Lorsqu'Eileen avait pris le chemin de la volière pour son rendez-vous hebdomadaire avec Ybou qu'elle avait décalé au début d'après-midi à cause du cours optionnel de DCFM du matin, Mila était hors de vue, elle était donc partie sans elle. Pour autant, l'Aiglonne ne se faisait pas de souci, sa chatte était très indépendante et rentrait toujours au bercail !

Après les caresses et l'échange traditionnel de courriers avec le volatile familial, l'irlandaise avait décidé de poursuivre avec son tour du parc. Il lui était toujours difficile de résister à l'appel de la nature lorsqu'elle était dehors... même si elle avait passé sa matinée dehors avec les mannequins d'entrainement ! Et sans qu'elle ne s'en rende compte, ses pas la menèrent à la zone de soins aux créatures magiques.

Ce coin restait l'un de ses préférés dans le parc, avec le parterre de l'amitié. Elle aimait bien aussi le pont couvert et la cabane du garde chasse pour s'y adosser en lisant un bon livre... Bon d'accord, elle adorait globalement tout le parc de Poudlard !

Cela faisait quelques jours qu'elle n'était pas allée voir les niffleurs et les botrucs. Elle pouvait les observer des heures sans voir le temps passer. Comme toujours, elle décida de commencer son tour de l'endroit par l'enclos.

Lorsqu'elle parvint devant ce dernier, elle s'arrêta nette, stupéfaite. La peur l'emportait sur toutes les autres émotions. Car derrière les poteaux de bois d'1m20 se trouvait... un troll. Elle n'eut pas besoin du petit écriteau qui indiquait "troll des montagnes" pour le savoir.

Sa grandeur, son allure, sa peau gris clair... tout indiquait troll... Elle se souvenait en avoir vu la description dans son livre de chevet "Vie et habitat des animaux fantastiques" de Norbert Dragonneau. Elle avait alors souhaité ne pas en rencontrer de sitôt... Elle fut plus que surprise d'en rencontrer un à Poudlard, dans ce lieu où elle se sentait en sécurité.

Quoiqu'en y réfléchissant, après la découverte du runespoor à mi-septembre, elle aurait du s'attendre à tout. Autant à l'époque, elle avait eu Mila pour se rassurer, autant là, elle restait pétrifiée sur place. Elle était tellement tétanisée qu'elle ne pouvait rien bouger, qu'aucun son de frayeur ne sortait de sa bouche, qu'aucune pensée cohérente ne se formulait dans son esprit.

De l'extérieur, on aurait presque pu dire qu'une statue d'Eileen avait pris racine dans le parc du Château.

Ernest s’était rendu plus tôt le matin au cours optionnel de DCFM. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la matinée avait été plutôt mouvementée. À midi, il avait mangé en silence, perdu dans ses pensées, ressassant les événements. Il n’était pas particulièrement d’humeur à retrouver l’agitation de la salle commune après le déjeuner. Les week-ends, ce n'était pas son truc. Il y avait toujours plein de monde partout et l’effervescence lui tapait sur le système. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas le choix. Les jours se succédaient et il ne pouvait rien y faire. Alors il tentait comme il pouvait de s’isoler. Là où il le pouvait.

Mains dans les poches et capuche enfoncé sur la tête, il avait traversé la cour de la Tour de l’Horloge pour se diriger vers le parc. Il y avait toujours des coins où on pouvait trouver un peu de calme. Il croisa quelques élèves qu’il ignora. Ou alors, c’était eux qui l’ignorèrent. Enfin, des gens qu’il ne connaissait pas. Il ne pouvait pas connaître tout Poudlard. Passé le pont suspendu, son regard se posa sur les rives du Lac. Il faisait un peu froid pour jouer à lancer des galets. Et puis il n’était plus un gamin.

