Aujourd'hui, Brynn n'a pas cours. À vrai dire, personne n'a cours le mercredi, sauf quelques professeurs et quelques grands parmi ceux qui ont choisi de poursuivre leur matière après la troisième année, ce qui ne fait pas tant de monde que ça. C'est donc dans le château une sorte de journée générale de non-cours, rythmée par les objectifs divers et variés des uns et des autres. L'objectif de Brynn, ce matin là, est de réussir à lancer correctement les sortilèges qu'il apprend depuis la rentrée en cours de Défense contre les Forces du Mal. Ça ne semble pas si compliqué, pourtant, il n'y en a que deux : Flipendo et Lashlabask. Mais il a beau les revoir, s'exercer en boucle à la gestuelle ou à la prononciation, rien n'y fait. Brynn n'arrive pas à se connecter à sa baguette et ne fait que penser à ces Botrucs à l'air fâchés et blessés contre lesquels il s'entraîne en classe. À ça et à l'air très mécontent de sa professeur.

Soupirant doucement dans la salle vide dans laquelle il s'est réfugié pour travailler, Brynn s'assoit brusquement par terre, lassé de son exercice et observant sa baguette.

« T'aimes pas ça non plus hein ? »

Essayant de se rassurer, le petit garçon ferme les yeux, cherchant à ressentir sa magie, et ne les rouvre qu'en sentant sa baguette chauffer doucement dans sa main. Un petit Lumos plus tard et le Poufsouffle respire déjà un peu mieux : il y arrive, tout de même, à faire de la magie. C'est juste qu'il n'aime pas les maléfices. Est-ce qu'il est condamné à avoir des mauvaises notes en Défense contre les Forces du Mal ? Est-ce qu'il va finir par devoir avouer à ses mamans qu'il a eu un Troll à l'école ? La note, pas un Troll des Montagnes comme il y avait il y a quelques jours dans les enclos de SaCM ? L'idée l'angoisse, il n'a pas envie que sa famille pense qu'il ne fait pas d'efforts pour travailler.

Dehors, derrière la vitre, un oiseau pépie un peu plus fort que les autres, faisant lever les yeux du petit garçon dans la direction du son. Un instant, Brynn espère voir un hibou l'attendre à la fenêtre, mais rien de particulier ne se profile derrière la vitre. Après tout c'était prévisible : un hibou ne pépie pas. Et puis les hiboux ne livrent du courrier qu'au petit déjeuner.
Penser à une potentielle lettre de sa famille lui rappelle cependant leur conseil, qui lui disaient de ne pas hésiter à aller parler à sa directrice de maison s'il avait un problème, et les fois où il a effectivement hésité à aller lui parler. Est-ce qu'il pourrait y aller maintenant ? Peut-être, car après tout c'est mercredi et Miss Priddy leur a dit qu'elle était dans son bureau en cas de questions, le mercredi. Est-ce qu'il peut poser des questions sur autre chose que le cours ? Cela, il ne le sait pas, mais il se dit qu'il n'aura qu'à axer la discussion sur sa baguette, si jamais il ne peut pas.

Récupérant ses quelques affaires, le petit garçon sort de la pièce pour faire cap vers le couloir de Sortilèges, décidé à enfin oser demander conseil à sa directrice de maison. Il hésite tout de même quelques instants, une fois arrivé devant la porte qu'il convoite, mais finit par toquer doucement, espérant ne pas déranger et que sa professeur accepte de discuter avec lui.

Les semaines s'enchaînaient au château et, Sarah, prise dans cette folle danse avait parfois l'impression de courir un peu trop, de couloirs en salle commune, de cours en animations, le temps filait. Assise au bureau dans sa salle de classe vide, Sarah réfléchissait au cours des deuxième année du lendemain matin. Elle devait expliquer le fonctionnement du contre sort général, mais si en apparence, le sort semblait simple, il ne l'était ni en théorie, ni en pratique...

