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10 août 2023, 15:08
Arracher ses racines  PV 
Mon cœur se serre comme s'il allait s'ossifier dans mes entrailles et rester un rocher.
Lorenzaccio, A. de Musset



19 JUIN 2048, 8h32,
SERRE N°6, POUDLARD

Alyona, 18 ans


Mes mains sont enfoncées dans la terre ; mes ongles sont déjà pleins de crasse ; mon regard s'est immobilisé sur une racine sur le sol, coupée, seule, peut-être arrachée.
Je ne bouge pas.

Cela remue à l'intérieur, comme un début de tempête, une grande vague qui arrive. Sauf que la tempête est déjà passée et que toutes les vagues ont été avalées.

En apparence, le silence.

Je me sens en colère. Pas une colère qui fait mal par sa puissance, avec le chaos qui constitue son ombre et le rouge dont elle brûle. Non, c'est une colère pleine de douleur, de regret, d'incompréhension. Cela fait des semaines que je me prépare aux évènements qui approchent, et pourtant je n'arrive pas à m'y résoudre. Apprendre à dire au revoir, c'est trop difficile. J'ai besoin de plus de temps, beaucoup plus de temps. À chaque fois que je marche, mes yeux viennent s'accrocher à un mur, une trace, une ouverture, et ils ne parviennent pas à s'en détacher. À chaque fois, les souvenirs reviennent comme des rêves dans lesquels on plongerait en les observant. La vitrine nous attire avant de nous engloutir. Je ne sais plus très bien si certains sont vrais ou si on me les a racontés, si les choses ont été déformées ou sont restées semblables. Je ne peux qu'observer ces images naître dans mon crâne, là où il n'y a pourtant aucune lumière. Ce sont des petits morceaux du quotidien qui me reviennent. Parfois, j'ai l'impression qu'ils s'effritent. Ils deviennent flous, déformés, fragiles. Comme un flanc de montagne qui verrait quelques roches se détacher et tomber sur la route. Je marche et mes pensées flottent bien loin de mon corps. Pourtant, mon cœur est lourd comme une pierre.
Je m'en vais, Merlin. Je fais mes valises et je m'en vais. Après, je ne reviendrai plus.

Je ravale violemment les larmes qui me montent à la gorge.

Oh, qu'elle est étrange ma colère. Je ne sais même pas quelle est sa cible, d'où elle provient, où elle prend racine. Peut-être provient-elle simplement du fait que je suis fatiguée, triste et maladroitement nerveuse. C'est une année éprouvante qui se termine. Les ASPIC, le programme AMICO, les grandes vagues d'émotions qui prennent de l'importance au fur et à mesure que les semaines passent, l'angoisse d'un post-Poudlard dont les contours sont flous et terrifiants. Je ne sais plus depuis combien de temps je retiens mon souffle ainsi. En attendant quoi ? Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de faire un pas en avant, de grimper les montagnes que constitue l'avenir. Je suis fatiguée par toute cette angoisse que les examens ont apportée, par cette concentration permanente qu'il fallait maintenir à la surface, par tous ces sentiments qui se bousculent en moi depuis quelques jours. Je suis fatiguée, et cet épuisement se transforme en colère. Peut-être est-elle dirigée envers moi alors.

Mes doigts enfoncés dans les entrailles de la terre m'aident à m'extirper de toutes ces pensées désagréables qui me collent et me blessent comme des sangsues. Je cligne des yeux et les remonte vers ma scutumi qui semble attendre que j'agisse.

On oublie souvent, quand on pense aux départs, au moment où il faudra faire ses valises, retirer ses affaires des armoires, de la salle de bain, des malles, tout plier et tout ranger, ne laisser aucune trace de sa venue, aussi longue puisse-t-elle avoir été. On fait le tour des lieux avec cette question si banale en tête : Ai-je oublié quelque chose ? ; alors, on repasse dans les pièces qu'on vient de traverser ; les coins sombres sont retournés par notre regard inébranlable ; les poussières se soulèvent dans les airs sous nos doigts aventureux ; les mécanismes sont tirés, pour une dernière vérification — juste une dernière. Et enfin, après avoir tant examiné le monde dans lequel on a vécu comme s'il n'était déjà plus qu'une coquille creuse, qu'un débris, qu'un déchet, on quitte les lieux. Mais les souvenirs sont restés pendus aux murs.

Doucement, je retire mes doigts de la terre fraîche et humide. Je frotte mes paumes les unes contre les autres, dans une tentative vaine d'en retirer les restes de terre. Puis, mes mains glissent autour du pot, en font le tour pour le dégager, brisent une toile d'araignée. J'attrape ma scutumi et la soulève délicatement. Quand nous aurons quitté cette serre, il ne restera plus aucune trace de mon passage dans ce lieu que j'aurais tant chéri. Les ombres retrouveront leurs coins paisibles, les poussières reviendront former leur couche grisâtre sur les meubles, les tiroirs seront fermés et les objets rangés. Tout redeviendra comme avant, et la vie reprendra son cours, comme si je n'avais jamais été là, ici, dans cette serre.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

16 sept. 2023, 19:19
Arracher ses racines  PV 
Comme tous les jours depuis qu’il était arrivé à Poudlard, Ernest s’était levé à l’aube pour rejoindre la Grande Salle. À l’heure où les rayons du soleil commençaient à baigner les tables désertes, venant taper sur les coupes de vivres déjà mises en place par les elfes de maison, créant un balai de reflets dans lequel le garçon se perdait en contemplation. Malgré la fin des examens, l’adolescent ne perdait pas son rythme. Mine de rien, en un an, il avait pris un certain nombre d’habitudes.

