Le mercredi 6 novembre 2047,
En milieu de matinée,
5^ème année


C'est décidé, aujourd'hui, je commence le sport.

Je n'ai jamais aimé le sport. Dès que j'en ai eu la possibilité, j'ai arrêté les cours de vol plus parce que je n'aime pas le sport que parce que je n'aime pas voler. Et je n'ai jamais compris pourquoi les gens s'infligent de l'exercice physique. Mais maintenant, tout est différent.

Depuis que j'ai reçu cette lettre, que je garde précieusement à plat au fond de ma malle - dans laquelle je retrouve souvent mon chat en train de dormir, mon quotidien a changé. Mes journées se résument à me lever pour méditer, aller en cours, manger avec mon cousin, passer mes soirées à plancher sur les espèces animales sauvages que l'on m'a donné à étudier ou sur les métamorphoses inter-espèces. Mon cousin n'arrête pas de me dire que je travaille trop, mais j'aimerais n'avoir plus besoin de dormir pour travailler deux ou trois fois plus.

Cela fait une bonne semaine que les paroles de mon professeur tournent dans ma tête. Nous vous recommandons vivement de trouver une activité qui vous plaît et de la pratiquer au moins une fois par semaine, m'a-t-il dit lors de mon deuxième entretien pour la formation Animagus. Une activité physique qui me plaît ? Pour l'instant, je n'en connais aucune.

Alors quand j'ai vu l'équipe de cheerleader de Gryffondor faire du jogging dans le parc, la semaine dernière, je me suis dit que ça pourrait me plaire.

C'est comme ça que je me retrouve, ce matin, affublée d'un jogging noir et d'un pull qui n'est pas du tout adapté pour le sport, en train de trottiner sur le terrain d'entraînement. Il n'y a personne, probablement parce qu'il fait trop froid, sauf moi, qui suis assez folle pour venir courir avec ce temps. Le ciel est couvert et la température n'est pas très haute.

Mais je suis déjà en sueur alors que ce n'est que mon premier tour de terrain.

Je n'en crois pas mes yeux. Mais après une dizaine de secondes d'observation, je constate... eh ben que si, c'est bien Adaline Macbeth. Au terrain d'entrainement. Pour connaître plus ou moins tous les habitués des lieux – le terrain d'entrainement étant quasi ma seconde maison –, je peux affirmer que c'est étonnant. Et connaissant un minimum ma camarade de maison, j'ajouterais même que ce n'est pas étonnant, mais très étonnant. D'ailleurs, si quelqu'un m'avait demandé un peu plus tôt dans la journée où trouver la Gryffondor en ce mercredi matin libre qu'ont les élèves de cinquième année, j'aurais certainement répondu que probablement, elle était à la bibliothèque. Ou dans la salle d'études, peut-être en salle commune. Bref : je pense que plus ou moins tout autre endroit du château me serait venu à l'esprit avant de penser au terrain d'entrainement.

Enfin... tant mieux pour elle, si elle a découvert les plaisirs de la course à pied, je suppose. Mieux vaut tard que jamais. En tout cas, j'avoue être un peu curieuse. Alors changement de plan : je vérifie rapidement que mes lacets sont bien noués, fais quelques sauts sur place histoire de mettre mon corps en route, puis je m'élance à la suite de la rouge et or.

Ah ouaiiiis ! De loin, Adaline ne m'a pas semblé bien rapide, mais le peu de temps que je mets pour la rattraper me le confirme clairement.

"Hé, salut !"

Arrivée à la hauteur d'Adaline, j'ai raccourci mes longues foulées énergiques de sportive et cours à présent à côté de la Gryffonne. Enfin... je trottine, plutôt. C'est qu'elle n'est vraiment pas très rapide. Mais bon, j'veux pas juger, hein.