Sur son parchemin, elle traça plusieurs horizontales, découpant sa futur heure de cours en différentes parties. Un, échange théorique autour du sort : la notion de contre-sort, le fonctionnement de finite et les risques de son utilisation, l'existence de destructum, petites questions de recherche et devoirs pour la semaine suivante. Ensuite, elle raya "passage à la pratique" pour noter "échauffement du poignet et entraînement au tracer". Cette partie était trop souvent négligée et ce sort était complexe. L'heure serait vite terminée cela dit... un peu de pratique pour finir la séance et voilà tout. Il fallait qu'elle sorte ses petites boîtes pour les entrainer. Elle nota ce point avant de sursauter quand un joli siamois sauta soudain sur le plan de travail.

" Dis donc Mousmous, depuis quand on monte sur les tables ? "

Elle poussa doucement le félin qui se glissa habilement sur les genoux de la sorcière au moment où des coups étaient frappés à la porte.

" Entrez ! "

Le ton était plutôt joyeux et la sorcière, tout en octroyant une caresse à son chat qui semblait d'ailleurs très intéressé par le nouvel arrivant, accueillit le petit visiteur d'un sourire bienveillant.

" Bonjour Monsieur Wathen, qu'est ce qui vous amène ? "

C'est une voix plutôt enthousiaste, qui vient de résonner à travers la porte, alors Brynn en pousse le battant un petit peu rassuré : a priori, il n'est pas en train de déranger.

Le sourire de sa directrice de maison et la petite tête de chat qui l'observe depuis ses genoux mettent rapidement à l'aise le petit garçon, qui ne pense même pas à broncher lorsque sa professeure l'appelle Monsieur Wathen. Pas qu'il l'aurait de toute façon reprise, puisqu'il s'agit bien de son nom, mais le jeune Poufsouffle a encore un peu de mal avec l'appellation. Lui, c'est Brynn, pas Monsieur Wathen.

« Bonjour ! »

Le première année hésite tout de même un instant avant de répondre, ne sachant pas vraiment comment commencer sa phrase. Son regard se perd dans les yeux du chat tandis qu'il fronce le bout de son nez, un peu embêté. Quel était son plan déjà ? Commencer par parler des cours de Sortilège. Ses yeux se baissent sur sa baguette, qu'il tient du bout de ses doigts. Sa longue baguette claire en bois de noyer.

« Est-ce que c'est possible de pas être capable de faire une partie de la magie ? » Il a prononcé cette phrase en remontant le regard dans celui de sa professeur et il lui avoue, du bout des lèvres « J'aime pas beaucoup la Défense contre les Forces du Mal. »

Il n'aime pas beaucoup mais sa baguette non plus, il en est presque sûr. Après tout, il l'a lu, sa baguette porte un morceau de licorne en elle, elle n'aime pas faire du mal. Peut-être l'a-t-elle choisi parce qu'il n'est pas capable de se battre ? L'idée le perturbe : il n'aime pas ne pas être capable de faire quelque chose qu'on lui demande de faire en cours, et il sait que la Défense contre les Forces du Mal est une matière importante. Ses mains s'agitent doucement sur sa baguette, retraçant ses contours, tandis qu'il cherche à articuler ses pensées.

« Comment une baguette choisit son sorcier ? »

Le petit brun qui venait d'entrer dans la pièce avait rejoins les rangs - ou plutôt les canapés - de la maison Poufsouffle quelques semaines plus tôt. Il semblait en ce mercredi quelques peu hésitant et Sarah ne put retenir un de ses sourcils qui se fronça légèrement tandis qu'il semblait ne pas réussir à exposer la raison de sa venue. Finalement, l'attente ne fut pas bien longue et le sourire de la Galloise se fit plus grand.