Et puis il se rappela de sa découverte du matin même. En arrivant aux enclos ce matin, il était tombé nez-à-nez avec un spécimen particulièrement imposant de Troll des montagnes. Il n’avait pas eu le temps de s’attarder plus que ça. Miss Valerion les avait alors envoyés en direction du Lac. Mais à présent, il avait tout le temps nécessaire pour faire la connaissance de cette créature particulière. S’il avait choisi d’apprendre la langue des Troll, c’était parce que son esprit s’était emballé et qu’il avait agit avec impulsivité sous la pression du stress. Enfin pas que. Mais à présent, il avait une occasion en or de donner du sens à tout ça.

Quand il arrivait dans la zone de SaCM, son pas ralentissait toujours naturellement. Comme si son instinct lui dictait de ralentir le rythme. Il marchait à pas de loup pour ne pas gêner les pensionnaires du Professeur Dawson. Il passait toujours par la volière en premier. Les Augurey étaient ses préférés. Et puis il aimait beaucoup les vivets dorés aussi. Alors qu’il essayait d’apercevoir le couple de phénix irlandais, son regard buta sur une silhouette familière. Un sourire se dessina sur ses lèvres.

Là-bas, devant l’enclos principal se tenait Eileen. Mais quelque chose clochait. Sa posture n’était pas du tout celle qu’elle adoptait d’ordinaire. L’adolescent s’approcha doucement et ses sourcils se froncèrent alors qu’il remarqua la pâleur de la demoiselle. En général, la rouquine avait le teint frais et coloré. Doucement, il tendit sa main pour la poser sur l’épaule de la Serdaigle.

“Eileen… ? Ça va… ?”

Eileen sursauta au contact de la main qui rejoignit son épaule. Ce contact réel, avec le présent, la sortit de cette sorte de transe dans laquelle la peur l'avait jeté.

Elle jeta un regard apeuré vers la source de la voix. Sa capacité de raisonnement n'était pas encore revenue sinon elle aurait tout de suite reconnue la voix d'un ami cher à son cœur.

Elle se retourna vers lui, presque mécaniquement, mettant la source de sa peur dans son dos. Etait-ce vraiment une bonne idée ? En tout cas pour l'instant, elle refusait de réfléchir au fait qu'elle s'exposait, elle préférait se dire qu'elle ne voyait plus le troll. Et comme une enfant, lorsqu'on ne voit plus l'objet de sa peur, il n'est plus présent n'est-ce pas ?

Elle concentra toute sa volonté sur... Ernest, découvrit-elle avec une sorte de sourire qui commença à gagner ses lèvres. Etrange tout de même, un sourire un peu tordu. La joie de voir son ami tentait de prendre le dessus sur la peur ressentie quelques instants auparavant. Les deux émotions s'entrechoquaient.

Et plus ses yeux couvaient Ernest, dans un silence qui n'avait rien d'inconfortable pour elle, plus elle retrouvait ses capacités. Celle de bouger, celle de respirer...

Pourtant, elle n'avait pas encore recouvré pleinement ses esprits car sans réfléchir, elle se jeta dans les bras de son ami, en quête de réconfort, tremblotante. La chair de poule avait gagné ses membres. Elle réussit tout de même à décrocher en bégayant, dans l'épaule du garçon :
- "Il... il..." et dans un effort suprême "Horrrrrrrible !"

Ernest sursauta au sursaut d’Eileen. Il ne voulait pas lui faire peur. Il fronça les sourcils alors qu’il croisa son regard. Il ne l’avait jamais vu comme ça. La peur recouvrait ses prunelles vertes d’un brouillard opaque. Une boule se noua au creux de son ventre. C’était un peu comme si elle le regardait sans vraiment le voir. Et ça avait quelque chose d’effrayant. Et lui l’observait, soucieux, sans la lâcher des yeux.

