C'était un sentiment anormal, étranger, et donc dérangeant. Une sensation diffuse, insaisissable, une goutte d'encre dans un océan qui semblait pourtant tout teinter d'un humble et subtil voile, un goût diffus qui disparaissait aussi vite que l'on le remarquait, un bruit en arrière plan à vous faire devenir fou de ne pas savoir s'il existe vraiment ou si c'est une invention de l'esprit. Le Serpentard en était arrivé à la conclusion qu'il fallait agir pour se débarrasser de ce chuintement permanent, exorciser ce vide qui remplissait chaque couloir et chaque hall de Poudlard, aussi, si pénible lui soit cette démarche, il entreprit de grimper à la volière, non pas que ce soit cette ascension qui le fasse rechigner, mais la perspective de poser sur le parchemin qu'il avait emporté avec lui quelques mots qui ne lui vaudraient qu'une feint de non recevoir, et encore, au mieux.

Ça n'était pas normal. La disparition soudaine d'Alice de son paysage quotidien avait été une ablation brutale d'une part de lui, rien d'étonnant cependant, il ne s'en était pas étonné, par Merlin s'il osait être honnête avec lui-même il admettrait aussi qu'il a volontairement voulu se sentir le plus mal possible, à des fins purement égoïstes, pour ne pas qu'elle soit la seule à souffrir, pour pouvoir lui aussi être à plaindre. L'éviction de Carry de l'école avait, elle, été un profond soulagement, un couvercle de plomb avait été soulevé au dessus de son existence, il pouvait à nouveau lever les yeux sans voir l'épée de Damoclès suspendue à son crin de cheval. Il aurait voulu que ce soit comparable en cette rentrée, mais ça ne l'était pas, le soulagement et la satisfaction étaient gâchée par un goût amer qui lui était insupportable.

Soupirant en arrivant au sommet de la tour, il alla saluer Fulgrim, qui l'observait de ses yeux immenses et noirs entouré de sourcils blancs. Son plumage rayé lui donnait des allures de cage thoracique, sa Ninoxe avait une prestance discrète qu'il appréciait particulièrement.
«Je suis navré Fulgrim, nous ne passons pas autant de temps ensemble que je le voudrais, j'espère que nous irons chasser bientôt de nouveau.»

Il avait commencé doucement à apprendre les bases de la fauconnerie sorcière l'année précédente, mais son rôle de préfet en chef, ses examens, et Yesenia, avaient vite rempli son emploi du temps.

Il sortit son parchemin et pris une inspiration avant de poser sa plume dessus, il était temps de crever l'abcès.

Bonjour Aelle,

J'ai eu vent de ta réussite à tes ASPIC et tenait à t'adresser mes félicitations.
Je ne doute pas de tes réussites futures, n'oublie pas cependant d'être plus souple dans tes transitions en supination.

Aliosus.

Il n'osa pas se relire, il savait qu'il aurait brulé le parchemin. Il confia la courte missive à Fulgrim et regagna sa salle commune en se persuadant que ces mots remédieraient à son malaise, c'était la chose polie et correcte à faire après tout, de pragmatiquement la féliciter pour ses résultats. Ce n'était pas qu'elle lui manquait, bien sur que non.