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09 oct. 2023, 08:19
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Bienvenue dans cette Fanfiction.

Dans cette aventure nous explorerons une histoire qui aurait pu avoir lieu dans un futur alternatif. Il n'est pas impossible que le nom de certains personnages ressorte. Attention malgré tout aux personnes sensibles, nous vous conseillons de ne pas lire cette histoire qui pourra de temps à autre traiter de sujet difficile.
Nous vous souhaitons une belle lecture,
Narcisse, Aelle et Sixtine (NAS).
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Nous sommes en janvier 2052. Voilà plus d’un an que Narcisse Brando a rejoint le club Prodigium de Sixtine et voilà maintenant plus de 3 ans qu’Aelle et Sixtine se parlent régulièrement. La cinquantenaire aime retrouver la benjamine de temps à autre pour déguster un verre de vin et parler de leurs vies toujours plus affreuse. Il n’est pas rare que la discussion finisse en échange de sort, en crie et en pleure mais d’après Sixtine, c’est la thérapie la plus apaisante qu’elle ait trouvé.

Depuis quelques semaines, les nuits de la professeure sont hantées par des cauchemars et des angoisses. Elle ne parvient plus à fermer les yeux sans voir ses pires peurs prendre le dessus. Afin de contrer ce mal-être, elle a décidé de mener des expériences sur son propre cerveau. Depuis plusieurs semaines elle annule les réunions du club Prodigium pour se plonger dans des souvenirs crées de toute pièce par son imagination. Lorsque l'on entre dans ses quartiers, il n'est pas difficile de voir que quelque chose cloche. Il n'y a plus un tableau accroché au mur, plus un seul élément de décoration. A la place, les murs sont tapissés de parchemins noirci par la plume de Sixtine mentionnant toutes ses recherches sur le cerveau humain et sur les sorts y étant liés. Une nuit du mois de janvier, alors qu'elle noircit une énième page d'un parchemin autrefois vierge, elle se décida à quitter Poudlard. Elle avait, selon elle, trouvait la solution pour effacer à jamais les souvenirs douloureux et vivre dans un monde sans chagrin mais pour ça, elle avait besoin d'un lieu regorgeant de souvenir. Passant devant son bureau pour la dernière fois, elle laissa un mot :
« Je démissionne. »


Quittant Poudlard sur son balai, elle s’était d’abord rendu chez elle à Tinworth mais elle n’avait accumulé que peu de souvenirs là bas. Le lieu ne lui sembla pas approprié alors, elle prit la direction Portree. Une fois sur place, elle fit le tour du manoir, s’installa dans son ancienne chambre mais seule le bruit des chaînes lui revint en mémoire. La colère monta en elle comme un volcan entrant en éruption et elle brûla l’entièreté du domaine. Elle resta la, regardant les flammes danser pendant de nombreuses minutes avant de transplaner sans vraiment penser à son lieu de destination.

Lorsqu’elle ouvrit de nouveau les yeux, elle hoqueta de surprise. Elle était face à une maison en ruine, une maison qu’elle avait elle-même détruite lorsqu’elle avait décidé de mettre fin à sa relation avec l’homme qui avait détruit son cœur : Soliman.

Et pourtant, tout son être était attiré par cette maison, son corps avança sans crainte et sans douleur, passant habilement les pierres répandues sur le sol. Une fois à l’intérieur, le corps de la professeure s’écroula sur le sol faisant résonner le bruit de sa hanche cassant au contact du sol marbré. Les yeux déjà clos, Sixtine n’était plus que l’ombre d’elle-même, elle n’était plus qu’un cadavre encore chaud sur une pierre froide…

Arrivée inRP le 28 octobre 2046 - Professeure de DCFM
Rejoignez le Sixtgang ! - Présence partielle, j’ai le cœur qui saigne.

10 oct. 2023, 21:06
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Pour la première fois dans sa vie, Narcisse avait en toute conscience et en toute réflexion enfreint sévèrement le règlement de Poudlard. Mais il ne pouvait pas simplement rester là, à ne rien faire. C'était inenvisageable. Lettre froissée serrée dans la paume de sa main, il parcourait aussi prestement qu'il le pouvait les ruelles sombres de l'allées des embrumes. Son souffle court laissait régulièrement échapper d'épais nuages de vapeur, se dessinant sous les rayons du soleil de l'aube. Sa tête fourmillait et foisonnait de pensées. Il ne comprenait rien. Quelque chose de terrible allait arriver, il le sentait, il sentait les picotements de sa nuque le brûler sans répit. En découvrant cette lettre, un frisson nouveau l'avait transpercé. Et la minute d'après, il s'était discrètement éclipsé hors du château, usant sans scrupules de ses capacités physiques pour traverser le lac noir afin de pouvoir transplaner. Séché d'un coup de baguette, il avait ensuite entrepris de se fondre dans la foule avec sa cape noire, filant entre les coins de ruelles, encore assombries par le voile de la nuit.

Mille théories fulminaient sous son crâne, et malgré son optimisme naturel, aucune n'était prometteuse. S'il avait bien compris quelque chose avec sa professeure de défense, c'était que son travail lui tenait chaudement à cœur, et que si elle le quittait, ce n'aurait été en aucun cas un bon signe. Il envisagea le pire. Lui-même n'échappait pas à cette règle universelle qui dicte que tout esprit humain est enclin à envisager le pire à chaque instant. Il pensa un instant à Klee qu'il avait laissé dans son dortoir, et à la réaction qu'elle aurait quand elle comprendrait qu'il ne reviendrait pas tout de suite.

Encore un tournant. Il ignora les silhouettes peu recommandables qui semblaient soudainement s'animer en présence de ce beau quartier de viande fraîchement débarqué. Il ne s'inquiétait pas pour ça, il avait d'autres choses à penser, et faisait de toute manière peu cas de sa propre vie, comme à son habitude. Sa destination était de toute manière fixée, malgré l'hésitation quelque peu hasardeuse de ses pas. Il devait trouver Aelle. Malgré toute la bonne volonté qu'il pouvait avoir, il savait qu'il ne serait jamais aussi proche de Miss Valerion que Bristyle ne l'était. Elle ne manquait jamais de lui rappeler dans le peu de lettres qu'il avait reçu d'elle. Cela le fit sourire, une courte seconde, avant qu'il ne pivote de nouveau sur lui-même pour enfin arriver là où il était censé être.

Même lui trouvait que cet appartement avait l'air décrépit. Et pourtant, il avait peu d'exigences. Face à la porte, il hésita. Une pensée lui imposa de forcer la porte et de ne pas perdre une seule seconde. L'urgence de la situation lui glaçait les sangs. Toutefois, lorsque son poing se leva pour toquer, il sut que cela aurait été peu judicieux. Il sut également, que lorsqu'Aelle ouvrirait la porte, il ne perdrait pas un instant avant de lui présenter la lettre froissée, avant de déclamer rapidement et de manière essoufflée :

« S'il te plaît, pour une fois dans ta vie, sois conciliante ! T'as une idée d'où elle peut être ?! C'était accroché à sa porte, ce matin, c'est pas normal ! J'ai un super mauvais pressentiment Aelle, genre vraiment, ça va pas du tout là, faut qu'on fasse un truc, et vite. »

L'urgence et la tension dans sa voix ne laisseraient aucun doute quant à la véracité de ses propos, et ne manqueraient certainement pas d'être perçues par la perspicacité redoutable de la jeune adulte. Il le savait, mais ce n'est pas pour autant qu'il aurait pu moduler son discours en conséquence. Il se contentait d'agir et de réagir, sans réfléchir particulièrement ni même chercher à la convaincre, d'une autre manière qu'en étant lui-même.