Et depuis quelques semaines, il avait pris celle de se rendre dans la serre N° 6 tôt le matin pour retrouver sa protégée. Maggy s’était vue pousser une magnifique fleur signe de sa bonne acclimatation à son nouvel environnement et le petit brun manquait rarement le rendez-vous quotidien de son éclosion matinale. Un instant hors du temps. Juste quelques secondes où il n’existait plus rien d’autre que son propre émerveillement. Un instant fugace qu’il savait être éphémère. Comme toutes les plantes, elle finirait par faner. Le cycle de la vie. Mais pas tout de suite. Pas encore. Il avait besoin d’un peu plus de temps.

Ernest n’aimait pas le changement. Il avait toutes les difficultés du monde à boucler la boucle et à faire face à l’inconnu. Pourtant, il arrivait bien au bout de cette première année. Mains dans les poches, il marchait tête baissée dans le parc en direction des serres de botanique. Son esprit errait d’une pensée à l’autre, songeant à l’année qui venait de s’écouler. Les pièces ne s’imbriquaient pas aussi parfaitement qu’il le souhaitait. Il avait le sentiment que tout n’était pas à sa place. Qu’il manquait des choses. Il ne restait plus que deux jours avant le départ, deux jours avant de devoir ranger sa baguette pour ne la ressortir que deux mois plus tard.

Il n’était pas prêt. Il y avait encore des sortilèges à perfectionner, encore des expériences à faire. L’attente des résultats d’examens exacerbait ce sentiment d’incomplétude. Et puis il y avait cette émotion un peu confuse qui entourait les au revoir. L’adolescent avait eu du mal à tisser des liens avec ses camarades. Ça lui avait pris presque une année et voilà qu’il fallait se séparer. Et s’ils l’oubliaient pendant les grandes vacances ? Et s’ils se désintéressaient de lui ? C’est donc l’esprit quelque peu assombri qu’il pénétra dans la serre en silence.

En refermant doucement la porte de cet endroit qu’il considérait comme un sanctuaire, il aperçut une autre élève. En général, il se contentait simplement de baisser la tête et de passer son chemin. Surtout avec les élèves plus âgés. Mais quelque chose dans l’attitude de la demoiselle, dans l'atmosphère qui régnait dans la serre le laissa interdit. Il l’observa de longue secondes, captivé par l’inertie de la scène. Elle dégageait quelque chose qui touchait sa sensibilité à fleur de peau et même s’il ne savait pas ce que c’était, une part de lui se reconnaissait dans la pesanteur de ses gestes.

Après un temps, leurs regards finirent pas se croiser. Ernest déglutit et son regard s’enfouit d’un côté à l’autre de la serre. Il repensa aux paroles de Miss Valerion, au fait de regarder les gens en face, sans se soustraire. Alors ses yeux clairs se reposèrent sur la jeune fille.

“Elle... elle est très belle… ta plante, j'veux dire...”

Avec toutes mes excuses pour le retard :blush:

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

21 sept. 2023, 21:56
Arracher ses racines  PV 
Je me redresse comme un pantin, membres après membres. La tête, le cou, les épaules, le dos, les hanches, les genoux : tout s'arc-boute un par un, étrangement, doucement, se déplie comme une marionnette de verre. Et enfin, le dos droit, je...

Perte d'équilibre soudaine. Mon genou se plie, ne m'obéit pas, me fait pencher sur le côté. J'attrape de justesse le fil principal de mon corps pour me remettre correctement. C'est difficile, j'ai l'impression d'avoir les articulations rouillées. Est-ce le temps qui me joue des tours, s'attaque à mon corps et mes instants ? Il faut dire que tout se déroule très lentement. Les secondes s'empilent les unes sur les autres et pèsent des tonnes. Le monde tangue et je suis si fragile.

Il m'arrive souvent de me comparer à un bateau en pleine mer. Je suis toujours en mouvement — dans le temps, dans l'espace —, portée vers des paysages, des horizons, des terres que je ne connais pas. C'est cela, la vie : un long chemin dont on ne sait rien, qui nous emmène quelque part, qui nous apprend et nous fait découvrir des choses. C'est une légende qui dit que la mer peut être calme. Ceux qui y croient ne peuvent voir que les apparences, les surfaces, ils ne perçoivent pas les profondeurs. Car, en dessous, derrière sa peau toute bleue, la mer rugit, se gonfle, brûle de sentiments. Il ne faut pas s'y tromper, il ne faut pas croire à l'image qu'elle nous renvoie, elle est trompeuse. Et le bateau, secoué, qui chavire, porté par cet océan de bleu et ses hautes vagues. Moi, je ne sais jamais si je suis le navire, l'équipage ou l'océan. Peut-être un peu des trois. Je me laisse guider comme le navire, franchissant les houles, affrontant les vents, vivant directement contre le monde, ma peau contre la sienne. Je suis aussi maître de mon corps, de mes mouvements — mais pas toujours de leur direction —, je mène cette vie qui me souffle dans les poumons. Et, tout à la fois, je suis également ce grand océan infini, ces pensées qui n'en finissent plus d'être tissées, ces vagues de sentiments qui cherchent à trouver les failles, à s'infiltrer dans les êtres, à déborder sur les ponts.
Mais j'ai peur de l'eau. Je suis terrifiée par cet immense élément qui me constitue, qui se reflète en moi. Peut-être en ai-je peur comme j'ai peur de ce que je pourrai faire, ou ne pas faire ? Je ne sais pas. La seule chose dont je suis certaine, c'est que dans ce voyage, je ne peux être sûre de rien. Les apparences sont trompeuses, n'est-ce pas ? J'avance dans ma vie les yeux fermés, le cœur battant, le corps largué au vent.