Quoique... il y a bien quelque chose sur laquelle je ne peux peux pas m'empêcher de juger. Pas sa vitesse, c'est cool de se mettre au sport. Mais par Godric... dans ce pull ?? Je n'arrive pas à dissimuler mon air mi-amusé mi-étonné lorsque je lâche :

"Pour la prochaine fois, j'pense que tu seras plus confortable en tee-shirt ou en sweat."

Dépendant de son degré de frilosité. Je lui adresse un petit sourire. Perso, j'aime bien courir en short et tee-shirt – après tout, fournir des efforts physiques intenses réchauffe bien, mais pour le coup, je me félicite de ne pas encore avoir enlevé ma veste de sport enfilée par-dessus.

Je termine mon deuxième tour du terrain d'entraînement.

Le temps passe si lentement, le paysage défile si lentement, mes jambes se soulèvent si lentement, mais ma respiration va si vite et les battements de mon cœur s'emballent dans ma poitrine, tellement que je peux les entendre. La sueur sur mon front, sous mes aisselles, dans mon cou, à la base de la queue-de-cheval que je porte ruisselle. Mais ce n'est que mon deuxième tour de terrain.

Je ne sais pas si j'aime le jogging. Courir tout droit, pensé-je par-dessus mes respirations haletantes, et rien d'autre. Pour moi, dont la tête est prise par des respirations bruyantes et des pulsations cardiaques presque aussi bruyantes, même penser est difficile pendant cet exercice. Mais j'essaie de ne pas ralentir le rythme, pour le moment mes jambes et mes pieds ne me font pas mal, ce n'est que mon souffle qui est trop court.

Et puis, alors que j'avais presque oublié la présence du monde ou en tout cas qu'il m'était sorti de la tête, une voix me sort de ma torpeur.

Je tourne un visage rougi par l'effort et trempé par la sueur vers la capitaine de l'équipe des Griffes Ardentes. Leo Ginger est une fille que je connais plus pour ses anecdotes de match, qui captivent et font rire toute la salle commune, que pour ses véritables exploits en match. Je ne vais jamais voir le Quidditch et elle n'a pas gardé la métamorphose, tout ça a éloigné nos centres d'intérêts tellement qu'il ait rare qu'on ait quelque chose à se dire. Mais aujourd'hui... je fais du sport.

« Salut. »

Glissé-je à l'adresse de Leo, avec une voix faible car noyée dans les respirations haletantes.

Je détourne mon regard d'elle, pour continuer à trottiner les poings levés et plaqués contre mon buste, au moment où elle se met à critiquer mes choix vestimentaires. J'ai envie de lui servir un regard noir mais j'en suis bien incapable, avec une face aussi rouge et transpirante, alors je continue de fixer droit devant moi et de respirer en rythme avec mes petites foulées. Un hochement de tête sera ma seule réponse, parce qu'elle a probablement raison, ce pull commence à me gratter et il me fera bientôt suffoquer.

Très vite, je remarque que Leo n'a aucun mal à me suivre.

« Tu cours... souvent ? Il faut... que tu me donnes... des conseils. »

Pour éviter d'avoir à trop parler, je lui balance ça sans même la regarder.

“P’t-être que t’as l’impression que les joueurs de Quidditch sont juste assis sur des balais, mais j’te jure que sans cardio, tu fais pas long feu dans les airs !”

Ou pour le formuler autrement : évidemment que je cours régulièrement. J’ai lancé ça sur le ton de la blague. Bien que je ne me souvienne pas spécialement de déjà l’avoir aperçue dans les tribunes d’un match de Quidditch, je doute qu’Adaline soit ignorante à ce point du monde sportif. Je suppose qu’il s’agit plutôt d’une introduction pour ce qui semble réellement l’intéresser : quelques conseils sur la course à pied.

Eh bien elle est tombée sur la bonne personne ! Sans me défaire de non ton léger, je continue :

“C’est ton jour de chance Adaline ! ”

J’allonge ma foulée afin de dépasser d’environ un mètre et demi ma camarade de maison, me retourne et tout en courant en arrière pendant quelques pas, j’écarte les bras dans une espèce de révérence.