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10 oct. 2023, 22:43
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Sur les pavés mouillés de l’allée étroite se reflètent les éclats rougeoyants des luminaires qui jamais ne s’éteignent dans cette partie obscure du Londres sorcier. L’Allée des Embrumes s’étire devant moi avec ses sombres silhouettes et ses devantures qui laissent entrevoir ce que les bonnes gens nommeraient des articles suspects. Des crânes dans des bocaux, des ouvrages à la couverture hurlante, des artefacts pour les déplorés de l’amour, des élixirs qui promettent jeunesse éternelle et autres babioles ensorcelées pour celles et ceux qui recherchent dans la magie le pouvoir de guérir de tous leur maux.

Aujourd’hui, ces articles ne m’intéressent pas. Je laisse derrière moi le parvis de Chez Sisyphe pour descendre l’Allée, les yeux baissés sur les pièces de bronze, d’argent et d’or que je tiens dans le creux de ma main. Je recompte mon pactole une dernière fois avant de le glisser dans ma cape — il n’est jamais bon de se balader dans ce genre d’endroit en agitant aux yeux et aux nez de tous une telle somme d’argent. Mais au fond de ma poche, mes doigts se resserrent avec bonheur sur les pièces durement gagnées. Le client n’était pas commode, c’est vrai. Quand il m’a dit qu’il avait besoin de protéger un endroit, de le rendre incartable, « qu’on puisse pas le trouver même si on le cherche, ‘voyez c’que j’veux dire », et qu’il me donnerait une jolie bourse si j’étais capable d'apposer sur ce lieu une série de sortilèges qui protégerait ce qu’il avait envie de protéger (« Oh pas grand chose, v’savez, des vieilles affaires de familles ! »), j’ai sauté sur l’occasion.

Les vieilles affaires de famille en question se trouvaient dans une cabane délabrée en bordure du village sorcier de Winslowcastle. Le client n’a pas voulu que je m’approche, même lorsque je lui ai dit que je parviendrais à un meilleur résultat si je pouvais voir les lieux plus en détail (« Oh non, pas b’soin ! Lancez vos sortilèges d’ici, ça suffira »). Mon regard suspicieux l’a forcé à reconsidérer son offre : « Et si je rajoute une Mornille d’plus, vous aurez encore d’autres questions ? ». Pour deux Mornilles de plus, je n’ai pas eu d’autres questions et l’affaire a été réglée.

Je referme les pans de ma cape autour de mon corps en hâtant le pas. Maintenant que la mission est terminée, je n’ai qu’une envie : rentrer me doucher à la maison et poursuivre mes recherches. Une dizaine de minutes me suffit pour remplir le premier besoin. Pour le second je m’installe par terre, à la table basse, et éloigne le cendrier afin d’étaler le fruit de mes études devant moi. Il y a ce sortilège que je n’arrive pas bien à maîtriser, en témoignent les estafilades sur la paume de ma main qui font couler mon sang sans que le sortilège ne fasse pour autant effet. Ce doit être un problème de visualisation ou alors—

Les coups qui résonnent contre le battant de la porte d’entrée m’arrêtent en plein élan. Je jure entre mes dents. Le voisin qui vient encore se plaindre que mes allées et venues à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit le réveillent ? Je découvre en allant ouvrir qu'il y a pire que de trouver sur son palier un voisin agacé : me retrouver face à face avec Brando est bien plus désagréable, malgré notre relation qui n'est plus aussi mauvaise que ce qu'elle a été. Je me laisse aller contre le chambranle, pareillement dépitée et exaspérée de le voir sur le pas de mon appartement. Ce n’est pas parce qu’il est venu ici une ou deux fois qu’il peut se permettre de s’y présenter dès qu’il le désire ! Il étouffe cependant mon agacement dans l'œuf. Sa panique me saute au visage ; je ne peux agir autrement que récupérer le parchemin qu’il me tend impérieusement.

Ses paroles me parviennent de loin. Je prends connaissance des deux mots rédigés dans une écriture que je connais bien. Je comprends instantanément l’objet de sa panique. Désormais, c’est mon cœur qui se serre et mon angoisse qui monte d’un cran. Sixtine Valerion, évidemment. Il faut toujours qu’elle agisse sans prévenir quiconque. Je prends une courte inspiration avant d’affronter le regard de Brando. Mille questions se bousculent dans mon esprit et sa tronche paniquée ne m’aide pas du tout à me concentrer.

« Viens, » intimé-je d’une voix froide en me détournant pour m’enfoncer dans l’appartement.

L’appréhension qui m’envahit est familière. Elle est déjà venue toquer à la porte de ma conscience il y a plusieurs semaines, lorsque Sixtine ne s’est pas présentée à notre rendez-vous non-officiel trimestriel. D’ailleurs, elle n’a pas répondu à mon courrier dans lequel je l’incendiais à demi-mots de m’avoir fait perdre mon temps. Malgré ma méfiance, j’ai mis cela sur le compte du personnage : elle aurait pu ne pas supporter l’une de mes critiques, elle aurait alors décidé de ne pas me faire l’honneur de sa présence. Certes. Sauf que cela n’est jamais arrivé en plusieurs années. Et voilà que Brando se pointe chez moi.

Je me laisse tomber dans le canapé. D’un coup de baguette, je range les carnets et les grimoires. Je tourne le mot laissé par Sixtine dans tous les sens, relisant encore et encore son écriture pressée.

« C’est inhabituel, commenté-je d’une voix calme qui ne reflète en rien l’angoisse qui sourde pourtant au fond de moi. Et tu as un "mauvais" pressentiment. » Je me permets un sourire moqueur — conciliante il a dit, c'est cela ? « Il y a une raison particulière à ton pressentiment ? poursuis-je sur un ton mordant. Elle a peut-être décidé qu'elle a avait marre de donner cours à des abru... Des enfants. »

Sauf que ce n'est pas elle. D'un mouvement de la main, j'efface mes précédentes paroles et je secoue la tête en détournant les yeux :

« On devait se voir il y a quelques semaines. Elle n'est pas venue. »

13 oct. 2023, 22:32
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Narcisse reprit sa respiration le temps qu'Aelle parcourt la courte lettre qu'il venait de lui remettre. Par un effort de volonté, il ralentit les battements de son cœur, et il fit taire les voix s'égosillant sous son crâne. Pour un temps seulement, il le savait, mais il se devait d'être concentré. L'adolescent redoutait malgré lui la réaction de la jeune femme. Il savait qu'elle pouvait réagir de la meilleure comme de la pire manière, et les quelques secondes d'attente, le temps qu'elle lise, lui parurent interminables. Eut-il été un peu plus perspicace et observateur, il aurait perçu le changement chez elle, l'angoisse et la tension, étaient désormais partagées par les deux jeunes gens, résonnant au rythme de leurs battements de cœur.

Un simple mot. Une simple injonction. "Viens". Cette simple syllabe suffit à lui faire pousser un soupir de soulagement. Il ne serait pas seul. Elle s'enfonça dans sa demeure, il posa un pied sur le pas de la porte, avant de tourner son visage en arrière. Il leva les yeux vers le ciel, laissant ses bras pendre sous sa cape. Le gris des nuages laissait petit à petit place au blanc, éclairés par le soleil. La neige n'allait pas tarder, peut-être même le vent. Il ne savait pas comment il savait ça, il avait toujours été doué pour lire la météo, mais sans jamais comprendre comment il le pouvait. Il cligna des yeux, revint à la réalité, et à l'urgente oppression enserrant son cœur, puis emboîta le pas à sa camarade, fermant souplement la porte derrière lui. Elle claqua doucement au moment où son talon claqua lui aussi sur le sol.

