On y est. La nouvelle saison de Quidditch. Ma sixième. L’avant-dernière. Enfin l’avant-dernière à Poudlard. Ensuite…

Ce ensuite, il a beau seulement être à deux ans du présent, il me semble terriblement loin, pour l’instant. Le Quidditch professionnel. La Ligue Britannique et Irlandaise de Quidditch. Ça fait des années que j’en rêve et je n’ai aucun mal à m’y imaginer. Pourtant, j’ai l’impression qu’il y a comme un immense trou noir, ou un immense brouillard flou entre moi maintenant, balai et batte en main, sur le terrain de Quidditch de Poudlard, à la tête des Griffes Ardentes et sur le point de débuter le premier match de la saison contre Serdaigle, et ce moi du futur, qui ne joue plus pour le simple plaisir mais qui a la batte et les cognards comme métier. Le passage de l’un à l’autre me semble être comme un saut de géant, le transplanage d’un monde à un autre.

Enfin voilà. Pour l’instant, je baigne dans la sécurité de mon seizième match à Poudlard. Je sais comment ça se déroule. Là, je prononce les derniers mots encourageants à mes coéquipiers. Ensuite, on se positionne pour le coup d’envoi. Je lance un regard à la p’tite Serdaigle de deuxième année qui me fait fasse, me demandant si elle est peut-être un peu stressée. Ou intimidée. Moi ça va, j’ai juste cette habituelle impatience et hâte d’en découdre qui picotent dans mes doigts et un sourire qui s’installe sur mes lèvres tandis que la tension qui souligne l’attente du sifflement de départ grandit. Ce cocktail d’émotions propre au Quidditch qui ne va pas tarder à exploser.

Coup d’envoi, c’est parti.

Je ne sais pas combien j'ai vu de cognards être libérés de la malle aux balles. Beaucoup. Vraiment beaaaaaucoup. Et il est vrai que souvent, je me précipite pour être la première sur la balle folle, mais cette fois non, cette fois j’attends. Dès que le cognard s’échappe de la malle, j’analyse la direction dans laquelle il fuse. Mon prochain regard se pose sur la trajectoire du souafle… récupéré par Britanny. Je souris : Brit ne loupe jamais un coup d’envoi. Et le cognard est loin, d’un loin à double-tranchant : trop loin pour être envoyé sur Gates, mais suffisamment loin pour ne pas perturber la première offensive rouge. Il ne servirait à rien de batailler là dessus et je préfère décrire un arc-de-cercle pour m'adresser encore une fois mon équipe suite à ce bon départ. Tout en tapant ma paume gauche contre ma batte, je crie :

“Allez allez allez ! Le stade est plein, il veut voir du spectacle, du spectaculaire et les Griffes Ardentes vont en livrer, du grand ! ”

La saison passée avait été serrée. Trois équipes à égalité en nombre de victoires. Il aurait été malhonnête de prétendre que l’une d’entre elles était sortie du lot l’an passé, ou qu’elle avait écrasé toute concurrence. Non, le niveau était relevé, et la coupe allait cette année aussi être disputée. Enfin, c’est ce qu’Alexander espérait, assis sur un fauteuil du vestiaire, les yeux fermés dans l’espoir de se concentrer. Leur premier match allait démarrer. Face à Serdaigle, leur bête noire de l’an passé. Un match qui s’était joué sur le vif. Les Griffes Ardentes devaient montrer que ce n’était qu’une erreur de parcours. Ils avaient des choses à prouver. Et de son côté, le gardien comptait bien montrer le fruit de son entraînement estival.

Le moment était venu. Alexander attrapa son Brossdur et enfila ses protections avant de sortir en direction du terrain. Serein, il était, comme toujours, conscient de la mission qui lui était attribuée. Ne rien laisser passer. Enfourchant sa monture, prêt à en découdre, il leva les yeux en direction des anneaux, écoutant distraitement les dernières consignes. Ça va le faire. Puis il décolla pour aller se placer derrière le reste de l’équipe. Comme d’habitude, il surveillerait leurs arrières, et profiterait de sa situation idéale pour observer le terrain. Enfin, si le temps ne se dégradait pas en l’empêchant de bénéficier d’une bonne visibilité. Dans tous les cas, rien ne l’empêcherait de jouer son jeu, et s'il le fallait, il redoublerait d'efforts pour donner de la voix.