Enfin, stabilisée sur mes jambes trop fragiles, je retrouve un peu de force. Je serre mon pot contre ma poitrine, comme si je pouvais l'y fondre — avoir une plante dans le cœur pour ne plus jamais manquer d'air —, mes bras passant autour de sa rondeur sans vouloir la lâcher. Il est si lourd ! J'ai l'impression de porter le monde, ou mes souvenirs, comme si en le retirant de cette serre, je retirai tout ce qui m'appartenait de Poudlard. Oui, c'est cela : ce pot, cette plante, c'est moi. Ce sont tous mes moments, toute ma mémoire que j'arrache avec violence de la terre. Plus jamais ils ne pourront y repousser, y trouver une place, y étendre leurs fibres. Cette idée est terrifiante. Tous les plus jamais qui s'allument comme des étoiles dans l'eau sombre de mes pensées m'horrifient. Je ne sais pas quoi en faire, et je n'arrive pas à les arracher, eux. Ce sont des mauvaises herbes qui ne font que repousser. Au fond, c'est un peu à cause d'elles que j'étouffe.

J'avance, un pas après l'autre. Il me faut sortir d'ici, j'ai d'autres choses à faire, je n'ai pas le temps de laisser mon coeur être arraché dans chaque lieu. Que restera-t-il de moi par la suite ?

J'avance et mes yeux se redressent, se retrouvent projetés dans la serre, se fracassent contre ceux d'un tout jeune garçon qui me regarde.

J'avance et je m'arrête.

Ses paroles me glissent sur le visage comme un souffle frais ; *de l'air*.

Il me faut quelques secondes pour digérer ses mots, en prendre conscience, les rattacher à des faits ; peut-être parce que je suis complètement engluée dans mes réflexions. Je commence par cligner des yeux, surprise d'avoir son regard en plein dans le mien. C'est que, l'hésitation que j'entends dans sa voix vient contraster avec cette bousculade de nos iris. Cependant, je ne m'en formalise pas : j'accepte, j'avale, je ne me pose pas de question.

Un instant, je ne comprends pas la précision, le « ta plante, j'veux dire... ». Et puis, brusquement, l'explication me vient, m'oblige à détourner le regard vers mon pot, ma scutumi, avant de le relever vers lui, le Vert, les joues presque roses, les lèvres tordues en un sourire étrange.

« Merci, » répondis-je naturellement, poussée par un réflexe, ou juste mon éducation.

Je la regarde, ma plante. Le possessif ne m'a jamais semblé aussi lourd. Est-elle vraiment à moi ? Je la récupère, comme mes souvenirs, mais en ai-je pris soin comme je le souhaitais ? Oui, je suis venue plus d'une fois toutes les semaines pour m'en occuper, mais je n'ai jamais continué mes recherches à son propos, j'ai tout abandonné il y a de cela plusieurs mois. Alors, qu'est-elle pour moi désormais ?

Cette pensée me fait mal comme une grande épine. Je ne sais pas ce qu'elle est, je ne sais pas ce qu'elle sera, je ne sais pas ce que je suis vis-à-vis d'elle. Où met-on les souvenirs qu'on emporte ? Au fond d'un tiroir, dans le noir, ou sous un lit. Cette plante n'y a pas sa place, de cela je suis certaine.

Le pot que je serre dans mes bras me semble soudainement être un inconnu. Que deviendra-t-il une fois que je serai partie d'ici ? Qu'en ferai-je ? Il est trop lourd là, contre moi, appuyé sur mon corps. Est-ce lui qui me fait tanguer, hésiter, amène toutes ces mauvaises herbes ?

Je redresse mon regard, le pose vivement sur le Vert.

« Tu la veux ? »


Aucun souci pour le délai.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

01 oct. 2023, 08:09
Arracher ses racines  PV 
En voyant la jeune fille faire quelques pas vers lui, Ernest enfonça un peu plus ses mains dans ses poches. Léger mouvement de recul. Presque imperceptible. Juste un réflexe. Comme un animal qui s'apprêterait à prendre la fuite. Il était à l’affût. Toujours dans l’attente du comportement des autres. Dans l’attente de signes avant coureur qui pourraient l’aider à déchiffrer ce monde dont il n’avait pas les codes.

L’adolescent n’avait pas de mal à percevoir un esprit qui cogite quand il en croisait un. Il avait une vie de pratique derrière lui. Pas une très longue vie, certes. Mais suffisamment longue pour se reconnaître dans un esprit tourmenté. Ce n’était pas pour autant qu’il savait quoi dire ou quoi faire. Les plantes, elles, n’avaient pas d’états d’âme. Quoique, il n’en était pas certain.