Elle s'assit sur le canapé, il ne put l'imiter. Aussi bien pour des raisons de bienséance que pour des raisons de nervosité, il ne pouvait tout simplement pas s'asseoir. Les fourmillements dans ses jambes et dans ses pieds seraient devenus insupportables, il le savait. Accrochée à son avant-bras droit, dans son étui, sa baguette vibra doucement. Il serra les dents, il attendait, fixant Aelle de ses pupilles noires aux ombres blanchâtres.

Il serra les dents à sa moquerie, qu'il perçut sans difficulté, de manière surprenante. Sa nuque le picota, ses cheveux se dressèrent imperceptiblement sur sa tête, et l'air ondula doucement autour de lui. Il sentit monter au fond de lui une vague de rage, causée par l'inquiétude. L'inquiétude, et l'irritation de voir qu'elle avait l'air de sous-estimer la gravité de la situation. Il s'apprêta à répondre, sentant ses ongles s'enfoncer dans sa main, lorsqu'elle balaya l'air face à elle de la main. La tension retomba, il cligna des yeux. Il expira doucement et lentement, avant de passer sa main sur sa nuque pour en apaiser les picotements. Un silence. Il réfléchissait. Il laissa échapper un claquement de langue, avant de commencer à nerveusement faire les cent pas, les bras croisés dans son dos.

« Vraiment c'est pas normal. Elle serait jamais partie avec une simple lettre ! Elle nous l'aurait au moins dit... »

Il ralentit avant de s'arrêter, puis secoua rageusement la tête pour chasser ses doutes. Il pensait la connaître, mais il ne pouvait en être certain. Par réflexe, l'ongle de son pouce se retrouva pris entre ses canines, qu'il entreprit de ronger jusqu'à attaquer la peau d'un coup de dents mal placé. Il tiqua, observant la goutte de sang perler au bout de la pulpe de son doigt. Un nouveau silence, il tourna doucement son regard vers Aelle, l'index et le pouce de son autre main tapotant nerveusement l'un contre l'autre.

« Elle t'a contacté depuis ? Tu saurais où la trouver s'il fallait ? J'aime vraiment pas ça, Aelle... Elle... Merde, tu le sais qu'elle est hyper fragile ! »

Ses mains passèrent dans ses cheveux, il expira lentement.

« Faut qu'on la retrouve, ça pue, vraiment ça pue. »

Au fil des années, Narcisse avait appris à davantage s'écouter. Et plus il s'était écouté, plus il avait découvert que son instinct le trompait rarement. Il était simplement trop rarement lucide pour réussir à l'écouter. Et en cet instant, chaque fibre de son corps se tendait, chacun de ses sens s'agitaient et tiraient l'alarme. Plusieurs fois, lui et Valerion s'étaient vus en désaccord sur sa manière de gérer les choses. Il s'investissait trop, refusait de rester passif, et encore moins de laisser les gens dans leurs problèmes. Quitte à souvent s'attirer leurs foudres, mais c'était tout simplement plus fort que lui.

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Avatar par Merinda Swart

14 oct. 2023, 11:16
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Le parquet craque sous ses pas. À chaque aller et retour, la même latte, le même craquement et mes yeux qui suivent le corps angoissé de l'adolescent. Droite, gauche, droite, gauche. Quand il s'arrête, c'est pour passer la main dans ses cheveux, pour parler rapidement, pour inspirer avec crainte ; il transpire l'angoisse, il dégueule l'angoisse. Et encore ce parquet qui craque. Mes yeux sont attirés par ses chaussures. Je regrette tout à coup de ne pas être à cheval sur la propreté. J'aurais dû lui intimer d'ôter ses foutus godillots. Aurait-il fait moins de bruit sur le parquet ? Les coudes plantés sur les genoux, je l'observe d'un air absent. Ses cheveux ébouriffés, son teint pâle, son accoutrement ; ses gestes nerveux me sautent aux yeux, moi qui n'ai pourtant jamais été particulièrement sensible au langage du corps. J'ai une telle envie de lui arracher son pouce de la bouche que que mes doigts se crispent les uns sur les autres, mes articulations blanchissant sous l'effort. Je détourne les yeux lorsque ses questions s'enchaînent. Il ne faudrait pas que le besoin de lui cracher des méchancetés au visage me prenne — ce n'est pas le moment.

J'ai envie de répliquer qu'il ne connaît rien de la fragilité, qu'il ne connaît rien de Valerion. Elle n'est que sa professeure. Ce n'est pas à lui qu'elle se confie au-dessus d'un grand verre rempli d'alcool, ce n'est pas à lui qu'elle a raconté sa jeunesse, pas à lui qu'elle parlait de cet enfant jamais né — moi je connais le nom qu'il aurait dû avoir ! Je connais les profonds abysses de son esprit, je connais la violence de sa colère qui parfois ressemble à la mienne. Que sait-il d'elle ? Qu'apprend-il d'elle enfermé bien au chaud entre les murs de Poudlard ? Que sait-il de ses limites ? J'en ai davantage appris lorsque nous nous foudroyons de sortilèges que toi en étant le parfait petit soldat de son fichu club. Mes pensées acides s'élèvent et prennent de l'ampleur, nourries par mon angoisse, parce qu'il a raison : ça pue, cette histoire pue salement et que je n'ai aucune idée de ce qui est arrivé et de ce que l'on peut faire.

Je m'accroche à ma baguette dès que le silence retombe dans le petit studio. Je jette un regard mauvais au garçon que j'ai appris, parfois, quand les conditions étaient réunies, très peu souvent, vraiment rarement, à ne pas détester.

« Déjà, calme-toi. » Ma voix claque comme un fouet. « Et prends une putain de chaise, tu m'insupportes. »

Un geste habile du poignet et une chaise se dégage de sous la table carré installée sous la fenêtre. Je ne mets aucun contrôle dans mon sortilège, il n'est motivé que par la crainte sourde qui contracte mon ventre et mon agacement, si bien que le mobilier percute les jambes du garçon — s'il ne se décale pas.

Je m'avachis contre le dossier du canapé, les sourcils froncés par la réflexion qui agite mon cerveau. Autre sortilège, autre coup de baguette. Une petite boîte en fer s'envole du sommet de la bibliothèque et retombe dans ma main. J'en extirpe une cigarette que je cale entre mes lèvres. Je l'allume du bout de ma baguette.

« Évidemment que non, elle m'a pas contacté, » dis-je d'une voix calme, la voix déformée par la fumée que je recrache vers le haut.

Je regarde les volutes grisâtres s'élever lentement vers le plafond décrépi, la tête abandonnée contre le dossier molletonné du canapé. Derrière la fenêtre, le ciel s'habille de ses couleurs matinales. Bientôt, les bruits du monde seront discernables : les murmures effrénés des passants, le jeu du vent qui glisse dans les fentes du fragile battant de la fenêtre, le carillon de la porte d'une quelconque boutique. Mais pour le moment, tout est calme. Il n'y a guère que les battements de mon cœur pour résonner dans mes oreilles. Sourdement, douloureusement. Où êtes-vous, Sixtine ? Je ne panique pas comme cet abruti de Brando parce que je ne vois pas l'intérêt de se laisser aller de la sorte. La situation est certes inhabituelle mais pour le moment nous n'avons aucune preuve qu'elle est en danger. Nous savons seulement qu'elle est partie. Pourquoi ? Je m'en fiche, décide mon cerveau qui sait hiérarchiser les priorités. Où ? Voilà la question qu'il faut se poser, songé-je en observant la course des nuages dans le ciel pâle, insensible à la présence qui prend pourtant de la place de l'élève de Poudlard.