" Voilà deux grandes questions. Pour la première, je vous répondrai que oui. Il est même sûr et certain que tous les sorciers ne sont pas capables de réaliser les mêmes choses. Sans être forcément incompétent, il existe certaines formes de magie qui ne sont pas... accessibles à tous. Il n'y a pas de règle stricte mais disons que chacun possède des affinités avec telle ou telle approche de la magie. Certains sorts seront donc plus réceptifs à certains sorciers qu'à d'autres. Il y a des choses que je ne sais pas faire et j'ignore pourquoi et, inversement., je connais d'excellent sorcier incapables de lancer certains sorts ou plutôt de réaliser certaines variations qui sont pour moi une évidence. "

Elle poussa le chat de ses genoux afin de s'approcher d'avantage de son bureau et d'y poser ses coudes. Le félin atterrit souplement sur le plancher et, puisqu'il était là, décida de s'approcher du visiteur, tendant son petit museau moustachu pour capter les effluves de ce dernier alors que Sarah reprenait la parole.

" Ne pas aimer certains sorts n'ai pas un crime, ni un problème en soit. Cela peut être contrariant pour vos bulletins et il convient de faire de votre mieux afin de ne pas plomber votre scolarité mais vous verrez que petit à petit, vous trouverez les sorts avec lesquels vous avez plus d'affinité. Chacun ses méthodes ensuite, il n'y a jamais qu'un seul chemin pour réussir. Vous verrez, parmi vos camarades plus âgés, certains font parfois des choix surprenant à première vue, mais parviennent à leurs fins sans soucis. "

Elle fit une petite pause, observant le jeune garçon. Est ce qu'elle ne s'embarquait pas un peu trop loin dans ses explications. Il était peu probable que ce gamin de onze ans ait assez de recul pour comprendre ce discours ou du moins pour le mettre en application. La sorcière se leva, contourna son bureau et tira deux chaises du premier rang tout proche, faisant signe au Poufsouffle de la rejoindre.

" Asseyez vous. Montrez moi votre baguette. Qu'est ce qui vous tracasse en Défense contre les Forces du Mal ? Quel sort vous pose problème ? "

Peut-être valait il mieux commencer par là plutôt que de partir dans trop d'explications théoriques.

Le début de la réponse de sa directrice de maison fait se figer les doigts de Brynn sur sa baguette. Quelque part, il espérait un peu qu'elle le rassure en disant que ça n'était pas possible, mais au lieu de ça voilà qu'elle lui dit simplement que oui, c'est possible, ou plutôt que c'est même bien plus qu'une possibilité. Non, il n'est probablement pas capable de faire toutes les parties de la magie. Il n'est donc peut-être pas capable de lancer des maléfices. Les oreilles grandes ouvertes, il écoute sa professeur lui expliquer que tout le monde ne peut pas tout réussir, et qu'elle même ne sait pas faire certaines choses. Bizarrement, après avoir été pris au dépourvu par la réponse, il sent le soulagement le gagner. L'idée que personne ne puisse savoir tout faire lui semble finalement logique, et entendre l'adulte lui avouer qu'elle même a des difficultés le rassure, autant que cela le surprend.

Le chat de sa professeure saute de ses genoux, attirant le regard du petit garçon qui le regarde se rapprocher de lui avec un sourire sur le visage, oubliant un peu la discussion. En voyant la tête du félin se tendre vers lui, le Poufsouffle se retient de se baisser pour le caresser et se force à reposer les yeux sur sa directrice de maison qui lui parle désormais de son bulletin et de la variété des chemins vers la réussite. Brynn n'est pas vraiment sûr de comprendre ce que sa professeure vient de lui expliquer, par rapport aux chemins, mais il n'a pas le temps de chercher très longtemps : l'adulte se lève soudain pour aller s'asseoir à une table de la classe en lui faisant signe de la rejoindre.

Avec un peu d'hésitation, mais aussi un peu d'impatience à l'idée qu'elle va peut-être pouvoir l'aider, drôle de mélange s'il en est, le petit garçon va s'asseoir sur la chaise qu'elle lui désigne avant de lui tendre sa baguette. Sa longue baguette plutôt fine qui malgré son bois à tendance souple est particulièrement rigide, lui a dit Ollivander. Bois de noyer et crin de Licorne, elle fait quelques ondulations régulières en son centre, mais ce sont là les seules variations majeures de ce morceau de bois autrement plutôt droit. Ce morceau de bois qui est bien plus que cela, qu'il a appris à connaître, ces dernières semaines, et qu'il aime sentir palpiter au creux de sa paume.