“Tadaaa, ta coach personnelle du jour. A ton service ! Tu t’es mise à la course récemment, non ? Ta bonne résolution pour bien commencer l’année ?”

Je lui lance un petit sourire, me retourne à nouveau et trottine brièvement sur place le temps qu’elle me rejoigne pour pouvoir reprendre en me caquant sur son rythme à elle. En parlant de conseils, je viens de remarquer :

“Utilise tes bras, ça va t’aider.”

J’exagère légèrement le mouvement le temps de quelques pas pour lui montrer de quoi je parle. Et puis comme je suis sensée donner des conseils, je me sens quand même obligée de préciser :

“Enfin… normalement on déconseille de parler en courant, ça perturbe la respiration : inspiration par le nez, expiration par la bouche… Mais bon. ”

A cette allure-là, moi, en tout cas, je ne risque pas grand-chose. Et je dois avouer que même sur des distances plus longues avec un pas plus vif, j’arrive rarement à m’empêcher de bavarder un peu lorsque je cours accompagnée. Alors certainement qu’au fond, c’est probablement contre-productif, mais au moins, ça me permet d’attirer mon attention ailleurs que sur des poumons brûlants, un point de côté où des muscles fatigués.

Et même là maintenant, je me tais un instant pour me concentrer à nouveau sur ma respiration. J’ai plein de conseils à donner à Adaline, mais je pense que le mieux est d’y aller morceau par morceau. Histoire de ne pas la bombarder d’une tonne d’informations alors qu’elle souffle déjà fort juste comme ça.

Si je n'étais pas en train de dédier toute mon énergie à la course à pied, j'aurais probablement ri ou au moins souris à son trait d'humour. Mais ma bouche peut seulement rester ouverte pour laisser s'échapper mon souffle et récupérer de l'air aussi fréquemment que possible. Je fais beaucoup de bruits, avec cette bouche, non ? Pensé-je un instant, avant de voir la capitaine me dépasser à plus grandes foulées (parce que les miennes sont petites) pour se mettre à trottiner un mètre devant moi.

Dans une autre situation, le ton qu'elle emploie, ses mouvements exagérés et le fait qu'elle soit bien meilleure que moi à la course m'auraient énervée. Aujourd'hui, je ne suis pas du tout en mesure de m'énerver pour quoi que ce soit.

Je la laisse débiter ses paroles, une par une, sans articuler de sourire parce que mon visage est brûlant, et je pense : heureusement qu'elle parle fort, sinon je ne l'entendrais pas sous les battements de mon coeur qui tremblent dans mes oreilles. Je ne lui réponds pas encore, je reste concentrée sur l'horizon sur lequel mes yeux restent accrochés, mettant la force qu'il me reste à écouter ses conseils.

Les bras ? Mes yeux glissent enfin vers elle, et je me mets bientôt à l'imiter. Mes bras se décollent de mon buste et commencent à m'encourager dans mes mouvements. Bouger mes bras à chaque foulée me fait réaliser à quel point mes jambes sont lentes. Puisque je n'ai pas encore mal aux jambes, je pourrais probablement accélérer, mais c'est sans compter sur mon coeur et mes poumons qui ne suivront pas une cadence plus élevée. Alors je ralentis mes bras pour les caler sur mes jambes.

Par le nez ? Mais bien sûr, c'est comme pour la méditation. Il faut inspirer par le nez et expirer par la bouche. Alors ma bouche se referme sur les inspirations et l'air entre par mon nez, puis ma bouche s'ouvre à nouveau pour laisser entrer l'air.

On continue comme ça encore plusieurs secondes, peut-être plusieurs minutes, et puis je m'arrête.

Je suis à bout de souffle, presque incapable de continuer à respirer. Au bout de deux tours et demi de terrain. Alors je m'arrête net et je mets les mains sur les genoux, le corps recroquevillés et penché en avant.