Je baisse les yeux sur ma main qui tient le long tube blanc. Évidemment, il me rappelle Valerion. Elle détesterait me voir fumer, je crois. J'inspire une nouvelle bouffée, en souvenir d'elle.

« Elle pourrait être n'importe où, commenté-je enfin d'une voix placide. La raison voudrait qu'on attende de voir si elle me contactera... » Parce qu'elle n'aurait aucune raison de le contacter lui, n'est-ce pas ? « Mais puisque tu as une si mauvaise impression, j'imagine que tu n'as aucune envie d'être raisonnable. »

Nouvelle œillade moqueuse dans sa direction. Cette fois-ci cependant, le ton ne suit pas. Je ne prends pas les choses à la légère et mon cerveau essaie de trouver une explication, un lieu, une destination logique pour une femme telle que Sixtine Valerion. Puisque nous ne pouvons pas attendre — et de toute façon ce n'est pas mon genre d'attendre —, autant aller la chercher où qu'elle soit. Quel sera le premier sortilège que je lui lancerai pour la punir de cette angoisse qu'elle me fait ressentir ? Quelque chose de violent qui dira bien mieux que les mots : je vous en veux.

« Faut aller voir chez elle, déjà. Tinworth. »

Je me redresse laborieusement, sans me lever pour autant. Je laisse tomber la cendre dans le cendrier et me frotte les yeux du plat de la main. Je ne peux m'empêcher de songer à mon programme qui vient de partir en fumée. Mais mon esprit est inlassablement attiré par Sixtine et ses étranges agissements. Elle a toujours été surprenante, mais là... Là c'est d'un autre niveau. Qu'est-ce qui lui est passé par l'esprit ? Mon coeur bondit dans ma poitrine. Je m'en veux subitement de m'être attachée à elle — sans cela, j'aurais laissé Narcisse se débrouiller tout seul.

18 oct. 2023, 15:32
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Même si Narcisse était effectivement devenu plus perspicace au fil des années, il demeurait toujours aussi aveugle en ce qui concernait la perception des émotions des autres. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, mais encore aujourd'hui, il n'arrivait presque jamais à décoder les non-dits. Pourtant, en cet instant, il fut presque certain de réussir à ressentir toute l'animosité qui se dégageait d'Aelle. Sa première pensée fut que ce n'était pas le moment. Que ce n'était vraiment pas le moment. Puis sa seconde pensée fut de se dire qu'il ne représentait pas suffisamment d'importance aux yeux de la jeune femme pour réussir à déclencher de telles émotions. Il se radoucit.

Elle devait encore plus souffrir que lui, c'était évident. Et c'était lui, qui avait débarqué sans précaution, et qui balançait les inquiétantes nouvelles à la figure sans prendre de pincettes. Il souffla lentement, ses narines s'évasèrent, il reprit contenance. Ses yeux se fermèrent un court instant, et lorsqu'il les rouvrit, il se sentit beaucoup plus lucide. Il lui rendit le regard mauvais qu'elle lui lança avec un sourire rassurant.

Sa conscience regagnée, il put réagir souplement à la chaise qu'elle amena sans ménagement vers lui. Sans même tourner la tête, il en agrippa la traverse supérieure pour l'arrêter, avant de s'asseoir souplement dessus. La chaise grinça lorsqu'il appuya son poids sur le siège, ses coudes se posèrent sur ses genoux et son menton sur ses pouces, il avait entrecroisé ses doigts. Il laissa échapper un long soupir avant de faire glisser ses mains dans ses cheveux, pour finalement soutenir le poids de sa tête en entourant sa nuque de ses doigts.

Il fronça les sourcils lorsqu'elle tira une cigarette. Depuis quand fumait-elle ? Il avait estimé que le cendrier était destiné à ses invités, mais apparemment, elle s'y était mise aussi. Il n'avait jamais touché à ça, et il comptait bien ne jamais y toucher. c'était l'une des rares choses sur lesquelles il avait une opinion particulièrement tranchée. Son regard s'assombrit lorsqu'elle répondit qu'elle n'avait pas été contacté.

« Merde... »

Il laissa échapper un claquement de langue lorsqu'elle lui reprocha de ne pas vouloir être raisonnable. Avait-il jamais voulu l'être ? Et il était persuadé, au fond, que même Zikomo aurait été d'accord avec lui. Où était-il passé d'ailleurs ? Cette pensée le frappa brutalement et soudainement, et il se surpris à observer les alentours dans l'espoir d'apercevoir une petite silhouette bleutée. Il se redressa souplement, se levant sans la moindre difficulté, avant de se diriger vers la porte.

« Faut bien commencer quelque part. T'as une autre idée d'où elle pourrait être ? Mieux vaut transplaner chacun à un endroit, puis informer l'autre pour ensuite le rejoindre, j'ai pas envie de perdre du temps... »

Mais comment contacter l'autre à cette distance instantanément ? Un froncement de sourcils trahit sa réflexion, puis il claqua des doigts. Il dégaina fluidement sa baguette de son étui.

« Avis. »

Il l'envoya se poser sur l'épaule d'Aelle, avant de poser la main sur la poignée.

« T'en dis quoi ? Si jamais j'trouve quelque chose de mon côté, j'annule l'invocation, et rejoins-moi immédiatement. Si jamais c'est toi qui trouve quelque chose, annule ton invocation. J'suppose que ce s'ra pas difficile pour toi de faire apparaître un seul oiseau... pas vrai ? »

Il voulut la brusquer quelque peu. Un petit sourire narquois maladroit se forma sur ses lèvres. Il refusait de perdre du temps, et il n'allait pas laisser l'apathie d'Aelle le ralentir. Sa mère lui avait toujours appris que la colère était un bien meilleur moteur que l'apitoiement, et ile comptait bien appliquer cette règle sans distinction. Sois efficace, Aelle, agis vite.

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Avatar par Merinda Swart

25 oct. 2023, 17:34
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Il y a quelque chose de particulièrement désagréable dans le fait d'assister à l'angoisse de Brando sans pour autant la partager. Son stress me donne envie de le plaquer sur la chaise qu'il vient de quitter et de lui intimer de ne plus bouger. Réfléchis, bordel ! Tu as un cerveau, il me semble, utilise-le ! Je me retiens en me consolant avec ma cigarette, mon regard noir braqué sur lui. Pour un Poufsouffle, il est très loyal à sa professeure mais Merlin, ce qu'il peut manquer de patience ! Ce n'est pas en s'éparpillant aux quatre coins de l'Angleterre que nous allons retrouver une femme qui ne veut pas l'être. Il se prend pour qui en se pointant ici et en agissant comme le plus moyen des Gryffondor ? Si je m'empêche de lui dire tout ce que je pense, c'est parce qu'en le laissant courir le pays je serais au moins débarrassée de sa présence angoissée. Je ne sais pas si c'est lui qui m'agace ou si c'est la douleur de l'inquiétude qui me rend de mauvaise humeur, mais ma joie de tout à l'heure s'est envolée. Il me semble beaucoup plus facile d'être en colère contre ce garçon qui souvent m'insupporte que de réfléchir à mes entrailles qui se tordent désagréablement lorsque je songe à Sixtine.