« On travaille sur Flipendo et Lashlabask, mais j'aime pas trop attaquer et ma baguette... » il marque une petite pause avant de reprendre, levant les yeux dans ceux de sa directrice avec hésitation « Ce sont des maléfices et ma baguette est faite avec un crin de licorne alors je me suis dit que peut-être... elle aime pas ça non plus. »

Après tout, tout le monde sait que les licornes sont des êtres purs et le chapitre qu'il a lu disait bien que les baguettes contenant un de leurs crins n'aimaient pas être utilisées pour faire le mal.

Le gamin s'installa à côté d'elle et avoua sans broncher ses tracas. Par Merlin ! Une telle réaction était si rare, Sarah sentit un soulagement immense l'envahir. Enfin un élève sensé qui venait lui parler de ses problèmes et les lui expliquait ! Il faudrait que d'autres en prennent de la graine. La sorcière prit la baguette du jeune Poufsouffle et la fit tourner entre ses doigts tout en écoutant ses propos, l'observant avec attention.

" Les baguettes sont des objets particuliers. Elles choisissent leur sorcier et évoluent avec lui. En général, elles fonctionnent en effet plus naturellement sur certains types de sorts, en accord avec le sorcier qui la porte. Cependant, on peut lancer n'importe quel sort avec n'importe quelle baguette. Votre baguette ne refuse pas de lancer des maléfices ou du moins des sorts offensifs, c'est vous, qui refusez de le faire pour des raisons qui vous sont propres et que je respecte tout à fait. Maintenant, si vous n'aimez pas les sorts offensifs, il suffit de les voir différemment. "

Un petit sourire apparut sur le visage de la sorcière alors qu'elle réfléchissait à ses propos.

" De nombreux sorts sont détournés, souvent avec des intentions peu louables malheureusement, mais on peut aussi le faire dans l'autre sens. Vous n'aimez pas lancer Flipendo sur vos camarades, certes, mais avez vous essayer de le faire sur une crêpe pour la faire dorer des deux côtés ou pour pétrir une pate à pain ? C'est très pratique voyez-vous même si se salir les mains est une solution bien plus rapide pour son pain. Ne vous focalisez pas sur l'action que vous êtes en train de faire, mais sur l'effet du sort en lui même, vous trouverez une utilité autre que l'attaque si c'est ce qui vous gêne. Lashlabask peut être utile pour réchauffer l'eau d'un bain ou d'une casserole par exemple. L'important est de comprendre le fonctionnement du sort, quand ce sera fait, vous pourrez le lancer plus facilement même si la situation vous déplaît. Est ce que vous comprenez ce que je veux dire ? Ici, vous êtes dans une impasse car la situation d'utilisation vous répugne et que vous ne connaissez pas le mécanisme de façon naturelle, vous avez donc du mal à progresser. Est ce que vous voulez essayer de chauffer un peu d'eau ? Une petite tisane ne nous ferait pas de mal, qu'en dites vous ? "

Sur ce elle rendit la baguette en excellent état à son propriétaire et agita la sienne après avoir plissé les yeux un cours instant en direction de la porte du fond, signe d'une réflexion intense. Un instant plus tard, une théière apparut dans ses mains, bientôt suivi par une paire de tasses en porcelaine blanche.