Au coup de sifflet, l’anglais observa Britanny fondre sur le souafle pour s’en saisir avant son vis-à-vis. Une entame de match parfaite. Il n’aurait pas à arrêter de tir dans l’immédiat et pouvait se concentrer sur sa tâche de sentinelle. Peu de joueurs de Serdaigle à proximité, hormis Keaty. Une nouvelle recrue ? Parfait. Ses mains en porte-voix, il décida de l’interpeller. Il était temps de tester la résistance mentale de la joueuse des Ailes d’Airain. Leçon numéro un, rester loin de mes anneaux. Et si elle persévérait, elle l'apprendrait à la dure, en recevant la première pique que le gardien s'apprêtait à lui lancer.

Baxrendhel. Jenkins. Hitward. Peterson, Eastwood. Ça vous dit quelque chose ? Tous des noms de batteurs qui ont marqué Poudlard, depuis que j'y suis. Des noms qui continuent à hanter le château mais d'une façon positive : j'ai l'impression que seul l'image de ces joueurs-là s'est presque enjolivée au fil des années, comme si le temps avait le même effet sur le souvenir de ces personnes qu'un cours d'eau sur les cailloux posés au fond.

Ce qu'on retient, ce sont surtout les exploits. Mais fatalement, ces noms, on les entend de moins en moins, chaque année un peu moins. C'est comme si lentement, le souvenir s'efface. Normal, probablement : d'autres joueurs prennent le relais, des joueurs plus actuels, qu'on peut réellement voir joue sur le terrain et dont on peut suivre l'évolution au fil des années. Et finalement, peut-être qu'un petit nouveau arrivé en première année ce septembre n'entendra jamais parler, ni d'Eastwood, ni de Peterson. Ni même des légendes Hitward, Jenkins et Baxrendhel.

Je me demande combien de temps on entendra mon propre nom dans les couloirs de Poudlard. Peut-être qu'une carrière professionnelle aura un effet d'élongation ? C'est pas que d'habitude, je me préoccupe particulièrement de ce que peuvent bien penser les autres. De même que peut-être que dans dix ans, j'en aurai plus rien à faire de ce que mon nom fera à Poudlard...

Enfin voilà. Je sais un truc, par contre : c'est que la première étape pour devenir une légende du cognard, c'est d'en frapper. Alors dès que j'ai parcouru une fois rapidement le terrain du regard, je décolle ma batte de l'épaule sur laquelle elle était posée et fonce en direction du cognard. Le match vient à peine de commencer donc mon énergie est encore au max. Et je compte bien laisser aucune chance à la jeune Keaty !

Vite, Zoey avait prit son envol et avait foncé sur le souafle, qui ne l'avait pas attendu. Zut, encore loupé ! La joueuse en avait assez de se faire piquer la balle aussitôt le match commencé et elle soufflait de déception. Les rouges étaient décidemment trop rapide ou bien elle était trop lente. Tant pis, elle ne comptait pas la lui laisser longtemps et avait filé pour une possible passe de la part de sa coéquipière. Elle comptait sur elle pour leur voler le souafle. Un coup d'œil aux alentours et elle avait sourit lorsque Astrid s'était jeté sur le cognard. Encore fallait-il qu'il frappe sa cible mais la blonde était fière de son amie. Elle avait bien choisit en mettant la rousse au poste de batteuse titulaire et la voilà qui commençait bien le match. Tout allait bien de ce côté là ! James semblait rechercher activement le vif et Irene se préparait à arrêter si besoin était.