Depuis qu’il s’attachait à soutenir le regard des gens comme l’en avait exhorté sa directrice de maison, Ernest y voyait beaucoup de choses. Comme un film 35mm qui s’enchaînait à la lumière de leurs âmes. Mais le petit brun n’avait pas les sous-titres et il était incapable de se contenter des seules images pour suivre l’intrigue. Il avait besoin qu’on le guide. D’avoir le scénario en main, pour comprendre. Mais les gens se présentaient rarement avec leur propre mode d’emploi.

Ne sachant pas quoi faire de toutes ses émotions qu’il emmagasinait à travers les yeux de la jeune fille, son regard se posa à nouveau sur la plante, protagoniste principale de la scène. Il ne connaissait pas cette espèce. Étonnant. Son regard oscilla entre les deux plantes pendant de nombreuses secondes qui semblaient étrangement longues. Le temps, comme un ruisseau qui s'assèche, paraissait s’écouler au ralenti.

Nouvelle injonction, nouveau sursaut. Ernest n’avait pas l’habitude qu’on s’adresse directement à lui. Il ne laissait pas non plus ce genre d'occasions arriver trop souvent. Pas qu’il n’aimait pas les gens. C’est juste qu’il avait peur du regard que ces derniers pouvaient poser sur lui. Peur de décevoir au premier coup d'œil. Il fronça les sourcils, interloqué par la question de la jeune fille. Difficile de savoir ce qui le surprenait le plus. Qu’on lui fasse ce genre d’offrande, à lui, ou plus généralement l’idée de se séparer d’une plante qu’on avait aimé profondément et de laquelle on avait pris soin.

“Hein ?!... mais… je… ‘fin… tu.. pourquoi ?”

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"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

08 oct. 2023, 17:13
Arracher ses racines  PV 
Je ne sais pas ce que je fais, ce que je propose. Ou plutôt, je le sais mais je n'en ai pas pleinement conscience. Ces derniers jours, les significations des gestes et des choses m'échappent. Je me sens vis à vis du monde comme séparée de lui par un brouillard épais et dense qui brouille mes sens et chacune de mes perceptions. Alors, tout devient déformé, flou, incompréhensible. Je ne sais plus distinguer l'étrange de l'habituel, le normal du surprenant. Tout me paraît inimaginable, différent, désagréable. Je dois laisser le monde couler autour de moi mais son contact gluant sur ma peau me fait peur. Je redoute le futur comme je ne l'avais jamais redouté. Si avant, je me contentais de suivre mon chemin, ma voie, ma route toute tracée, j'ai désormais la sensation d'être perdue en pleine forêt, les yeux bandés, les pas hésitants, bien loin de n'importe quel sentier qui pourrait me ramener au bon endroit. Y a-t-il seulement un bon endroit ? Je ne sais pas, je ne sais plus.

Le regard du Vert me pousse à penser que mon acte est enfermé dans la catégorie d'un inhabituel qui surprend, qui dérange. Le brun a les sourcils tout froncés comme s'ils allaient s'écraser sur ses yeux. Il ne s'attendait pas à de telles paroles de ma part. Et moi, m'y attendais-je ? Il y a des choses sur lesquelles on se sait réfléchir sans pour autant y réfléchir activement, consciemment, directement. En ce moment, plus que n'importe quel autre, je pense beaucoup, je me fourre le crâne avec des points d'interrogation, des questions, des doutes, des hésitations. Je ne sais plus quoi faire, quoi penser. Dans quelques jours, je serai partie d'ici et... Et cela me paraît encore irréel, impossible à croire, comme si c'était faux. Pourtant, je dois m'y préparer. Aller chercher ma plante, mes affaires, faire mes aurevoirs aux lieux du château, à ses habitants. Affronter cette réalité, c'est m'égarer dans son caractère inévitable. Oui, c'est juste là, derrière la porte que je ne suis pas prête à pousser.

Ses syllabes s'enfoncent les unes dans les autres sans former de phrases. Jusqu'à la dernière, jusqu'à ce mot, ce pourquoi qui n'a aucun sens.
Pourquoi est-ce que je fais cela ? Mon regard retombe sur la plante. Qu'est-ce qui me pousserait à ne pas le faire ? Un attachement soudain envers ce végétal dont je me suis occupée toute l'année sans mener pour autant tous les projets que j'avais pour lui ? Une envie égoïste de le garder, lui qui a été si complexe à trouver, lui qui a tant de pouvoirs grâce à sa cire, lui qui a constitué pour moi et durant plusieurs mois tout un mystère ? Je hausse les épaules. Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression de le mériter, peut-être parce que, justement, je l'ai mis de côté pour mes ASPIC. C'était un choix compliqué, mais j'ai dû le faire pour assurer mon avenir. Et maintenant ? Je ne sais plus très bien où est sa place. Doit-il rester avec moi ou doit-il rester à Poudlard ? J'ai dans le crâne trop de questions et trop peu de réponses.

« Je ne sais pas. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle pourrait devenir maintenant que je m'en vais... » Je pousse un soupir, pose mon pot à terre, entre le garçon et moi. « Et si je la prends avec moi et ne m'en occupe pas assez ? Et si elle dépérit ? Retrouverai-je seulement l'excitation que j'avais eue à l'étudier quand elle sera chez moi ? »

Je sens bien que je m'étale, que j'expose mes doutes à un inconnu, que ce n'est pas ce que je devrai faire (parce que je suis grande, parce que je suis forte, parce que je devrai m'en aller de ce château la tête haute, etc.). Mais là, tout de suite, je suis trop fatiguée par ce mal de crâne qui me prend pour en avoir quoi que ce soit à faire de ce qui est adapté, conforme, ou normal.