Sa dernière réplique suspend le geste que j'allais faire pour me lever, une main en appui sur le canapé. Je lève doucement les yeux vers lui. C'est au moment où je m'imagine lui exploser la tête contre le mur que je comprends à quel point la nouvelle qu'il m'a apprise me perturbe. Il m'a toujours agacé, c'est un fait. Ses sourires, sa gentillesse. Parfois, j'ai envie de le secouer tellement fort que me retenir est physiquement douloureux. D'habitude, ses petites répliques me laissent de marbre. Mais cette fois-ci, je trouve son intervention particulièrement déplacée. Ou alors c'est simplement parce que je ne suis pas d'humeur, que ce n'était pas le moment, que j'avais d'autres choses à faire, que j'avais un programme précis, et que tout cela est partie en fumée lorsque sa tête s'est dessinée dans l'encadrement de la porte.

Je soutiens son regard, un coude planté sur le genou, l'autre main se terminant par la cigarette.

« Le plus compliqué sera d'en faire apparaître qu'un seul, riposté-je sans attendre. Ce serait si tentant de créer toute une nuée qui t'arracherait les yeux. Sache que ça me ferait très plaisir. Dommage qu'il y ait plus important que toi. »

En même temps que je prononce ces paroles acides, je me lève souplement, la cigarette coincée entre les lèvres. Comme toujours, il me faut un temps d'adaptation pour que le malaise passe. Le regard braqué sur le sol, une seconde, deux secondes, une grande inspiration. Puis j'attrape ma sacoche abandonnée au pied de la vieille bibliothèque et en même temps que je passe la lanière autour de mon cou, je fouille à l'intérieur. J'ignore Brando auquel j'aurais pu répondre bien plus efficacement s'il était capable de parler sans emmerder tous ceux qui l'entoure.

« Non, je ne connais pas tous les endroits où Sixtine Valerion pourrait se terrer, dis-je enfin à mi-voix en décapsulant une potion pour renifler son contenu. Pour autant que je le sache, elle pourrait bien être en train de vider une bouteille de whisky pur feu dans un taudis. Ou à Portree. Qu'est-ce qu'elle irait foutre à Portree, Merlin ? marmonné-je pour moi-même en secouant la tête. Ce serait vraiment étrange. »

Sur mon épaule, l'oiseau s'agite faiblement. Sa présence me rappelle l'absence de Zikomo. Impossible pour moi d'attendre son retour, voilà encore une raison d'être de mauvaise humeur et d'en vouloir à la fois à Brando de se pointer ici sans prévenir et à Valerion d'être aussi insupportablement agaçante.

« Attends deux secondes, » je balance au garçon en me dirigeant vers la table.

Éclairée par la faible lumière matinale, je griffonne quelques mots sur un coin des nombreux parchemins et brouillons abandonnés là. La ciel s'éclaircit à peine, remarqué-je en jetant un coup d'oeil par la fenêtre. Zikomo est en train de chasser. C'est le moment de la journée qu'il préfère, lorsque la lumière est la plus belle et que les proies ont meilleur goût — c'est lui qui le dit. Quand il reviendra, il ne s'inquiétera pas de mon absence, je suis toujours par monts et par vaux, mais au moins se fera-t-il une idée de l'endroit où je suis. Je déchire le morceau de parchemin et le dépose sur la table passe.

Ce n'est qu'une fois ces choses effectuées, toujours de façon calme et presque nonchalante, que je me dirige vers la porte d'entrée, enjoignant d'un geste du menton le garçon à sortir sur le palier. Quand on est bien éduqué, on ne transplane pas à l'intérieur d'une maison. Je le pousse si nécessaire et referme la porte derrière moi. Je lui jette un regard par-dessus mon épaule, enfin prête à lui dévoiler le fin-fond de mes réflexions.

« Va à Tinworth, j'irai à Portree. T'es déjà allé à Tinworth ? » je lui demande soudainement, prête à me foutre de lui s'il a osé me proposer un tel arrangement si c'est pour ensuite m'avouer qu'il ne sait rien des endroits où peut se trouver Sixtine.

Il m'offre l'un de ces sourires dont il a le secret, un sourire désarmant qui me fait crisper les mâchoires. Évidemment qu'il est déjà allé chez elle ! Je n'étais pas au courant, quand est-ce qu'il y est allé ? Pourquoi ? C'est idiot d'amener l'un de ses élèves dans sa maison, non ? Bah, peu importe.

« Oh, c'est vrai, j'ajoute en secouant la tête pour éloigner la fatigue, j'allais oublier : Avis. »

Un corbeau particulièrement imposant apparaît devant moi et va se poser dans un battement d'ailes furieux sur l'épaule du garçon, lui fouettant le visage au passage.

« Oups, fais-je avec un sourire retors. Fais gaffe à ce qu'il te pince pas l'oreille. »

Je transplane dans un claquement bruyant. La dernière chose que verra Brando de moi, si tant est qu'il me regarde à ce moment-là, c'est un sourire moqueur qui dévoile mes dents.

*

J'apparais au coeur d'une forêt épaisse. Je suis suffisamment loin de Portree pour ne rien voir de ses maisons et ne rien entendre des murmures de ses rues. Ce n'est pas aujourd'hui que je me promènerais de nouveau dans ses étroites rues. De toute façon, ce n'est pas cela qui m'intéresse. Mon regard se porte sur l'immense portail. Derrière se dessine la silhouette sombre et malfaisante d'un manoir que j'ai appris à ne pas aimer. Peut-être parce que je connais certains secrets qu'il cache entre ses murs.

Je me fige en arrivant face au domaine. Un violent frisson descend le long de mon dos. Ce n'est plus un manoir qui se trouve devant moi mais une carcasse noircie. Le vent m'apporte une désagréable odeur de brûlé. C'est un paysage de destruction qui s'offre à moi et qui me fige le sang dans les veines. Là où autrefois se dressait un imposant manoir au style ancien, avec ses hautes colonnes, ses nombreuses fenêtres et son toit qui s'élevait vers le ciel se trouve désormais des murs détruits et grignotés par le feu, des fenêtres explosées, des morceaux calcinés de bois et de lambris. Le choc m'oblige à rester immobile un moment face à ce paysage, les doigts crispés autour de ma baguette magique. Les pensées se bousculent dans ma tête mais aucune ne me permet de comprendre ce qui est arrivé ici.

C'est étrange de passer le portail seule. Je me souviens lorsque je suis venue avec Sixtine. Je me souviens des histoires qu'elle m'a raconté, du goût acre de ses souvenirs. Je me souviens des frissons qui ont dévalé mon dos lorsque je me suis approchée des pièces brûlées. Je me souviens m'être tournée vers elle et lui avoir dit, baguette en main : « Vous voulez que je vous aide à le cramer complètement ? ». À l'époque, elle n'avait pas jugé cela nécessaire, mais depuis elle est revenue ici, elle est revenue pour le brûler, le détruire. Pourquoi ? Si j'ai pu croire à un seul instant que la panique de Brando n'était que l'exagération d'un gamin en manque d'attention, désormais je ne peux plus me voiler la face. Il n'y a qu'une intense colère qui aurait pu motiver une telle destruction. Au moins, cela me conforte sur une chose : il s'est passé quelque chose et Brando avait raison d'être inquiet.

Pour la forme, je décide de lancer un sortilège même si je doute que la carcasse fumante de ce manoir puisse cacher la moindre forme humaine et encore moins celle d'une Sixtine Valerion.

« Hominum Revelio.»

Je sens mon sortilège parcourir le bâtiment et les informations qui me reviennent sont formelles : elle n'est pas là. Je soupire. Sur mon épaule, la petite invocation de Brando piaille doucement. À l'autre bout du pays, le corbeau qui l'accompagne doit certainement lui avoir déjà pincé l'oreille mais même cette idée ne parvient pas à me faire sourire.