Malheureusement, il y avait eu besoin mais elle avait pu compter sur la rousse qui l'avait magnifiquement arrêté. C'était déjà ça car les aigles n'avaient guère besoin d'un premier but contre eux dès les premières minutes du jeu. Si les adversaires pouvaient attendre encore un peu, voir attendre qu'ils aient ouvert le score ce serait encore mieux. Mais il ne fallait pas rêver et la blondinette préféra se re concentrer sur le match. Si elle ne se trompait pas une balle allait arriver droit sur elle.

Les mains d'Irene s'étaient très agréablement refermées sur le souafle, elle qui avait été vaguement amusée par la comparaison du bébé Narcisse avec un mur, mais avait bien moins apprécié ses sous-entendus sur la tricherie, voilà qu'elle venait de faire honneur à ce surnom. Mais il restait encore deux problématiques : réussir à relancer correctement malgré le cognard et Leo et surtout être capable de réitérer l'exploit quand ce serait nécessaire dans la partie... Ce qui ne serait pas une mince affaire, surtout face aux Griffes Ardentes qui passaient bien trop facilement beaucoup de temps du côté du terrain de leurs adversaires.

Irene balaya le terrain du regard, aussi rapidement que possible, à la recherche de la cible de sa relance. Elina était trop proche, James trop excentré, restait Zoey, peut-être encore un peu éloignée mais qui semblait s'approcher. De toutes façons, la gardienne bleue n'avait pas le choix, il fallait qu'elle envoie son souafle avant que le cognard ne puisse faire un détour vers, ou plutôt sur, elle. Leo avait manifestement la ferme intention de la cogner... La septième année n'aurait probablement pas le temps non plus de tenter une figure, même parmi ses préférées, non là il fallait faire vite et efficace, c'est pourquoi elle pris de l'élan et de l'altitude, serrant bien la balle rouge dans sa main, puis, la lança de toutes ses forces vers Zoey et serra les dents, dans l'attente d'un choc, incapable de savoir où était le cognard à cet instant précis.

La fillette avait suivi le cognard du regard, craignant qu'il ne dévie, ou qu'elle se soit ratée, ou qu'un éclair quitte soudain les nuages, qui pourtant n'étaient pas si sombres que ceux d'un orage, pour venir frapper sa balle, la propulsant complètement dans l'autre direction -la colère de Dieu, de Thor ou une pure malchance- faisant de sa toute première action de joueuse officielle un échec critique. Mais non. Rien de tout ça. La balle suivit parfaitement la trajectoire voulue et vint cogner violemment le poursuiveur adverse. L'enfant ne retint une grimace, regrettant presque un instant d'avoir frappé si fort, mais elle n'avait pas le temps de s'appesantir sur d'éventuels regrets. Elle secoua la tête, et se répéta que c'était le jeu, et qu'il était son adversaire. Pas de pitié pour l'ennemi!

Animée une volonté nouvelle, regard (presque) d'acier, déterminée, elle se remit en chasse... juste une seconde, le temps pour le gardien rouge de balancer ses... ses méchancetés ! Elle se figea alors qu'elle allait s'élancer pour suivre le cognard. C'était pas vrai ce qu'il racontait, hein? Son regard quitta sa balle pour chercher Zoey du regard. Mais la blonde était sans doute trop occupée pour la voir... pour faire du babysitting... Elle allait sans doute essayer de tirer, et même marquer!, alors qu'elle, petite débutante de deuxième année, elle allait juste se faire battre à plat de couture par son adversaire, sur ce qui était censé être son terrain. Son regard dériva sur les bancs des remplaçants, sur Elin et... Orlaith? Fífl! Pas question de se ridiculiser devant ces deux là!

Hésitante, le cœur un peu lourd, elle se lança à la poursuite d'octobre de la Batteuse rouge. Bien sûr, trop tard pour l'empêcher de cogner la balle direction Irene, mais elle pouvait encore la protéger en déviant sa trajectoire. Elle ne réfléchit pas vraiment à sa cible, et se contenta de frapper.