En me redressant, je prends de grandes bouffées d'air pour essayer de faire baisser la température de mon corps qui est en feu, autant que mes poumons. Et comme ça ne suffit pas, ni une ni deux, j'enlève mon pull.

« C'est pour... la formation Animagus... que je dois me mettre... au sport. »

Dis-je, essoufflée.

Au début, j'ai cru qu'elle s'est arrêtée pour refaire ses lacets. Ou pour boire un peu d'eau. Voire même pour enlever ce fichu pull si inadapté à la course. Effectivement, son pull, Adaline l'enlèvera. Mais plutôt que de faire un bref arrêt avant de repartir... eh bien l'arrêt en question m'a tout l'air d'être fixé avec l'intention de l'arrêt définitif.

Déjà ? je ne peux m'empêcher de penser. Entre temps, je me suis arrêtée aussi, me remettant lentement de ma surprise à défaut d'avoir à me remettre d'un effort physique intense. Combien de minutes est-ce qu'elle a bien pu courir ? Je ne sais pas vraiment, mais ce qui est sûr, c'est que c'est peu. Enfin, ça ne devrait pas trop m'étonner, je suppose... après tout, ce n'est pas en étant assis à la bibliothèque qu'on gagne de l'endurance.

Dans un phrase hachée tombe finalement la raison qui explique bien des choses. Oh, la formation Animagus ! A bien y penser, c'est amusant tout de même : ce qui attire Adaline vers le sport et loin de ses révisons ne sont pas les bien faits de l'activité physique... mais bel et bien la perspective de nourrir et d'étendre encore plus son apprentissage. Même si pour le coup, la formation Animagus, je dois avouer que c'est plutôt intéressant !

Mais – parce que oui, il y a un mais, un grand mais, même –, je ne compte pas laisser ma camarade s'arrêter comme ça. Alors poings sur les hanches, j'attends qu'elle ait posé son pull et pris quelques inspirations avant de lancer :

"Hé, tu vas quand même pas t'arrêter comme ça ! J'te propose de faire un tour en marchant, histoire de récupérer un peu, et puis on reprend pour un dernier tour de course. Ou alors, si t'en peux vraiment plus... faut quand même terminer la séance de course comme il se doit. J'arrive à te motiver pour un p'tit sprint final ?"

Je désigne la largeur du terrain. J'ai conscience que ça peut sembler être un effort insurmontable, mais objectivement, la distance en question n'est pas particulièrement longue. Alors je souris d'un air encourageant avant d'ajouter :

"J'te promets que si t'as la détermination nécessaire pour persévérer dans la formation Animagus, tu peux aussi trouver la force mentale pour faire encore quelques pas. Allez, tu t'es bien débrouillé jusqu'à maintenant !"

Parce que c'est ça, la course à pied. Une grande part se déroule dans la tête. Et à moins d'être engagé dans une course au sens propre du terme, c'est avant tout contre soi-même qu'on lutte. Alors autant, je suis bien curieuse quant à cette formation Animagus – et certainement que j'en profiterai pour interroger un peu Adaline à ce sujet... mais avant ça, je compte bien motiver ma camarade pour un dernier effort !

Sous les yeux effarés de Leo Ginger, je reprends mon souffle. Bien que son discours dure un moment, ça ne suffit pas à calmer ma respiration haletante et encore moins à refroidir mes joues. Mais je l'écoute, je regarde la largeur du terrain quand elle me la montre, je me décompose en imaginant devoir courir de toutes mes forces, je trouve l'idée de me remettre à trottiner moins effrayante, et je finis par acquiescer.

Les encouragements de la capitaine de Quidditch me font sourire bêtement. Elle a raison, je suis déterminée à suivre cette formation - non, je suis déterminée à devenir une Animagus. Si, pour y arriver, je dois courir comme ça tous les jours, je le ferais. De jour en jour, je deviendrais meilleure, jusqu'à pouvoir courir des heures. Voilà les pensées qui me traversent en voyant le sourire encorageant de la rouquine, un sourire qui traverse tout mon corps et qui apaise ma respiration.