J'aurais pu transplaner directement pour rejoindre Tinworth mais au lieu de cela, je ferme les yeux, le temps de calmer la folie de mes pensées. Il y a une chance pour que le Poufsouffle trouve la femme dans sa demeure à Tinworth, mais si ce n'est pas le cas, où pourrait-elle être ? Pourquoi ne s'est-elle pas présentée à notre rendez-vous, la dernière fois ? Nous nous voyons assez peu souvent et jamais elle ne m'a fait faux bond, contrairement à moi. À croire que nos discussions chaleureusement accompagnées de boissons réconfortantes lui tenaient à coeur — à moins que ce ne soit nos disputes récurrentes et les sortilèges qui fusaient. Je me secoue : cette femme est beaucoup trop complexe pour que je perde du temps à comprendre pourquoi elle agit de telle ou telle façon.

C'est alors que me revient de façon soudaine et brutale le souvenir de son collier. Ce collier que je regarde toujours lorsque Valerion agit d'une façon que je ne comprends pas — souvent, donc. Ce collier que je n'ai jamais cessé de surveiller depuis qu'elle me l'a donné et que je porte seulement lorsque l'envie m'en prend, c'est à dire assez peu régulièrement. Elle, contrairement à moi, l'a toujours porté autour de son cou. Je jure entre mes dents, en colère contre moi-même de ne pas y avoir songé plus tôt. Mais quelle idiote, quelle idiote ! Je plonge la main dans la poche intérieure de ma cape, celle où je cache les objets que je garde toujours sur moi et qui me sont précieux. J'en ressors le collier et à l'instant même où mes yeux se posent sur la pierre, mon coeur se serre brusquement. Aucune lumière, pas la moindre. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais certainement pas à ça. Le collier a toujours brillé, toujours. De rouge et de bleu, pendant un moment, de vert, de jaune, de noir... C'est le principe même de ce collier et c'est la raison pour laquelle je ne porte pas le mien : parce qu'il brille toujours, parce que quoi qu'il arrive, on ressent toujours quelque chose, toujours. Et Sixtine n'a absolument jamais enlevé le sien, jamais. Jamais, vous entendez ?

La panique monte soudainement. Elle me prend à la gorge, me noue les entrailles et fait battre mon coeur à toute allure. Je prends appui sur mes genoux, le souffle court. Sur la toile de mes paupières fermées se dessinent des formes qui clignotent comme un Lumos dans l'obscurité. Des dizaines de scénarios catastrophes s'inventent dans mon esprit. Je vois la mort, l'angoisse et la peine. Mon coeur se serre. Bordel, je n'aurais pas dû... Je n'aurais pas dû accepter la première fois qu'elle m'a proposé que nous nous retrouvions pour discuter, je n'aurais pas dû accepter ce verre de vin, je n'aurais pas dû accepter la seconde fois, je n'aurais pas dû apprécier sa personnalité, ses répliques, sa colère faite de sortilèges et de violence, je n'aurais pas dû m'attacher à elle. Quelle foutue erreur ! L'angoisse tambourine contre ma cage thoracique et bourdonne à mes oreilles. Pendant de longues minutes, je me concentre sur ma respiration, incapable de me redresser ou de penser raisonnablement. Toutes les insultes possibles me passent à l'esprit et toutes sont dirigées vers cette femme qui a osé disparaître sans un mot.

« Vous m'saoulez vraiment, » sifflé-je difficilement entre mes dents lorsque je retrouve un tant soit peu le contrôle de mon corps.

J'entrouvre les yeux pour observer le collier qui pend contre ma jambe. Je me redresse lentement, le coeur battant trop vite et trop fort. Sur une impulsion que je ne comprends pas, je passe le collier autour de mon cou et cache la pierre sous mes vêtements. Puis je transplane, abandonnant derrière moi la vieille forêt et le manoir lourd de souvenirs des Valerion.

Lorsque j'apparais à Tinworth, je dois fermer les yeux pour me protéger de la vive lumière du soleil. Le vent m'apporte une odeur de sel. L'embrun me fouette le visage. Là, sur ma gauche, au bout de la ruelle, se dessine la silhouette d'une demeure très différente de celle que je viens de quitter. Un charmant jardin, aucune trace de murs calcinés. Étrangement, le manoir de Portree ressemble beaucoup plus à Sixtine que cette maison ne le fera jamais. Ce qui me rappelle une autre maison, dans un autre coin du pays. Un endroit porteur, lui aussi, du sombre passé de la femme. Mais pourquoi serait-elle là-bas ? Ce serait idiot, me dis-je en m'avançant dans le jardin en quête de Brando. Peut-être aussi idiot que de revenir à Portree pour mettre le feu au manoir de son enfance ?

J'aperçois la silhouette du garçon par la baie vitrée. Je lui fais signe de me rejoindre dehors.

« Elle est passée par Portree, » lui dis-je détournant les yeux vers le ciel d'azur, les mains bien enfoncées dans mes poches — je m'efforce d'avoir l'air aussi neutre que tout à l'heure, accentuant même le ton traînant de ma voix pour ne rien montrer de l'angoisse qui forme pourtant une boule compacte dans ma gorge. « Mais elle n'y est plus. »

Elle n'est pas non plus ici, évidemment. Je fais mon possible pour ne pas croiser le regard du garçon. Son inquiétude est évidente et j'ai peur que si je m'attarde trop longtemps sur celle-ci, elle me force à exprimer la mienne. Ce serait tragique, évidemment. D'un coup de baguette, je fais disparaître le gros corbeau qui n'avait cesse de croasser sur l'épaule de Brando. Maintenant que je prends les choses au sérieux, le Poufsouffle me parait beaucoup moins insupportable. Cela dit, je pense que j'aurais préféré le renvoyer à Poudlard et m'occuper de cette affaire toute seule, sans l'avoir dans mes pattes. Je déteste travailler en équipe. Mais j'imagine que si je lui dis de rentrer au château (qu'il n'avait pas le droit de quitter, d'ailleurs), il m'enverra me faire voir, et il serait tout à fait dans son droit. Je me retiens donc et me rassure sur un point : il a beau m'insupporter la plupart du temps, ce n'est pas le plus ignare des élèves de Poudlard, j'aurais pu tomber sur pire que lui.

« Accroche-toi, lui ordonné-je en lui tendant le bras. On a un autre endroit à visiter. »

Je ferme les yeux. Je visualise une maison en ruine dont l'histoire m'a été contée en pointillé par Sixtine ces trois dernières années.

02 nov. 2023, 21:39
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Bien, elle réagissait. Il ne releva pas le moins du monde. Les bras croisés sur la poitrine, il attendait face à la porte, le visage rattrapé par l'inquiétude, qu'il ne cherchait pas à dissimuler. Il ne dissimulait jamais rien, Narcisse, ce n'était pas son genre, et même s'il avait voulu le faire, il n'était pas doué. Son index se mit à tapoter nerveusement son biceps lorsqu'Aelle énuméra les possibilités, aucune ne semblait juste, rien ne pouvait expliquer cette soudaine démission. Pas selon lui, pas selon ce qu'il savait d'elle. Il leva ensuite distraitement sa main jusqu'à porter le pouce entre ses dents. Il tiqua, retenant un petit gémissement de douleur. Il l'avait déjà bien trop rongé. Il soupira en secouant la tête, avant de dégainer sa baguette de son avant-bras, pour murmurer un petit Episkey, tandis que son aînée s'agitait mystérieusement.

Puis, alors qu'il rengaine sa baguette dans son étui, il pense enfin comprendre. Cette impression se confirme lorsqu'il observe les alentours : toujours aucune trace de lui, comme tout à l'heure. Malgré lui, Narcisse sourit : il apprécie la petite attention d'Aelle de laisser un message pour son compagnon. Elle qui clamait toujours qu'elle n'avait pas de cœur...