Parce qu’il connaissait cet air vide. Comme si la vie avait été aspiré à l’extérieur d’elle. Un regard avec lequel sa mère était rentrée à la maison trop de fois. L’effroi avait ce pouvoir d’être capable de consumer une âme. Alors, elle l’entendit et se retourna vers lui, comme une marionnette dont on tirerait les ficelles. L’expression de son visage n’était pas celle qu’il aurait voulu provoquer. Ou peut-être que si. Là bas, très loin au fond de son regard, peut-être qu’elle le reconnaissait.

Et là, comme si l’on venait de couper les fils qui la maintenaient debout, la rouquine s’effondra dans ses bras. Avec un tel élan qu’Ernest dû reculer d’un pas pour contrebalancer son poids. Pour éviter qu’ils ne dégringolent tous les deux. La gêne n’avait pas eu le temps de venir se glisser ni dans son esprit ni dans son coeur. L’inquiétude y prenait déjà toute la place. Ses bras se refermèrent autour de la demoiselle. Ses longs cheveux roux venaient lui chatouiller le visage mais qu’importe.

Il se contenta de la serrer contre lui sans dire un mot. Son coeur avait tout de même passé la seconde, puis la troisième. Avoir quelqu’un au creux de sa nuque, ce n’était pas quelque chose à laquelle il était habitué. Avoir Eileen au creux de sa nuque, c’était doux et c’était aussi chaud que son souffle contre sa peau. Mais ce genre de pensée n’étaient pas appropriés alors que la jeune fille était soumise à l’assaut de ses démons.

Son regard se posa sur la créature à l’origine de ce trouble. Pauvre Eileen. Et pauvre Troll, condamné à jamais à déclencher l’affolement des jolies fleurs.

La rouquine n'avait pas perçu le recul qu'elle avait causé, elle n'avait pas enregistré qu'elle pouvait être lourde pour son ami. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle se sentait en vie. Et c'était là le principal...

Dans les bras d'Ernest, la jeune fille renaissait. Elle se sentait en sécurité, malgré la source de sa peur dans son dos. Etonnamment, elle n'y pensait plus. Elle était bien, là, au chaud. Comme si elle y avait trouvé sa place.

Elle resta ainsi un instant dans les bras du Serpentard. Peu à peu, ses tremblements s'atténuèrent. Elle reprit ses esprits, se rendit compte qu'elle était dans une posture qu'elle avait imposé au garçon tout en appréciant son contact. Elle se réchauffait. Son cœur battait vite. Mais ce n'était plus à cause de la peur. Le rouge revint à ses joues. Elle profita encore un moment de sa position puis ne voulant pas abuser, elle se recula. Légèrement.

En se jetant contre son ami, ses bras avaient enfermé son dos entre ses doigts. Elle dénoua doucement son entrave, laissa glissa ses paumes sur le jeune homme puis stoppa son retrait au niveau de ses avants-bras. Elle le touchait toujours. Vivant, rassurant et faisant cogner son cœur plus de raison dans sa poitrine.
En même temps, elle recula d'un demi pas, elle voulait garder ce cocon protecteur qui l'avait sauvé d'elle-même et cette proximité qui l'avait ramené à elle et qui lui faisait ressentir ce je ne sais quoi qu'elle appréciait. Une sensation qu'elle ne ressentait qu'avec Lui...

Elle trouva son regard. Inquiet et en même temps étonnamment plein de chaleur, Eileen rougit probablement de plus belle. Elle s'accrocha à ses yeux et ne les quitta plus. Un vrai sourire naquit sur son visage. Un sourire qui toucha ses yeux. Elle était tellement heureuse de le voir. Elle en oubliait le troll derrière elle.

Elle lança un joyeux :
- "Salut !"

Comme si elle n'avait pas été tétanisée quelques instants auparavant, comme si des papillons ne se trouvaient pas dans son ventre, comme si tout était normal... sauf que rien ne l'était.