Mes yeux se redressent pour se poser sur le jeune garçon que je semble avoir mis mal à l'aise à cause de mon comportement. Il est jeune, peut-être même en première année. Il doit être intimidé, on l'est tous un peu à cet âge quand on fait face à une personne majeure. J'aurai presque envie de lui dire de but en blanc : regarde, je suis grande, j'ai fini mes études ici, mais je doute, je suis triste, et j'ai toujours autant d'hésitations que lorsque j'avais ton âge. Je t'intimide peut-être, mais nous ne sommes pas si différents, tu vois ?

« C'est un scutumi largiflora. Il est presque inconnu ici. Il vient du Brésil. Et pourtant, le voici là. »

Tu vois, il n'est pas à sa place. Où que j'aille par la suite, le serai-je, moi, quand j'aurai quitté ce château ? Ma place, cela a toujours été ici. Et maintenant, et demain ?

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08 oct. 2023, 21:17
Arracher ses racines  PV 
S’en aller… Aller de l’avant. Y avait-il plus effrayant comme expression ? Ernest fronça les sourcils et passa sa main dans sa mèche pour la remettre en arrière d’un geste machinal. Pour s’assurer que les mots ne viendraient pas s'emmêler dans ses cheveux indisciplinés. Aller de l’avant c’était aller vers l’inconnu. Et c’était terrifiant. Au soupir de la jeune fille, il sentit ses poumons se dilater, comme s’il venait de capturer une bouffée d’air dont il n’avait pas conscience de manquer.

Ernest ne voulait pas rentrer. S’en aller, c’était quitter. C’était renoncer. Bien sûr, il avait hâte de retrouver ses mères, de les serrer dans ses bras. Ou d’être serrer dans les leurs. De retrouver la douceur du sein maternel. De revenir. Dans la chaleur du cocon familial. Revenir en arrière, dans la complicité des moments qu’il avait échangés avec ses nouveaux camarades, dans la satisfaction d’un sort réussi ou dans l’approbation d’un professeur. Mais pas de partir. Ce n’était pourtant pas de cette manière que le temps s’écoulait.

Il observa la rousse poser la plante et resta interdit alors qu’elle reprit la parole. Il y a des moments où il valait mieux parler et d’autres où il valait mieux se taire. Le garçon eut l'intuition qu’il valait mieux écouter et que les questions posées par la demoiselle ne lui étaient peut-être pas destinées. D’ailleurs est-ce qu’il aurait seulement eu les réponses ? Et si elle ne les avait pas, qui pourrait les avoir ?

Il croisa son regard et les doutes de la jeune fille l’assaillir. Comme s’il les absorbait rien qu’à la regarder. Mais contre toute attente, ça ne l’effrayait pas. Au contraire, il avait besoin de comprendre. Il s’agenouilla près de la plante pour l’examiner de plus près. Ses doigts glissèrent délicatement entre ses larges feuilles.

“Et pourtant, il est là…”

Tout comme lui. Comme cet adolescent de douze ans qui doutait tous les jours d’avoir sa place parmi ses pairs. D’avoir sa place ici, à Poudlard. Et plus particulièrement au sein de sa maison. Et s’il n’était pas en mesure de comprendre les tenants et aboutissants des paroles de cette aînée qu’il lui était étrangère, il sentait tout de même que quelque chose de sérieux se jouait entre les murs transparents de la serre.

“Je…je saurai m’en occuper… si… si tu veux la laisser là… tu... tu pourras toujours la récupérer plus tard…”

Plus tard. Une porte ouverte sur l’avenir. Et la promesse d’un petit garçon pour rompre l’inconnu. Un rendez-vous dans le futur pour elle, et pour lui aussi.
Dernière modification par Ernest Stevens le 09 oct. 2023, 11:04, modifié 2 fois.

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
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08 oct. 2023, 23:42
Arracher ses racines  PV 
J'ai peur de ce que je m'apprête à faire, des liens que j'effectue sans le vouloir dans mon crâne. Car, je dois être honnête envers moi-même, plus que je n'ai toujours cherché à l'être : en réalité, cette plante, elle est un peu comme moi, et c'est peut-être pour cela que son destin m'est aussi douloureux à choisir ; à travers elle, je me projette, je fais des parallèles entre ma vie et la sienne. Cela peut paraître bien idiot, et pourtant je le sais, je le sens, d'une manière que je me refuse néanmoins à accepter totalement. Je retire ses racines de la terre, c'est là qu'elle s'est développée, qu'elle a grandi, dans la serre de ce château si majestueux, entourée par bien d'autres plantes différentes ; comme moi. Je retire ses racines, et maintenant je dois décider de l'endroit dans lequel je la mettrai pour qu'elle étende ses feuilles et crée sa cire, je dois décider de là où elle partira, de là où elle continuera à s'épanouir. Moi aussi, je vais devoir quitter ces serres pour tenter de m'épanouir ailleurs, mais comment y parvenir si je n'ai plus mes racines dans cette terre qui m'a tant apporté, tant fait grandir ? Je vais devoir décider de son avenir, elle qui représente tellement, qui porte mes souvenirs sur ses larges feuilles, mes échecs dans sa cire magique, mes découvertes dans ses nuances exotiques. Dois-je la garder, elle et tout ce qu'elle symbolise ? Dois-je la laisser là, l'abandonner dans cette serre, dans cette terre, parce qu'elle y a toujours été, parce qu'avec le temps, elle s'y est fait une place ? Dois-je permettre à mes souvenirs de rester enfoncés dans le sol, de s'accrocher aux murs, de se blottir dans les coins ? Dois-je les forcer à me suivre, par peur de les oublier, de les voir me délaisser, me quitter sans que je ne conserve d'eux la moindre trace ?