Lorsqu'enfin, elle prend le chemin de la porte, il ne se fait pas prier pour sortir d'ici. Le vent froid lui fouetta le visage sans merci, causant l'accumulation de quelques larmes aux commissures de ses yeux. Il les ignora, rajustant son col autour de son cou, laissant sa veste battre au gré des bourrasques. Un sourire se dessina sur ses lèvres, il hocha la tête, l'air presque satisfait.

« On rejoint pas le club Prodigium sans payer au moins une petite visite chez notre chère professeure. »

L'amusement s'effaça presque immédiatement, rongé par la préoccupation. Et de toute manière, il n'aurait pas pu savourer plus longtemps cette infime victoire sur son aînée, puisque l'instant suivant, un grand corbeau se posa sur son épaule. Enfin, se poser est un bien bel enjolivement. Les serres de l'animal se seraient enfoncées dans sa peau s'il ne portait pas sa veste, et sa joue aurait été claquée d'un battement d'aile s'il n'avait pas détourné le visage par réflexe. Du moins le pensa-t-il, car le deuxième battement le frappa de plein fouet. Il pouffa de rire lorsqu'elle lâcha ce "oups". Même lui perçut l'ironie, c'était dire.

« Haha, haha, très drôle. »

Il aurait bien répondu à son avertissement, qu'il prit cette fois-ci au premier degré, mais le claquement de fouet caractéristique du transplanage coupe son premier mot. Il était seul. Un soupir, une hésitation. Un regard pour l'abominable volatile désagréable sur son épaule, et il transplana à son tour.

« Eurg... »

Décidément, il n'était pas encore au point pour le transplanage. Du moins, pas totalement. Toujours cette éternelle nausée, cette sensation d'avoir la bouche barbouillée et... Bref, il chassa ces problèmes insignifiants, pour se précipiter chez Valerion. Il ne s'embarrassa pas de toquer, il entra. Ses pieds dérapèrent lorsqu'il s'arrêta, son regard cherchant dans tous les recoins.

« Miss Valerion ?! Vous êtes là ?! Vous allez bien !? »

Il aurait été difficile de faire plus silencieux. Seul l'écho de ses mots et de ses respirations lui revenait aux oreilles, ainsi qu'un léger sifflement. Il secoua la tête, pour se forcer à se calmer, avant d'enfin dégainer sa baguette, chose qu'il aurait dû faire dès le début.

« Hominum Revelio. »

Il n'était pas particulièrement doué pour ce sort. Il lui demandait trop de visualisation, trop de perception, et l'instinct n'avait pas encore pris le pas sur la réflexion. Toutefois, il n'eut nul besoin de lancer le sort une seconde fois pour réaliser qu'il était seul. Encore. Son index tapota sa baguette, alors qu'il la laissa retomber le long de son flanc. Son esprit s'agitait dans tous les sens, par où commencer ?

Il erra en boucle, se forçant à se convaincre que s'il ouvrait une dixième fois cette porte, ou s'il franchissait pour la vingtième fois ce couloir, Miss Valerion serait au bout. Les pincements et les coups d'ailes du corbeau rythmaient sa réflexion. Et paradoxalement, il se prit d'affection pour ce dernier. Il maintenait son désespoir éloigné, et l'obligeait à regagner régulièrement sa concentration.

Le croassement du corbeau le prévint de l'arrivée d'Aelle, ou peut-être avait-il entendu au loin le claquement de fouet ? Aucune importance, son cœur se serra. Il n'avait rien trouvé. Et si elle avait mis autant de temps, cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose... Il l'aperçoit par la baie vitrée, et secoue la tête avant de sortir, sa main frottant doucement sa nuque, jetant quelques regards en arrière, dans un ultime espoir.

« Alors ? »

Elle lui confirma ce qu'il craignait déjà. Sa main passa sur son visage, dans un soupir. Le poids du corbeau disparaît, et il se surprend à regarder l'ancien emplacement du volatile. Le silence s'installe, doucement, insidieusement, Narcisse finit par croiser ses bras sur sa poitrine, à court d'idées. Fort heureusement, lorsqu'il s'apprête à lui demander un avis, Aelle lui tendit le bras. Sans discuter. Un ordre, cela lui ressemblait bien. Mais il n'était pas non plus dans un état qui lui aurait donné envie de protester. Cela ne lui traversa d'ailleurs même pas l'esprit, aussi tendit-il sa main.

Il toussa en se tenant le ventre lorsqu'ils arrivèrent. Transplaner était déjà pénible pour lui, mais alors se faire transplaner par quelqu'un d'autre... Mais cette désagréable sensation fut bien vite remplacée par un immense sentiment d'inquiétude quand il posa les yeux sur le cadavre de maison devant lequel ils venaient d'atterrir. Où étaient-ils ? Il n'en avait pas la moindre idée, mais il ne put détacher son regard des pierres pour regarder Aelle.

« On est où ? »

Il fit un pas en avant, laissant glisser son regard sur les débris, il s'apprêta à continuer, lorsque soudainement, un horrible frisson glacé lui traversa la colonne vertébrale. Ses cheveux se hérissèrent sur sa tête, et ses yeux s'écarquillèrent. La morsure de sa terreur fut infiniment plus douloureuse que celle du froid. Même s'il n'avait pas reconnu le corps de sa professeure allongé sur le sol, il se serait quand même précipité.

« Merde ! Aelle, ramène-toi ! »

L'instant d'après, il était à genoux à ses côtés, hésitant, la respiration courte. Il avait couru aussi vite qu'il le pouvait, ignorant si Aelle réussissait à suivre son rythme ou non. Se forçant à écouter ce qu'il avait appris au cours de sa vie, il approcha doucement le dos de sa main tremblante proche des lèvres de sa professeure. Un rire nerveux le secoua, il regarda Aelle, le regard paniqué, mais un certain soulagement transparaissant dans sa voix.

Un souffle.

« Elle est vivante. »

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

05 nov. 2023, 09:44
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
Quand le corps de Sixtine ne lui serre plus que d'enveloppe corporelle, sa conscience, elle, s'agite. Elle se retrouve soudain dans un lieu trop sombre pour y voir quoi que ce soit. En touchant sa cuisse, elle se rend compte que sa baguette ne l'a pas quitté et illumine les lieux d'un Lumos. A mesure que les secondes passent, la pièce devient de plus en plus lumineuse. Et Sixtine peut enfin voir ce qui l'entoure.

Elle est dans une grande salle, et l'ensemble des murs est recouvert de tableaux représentant ses souvenirs. Tous les souvenirs marquant de la professeure sont là. Elle remarque un tableau de sa première rencontre avec Suileabhan, elle s'en approche, sourit passe sa main à travers le tableau avant de finalement retirer sa main pour se diriger vers un autre tableau. Un tableau vide. Elle qui avait travaillé depuis des mois sur ce sort avait elle enfin réussi la concrétisation de son projet ? Etait il possible que ce tableau soit le retour, la vie idéale, la vie parfaite qu'elle peut se créer ? Le monde sans souffrance qu'elle avait pu imaginer ?

L'idée de Sixtine était de se créer un monde ou la souffrance n'existe plus, ou la douleur est inconnue, ou les problèmes ne sont qu'une légende. Un monde ou le sourire et la joie serait le seul mot d'ordre. Un monde ou le corps ne souffre jamais, le corps est inutile quand l'âme est la seule nécessité.

Une dernière fois, celle qui dirigeait autrefois la noble maison de Salazar regarda autour d'elle, s'imprégna de tous les souvenirs, bons comme mauvais puis, elle plongea dans le tableau.