Elle osa amener une de ses mains au visage de son interlocuteur. Peut-être était-ce l'effet du choc. Elle n'aurait jamais osé empiéter l'intimité de son ami ainsi autrement. Elle effleura sa joue gauche, y posa rapidement la paume de sa main et tout en le regardant droit dans les yeux, elle lui lança un franc :
- "Merci !"

Déséquilibrée, à cause de son choc liée au troll ou du geste qu'elle venait d'oser, sa main revint vite sur l'avant-bras laissé vacant de l'adolescent. Elle se stabilisa. Toujours sans le quitter des yeux. Elle ancra ses pieds dans le sol, pleinement décidée à ne pas bouger tant que Lui ne bougerait pas.

A cet instant, il était son pilier, il était son roc, il était aussi celui qui lui faisait ressentir des sentiments qu'elle commençait à appréhender, des sentiments uniques.

Tout contre lui, là, Eileen était comme un petit animal apeuré, tremblant. Et les animaux, Ernest les connaissait bien. Il les affectionnait particulièrement. Quelque soit la créature. Celle qu’il avait au creux de ses bras était d’une toute autre espèce. La sienne. Avec les gens, l’adolescent avait un peu plus de mal. Sauf qu’avec elle, tout semblait beaucoup plus simple. Ou peut-être pas. C’était compliqué. Un compliqué qui vous donne des frissons, qui vous donne chaud. Qui vous fait trembler sans vraiment s’expliquer. Un compliqué qui surprend autant qu’il ravi. Mais vous désarçonne, néanmoins. Pourtant, à cet instant, il aurait été prêt à tomber, si c’était pour elle. Ça aussi, il en avait l’habitude de toute manière.

Les secondes s’égrainaient mais Ernest ne les comptait pas. Son regard était fixé sur l’énorme créature qui les observait de l’autre côté de l’enclos. Mais son attention, elle, était captée par un autre sens. Le contact des mains d’Eileen dans son dos, la pression qu’exerçait son corps contre lui, cette promiscuité prolongée. C’était comme s’il se retrouvait privé de la vue, de l’ouïe, de l’odorat et du goût. Ne restait plus que le toucher.

Lorsque la jeune fille s’éloigna légèrement, ses facultés réapparurent progressivement. Ou peut-être qu’elles renaissaient. Différentes. Elle avait ce don Eileen, de lui faire voir le monde sous un spectre de couleur différent du sien. À présent, c’était également ses sensations qui se métamorphosaient. Comme si par son étreinte, elle avait conjuré l’adolescent. Comme si d’un Avis informulé elle transformait un garçon en oiseau, lui faisant pousser des ailes.

Mais Ernest n’était pas un rapace, encore un moins un Serdaigle. Et les conjurations n’étaient que des illusions aussi parfaites soient-elles. Revenant peu à peu à ses sens, il déglutit non sans difficulté. Son regard s’accrocha à celui de la jeune fille, plongeant dans ses prunelles vertes. Le petit brun ne reconnaissait pas ce qu’il y voyait. Il ne savait pas. Pas encore. Ce reflet qu’Eileen lui renvoyait de lui-même lui était inconnu. Personne ne l’avait encore jamais regardé comme ça. Il esquissa une bribe de sourire à son salut, non sans froncer les sourcils.

Le changement de comportement de la rouquine était soudain et le brun avait toujours eu du mal à faire face au changement, quel qu’il soit. Et cette main, inattendue. Comme de l’électricité contre sa joue. Et la gratitude. Si franche, si directe. Il n’y était pas préparé. Comme un réflexe, ses bras étaient venus se croiser sur sa poitrine. Ce n’était pas vraiment son intention. D’ailleurs ses intentions partaient dans tous les sens. Il ne savait plus. Et comme toujours dans ces cas où le doute et l’incertitude se glissaient dans son cœur, Ernest devenait son meilleur ennemi. Trop habitué à se méfier, certains de ses mécanismes de défense étaient devenus des automatismes.