La vérité, c'est que je n'en sais rien. Je suis bien trop prise en tenailles entre ma peur de l'avenir et mon angoisse du présent pour réfléchir correctement. Je suis là, mais je ne sais rien, je ne vois rien, je me laisse porter sur le fleuve de la vie, espérant qu'aucune roche ne se dressera sur mon chemin. Je ne sais pas nager, je ne peux pas avancer autrement, je suis incapable de ralentir cette course folle qui me prend tout. Alors, je ne sais pas comment trouver des réponses à mes questions. Je demeure figée, aveuglée, pétrifiée, à attendre qu'on me libère du poids qui m'écrase le crâne et le ventre.

Mes yeux glissent sur le Vert à la peau si pâle, comme si un rayon de Lune était en permanence posé dessus. Sans parvenir à expliquer pourquoi — il y a des choses qui ne s'expliquent pas, qui ne peuvent tout simplement pas être rationalisées —, il m'inspire de la confiance. Peut-être à cause de la douceur et de l'hésitation qu'il dégage ? Il me rappelle un peu celle que j'étais, que je suis.

Ses paroles me font du bien, m'aident à accepter le fait que même si je ne vois plus rien sur mon chemin, je peux tout de même avancer. Il saura s'en occuper, la garder ici pour moi, en prendre soin, l'entretenir. Alors, ce sera comme s'il y avait toujours un petit bout de moi à Poudlard, comme si je ne partais pas complètement, que je conservais ici des racines qui me permettraient de revenir, même indirectement, même à travers un élève inconnu et bien plus jeune que moi. C'est rassurant, oui. Et pourtant, le fait est que de ce Serpentard, je ne sais rien, et peu importe la confiance qu'il m'inspire, je dois reconnaître que je tiens assez à ma plante pour m'inquiéter du fait que la personne qui s'en occupe sache s'y faire ou non.

Les fougères qui s'entortillent dans mon ventre se réveillent tandis que j'observe le Vert penché sur ma scutumi. Saura-t-il se charger d'elle avec la même patience, le même amour que moi, je mettais en prenant soin d'elle ?

« Tu as une plante ici ? » demandé-je, changeant presque brutalement de sujet — en apparence seulement, pas en profondeur —, l'invitant à me montrer celle-ci si elle existe.

J'ai le regard ancré dans le sien. Le mien est curieux, calme, délicat. Derrière cette forme de curiosité que je mets en avant, je souhaite avant tout savoir quelles sont les compétences du jeune garçon, si je peux vraiment lui faire confiance. S'il sait prendre soin de sa plante, ne saurait-il pas, comme il l'affirme, prendre soin de la mienne ? Alors, peut-être pourrai-je vraiment réfléchir à la suite, trouver une solution pour percer le brouillard qui m'encombre l'esprit et le ventre.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

09 oct. 2023, 12:01
Arracher ses racines  PV 
Ernest se redressa sur ses deux pieds, presque au garde-à-vous. Comme pour signifier qu’il comprenait les enjeux de la requête et sa gravité. Ses épaules généralement voûtées se tiraient vers l’arrière, son dos était droit comme un piquet. Investi d’une mission capitale, il n’allait pas faillir. Les adultes ne lui faisaient généralement pas confiance. Pas pour les choses importantes. Et cette jeune fille, cette jeune femme, elle n’était pas tout à fait une adulte, mais presque. Et par cette demande insolite, par le regard qu’elle posait sur lui, Ernest avait l’impression d’être vu. Et par la confiance qu’elle s’apprêtait à mettre en lui, c’était peut-être la reconnaissance à laquelle il aspirait tellement qu’il était sur le point d’obtenir.

L’adolescent n’avait que peu de certitudes et l’idée que des choses lui échappent l’angoissait continuellement. Il était terrifié par ses propres lacunes. Mais en ce qui concernait la botanique, les plantes, la question ne se posait pas. Pour lui, qui avait été bercé dedans depuis la petite enfance par sa mère, il s’agissait de quelque chose de naturel. Il le ressentait dans son cœur, au bout de ses doigts. La nature suivait une logique implacable. Et elle parlait continuellement à ceux qui se donnaient la peine de l’écouter. Le petit brun se sentait bien plus à l’aise entouré de plantes qu’entouré de gens. Elles, il n’avait pas de mal à les comprendre. Il les aimait et elles le lui rendait bien.

Il acquiesça vivement à la question de Serdaigle et ne se fit pas prier deux fois pour lui indiquer l’emplacement de sa propre protégée. Il ouvrit la marche d’un pas bien plus léger, presque sautillant. C’est qu’il en était fier de son Sarracenia. Il brandit les mains en direction de la plante carnivore comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde. Ou bien la neuvième, il ne savait plus trop. Et c’est vrai que Maggy resplendissait sous les rayons obliques du soleil qui frappaient les façades de la serre.

