses yeux se fixèrent sur l’enveloppe dont le devant était vierge de toute écriture. Eileen n’avait donc aucun moyen de savoir d’où provenait la lettre, ni qui en était l’auteur ; mais ce dont elle était sûre, c’est qu’elle n’avait pas été envoyée par sa famille. La chouette qu’elle avait aperçue n’était en aucun point Ombre, le hibou Petit-Duc qui s’occupait des livraisons de la famille Shelby, et qui avait surtout pris l’habitude de venir piquer de la nourriture dans son assiette, comme s’il se récompensait de son bon travail avant de repartir.

C’est pour cela qu’Eileen resta un long moment rivée sur l’enveloppe, le regard à moitié dans le vide, à se demander qui pouvait bien lui envoyer une lettre. Encore quelques minutes passées à tergiverser entre sa curiosité et son appréhension, avant que l’adolescente ne saisisse enfin l’enveloppe et sorte le parchemin qui se trouvait à l’intérieur. Avalant sa salive, Eileen prit une dernière inspiration avant d’ouvrir la lettre. Et rien, rien n’aurait pu la préparer pour ce qui l’attendait. À peine ses orbes bleus eurent le temps de lire les premiers mots encrés sur le parchemin qu’Eileen pâlit visiblement et que son être tout entier se raidit. Sa respiration s’était coupée un court instant avant de reprendre avec un rythme saccadé, ses mains devinrent moites alors qu’elles se crispèrent sur le papier dans leur prise, jusqu’à le froisser. Des larmes remplirent les yeux d’Eileen, et des sanglots commençaient à lui entraver la gorge avant que le bruit de couvert tombant par terre ne lui rappelle où elle était. L’Irlandaise ravala les prémices de ses larmes, replia hâtivement la lettre qu’elle remit dans l’enveloppe. Enveloppe qu’elle enfonça au fond de son sac avant de quitter la Grande Salle en trombe, délaissant son petit-déjeuner pour prendre la direction du Stade de Quidditch où allait se dérouler le cours de vol.

L’esprit embrumé par ce qu’il venait de se passer, la notion du temps lui ayant complètement échappé, Eileen réussie tant bien que mal à rejoindre la pelouse du Stade, un chemin qu’elle connaissait pour tant par cœur. Levant les yeux de l’herbe mouillée par la rosée du matin, elle aperçut quelques dizaines de mètres devant elle, certains de ses camarades. L’Irlandaise s’arrêta net dans sa marche, avait-elle loupé le cours ? En observant de plus près, la brune remarqua que le cours n’avait en réalité pas commencé et qu’elle était même en avance, alors que le moment passé dans la Grande Salle lui avait paru durer une éternité. Eileen resta un moment à l’écart, elle savait qu’elle avait besoin de se recentrer, elle ne voulait pas que ses camarades, et encore moins ses amis, ne la voit pas dans un tel état. La jeune brune savait très bien que la lettre qu’elle avait reçue ne présageait rien de bon, mais ce n’était pas le moment d’y penser, car elle ne voulait ni inquiéter, ni mêler ses proches à ses problèmes de famille. Alors Eileen prit le temps nécessaire pour retrouver une respiration normale et pour tenter d’enfouir ce qui l’attendait dans la lettre jusqu’à ce qu’elle soit enfin seule. Si bien que lorsque la jeune adolescente rejoignit ses camarades pour le début du cours, ses émotions étaient si bien contrôlées que personne, pas même ses amis les plus proches n’auraient été capable de dire que quelque chose n’allait pas, qu’une épée de Damoclès pendait au-dessus de sa tête.

Et bien qu’elle n’était à son niveau habituel lors des exercices de vol proposés par son professeur, ce n’était rien qu’elle ne pouvait pas justifier avec un petit mensonge, une fatigue musculaire qu’elle traînait depuis le match contre Serdaigle quelques jours auparavant. Le cours, puis le reste de la journée se déroulèrent sans accroc, Eileen avait réussi à maintenir sa façade jusqu’au dîner où elle ne toucha pratiquement pas son assiette, trop anxieuse à l’idée de devoir lire le reste du courrier qu’elle avait reçu ce matin-là. Sachant qu’elle n’arriverait pas à manger quoi que ce soit de plus, elle profita des premiers départs d’élèves pour s’éclipser et rejoindre son dortoir. Et ce n’était pas trop tôt, car le masque qu’elle avait réussi à tenir jusque-là menaçait de s’effondrer sous le poids de son stress, lui ayant d’ailleurs valu quelques regards de la part de ses camarades de maison.