“Nan… ‘fin… je… tu sais… il est dans l’enclos… il peut pas sortir, hein… et… ‘fin… c’est… juste un troll…”

487 mots

Eileen remarqua la perplexité de Son regard, elle détecta son faible sourire, ses sourcils froncés. Son cerveau commençait à refonctionner. Elle se doutait que son comportement n'avait rien de logique et pouvait apparaitre étonnant, voire difficile à comprendre, pour quelqu'un d'autre qu'elle. Mais, justement, son comportement n'avait été dicté que par ses émotions, elle avait agit à l'instinct, sans réfléchir. Et même si elle écoutait son instinct relativement souvent, il lui arrivait de le brider, de mettre une couche de raisonnement sur ce qu'il lui disait, de peur de faire souffrir parfois, d'être trop brutale, de ne pas se faire correctement comprendre...

Le monstre derrière elle et Ernest... oui surtout Ernest en fait, il fallait l'avouer. Ils avaient tout balayé. Envolé l'espèce de retenue qu'Eileen s'appliquait à avoir dans ses relations, partie ailleurs pour un certain temps probablement cette idée qu'elle ne pouvait pas être elle-même... Elle se rendit compte qu'en fait, elle avait toujours elle-même avec Ernest. Elle avait juste retenu quelques gestes, cherché parfois la bonne formulation des phrases. Elle ne voulait pas le brusquer, il était cher à son coeur.

Alors, elle qui avait l'habitude qu'il se recule, se retranche en lui-même lorsque la situation devenait gênante, mettre ses mains dans ses poches... Elle adorait d'ailleurs le voir faire ça, elle adorait le voir se mouvoir, parler, s'enflammer sur des sujets quand il lui parlait. Elle était envoûtée. Cette révélation fut un choc. En fait, ca aurait été quelqu'un d'autre qui serait venu lui porter secours face au... troll... - il ne fallait pas avoir peur du nom, elle n'aurait probablement pas réagi comme cela. Il était son Sauveur, dans bien des sens du terme. Et Il n'en avait pas conscience.

L'attitude qu'il adoptait à présent, ses mains sur sa poitrine, cela provoqua une sensation de froid en la jeune fille. Elle avait été stabilisée par Ses avants-bras, il avait son pilier. Elle se mouva en sa direction, cherchant immédiatement, sans y réfléchir, à renouer le contact. Ses mains cherchèrent les siennes, trouvèrent de nouveau ses avants-bras. Elle le sentait de nouveau. Elle réussit à faire partir dans un coin de son esprit un filet de peur qui avait essayé de l'assaillir une fois de plus. Le sentir avait éloigné l'ennemi.

Elle avait entendu sa phrase, elle en comprenait toute sa logique. Une logique qu'elle aurait partagé dans d'autres circonstances. Pourtant, en cet instant, il n'était pas juste un troll, il était une créature tout droit sortie d'un livre qui l'avait effrayé à la lecture et qui l'avait prise par surprise alors qu'elle se promenait tranquillement et sereine dans un endroit où elle se sentait, ou elle se pensait, en sécurité.

Il lui fallait le temps de se remettre. Et lorsqu'il évoqua la créature dans son dos, il était clair qu'elle avait cru être remise mais qu'elle ne l'était pas vraiment. Elle balbutia faiblement après s'être forcée à prendre une grande respiration ventrale :
- "Un... troll... Enfermé... Ne... crains... rien"

Elle s'efforçait de calmer sa respiration, de retrouver un rythme normal. Mais était-ce vraiment possible entre la peur d'un côté et une sensation de bien-être, d'excitation étonnante, de joie débordante de l'autre...

Elle hocha la tête. Toujours en vrillant ses yeux dans le regard qu'elle adorait. Cela la rassurait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Son regard, sa voix, sa peau... Lui... Il était là et ramenait peu à peu un raisonnement clair dans l'esprit de l'adolescente.