Dévier sur Leo Ginger

Plus haute que ses coéquipiers, Elfie observait le début du match, Britanny était en forme comme à son habitude, elle avait réussi à s’emparer du souafle la première. Avant d’observer la fin de l’action, elle se tourna en direction d’Alex, il avait l’air serein, tout était parfait. Si ses coéquipiers brillaient, elle devait faire pareil, pour offrir la victoire à son équipe, et ne pas rester inutile tout le le long de la saison.

Dans le fond, la septième année le savait, elle n’y arrivait plus. Ses deux dernières saisons frôlaient le catastrophique. Mais faire surgir cette vérité face à elle était bien trop compliqué, compliqué de se dire que l’euphorie de sa première saison ne reflétait en rien son véritable niveau. Voilà deux ans qu’elle n’était plus régulière malgré les heures d’entraînement intense qui lui avait presque coûté son avenir dans le sport. Mais elle était toujours présente dans l’équipe titulaire, elle avait peut-être tord d’y croire encore mais si Leo la positionnait sur le terrain dès le début du match, c’est que l’a capitaine n’avait pas totalement perdu l’espoir concernant sa coéquipière.

Dans tous les cas, bonne ou mauvaise, il ne lui restait qu’un an et trois matchs pour prouver qu’en réalité elle était faite pour ce sport et qu’elle pouvait atteindre l’ISMI, trois matchs pour se donner à fond et montre qu’elle n’était pas qu’un simple boulet pour les griffes ardentes, bien que ce point ne l’importait peu, bien que relié vu que seule ses compétences l’intéressait. Si cette dernière saison ressemblait aux deux dernières, elle pourrait dire adieux à son projet d’avenir. C’était donc à elle se faire tout le nécessaire pour réussir en commençant par ce match. Elle devait rester concentrée sur sa principale tâche, attraper le vif d’or. Elle était donc assez haute sur le terrain, et tourner lentement pour avoir une vue panoramique sur l’ensemble du terrain, main serrée sur son manche prête à accélérer une fois la balle dorée en vue.

Se déplacer en E6

Alexander avait fait mouche. Si la batteuse des Ailes d'Airain pensait que son premier match allait être une partie de plaisir, elle se trompait lourdement. À chaque fois qu'elle s'approcherait un peu trop près de lui, que ce soit pour jouer de la batte dans sa direction ou dans celle de l'un de ses coéquipiers, il serait là pour lui rappeler qu'elle ne faisait pas le poids. Et que le match se jouait non seulement sur les qualités techniques, mais aussi et surtout au mental. Et la spécialité du gardien, c'était justement d'éprouver les joueurs adverses sur ce dernier point. Une tactique de lâche, de la méchanceté, ou au contraire une stratégie appliquée dans les règles de l'art, chacun pouvait bien y voir ce qui l'arrangeait.

Malgré tout, et l'amusement qu'il ressentait à s'acharner sur la nouvelle recrue de Serdaigle, le gardien ne perdait pas de vue le souafle. Il devait rester vigilant, d'autant que même si elle avait réussi une entame de match fulgurante, Britanny n'avait pas réussi à concrétiser. Mince ! Cela signifiait ainsi que la balle de cuir allait revenir assez rapidement de son côté du terrain. Il devait se tenir prêt. Et il n'était pas le seul. Justement, la poursuiveuse était en train de revenir à toute allure vers lui. Il pointa du doigt Redfly qui avait reculé de quelques mètres pour réceptionner la relance adverse, pour indiquer à sa coéquipière la zone vers laquelle se diriger, puisque tournant le dos à Gates, elle n'avait sans doute pas une visibilité optimale sur le jeu adverse. Il en profita pour lui crier quelques mots d'encouragement. Britanny était plus rapide, plus vive, et si la gardienne de Serdaigle n'ajustait pas parfaitement sa relance, Alexander était convaincu que la poursuiveuse réussirait une fois de plus à lui piquer le souafle avant qu'elle ne puisse réagir.