Le garçon se pencha pour observer la magnifique fleur solitaire qui se dressait majestueusement parmi les tubes érigés comme des gardes du corps. D’un blanc presque pur, sa silhouette penduleuse dominait le reste de la plante comme pour dire “Je suis là, je vous observe.” Un peu comme le regard de la rouquine sur le petit garçon. Il fallait qu’il lève légèrement la tête pour atteindre son visage.

“Elle s’appelle Maggy… c’est sa toute première floraison… il lui a fallu un peu de temps, mais on a fini par s’apprivoiser… et elle a eu assez confiance…”

Ernest personnifiait complètement la plante qui était pour lui, non seulement une compagne dans la solitude, mais une confidente fidèle. Et le gamin de continuer à parler comme pour justifier ses qualifications. Quand il s’agissait du règne végétal, sa langue se déliait avec plus de facilité.

“Ça fait quelques années qu’on se pratique… le matin, avec la rosée, elle peut sentir le citron, et parfois la violette... elle à pas l’air comme ça, mais elle peut carrément bouffer des frelons… Enfin, il y en a pas ici, mais… elle pourrait…”

Détail qui n’était peut-être pas très pertinent au vue du débat mais le gamin éprouvait une certaine fierté quant aux capacité de son specimen, même s’il n’y était pas pour grand chose. Et nul doute que si la demoiselle lui confiait son scutumi, il en prendrait tout autant soin. Ce qui ramena le petit brun à la genêse de cette rencontre et de cette proposition.

“Tu… C’est ta dernière année ?”

La témérité nécessaire pour poser cette question n’était pas dans ses habitudes. La curiosité, elle, était presque maladive. Et les opportunités de répondre aux mystères de la vie n’étaient pas si courantes. Qu’est-ce que ça faisait d’être un grand ? De passer de l’autre côté du miroir ?

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

15 oct. 2023, 12:03
Arracher ses racines  PV 
Son regard est brûlant de sérieux. On le croirait héros d'un conte qui n'a pas encore été écrit. Jeune, mais pas naïf, n'est-ce pas ? Il sait dégager l'important de ce qui ne l'est pas. Et pourtant... Pourtant, au début, le doute et les hésitations régnaient dans ses yeux en souverains. Les aurait-il balayés, mis à la porte ? Quelle force alors, pour un être si jeune, être capable de chasser ses propres fantômes. Et quelle terreur aussi, d'en avoir déjà, si tôt, ancrés dans la peau dès l'aube de la vie. Mais la sensibilité qui l'érafle, le blesse, le marque, c'est aussi celle qui lui plantera dans l'âme l'émerveillement, la douceur, la passion. N'est-ce pas grâce à l'ombre que toutes les couleurs du monde paraissent plus vives ?

Son hochement de tête vigoureux apaise les battements de mon cœur. Non seulement il considère ma situation avec un intérêt et un sérieux détonants pour son âge, mais il s'occupe également déjà de sa propre plante, tâche qu'il semble aussi ne pas prendre à la légère. Alors, en le suivant dans la serre, j'ai comme cette impression de ne plus être perdue dans le chemin de mon existence. Je ne suis peut-être pas encore revenue sur la bonne voie, mais je sais, je sens, sans pouvoir l'expliquer, que je me dirige vers ce sentier, que je m'en approche ; déjà le monde me paraît moins sombre et moins lourd. Je sais désormais que de Poudlard, j'ai la possibilité de ne jamais vraiment partir, de rester là, même dans l'ombre, de voir mes souvenirs être entretenus par ce jeune garçon aux cheveux bruns comme l'écorce.

Nous nous arrêtons face à un Sarracenia lumineux qui semble presque resplendir sous le regard du Vert et sous cette lumière claire. Tandis que les paroles coulent joyeusement et sans hésitation d'entre ses lèvres, je me mets accroupi pour observer son Sarracenia, sa Maggy, comme il avait observé mon scutumi. Mes yeux touchent la plante avec douceur, se penchent sur sa terre, sur ses feuilles, sur sa tige, en frôlent les urnes mortelles pour les petits insectes. Si mon regard peut paraître inquisiteur, il ne l'est pourtant pas. Avant de me faire juge et d'en adosser la tenue, je demeure passionnée, c'est là la peau que je ne peux retirer, celle qui recouvre mon corps et mon coeur. Alors, c'est ma curiosité qui s'éveille pour englober le végétal, l'étudier, l'admirer, aussi. Je ne peux pas m'en empêcher, c'est trop instinctif. De toute manière, je m'enrichis de cet émerveillement que je trouve dans les plantes. C'est de cela, et uniquement de cela, que je veux être composée.

C'est un Sarracenia plutôt en bonne forme que je découvre. Non seulement il voit fleurir sa première fleur, mais il semble de plus faire l'objet d'un soin tout particulier. Ce garçon ne manque pas d'amour pour sa Maggy, n'est-ce pas ? Il en parle avec une douceur qui me touche, me marque. Elle n'est pas qu'une plante pour lui ; cette fleur n'est pas que la première à éclore ; il y a bien plus que tout cela derrière ce végétal. C'est cette passion, cet amour, au-delà d'une bonne volonté nécessaire, que je cherchais chez le Vert. S'occuper de sa plante, ce n'est pas qu'un passe-temps, c'est une activité très sérieuse pour lui, très importante. Sinon, pourquoi me parlerait-il d'elle comme si elle était une amie, une confidente, un être à part entière ?