A ce moment là, à l'extérieur de son espace mental, le corps de Sixtine venait d'être trouvé par une ancienne élève et un nouveau prodige. Lorsque celui-ci place la professeure sur le dos, il peut voir qu'elle a le sourire et que, dans sa main, le collier qu'elle n'avait jamais enlevé glisse sur le sol.

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Arrivée inRP le 28 octobre 2046 - Professeure de DCFM
Rejoignez le Sixtgang ! - Présence partielle, j’ai le cœur qui saigne.

28 nov. 2023, 14:16
 Fanfiction  Désillusions.  A.B & N.B 
On est où ? Nous sommes dans les décombres d'une maison qui a été le théâtre d'horreurs invisibles. Elle n'aurait jamais dû avoir envie de revenir ici, pas dans cette demeure dont il ne reste que des ruines et qui n'accueille désormais plus que des souvenirs dont elle m'a un jour conté la forme : ils font partis des plus douloureux qu'elle ait et je ne comprends toujours pas comment elle a pu me les partager. Même moi je ne lui ai pas parlé de ces ombres dans ma tête qui jamais ne me laissent en paix — je n'ai fait qu'effleurer ces sujets. Mais elle, elle m'a confié les douleurs qu'elle a vécues ici, entre ces murs qui ne tiennent plus debout. Elle m'a dessiné un portrait de l'homme qu'elle a connu et qui l'a blessée de bien des manières. Elle m'a exprimé la haine qu'elle avait pour lui mais aussi tout l'amour qu'elle lui a porté. Parfois, quand elle me parlait des années passées en sa compagnie, j'avais l'impression qu'elle regrettait certaines choses de ce temps qui lui a pourtant laissé des cicatrices éternelles. Je n'aime guère lorsqu'elle me parle de ça. Quand elle a cette lueur dans les yeux, j'ai l'impression de me regarder dans un miroir et je déteste ça.

Comme d'habitude, Brando est plus fougueux que moi. Il se précipite sans prévenir et je le laisse aller sans répondre à son ordre, n'ayant aucune envie de le suivre comme une ombre. Je fais quelques pas dans les décombres, préoccupée par l'état de délabrement des lieux et par l'improbabilité que Sixtine soit ici. Déjà, je pense aux autres solutions, aux autres endroits possibles. Mais je n'ai pas le temps d'élaborer la moindre stratégie car au moment où je tourne la tête pour observer la trouvaille de Brando, je prends conscience du corps près duquel il est accroupi.

Un poids me tombe au fond de l'estomac. Je me fige au milieu de la pièce, le coeur palpitant et le regard braqué sur les jambes terminées par des chaussures élégantes que je pense reconnaître. Ma gorge se noue tout à coup. Impossible d'aller plus loin, impossible de faire le moindre pas. Déjà, je l'imagine morte. Disparue, envolée. Plus jamais je n'entendrais sa voix, plus jamais elle me paraîtra insupportable, plus jamais nous nous retrouverons autour d'un repas et d'un verre pour discuter de ces choses qui n'intéressent certainement personne d'autre que nous.

L'angoisse qui me tord les tripes est inattendue. À quel moment exactement me suis-je attachée à cette femme que j'espérais tant détester il y a de cela quatre ans ? Ma tête est remplie de bruit auquel s'ajoute le battement irrégulier de mon cœur qui bat si fort contre ma cage thoracique que Brando peut certainement l'entendre de là où il se trouve. Brando... Sa voix s'élève dans la pièce poussiéreuse. Un mot, un seul, sort de sa bouche. Un mot suffisamment puissant pour me déboucher les oreilles et me faire atterrir dans la réalité.

Je reprends brutalement conscience de mon corps et de la mission que nous sommes en train de mener. Je bats des paupières en m'approchant du garçon, peinant à croire en ce qu'il vient de dire. Vivante ? Avec réticence, je me penche par-dessus son épaule pour observer le visage de Valerion. Sa peau pâle, ses lèvres rosées, ses pommettes saillantes. Je reste un instant immobile, incapable d'affronter le regard paniqué du Poufsouffle ; je n'ai pas envie de gérer ses états-d'âme pour le moment, j'ai déjà suffisamment à faire avec les miens.

J'ai l'impression d'être hors de mon corps. Comme si je n'étais pas réellement là. Ou comme si j'étais en train de rêver. Est-ce réellement moi qui m'accroupis près de la femme, face à Brando ? La femme allongée sur le sol forme comme une barrière entre le garçon et moi. Je n'ose pas la toucher ni même l'effleurer comme il l'a fait avant moi. Je ne peux que glisser la main vers mon étuis dans l'intention de sortir ma baguette, le regard fixé sur les paupières résolument closes de Sixtine. Je me demande si je serais triste si elle ne se réveille pas. Je me force à croire que non. Que tout ira bien. De toute façon ce n'est que mon ancienne professeure de Défense Contre les Forces du Mal. Ce n'est pas grave si elle ne fait plus partie de ma vie. Ce n'est pas grave si je continue sans elle. Ce n'est pas comme si j'avais besoin d'elle, après tout.

Ma main se fige à quelques centimètres de mon bras. Mes pensées se taisent tout à coup dans ma tête. Parce que là, au bout de son bras, je viens d'apercevoir ce collier que je connais par coeur, même s'il ne m'appartient pas. Mon souffle s'étrangle dans ma gorge. Je me penche sans réfléchir, dans un mouvement vif et brusque, pour attraper le collier jumeau de celui que je garde dans ma poche.

« C'est pour ça qu'il était éteint ! » je m'exclame en occultant totalement la présence de mon ancien camarade.

Elle n'avait pas le collier autour du cou, évidemment que le mien ne pouvait pas briller ! Comment avoir accès à ses émotions si elle ne me permettait pas d'y accéder ? Je me demande vaguement, quelque part au fond de ma tête, pourquoi Sixtine a enlevé le collier, elle qui jamais en quatre ans ne l'a ôté — ou alors je ne l'ai jamais remarqué. La question n'est pas importante pour le moment car ce n'est pas le fait d'y répondre qui me permettra d'en savoir davantage sur l'état de la femme. Pour le moment, je n'ai qu'une chose à faire...

« On va au moins pouvoir savoir comment elle va, » informé-je Brando sans lui donner davantage de détail.

Je fouille dans la poche intérieure de ma cape et en sort mon propre exemplaire du collier que je dépose sur la poitrine qui se soulève à peine de Sixtine. Je me redresse sur mes genoux et m'approche de son corps inanimé. D'une main, je soulève sa tête en prenant soin de la bouger le moins possible et de l'autre je lui glisse le collier autour du cou, les yeux fixés sur ma propre pierre, impatiente de savoir de quelle couleur il brillera.

« Il devrait s'illuminer... »

Mais il ne s'illumine pas. Aucun des colliers n'affiche la moindre couleur. J'ai soudainement peur qu'ils ne fonctionnent plus. Si Sixtine est vivante, le mien devrait s'illuminer, non ? Pourquoi ne le fait-il pas ? Sans réfléchir, j'attrape mon collier et le passe autour de mon cou. Aussitôt, la pierre de celui qui repose contre la gorge de la femme prend une teinte noire comme la nuit. Ma gorge se noue. Tout fonctionne bien, alors pour—

C'est comme si un crochet s'enfonçait dans mon esprit et le tirait brusquement vers l'arrière pour l'arracher de mon corps. J'expulse un souffle bref, les membres aussi mous que ceux d'une poupée de chiffon. La sensation de mon propre corps s'éloigne, s'éloigne comme si j'étais aspirée loin de lui, tandis qu'au milieu des décombres je m'effondre sans connaissance sur le sol.