" Rappelez moi les étapes pour un lashlabask. "

Bizarrement, ça l'intimide un peu, de voir sa directrice de maison observer sa baguette ainsi. Cependant, le sentiment passe rapidement, alors qu'elle reprend la parole, happé par ce qu'elle lui dit. S'il est encore une fois surpris lorsqu’elle réfute sa supposition, il se concentre pour comprendre, rassuré par son petit sourire.
Son exemple sur les crêpes - s'il a le mérite de lui faire comprendre où elle essaie de l'emmener - lui fait ouvrir de grand yeux étonnés. Il n'a jamais pensé qu'on pouvait utiliser Flipendo ainsi et il a soudainement bien envie d'essayer. Miss Priddy a raison : si un sortilège pour frapper ses camarades ne l'intéresse pas du tout, un sortilège pour retourner les crêpes est lui très attrayant. Même s'il ne sait pas faire les crêpes.
Il n'a cependant pas le temps de s'arrêter sur cette petite contrariété hors sujet que son enseignante lui donne un autre exemple d'utilisation qu'il n'a pas appris en cours, cette fois ci pour le Lashlabask, et il se raccroche à ce qu'elle lui dit, ouvert à toutes ces nouveautés qui semblent redistribuer les cartes de ses apprentissages laborieux.

« Il faut être concentré, visualiser des étincelles ou de l'eau brûlante, pointer la cible et dire Lashlabask » énonce le petit garçon, se concentrant pour prononcer correctement l'incantation « Et il faut être en colère aussi » ajoute-t-il, hésitant.

Ça n'est pas non plus la partie la plus simple du sortilège, pour lui, et en général quand il s'y essaie il n'arrive qu'à se sentir fâché à l'idée du sortilège qu'on lui demande de lancer, alors ça n'est jamais un franc succès.

Les yeux sur le service à thé que sa directrice a attiré à eux avec élégance, Brynn fronce doucement le nez, avant de remonter le regard sur sa professeure.

« J'ai jamais essayé avec de l'eau. Est-ce qu'il faut mettre sa baguette dedans ? ».

C'est qu'il n'a jamais fait prendre de bain à sa baguette. Il n'est pas vraiment sûr qu'elle apprécierait, puisqu'elle est en bois, mais après tout, puisqu'elle est magique, peut-être aime-t-elle bien barboter sous l'eau ?

Le petit kit pour pause anglaise s'était posé délicatement sur une table toute proche et Sarah tourna légèrement sa chaise pour y avoir accès.

" Je crois que vous avez tous les éléments théoriques nécessaires. J'ajouterais que votre gestuelle dans notre cas précis doit être très resserrée pour la simple et bonne raison que l'espace est restreint. Et oui, la pointe de la baguette devra être directement dans l'eau. Ne vous en faites pas, elle le vivra bien. Il faudra juste penser à la sécher pour que le bois ne reste pas trop longtemps mouillé, mais de nombreux sorciers travaillant en extérieur utilisent leur catalyseur dans des milieux humides sans soucis. Tout est question d'entretien, car nous n'avons pas, comme nos homologues d'Amérique du Sud des baguettes en acier inoxydable. "

L'idée d'avoir entre les doigts un catalyseur lisse en métal froid lui deplaisait assez à vrai dire. Elle aimait l'idée du bois qui accentuait le côté vivant et unique de chaque baguette. Sarah souleva le petit couvercle de la théière et la poussa légèrement vers le jeune garçon.

" Ah oui, pensez aussi qu'il n'est pas nécessaire de déverser toute votre colère dans ma théière. Une légère contrariété suffira et èvitera la formation d'un geyser. Par précaution, nous mettrons une tasse au bout du bec. Si vous y allez trop fort, vous ferez le chauffage et le service dans la foulée. "

L'enseignante ne put s'empêcher de rire un court instant en se remémorant d'ancien débordement de théière pendant des goûters ou les papotages avaient clairement pris le pas sur le geste magique.

" Si ça arrive, dites vous bien que vous ne serez pas le premier, ni le dernier, "ajouta t'elle en placant une tasse vide à la réception.

Les explications claires de Miss Priddy lui donnent presque l'impression d'être en cours de Sortilèges. Bien sûr, il n'est pas du tout en cours de Sortilèges, puisqu'il n'a pas cours de Sortilèges le mercredi. D'ailleurs, ils sont juste trois dans la pièce, lui, l'adulte et le chat, et il ne fait pas souvent face à un service à thé, pendant ses cours, pas plus qu'il n'est assis juste en face de sa directrice de maison.