*Elle peut sentir le citron...* Et je pense à ma mère, à ma propre relation avec le monde végétal, à mon attachement et ma passion pour toutes ces plantes fragiles mais si complexes, si développées, si ruisselantes d'intérêt. C'est une respiration pleine de tendresse qui me remplit les poumons alors que je suis penchée là, au-dessus de sa Maggy.

« Elle est très jolie, » confié-je.

Cela me fait sourire, c'est exactement ce qu'il avait dit à propos de ma scutumi il y a quelques minutes. Ai-je fait exprès de prononcer ces quelques mots ? Peut-être.

« Tu t'en occupes bien, affirmé-je, les yeux toujours posés sur la plante. Alors, tu aimes cela, prendre soin des végétaux ? Tu as l'air d'y trouver du plaisir. »

Je me redresse en appuyant mes paumes sur mes cuisses. Mes doigts sont encore sales de la terre humide dans laquelle ils s'étaient enfoncés ; ils laissent sur mes vêtements une trace sombre que je ne remarque qu'à peine. Cette discussion est en train de me faire oublier la douleur qui me mordait le ventre. Je trouve dans la passion qui m'anime et m'entoure de quoi calmer mon esprit agité. C'est quelque chose qui me fait du bien, qui m'apaise, qui me console. C'est agréable.

« C'est ma dernière année, oui. Dans quelques jours je partirai et je ne reviendrai plus ici. »

Et le dire à voix haute m'arrache la langue. Les mots sont si lourds, si encombrants, pleins d'épines. Ce sont eux qui me traînent et me malmènent, ce sont eux dont je ne veux plus. Pourtant, les laisser tomber dans cette serre avec fracas ne fait qu'ajouter un poids oppressant, là, tout au fond de ma poitrine.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

16 oct. 2023, 18:06
Arracher ses racines  PV 
La posture du garçon était bien différente entre le moment où il était entré dans la serre et l’instant où il présenta sa plante à la Serdaigle. Lui qui avait l’habitude de se ratatiner sous le moindre regard comme un oisillon tombé du nid, qui longeait les murs pour être sûr de ne déranger personne. À présent, il habitait l’espace. Et regagnait ses quelques centimètres après lesquels il courait sans même s’en apercevoir. À présent, il se sentait grandir. À l’intérieur.

Ernest était un bon gamin. Docile. Le soldat idéal à qui prendrait seulement le temps de le regarder, de lui demander. Quoi que ce soit. À condition qu’on lui explique. À condition que la vérité soit l’unique donneuse d’ordre. Et la nature, elle était l’une de ses vérités à lui. Celle qui finissait toujours par gagner, à la fin.

Il s’écarta d’un pas pour laisser la jeune fille examiner sa plante. Dans sa retenue, on pouvait néanmoins le sentir à l’affût. Maggy était sa précieuse et lorsque quelqu’un entrait dans le périmètre de sécurité invisible qu’il avait lui-même délimité, ses sens s’aiguisaient naturellement. Alors, sans ajouter un mot, il attendit le verdict. Et les secondes s’étiraient. Comme le rythme de son souffle. Ses yeux verts passaient de l’une à l’autre entre quelques clignements de paupières. Pour finalement s’accrocher sur la demoiselle, la scruter.

Il y avait dans l’expression de la grande quelque chose d’incroyablement familier. Un émerveillement qui remontait à tellement loin qu’il n’était pas capable de s’en souvenir. Un regard qui avait accompagné la plupart de ses jours sans même qu’il s’en aperçoive. Une manière de s’oublier dans le temps. Ou peut-être de se rappeler qu’on faisait partie de quelque chose de beaucoup plus grand mais en même temps de beaucoup plus intime. Dans son regard, il trouvait des réponses à des questions qu’il n’avait pas posées.

Ses joues rosirent légèrement face au compliment et il baissa rapidement les yeux, gêné. On ne lui avait pas appris à dévisager les gens. Mais au bord de ses lèvres, germait un bout de sourire car il réalisait qu’on venait de lui renvoyer une balle. Qu’il s’agissait bel et bien d’une conversation à deux. Et même, peut-être, d’une invitation. Alors il reprit ce bout d’espace qu’il avait cédé pour se remettre au niveau de la rousse. Un haussement d’épaule accompagné d’une moue réflective, il reprit la parole.

“Est-ce que c’est pas elles qui prennent soin de nous… ?”

Il la suivit du regard alors qu’elle se redressait. Le monde n’avait de cesse de lui rappeler comme il était petit. Petit mais pas dénué de courage, apparemment. Pourtant, en voyant l’ombre passer sur le visage de la Serdaigle, il fut saisi d’une pointe de culpabilité. Mettre les pieds dans le plat, une autre de ses spécialités. Il plongea ses mains dans ses poches. Un jour, il finirait par les trouer. Il fronça néanmoins les sourcils, comme si les pièces du puzzle ne s’imbriquaient pas correctement.

“Mais… ‘fin… pourquoi ? Ma mère, elle retourne de temps en temps voir ses anciens profs de l’université… enfin… ceux qui sont encore là… Tu… C’était pas bien Poudlard ?”

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston