Vendredi soir. C'était enfin le week-end ! La classe avec les troisième année touchait enfin à sa fin. Le cours sur les Mandragore avait été particulièrement long et dense. C'était la même thématique depuis la rentrée, une fois les révisions passées : la plante avait été abordée et travaillée sous toutes ses formes, et la pratique tardait à pointer le bout de sa feuille au delà des quelques divers rempotages. Les élèves de troisième année commençaient à se lasser d'être assis sur une chaise à gratter encore et encore Mandragores sur leurs parchemins, Sigmund en avait conscience et se désolait lui-même d'être obligé de leur faire des contrôles pour vérifier que les connaissances ne disparaissaient pas à travers une passoire au fur et à mesure. Autant dire qu'avec tout ceci, et après avoir rendu des copies dont les notes ne volaient pas bien haut - et pourtant le professeur était indulgent, Sigmund était aussi heureux que ses élèves d'être enfin en week-end.

La serre méditerranée et la salle de classe qu'elle contenait se vidait de ses élèves alors que Sigmund commençait lui aussi à ranger ses affaires pour quitter les lieux. Il écrirait dans son bureau une petite lettre à Evelyn - il fallait que son meilleur ami soit au courant de tous les petits détails croustillants de sa vie et de celle de son fils Elian - puis remontrait en salle des professeurs.

Bientôt, il ne restait plus qu'une seule élève en classe. La petite Cheryl Styles ne semblait pas vraiment pressée de partir, chose étonnante puisque sa classe enchaînait soit avec un autre cours, soit entrait en week-end selon la filière. Quand il eut terminé de tasser parchemins et papiers divers dans son sac banane, le professeur s'approcha de sa jeune étudiante.

« Cheryl, je peux faire quelque chose pour toi ? Tu as une question sur le cours ? » s'enquit-il une fois auprès d'elle.

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Les cours de botanique du vendredi après-midi étaient particulièrement difficiles à surmonter, surtout quand la jeune fille savait que certains élèves étaient en week-end après ce cours-ci alors qu'elle, elle avait encore le cours de soin aux créatures magiques à suivre. Ce dernier n'avait rien d'une matière ennuyeuse, au contraire, elle était passionnante. Mais par Merlin, mettre une option en fin de semaine était cruel.

Après une séance de griffonnage de parchemin au sujet des mandragores — sujet qui, par ailleurs, commençait à taper sur les nerfs de Cheryl — le professeur de botanique dévoila les notes obtenues par les élèves durant le dernier contrôle. Et le résultat n'avait pas enchanté la rouquine. Certes, cette dernière n'avait pas donné corps et âme pour les révisions, mais elle avait suffisamment confiance en ses compétences pour obtenir une note convenable. Encore une fois, la Serpentard s'était surestimée.

Alors que la plupart des élèves étaient sortis des serres, Cheryl était restée là, rangeant ses affaires à une allure d'escargot, ses pensées toujours tournées vers sa note. Soudain, la voix du professeur Charleston la sortit de ses pensées. Elle le regarda, les yeux écarquillées aux premiers abords, puis plus détendus.

— Oh, à vrai dire j'ai compris le cours d'aujourd'hui, répondit-elle. Mais je ne comprends pas ma note, professeur, ajouta-t-elle en saisissant la feuille de contrôle. J'aurais dû avoir une meilleure note, non ?

Une meilleure note ? Ce n'était pas impossible, Sigmund était vraiment très mauvais en mathématiques. Parfois, c'était presque s'il ne passait pas plus de temps sur ses additions de notation que sur la lecture du devoir et son appréciation. Il n'était donc pas rare que des rectifications soient nécessaires pour des demi-points oubliés çà-et-là. Étonnamment, aucun élève n'était déjà venu le voir pour corriger une erreur menant sa note à la baisse. Le professeur était donc convaincu de savoir au moins compter dans un sens, même si l'autre faisait défaut.

« Regardons ça tous les deux alors. J'ai effectivement pu faire des erreurs, j'étais en plus très fatigué le soir où je vous ai corrigé. »

Il lui adressa un sourire qui se voulait rassurant et attrapa la plume la plus proche avant de tendre la main pour récupérer la copie. Il parcourut rapidement le parchemin, s'attardant particulièrement sur les notes de chaque question. Avec une lenteur qui rendrait sans aucun doute Cheryl très en retard pour son cours avec le professeur Dawson, Sigmund re-faisait mentalement tous les calculs. Un.. plus trois, quatre... et trois, sept... et... Les points et les demi-points s'ajoutaient les uns aux autres, et il tombait toujours et encore sur le même résultat.

« Non, on dirait que tout est bien correct. Tu ne tombes pas sur la même chose que moi quand tu fais l'addition ? » lui demanda-t-il, soucieux de comprendre.

Dommage pour les grands et petits sorciers, Poudlard ne dispensait pas de cours de mathématiques. À moins que le problème eût une origine différente ?

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La réponse du professeur lui fit comme un léger soulagement. S'il était fatigué lors de la correction des copies, une erreur de note n'était pas à exclure. Tandis que Mister Charleston scrutait avec attention la copie de Cheryl, cette dernière le regarda sans le lâcher des yeux, espérant l'entendre dire qu'effectivement, une erreur s'était faufilée dans le calcul. Seulement, les choses se passèrent autrement et il confirma avoir bien compté.

La rouquine souffla en baissant les yeux, l'air dépité. Peut-être avec une once d'exagération pour acquérir la pitié du professeur de botanique. Après tout, la Serpentard n'avait jamais été une lumière en cette matière, mais elle se débrouillait. S'il avait bien calculé sa note, Cheryl allait alors tenter de le faire culpabiliser — qu'il se dise "mais quelle pauvre élève qui a dû travailler si ardemment. Je ne peux pas lui attribuer une telle note."

— Les entraînements avec mon équipe de cheerleading m'ont pris pas mal de temps ces dernières semaines et... je suis un peu fatiguée, commença-t-elle en prenant une voix faible. La preuve, j'ai mal fait l'addition alors que vous aviez bien compté.

Ce genre de cinéma ne pouvait marcher avec n'importe qui. Heureusement que la troisième année était douée en défense contre les forces du mal car elle se voyait mal jouer cette comédie devant Miss Valerion. Mais Mister Charleston avait un coeur lui, au moins. Peut-être allait-il compatir ?

L'enfant aussi était fatiguée, disait-elle. Rien d'étonnant pour un vendredi soir, les élèves comme les adultes n'attendaient en général qu'une chose : le week-end et le repos promis. Il faudrait encore attendre un mois et demi pour avoir de véritables vacances - vacances qui d'ailleurs pour les professeurs consistaient principalement à corriger des copies et préparer un maximum de cours à l'avance. En somme, il comprenait plutôt bien l'épuisement de Cheryl.

« Ça arrive à tout le monde, ne t'en fais pas ma grande. Les mathématiques, c'est compliqué aussi. » Maintenant que l'affaire était réglée, elle allait quitter sa salle de classe, non ? Lui avait déjà reposé la plume sur la table, persuadé qu'il ne pouvait rien faire de plus pour aider son élève. Puisqu'il compatissait à son embarras, il ajouta avec un demi-sourire : « Si tu veux tout savoir, je commence à m'en sortir avec les additions et les soustractions, mais les multiplications et les divisions, c'est toujours terrain obscur pour moi. Continue à t'entraîner et tu t'en sortiras rapidement mieux. Tu es jeune, tu as le meilleur âge pour apprendre. C'est comme la Botanique. » Du bout de sa baguette magique, il pointa sa note entourée sur le parchemin. « Tu ne peux que progresser.» ajouta le professeur avec un ton qui se voulait rassurant. Il rangea sa baguette dans la petite poche de sa cape colorée et se décala sur le côté, pour laisser la place à Cheryl de terminer de ranger ses affaires et de partir, si elle en avait terminé avec lui.

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Par Merlin, le professeur Charleston submergeait la jeune fille d'encouragements et de mots gentils — ce qui était très gentil par ailleurs — mais sur le moment, Cheryl n'avait qu'une chose en tête : négocier sa note. Elle savait qu'elle avait une chance de réussir avec lui. S'il y avait bien un professeur avec qui c'était possible, c'était bien lui. Et la rouquine avait beau ne pas particulièrement apprécier la botanique, le professeur restait très sympa et passionné.

Ce dernier s'étais mis à parler de ses difficultés en mathématiques, paroles qui entraient par une oreille et ressortait par l'autre. Parce que pendant ce temps, la Serpentard creusait dans sa tête pour trouver mille et une raisons — ou excuses — pour augmenter sa note. Fatigue ? Déjà essayé sans succès. Incompréhension de la leçon ? Il dira sans doute que ça ira mieux la prochaine fois et qu'il pouvait l'aider en cas de question.

Alors que Mister Charleston était visiblement en train de clôturer la discussion, Cheryl se mit à réfléchir à la vitesse de la lumière et s'exclama :

— Attendez ! Elle marqua une pause, ne sachant toujours pas quoi dire. Ce que je veux dire c'est que... Il n'y a pas moyen d'augmenter un touuut petit peu ma note ? fit-elle en affichant des yeux de chien battu.

Nom de Merlin, sa dignité était partie en fumée. Pourvu que cela en vaille la peine.

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Sigmund avait déjà le regard posé sur la sortie et élaborait ses plans pour occuper les deux heures restantes avant le repas alors que Cheryl lui demandait soudainement d'attendre. Hein ? Mais les comptes étaient bons !

Il l'observa un instant, interdit mais surtout incertain de ce qu'elle lui demandait.

« Mais les additions sont correctes ? » répéta l'enseignant, très confus. Pourquoi semblait-elle si mal ? On aurait presque dit qu'elle était au bord des larmes, ce qui mettait le professeur extrêmement mal à l'aise. Faire pleurer une enfant, c'était déjà cruel, mais juste avant le week-end, c'était même pire puisqu'il lui faudrait réparer son cœur brisé sur des jours normalement consacrés au repos et au divertissement.

« J'ai fait une erreur ailleurs, c'est ça ? Il y a des réponses correctes quelque part que j'ai notées fausses ? » demanda-t-il puisque ça semblait être la dernière possibilité. Il pouvait difficilement être plus sévère d'une copie à l'autre puisqu'il notait par défaut toujours très gentiment. Il n'avait aucun doute là-dessus : les dossiers et statistiques établies montraient bien que les moyennes des élèves en botanique avaient augmenté d'un point ou deux depuis que Sigmund avait succédé à Archibald.

« Montre-moi. » proposa-t-il avec douceur. Ils iraient plus vite en procédant ainsi : s'il devait re-corriger l'ensemble de sa copie, son retard au cours suivant ne ferait que s'allonger. Elle devait bien savoir où il avait fait erreur si elle lui demandait des points supplémentaires, non ?

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La jeune fille ne savait pas si elle devait rire ou pleurer de la situation. Le faisait-il exprès ? Etait-il en train de feindre l'ignorance ? L'heure tournait et elle était déjà en retard pour son cours de soins aux créatures magiques. Il fallait clôturer la discussion, et vite. Mais seulement si le professeur Charleston accédait à sa requête. Et c'était pas gagné. Il n'y avait plus le temps. Fini les appels de phare subtils, de toute façon le professeur de botanique n'y voyait que du feu. Il lui fallait parler franchement.

— Écoutez, vous avez bien compté, vous n'avez pas fait d'erreur, fit-elle calmement. Ce que je vous demande c'est juste... une petite fleur ?

Un ton hésitant prenait le dessus. En même temps, la Serpentard n'avait pas envie d'être menaçante, surtout devant un enseignant aussi gentil. Avec lui, il fallait sûrement jouer la carte de la pitié. Allez Cheryl, tu peux le faire.

— J'ai eu une mauvaise note et j'aimerais bien que vous la montiez un peu parce que j'estime qu'elle ne reflète pas le travail que j'ai fourni.

La jeune Styles avait prononcé cette phrase de façon si fluide qu'elle fut elle-même surprise. Enfin, la surprise se transforma en fierté.

— Et puis... ça m'encouragerait vraiment si vous faites ça, ajouta-t-elle en affichant toujours un visage attristé.

Très confus, le professeur de botanique attendait de percer le secret de cette copie mal notée. Il commençait à relire le détail des réponses de l'adolescente - mais la copie, ni très longue ni complexe, lui révélait encore ce qu'il avait déjà constaté : pour une fois (car il faisait souvent des erreurs), ce devoir avait reçu très exactement la note qu'il méritait. Heureusement, Cheryl clarifia ses intentions : elle souhaitait simplement recevoir une fleur. Ça, c'était tout à fait possible : les serres de Botanique regorgeaient justement de tout un tas de plantes et certaines, en cette saison hivernale, affichaient malgré le froid de très jolies fleurs. Mais le rapport, quel était le rapport ?

Peut-être le voyait-elle confus, fort heureusement pour eux deux, elle lui apportait de nouvelles informations : c'était une métaphore ! Elle voulait une faveur !

« Ce genre de fleur ! » s'étonna l'enseignant avant de hocher lentement la tête. Oui, c'était plutôt clair désormais. Lui avait-elle réellement fait perdre son temps pendant de longues minutes, à compter et recompter, pour ça ? « Mais je ne peux pas faire ça, tu sais. Ce n'est vraiment pas bien, Cheryl. Par souci d'équité, il faudrait ensuite que j'augmente la note de tes camarades ! Et comment je fais pour ceux qui ont déjà la note maximale ? Je leur donne des bonbons en plus ? Non, je suis désolé... » Et, même s'il lui paraissait enfin évident qu'il se faisait totalement manipuler par la fillette, il ne pouvait s'empêcher de compatir : la pauvre avait effectivement dû beaucoup travailler et il était malheureux qu'elle ait une note aussi basse. « Je comprends que tu sois triste pour ta note mais je ne peux rien y faire. Si tu veux en revanche, je peux te proposer un petit devoir supplémentaire : tu le remplis et me le rends la semaine prochaine, et je l'intègrerai à ta moyenne si tu as une bonne note. Ça t'aidera à rattraper un petit peu. On fait comme ça ? »

Ça y est, il avait enfin l'air d'avoir compris ! Il en aura pris du temps. Cheryl laissa même échapper un soupir du soulagement. Malheureusement, ce qu'elle redoutait se produisit. C'était évident après tout. Le professeur Charleston avait beau être gentil, il ne pouvait pas se permettre d'augmenter la note d'une seule élève sous seul prétexte qu'elle n'avait pas eu le temps de réviser, même si c'était vrai cette fois-ci.

La rouquine baissa les yeux, tout en se mordant la lèvre. Elle avait un peu honte d'un côté. Tout ce cinéma, toute cette ridiculisation pour... ce résultat.

— Je comprends, fit-elle d'une voix faible.

C'était simple, elle devait simplement prendre davantage le temps de réviser la prochaine fois. Au moins, elle aura tenté.

Cependant, la Serpentard releva subitement le regard lorsqu'elle entendit la proposition de l'enseignant. Un devoir supplémentaire qui lui permettait peut-être de remonter sa moyenne. Ça, c'était une fleur.

— D'accord, ça me va ! Merci beaucoup professeur, s'exclama-t-elle en retrouvant un sourire radieux.

Peut-être bien qu'elle n'avait pas eu ce qu'elle voulait véritablement, mais c'était une proposition qu'elle ne pouvait pas négliger. Décidément, le professeur de botanique marquait des points en plus dans son coeur. Et puis, il lui tardait de finir cette discussion, autrement, elle aurait affaire aux sermons du professeur Dawson pour arriver aussi tard à son cours.