Une fois dans le refuge de son dortoir, elle déposa son sac sur le dessus de son lit avant d’aller prendre une douche pour se débarrasser de la saleté qu’elle avait accumulée durant la journée, mais aussi pour essayer de se remettre les idées en place avant d’affronter l’inévitable. Une fois douchée et en pyjama, Eileen retourna dans son alcôve et s’assit sur son lit où l’attendait son sac ; elle pouvait presque sentir le poids du regard de la lettre sur elle, alors que c’était ridiculement impossible.

Eileen avait peur, si peur de reprendre la lecture de la lettre, mais elle savait qu’elle n’avait pas le choix. Elle ne pouvait pas éviter indéfiniment l’enveloppe cachée au fond de son sac de cours, alors l’Irlandaise prit son courage à deux mains et sorti l’objet de ses tourments. Doucement, Eileen déplia le parchemin et posa son regard sur l’encre noire qui parcourait le papier. Et comme elle s’y attendait, dès que le mot « fille » entra dans son champ de vision, une réaction des plus viscérale la secoua. Un frisson de dégoût parcourut son corps, et toutes les questions qui s’étaient bousculées dans sa tête plus tôt dans la journée revinrent au galop. Pourquoi lui envoyait-il une lettre ? Pourquoi maintenant ? Que lui voulait-il ? Enfin, à cette dernière question, Eileen supposait qu’elle avait déjà une ébauche de réponse, il avait encore sûrement trouvé un moyen d’empirer l’enfer qu’était déjà sa vie à cause de lui. Apparemment la priver de sa mère et de ses frères n’étaient pas assez. Et plus les mots défilèrent sous ses orbes, plus ses craintes se confirmèrent et s’avèrent même pire que tout ce qu’elle avait pu s’imaginer. Ce qu’elle avait alors ressenti ce matin-là n’était rien comparé à la pure terreur qui l’habitait désormais. Eileen ne comprenait pas comment… Comment il pouvait être au courant qu’elle avait déposé son nom dans l’urne, mais surtout pourquoi il ne la contactait que maintenant alors que l’épisode de l’urne noire et du dominion remontait à l’année dernière ? Mais Eileen se rendit rapidement compte que ses questions étaient futiles, car le fait est qu’il était au courant et il ne tolérait absolument pas son « petit acte de rébellion » comme il l’appelait.

Mais ce n’était rien par rapport à ce qui l’attendait dans la suite du courrier. Le sang de l’Irlandaise se glaça, et cette fois-ci, Eileen ne put retenir ses larmes alors que sa main gauche se plaqua contre sa bouche pour étouffer ses sanglots. Elle qui pensait qu’en mettant son nom dans l’urne elle pourrait réparer, un tant soit peu, les actes commis par son père. Elle se fourvoyait.

Mais comment aurait-elle pu prévoir que son père menacerait le reste de sa famille ? Comment Eileen aurait-elle pu anticiper qu’il irait dénicher l’adresse de l’endroit où s’était cachée sa mère et ses frères depuis que son paternel avait rejoint le Conseil, et qu’il menacerait de faire passer leur mort comme accidentelle si jamais il entendait à nouveau parler d’elle, de quelque manière que ce soit ? Lâchant le parchemin, qui alla s’échouer sur sa couverture, Eileen enfouit sa tête dans son oreiller et y laissa éclater ses sanglots, le bruit qu’elle faisait étant le cadet de ses soucis. Plongée dans un désespoir profond, l’Irlandaise avait compris que son père ne reculerait devant rien pour lui faire payer le fait d’être née, quitte à sacrifier ce dont il était autrefois si fier. Eileen en était alors venue à une conclusion qui lui brisait le cœur, mais à laquelle elle ne voyait aucune alternative.

Elle devait disparaître.


« Free will does exist, it's just fucking hard.»
7ème année RP - [#601070]