Il n'est pas du tout en cours de Sortilèges, mais apprendre dans le calme à faire chauffer de l'eau dans une théière, guidé par les conseils de Miss Priddy, y ressemble fortement. Soulagé par cet état de fait, Brynn note dans un coin de son esprit que certains sorciers ont des baguettes en métal et ne peut s'empêcher de sourire timidement, lui aussi, alors que sa professeur se met à rire un peu.

Observant la théière, puis la tasse, avant de revenir sur Miss Priddy puis de nouveau sur la théière, Brynn ferme alors les yeux quelques secondes pour se concentrer. Il a très envie que les conseils de sa professeure soient les secrets qui le débloqueront enfin mais pour ça il faut qu'il réussisse à ressentir ce qu'il faut : pas trop de soulagement à l'idée d'être écouté, pas trop d'intérêt pour le chat qui les regarde non loin, pas trop de perplexité par rapport au fait qu'on lui demande d'attaquer des créatures alors que c'est beaucoup mieux de faire chauffer de l'eau et, quand même, un peu de contrariété. La contrariété c'est plus facile à ressentir que la colère, parce que des contrariétés, il en a plein. Par exemple le matin même il y a quelqu'un qui a pris le dernier cookie juste devant lui - ce qui est tout de même très contrariant, Llew lui manque beaucoup et il voudrait pouvoir dormir dans son lit de la maison qui est beaucoup mieux que son lit de Poudlard, parce qu'il est à la maison. Le mot contrariété vient de débloquer toute une foule de contrariétés enfantines. Tout plein de petites choses "pas très graves", mais quand même un peu, surtout à 11 ans.

Alors qu'il rouvre les yeux pour mettre sa baguette dans l'eau en imaginant l'eau se mettre à bouillir, il trace une petite vaguelette vers le bas en prononçant l'incantation nécessaire, comme il s'est entraîné à le faire dans la matinée et toutes les semaines précédentes. Soudain, la théière se met à faire Bloup bloup quelques fois avant de finir sur Schplouf ! qui s'échappe du bec verseur et Brynn cligne des yeux, totalement surpris, avant d'échapper un petit rire. Il a réussi ! Bon, il n'a pas du tout réussi, puisque l'eau s'est échappée, mais il a réussi, puisqu'elle s'est échappée ! Il a fait quelque chose !

« Oups ! »

Et, curieux, il approche sa main de la théière, pour en mesurer la chaleur.

« J'ai réussi ? »

Ça lui semble toujours un peu extraordinaire.

Le rire enfantin qui s'échappe de la gorge du petit brun alors que la théière crache son eau telle une petite fontaine fait naître sur le visage de la sorcière un sourire franc. Une vapeur légère s'élève de la tasse et du contenant initial, preuve que l'eau a bel et bien chauffé.

" De toute évidence c'est un succès Monsieur Wathen. "

Alors qu'elle observe le jeune sorcier, Sarah se surprend à songer que voir des gamins trouver des solutions à leur soucis est une récompense immense en tant que professeur et son sourire grandit encore un peu.

" Voulez vous une tasse de thé ou préférez vous aller vous entrainer avec d'autres récipients ? Pour vous faire un petit bain de pied après une longue journée, ça peut être tout aussi efficace. Ou pour faire un peu de vaisselle. Bien sûr, il faudra plus d'eau. Ici, le volume étant très faible, un petit jet suffit pour faire effet. Plus le volume d'eau à chauffer est important, plus votre fouet brulant est long, plus il vous faudra de conviction et de puissance. Vous risquez de prendre des bains de pieds tièdes au départ mais, ça vous motivera à faire mieux. "

Tout en parlant, elle s'était elle même servi une tasse et y avait plongé quelques feuilles de menthe fraiche et de dictame avant de poser son regard sur le jeune sorcier afin de savoir ce qu'il souhaitait faire de son côté.