Elle voulait vaincre sa peur, ou en tout cas l'affronter. Elle se sentait la force de le faire en la présence de son ami. Pourtant, pas tout de suite, c'était bien trop tôt. Pas sans lui non plus. Elle ne le ferait pas seule... Elle réussit à expliquer son point de vue tant bien que mal après quelques respirations forcées par la bouche et de longues secondes dans le regard du Serpentard, ses mains appuyées sur Lui.
- "Je... je suis désolée. Il... il m'a pris par surprise... Je... et puis... tu..."

Elle se perdait dans ses explications mais il lui tenait à coeur de finir :
- "Tu... tu m'as... sauvé..."
Cet élan du coeur, elle osa l'accompagner d'une demande :
- "Je... je peux... te prendre la main" lâcha-t-elle dans un souffle. "Ca me rassure" avoua-t-elle timidement "Tu me rassures" déclara-t-elle finalement franchement.

Elle finit par exprimer le fond de sa pensée :
- "Quand... je serais calmée..." débita-t-elle d'un trait comme pour s'en débarrasser "tu pourras m'aider à l'affronter s'il te plait ? Je... je n'y arriverais pas toute seule..."
Cet espoir qu'elle avait au fond du coeur, elle le lui livra franchement, sans fard. Pourtant, ses yeux quittèrent les siens. Elle ne serait pas capable de recevoir un refus de sa part s'il lui disait non en face. Elle était bien trop fragile en cet instant.

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800 mots

Malgré un léger mouvement de recul et le repli que traduisait son langage corporel, Ernest laissa la jeune fille reprendre contact. C’était la surprise qui l’avait plongé dans la réserve. La confusion aussi. Elle avait le don d’égarer son esprit. De couper court au flot de ses pensées. Et de tout chambouler. Les muscles de ses épaules se détendirent un peu en sentant la chaleur de sa main retrouver son avant bras. Toujours légèrement à l’affût cependant, il poursuivait dans le regard de la jeune fille cette peur qui l’avait saisie quelques instants plus tôt.

Ernest avait eu l’occasion de se retrouver face au Troll le matin même. Il avait eu sa propre dose d’angoisse et d’adrénaline, mais pas à cause de la créature des montagnes. Des peurs, il en avait aussi mais depuis ce soir sur les Tribunes, il s’était fait la promesse de ne plus les laisser se mettre en travers de son chemin. Lors du cours optionnel de Défense contre les Forces du mal, c’était face au Lac Noir qu’il avait dû se tenir et malgré ses bonnes résolutions, rien ne pouvait chasser ses incapacités.

Mais il pouvait faire en sorte d’accompagner Eileen dans son propre chemin, si c’est ce qu’elle choisissait de faire. Parce que depuis leur première rencontre, elle lui avait montré un soutien indéfectible qui le déstabilisait autant qu’il lui donnait une certaine confiance en lui. Il s’agissait de trouver le juste milieu. En silence, le temps qu’elle reprenne son souffle et ses esprits, il observa son visage, les légères tâches de rousseur qui perlaient ses joues toujours d’un joli rose.

Au tour de l’adolescent de rougir quand elle lui affirma qu’il l’avait sauvé. Il baissa alors les yeux sur le bout de ses chaussures. Elle exagérait un peu. Il n’était pas le genre de personne à sauver qui que ce soit. Il n’était qu’un gamin. Il acquiesça néanmoins à sa question. Comment refuser une telle demande face à ce regard perçant et suppliant. Il pouvait reconnaître la détresse dans ses prunelles et dans le ton chevrotant de sa voix. Elle qui était toujours si sûre d’elle, par cet aveu de faiblesse, par la vulnérabilité prononcé qu’elle laissait paraître, la jeune fille inversait alors les rôles. Laissant à Ernest la place de celui qui soutient.

Ernest décroisa les bras de sa poitrine pour prendre les main d’Eileen dans les siennes. Elles étaient plutôt fraîches. Il les frotta doucement contre ses paumes. Pour les réchauffer. Ou en tout cas, ce qu’il prétendait. Alors il recula d’un pas et prit l’une de ses mains un peu plus fermement.

“Viens…”

Doucement, il l’attira en direction de l’enclos. Elle n’aurait pas à affronter ça seule. D’ailleurs il ne la laisserait jamais affronter quoi que ce soit seule.

459 mots

Peu à peu, elle se calmait. Peu à peu, la peur refluait. Il était là comme un bouclier repoussant tous ses ennemis, il était à lui un Umbrella qui la protégeait de la pluie extérieure, son Protego personnel... Si ses pensées avaient été rationnelles en cet instant, elle aurait partagé ces comparaisons avec Ernest et sans nulle doute, ca lui aurait plu tout en le gênant. Il aurait apprécié la vision des sortilèges mais aurait repoussé le côté protecteur. Pourtant, il pouvait croire ce qu'il voulait, pour Eileen, il endossait parfaitement ce rôle.

Non, en cet instant, elle n'était pas en capacité de prononcer ces paroles. Elle lui viendrait probablement plus tard, et alors elle les partagerait avec lui. Elle n'était pas avare de compliments et si quelqu'un méritait bien de les entendre, c'était son ami.

En cet instant, elle n'était qu'une boule d'émotions et de sensations. La peur s'envola totalement lorsqu'il lui prit les mains et les frotta pour les réchauffer. Un rouge probablement flamboyant, comme le feu de joie qui brûlait dans l'âtre de sa poitrine, montant à ses joues, la réchauffant. Une rapide crainte se dessina dans son esprit lorsqu'il lâcha une de ses mains mais elle s'échappa, poursuivit par un nuage de plaisir, lorsqu'il lui attrapa fermement la main qui lui restait.

Etonnamment, cette main qu'elle lui prêtait n'avait jamais été aussi sensible. Elle avait l'impression de sentir chaque centimètre carré de sa peau, ses doigts entrelacés dans les siens, la chaleur de son derme et jusqu'à la pulsation d'un coeur... Sauf que c'était le sien à elle qu'elle ressentait. Son coeur battait à tout rompre. Et ce n'était clairement plus à cause du troll.

Elle avait lu beaucoup de romans, vu pas mal de films. Sa mère était férue de comédies romantiques et il y avait dans ces histoires toujours un moment un peu hors du temps comme si les secondes s'égrenaient plus lentement, comme si un arrêt sur image avait eu lieu. C'était un peu cela qu'elle ressentait en cet instant. Tout était décuplé, comme si elle venait d'avoir des super pouvoirs, comme si elle avait récupéré la vue, le toucher, l'ouïe d'un vampire ou de spiderman...

Pourtant, le moment se brisa lorsqu'elle comprit le sens de la phrase qu'il venait de prononcer. Elle aurait répondu par la positive à toutes ses phrases l'intimant de le suivre sans hésitation dans d'autres circonstances. Cette invitation était un baume sur son cœur. Mais ce "viens" la rappelait à la réalité de l'atrocité sur deux pattes qui se trouvait derrière elle. Etait-elle vraiment prête à l'affronter ? N'était-ce pas trop tôt ?

Et en même temps, elle voulait Le rendre fier. Elle connaissait certaines de ses propres peurs, celle de voler, celle de montrer ses propres faiblesses et pourtant, il osait les affronter, il luttait contre elles. Elle se devait de suivre son exemple, elle ne voulait pas être moins courageuse que lui, elle le lui devait.