Je me mets alors à marcher, à ses côtés, et je ressens un brusque sentiment de confort et de sécurité.

Jamais je n'avais considéré cette fille comme ça, jamais je ne l'avais considéré tout court, la voyant plutôt comme un élément du décor ou encore d'une histoire qui n'est pas la mienne. Pourtant, c'est elle qui me donne la force de me remettre à marcher et de respirer.

J'inspire et j'expire, je me concentre sur ma respiration, l'air qui entre et l'air qui sort. Cela ressemble assez aux exercices de méditation que je pratique et que je commence à maîtriser, après un mois de pratique acharnée. Au début, c'était dur de me concentrer, mais j'ai commencé à ressentir les bienfaits de ces moments de calme. J'imagine qu'il en sera autant pour le sport, pas vrai ?

« Je veux bien... marcher un peu... avant de reprendre. »

Dis-je entre plusieurs respirations bruyantes. Mais je sentais mon esprit s'apaiser et mes muscles s'échauffer. Malgré des poumons brûlants, je reprends petit à petit le souffle qui me manquait et je ne vois plus le fait de reprendre la course comme un obstacle insurmontable.

« Ce sera plus facile, après, hein ? »

Je sens un sourire s’étaler sur ma face lorsqu’Adaline accepte ma proposition. Elle a beau avoir un côté qu’on qualifierait probablement de très Serdaigle, je l’estime et la respecte beaucoup à cet instant, avec son état d’esprit de combattante déterminée qui fait très Gryffondor. Et puis il y a autre chose aussi… c’est un peu étrange, mais je crois même que je ressens une espèce de fierté en voyant ma camarade reprendre lentement son souffle avec la volonté de continuer. Avec enthousiasme, je frappe dans les mains.

"Yes trop bien ! C'est parti alors !"

On se remet doucement en mouvement. J'hésite un instant à lui suggérer de remettre son pull histoire qu'elle n'attrape pas froid – d'expérience, courir avec un rhume n'est pas à conseiller –, mais finalement, j'y renonce. On pourra se réchauffer plus tard et puis on n'est pas totalement à l'arrêt, de toute façon.

Quant à sa question... disons que lorsque ça devient plus simple et qu'on progresse, généralement, on augmente aussi ses objectifs. De manière à ce qu'on finit toujours aussi crevé. Mais c'est vrai qu'il y aura un certain nombre de choses qui deviendront plus simples.

"Si t'arrives à te trouver une routine et à persévérer, ouais, ce sera plus facile. C'est super mental la course. Il faut trouver ce qui te convient. Courir seule ou avec quelqu'un pour te motiver... tiens, les tours de terrain, t'aimes bien ? Perso j'préfère courir dans le parc, j'ai l'impression que le temps passe plus vite."

Avec les tours de terrain, je m'ennuie rapidement. Sans compter qu'au bout de quelques tours déjà, j'ai généralement perdu le fil du compte. Alors que le parc est plus vaste. Les paysages changent, le type de sol aussi et le nombre de trajets différents que je peux possiblement emprunter est infini.

On continue à marcher. Finalement, j'estime qu'Adaline doit avoir suffisamment récupéré de souffle pour que j'ose reprendre la conversation.

"La formation Animagus, hein ? Tu dois être douée en méta... "

Contrairement à moi qui ai abandonné cette matière après la deuxième année... Je tourne la tête vers elle avec un petit sourire. Je dois dire que je regrette beaucoup cette décision. Par conséquent, j'ai commencé à essayer toute seule de m'apprendre quelques sorts de métamorphose, mais c'est sûr que ce n'est pas aussi efficace qu'un cours. Curieuse, je poursuis mon petit interrogatoire.

"T'en as encore pour combien de temps avec ta formation ? Tu sais déjà quel animal ça sera ?"

Perso, je dois avouer que l'idée de me transformer en animal ne me tente pas, mais alors pas du tout. Un oiseau à la rigueur, pour pouvoir battre des ailes et m'envoler. Mais se retrouver dans le corps d'un animal... très peu pour moi, ça doit être vraiment étrange. D'ailleurs, je me demande si ma camarade a déjà essayé...

"Dis, vous avez déjà fait les métamorphoses humaines en cours ? 'fin t'as d'jà été un animal ?"

Me rendant compte que je risque de lui faire perdre à nouveau son souffle avec toutes ces questions, je finis par me taire.

Son enthousiasme est communicatif, puisque je me mets à penser à la course à pieds comme quelque chose qui me fait du bien et je me surprends à avoir envie de reprendre. On dit que faire du sport libère des quelques choses dans le corps, des quelques choses qui font qu'on se sent bien. C'est probablement pour ça que certains courent dans le parc tous les matins ou s'entraînent autant au Quidditch. Alors je me rends compte que ce n'est pas l'enthousiasme de Leo qui est si communicatif, mais que c'est le sport qui fait son effet.

En l'entendant parler, je souris. Je n'abandonnerai pas la course à pieds et, chaque mercredi, chaque samedi, je viendrai ici pour courir. Oui, parce que je ne veux pas qu'on me voit dans le parc tant que je n'ai pas le niveau, tant que je cours aussi lentement et que je me fatigue aussi vite. Je hoche simplement la tête pour répondre à sa question, en évitant de lui dévoiler une autre de mes faiblesses - le regard des autres.

On continue de marcher l'une à côté de l'autre et je sens les bienfaits de ma course. La chaleur me quitte progressivement sans m'abandonner tout à fait, le feu dans mes poumons s'est éteint pour laisser placer à une sensation nouvelle et agréable de respirer enfin comme il faut, et il semble que mes jambes aient seulement commencé à courir.

En entendant sa question, je lève la tête.

« Plutôt douée, oui. »

Répondis-je avec un sourire qui veut dire très douée, même que Leo comprendra sûrement. La capitaine de Quidditch ne manque pas d'esprit, j'en suis certaine. Les autres questions qu'elle me pose sont tout aussi intéressantes.

« Cette année c'est la deuxième, j'ai commencé la formation en quatrième année. Dès que possible en fait. »

Un instant, je souris de fierté. Je repense à une conversation avec Ruby et à tous ces rêves dont nous parlions. Devenir la plus jeune Animagus de l'école - ou à défaut la plus talentueuse. C'est pour ces rêves que je me donne et que je continuerai à me donner encore.

Je secoue la tête en baissant les yeux sur mes pieds, je n'ai pas fini de répondre, mais je remarque que la conversation se fait plus fluide depuis que le feu a quitté mes poumons et que je suis plus autant essoufflée.

« Après, il reste un an de formation. Et c'est pendant la dernière année de formation que l'on découvrira notre animal... »

C'est ce que le professeur Dawson m'a dit, quand je le lui ai demandé. Ce sera une sorte de quête intérieure pour découvrir l'animal qui dort au fond de nous. Cette pensée m'effraie autant qu'elle m'excite, et je dois avouer la garder dans un coin de la tête quand je médite. Si bien qu'au début, c'est pour cette pensée que je me déconcentrai. Maintenant, j'arrive à la faire taire pendant que je me mets dans une transe méditative. Ce n'est que le début, alors c'est rare que j'atteigne ce niveau de calme, mais cela arrive de plus en plus souvent !

Je lève la tête vers elle.

« Je crois que j'aimerais bien être un oiseau... Mon correspondant, Chase, lui rêve d'être un faucon. »

Les mots sortent de ma bouche sans que je le leur ai demandé. Je crois que c'était un peu trop personnel et c'est pour ça que le feu me remonte aux joues. Fort heureusement, ça doit se noyer dans les rougeurs de l'effort et du froid sur mon visage.