Elle respira un grand coup. L'idée du troll derrière elle émergea dans la partie consciente de son cerveau. Elle tâtonna l'idée, la modela, en savoura le goût. Elle analysa la sensation que cela lui procurait. La peur était là bien sûr, mais la main dans la sienne l'aidait à se contenir. Rien n'est plus horrible que d'avoir peur d'une idée. Elle prend tout de suite plus de proportion que ce que ca serait en réalité. Le troll restait une créature comme une autre. Si son héros Norbert Dragonneau avait pu en parler dans son livre, si Ernest n'en avait pas peur et était intrigué par la créature, elle pourrait l'affronter. Elle allait suivre leurs exemples.

Après ce qui lui sembla un court instant, elle se sentait prête. Acquiescant, elle lança un :
- "Oui"
Simple, efficace et significatif. Dans ce "oui", elle lança transparaitre qu'elle le suivrait au bout du monde s'il le lui demandait.

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645 mots

Ernest ne faisait pas partie des téméraires, des courageux. D’ailleurs, il n’avait pas été envoyé à Gryffondor. Il avait été élevé dans un cocon, dans un environnement où on prenait toujours soin de lui, où on le préservait et rarement l’inverse. Il n’était pas le plus grand, ni le plus fort. Il ne l’avait jamais été. Il était de ceux qu’on choisissait en dernier pour les activités sportives. De ceux qui ne manquaient jamais de marcher sur un lacet défait. Mais ça ne l’empêchait pas d’avoir au fond de lui le besoin inné de vouloir que les autres soient protégés. Ceux à qui il tenait surtout.

Et c’était probablement la motivation inconsciente de tous ses faits et gestes. La source de cette détermination sans faille. Le moteur de sa persévérance. Il pouvait rater, il pouvait tomber. Mais l’adolescent ne s’arrêtait jamais d’essayer. Il se relevait toujours. À travers cet échange, la vulnérabilité d’Eileen avait tout balayé sur son passage. Et comme investi d’une mission, il oubliait ses peurs et reléguait ses doutes au placard. Sa prise sur la main de la rouquine était étonnamment ferme. D’une assurance qui se cachait quelque part, au fond de lui et qu’elle était capable d’invoquer. Ou peut-être qu’elle la lui insufflait.

Le petit brun avança avec précaution tout en entraînant la jeune fille avec lui. C’est qu’il ne fallait brusquer personne. Ni elle, ni l’énorme Troll qui se trouvait derrière l’enclos. Ils n’étaient pas pressés de toute manière. Ernest avait l’impression de pouvoir sentir les tremblements dans la main de la Serdaigle. Comme des frissons qui passerait d’une main à l’autre. Ou de l’électricité. Peut-être bien de la magie, qui sait. Il n’avait pas encore réussi à démêler l’un de l’autre et à comprendre les effets de l’un sur l’autre. Elles semblaient proches mais aussi tellement éloignées. Pourtant, il avait l’impression d’être plein des deux.

À un moment donné, il senti une légère résistance. Le garçon n’insista pas. Chacun avait ses limites et lui non plus n’était pas très serein à l’idée d’aller se coller tout contre la paroi. Il se plaça aux côtés de la jeune fille. Légèrement en retrait derrière elle. Mais pas trop quand même. Il ne pouvait pas affronter ses peurs à sa place, mais il pouvait être suffisamment proche pour qu’elle sente sa présence. Son souffle contre sa joue. Le gamin observa cette mèche de cheveux roux glissé derrière son oreille. La courbe de sa nuque qu’il pouvait deviner. C’était beau une nuque en fait. Il n’avait jamais remarqué. Ce qu’il remarqua néanmoins, une nouvelle fois, c’est qu’Eileen était bien plus grande que lui.

Il posa néanmoins une main sur chacune de ses épaules.

“Il ne va rien nous faire, tu sais… C’est vrai qu’il est moche, mais enfin… ma mère dit que la beauté c’est subjectif… et quand t’y penses… bin il a une tête, des bras, des jambes… des mains… probablement un cerveau… quelque part… il a un coeur aussi… On est pas tellement différents finalement…”

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