Un oiseau, je l'ai déjà été, même si je ne peux pas me souvenir de ce que ça fait. Mais je ne suis pas assez stupide pour le lui dire, ça c'est bien trop personnel.

« Non, pas encore. Nous avons étudié en profondeur les métamorphoses animales, d'animaux qu'on pourrait devenir, en première année. On a aussi étudié les animaux tout court. Et cette année, on se concentre sur les métamorphoses inter-espèces. C'est difficile, ça demande beaucoup de pratique ! Et puis on étudie aussi les animaux sauvages, avec le professeur Dawson.
J'étudie les biches en ce moment. »

Débité-je, avant de m'arrêter pour respirer. J'adresse un sourire à la capitaine avant de poser les yeux loin devant moi.

Plutôt douée… Je souris. Évidemment qu’Adaline excelle en métamorphose. Quelle question ! Je l’écoute jongler entre les informations d’année, année de début, année restante, nombre d’années déjà effectuées… mais mon attention reste accrochée sur une autre information. Presque comme un écho à mes propres réflexions sur l’animal que je pourrais éventuellement me voir incorporer - un oiseau - et je ne peux m’empêcher de m’exclamer :

“Héee, tu m’avais pas dit que t’aimais autant le vol ! La course, le vol… on se découvre des points communs !”

Je lui lance un sourire complice, je pense que la Gryffondor saisira le trait d’humour que j’ai glissé dans mes mots. Et puis il y a autre chose qui m’intéresse, dans ce qu’elle a dit : son correspondant, dont je devine sans peine qu’il doit s’agir de son correspondant AMICO.

“Laisse-moi deviner : Chase est plutôt doué en métamorphose, aussi ? Tu le verras cette année, non, il est dans quelle école ?”

Je suis sincèrement curieuse. Il y a quelques jour, j’ai découvert que ma propre correspondante viendrait de l’école de magie japonaise. Depuis, j’ai super hâte d’écrire ma première lettre !

Dérivant un peu à mes propres pensées, j’oublie d’écouter avec attention le programme détaillé de ses années d’études. Je retiens “compliqué” et “beaucoup de pratique” et me contente de hocher la tête. C’est sûr que ça m’a l’air d’être une montagne de travail, de temps, et d’investissement, cette formation.

D’ailleurs, plus j’y réfléchis, plus il y a de questions qui me viennent à l’esprit. Par exemple, est-ce que l’animal en lequel un Animagus se transforme se nourrit comme l’animal en question ? Est-ce qu’il peut aussi être la proie d’un autre, un vrai animal ? Ce qui m’amène à une nouvelle question, que cette fois-ci, je ne peux pas m’empêcher de poser à ma camarade :

“Dis, en se transformant en animal… est que tu en prends juste la forme ou bien est-ce que t’es aussi soumis à certain de ses instincts ? Par exemple si ton animal est un oiseau, est-ce que tu saurais directement voler ? Ou est que tu commenceras comme un oisillon à peine sorti du nid ?”

Autrement dit, est-ce qu’on peut uniquement utiliser les attributs physiques de l’animal en question, ou est-il possible de bénéficier de certains réflexes animals innés ? Et si oui, qu’en est-il alors d’instincts et de réflexes plus sauvages, celui de potentielle proie ou d’un prédateur. Comme par exemple celui d’un lion d’attaquer ses proies – que ce soit par appétit ou dans un mécanisme de défense ?

Du coin de l’œil, j’observe Adaline, songeuse. Admettons que son animal soit le guépard… est-ce que sous cette forme, elle pourrait devenir une pro de la course. Ou bien serait-elle conditionnée à ses propres capacités, ce qui ferait probablement d’elle un guépard plutôt lent ? Dans tous les cas, je dois avouer que l’idée de voir ma camarde se transformer en animal… c’est déconcertant. Très déconcertant.