Rêver de lui, c’était comme une odyssée. C’était se rappeler chacun des détails qu’elle avait observés. Comme un voyage en terre à explorer. Rêver de lui, c’était penser à cette peau vanille délicate. Un jour, pourrait-elle la toucher ? Elle lui semblait précieuse comme de la soie, et elle aurait fait bien attention de ne pas l’abîmer. Elle avait déjà caressé des choses nobles et veloutées, mais une peau de garçon comme la sienne, jamais. Rêver de lui, c’était penser à ses doux cheveux châtain, qui semblaient résister à la brosse comme les siens y résistaient, doux point commun. Oh, irrésistibles à la brosse, en effet, voilà ce qu'ils étaient. Rêver de lui, c'était assister, sidérée, à la façon dont les visages de tous les personnages fictifs ou historiques magiques qu'elle avait pu un jour admirer se fondaient en un dans l'insoutenable certitude d'une évidence, estompés tous d'un coup de paupières. Oui, rêver de lui, c’était rêver de tout cela, à la fois tremblante et émerveillée. Alors oui, mille fois oui, dans la flamboyance de ces instants d'un luxe qu'elle ne commençait qu'à goûter, elle rêvait de lui, et rêvait de lui aussi toute éveillée.

Et, étrangement, ces rêveries la stimulaient plutôt que ne la distrayaient, et ce matin l'histoire de la magie s'était déployée comme on déroulait la douceur d'un enchantement dans le Beaux-Bâtons français — comme si la vie de Carole se drapait désormais toute entière de ce voile d'une délicatesse planante et damassée. Cette plénitude l'ensoleillait, assortie qu'elle était de la clarté d'une certitude rapidement trouvée, ce mot rapidement posé sur le sentiment éprouvé qui avait comme débloqué pour elle la possibilité de se laisser porter entièrement par les roulements de l'agréable sentiment.

Mais si les manuels de sorcellerie antique de la matinée n'avaient presque plus de secrets à lui proposer dans les replis de leurs pages illustrées, ce n'était pas le cas du ravissant brun qu'elle avait croisé. Et Carole aurait voulu pouvoir plonger dans ses pensées, savoir ce qui l'intéressait, le faisait avancer, ce qui le faisait danser de joie dans sa salle commune des hauteurs, ce qui le faisait vibrer de l'intérieur. Elle aurait aimé être celle avec qui il aurait cette sensation de s'envoler et de flotter qu'elle avait, celle vers laquelle il volerait, un sourire étincelant entre les dents et la peau toute brillante encore d'un entraînement.

Alors, tapie dans un coin des tribunes cinq jours après le match, elle s’était permis de venir à nouveau le regarder, répéter parmi les Griffes ardentes. Le contempler aurait été terme de plus grande objectivité. Captivée, elle mémorisait chacun de ses mouvements, comme autant d'indices qui lui permettraient d'accéder jusqu'au coeur de ce qu'il était. Elle imprimait chaque indication qui lui était donnée, et récoltait chaque miette de chacune de ses réactions. Frêle, recroquevillée et encapuchée, nichée comme dans un cocon contre un des bords du fond de la tribune vermillon, c’était un regard à un sens qui fondait sur lui : lui ne la voyait pas, elle en était persuadée, ce qui permettait à la Serpentard de se laisser aller avec un plaisir non dissimulé à ce doux sourire léger qui naît dans l'admiration des paysages d'exception.

Ne pas cligner des yeux. Alexander fixait Britanny sans sourciller. Plus que le souafle qu'elle tenait entre ses mains, son regard tentait de déceler le moindre mouvement qui annoncerait un tir imminent. Des muscles de ses jambes aux articulations de ses bras, il scannait la poursuiveuse avec une concentration à toute épreuve. Lorsque les Griffes Ardentes s'entraînaient aux tirs, parmi tous ses coéquipiers, c'était avec elle qu'il préférait pratiquer. Elle avait l'expérience, la créativité, la puissance et la précision. Lorsque le gardien redemandait à ce qu'elle tire, encore et encore, inlassablement, elle se repositionnait pour passer à l'offensive. Il ne l'avait jamais entendue rechigner. Et ses feintes. Par Merlin, ses feintes ! Lorsqu'elle en usait face à lui, il n'était pas rare qu'Alexander se fasse avoir comme un niffleur de trois jours. Et ce jour-là ne faisait pas exception. Dès que le poignet de sa coéquipière semblait indiquer que la balle de cuir aller quitter ses doigts en direction d'un anneau, il se penchait pour foncer vers celui qu'il estimait être la cible idéale. Et systématiquement, c'était l'anneau à l'exact opposé qui voyait le souafle le traverser. Britanny était redoutable, et autant qu'il était ravi de l'avoir dans son équipe, il plaignait les gardiens qui lui faisaient face.

Un mouvement subtil. Une cuisse qui se serre contre le manche pour donner une impulsion. Maintenant ! Alexander fondit en direction de l'anneau le plus haut. Mais pas de souafle à l'horizon. Ses yeux se posèrent quelques mètres plus bas, alors que la balle venait traverser l'anneau haut de quinze mètres. Le gardien frappa du poing sur son manche, tant la frustration commençait à le saisir aux tripes. Ses yeux, traduisant une détermination qui ne fléchissait pas malgré tout, se tournèrent à nouveau vers la poursuiveuse. « Encore un ! » Le front ruisselant de sueur, il se retourna et se pencha en avant pour aller récupérer le souafle qui chutait désormais lentement vers le sol. Alors que sa main gauche se refermait sur la balle responsable de tous ses malheurs, il replaqua une mèche de cheveux rebelles qui venait entraver son champ de vision.

Tiens ? Alexander fronça les sourcils pour y voir un peu plus clair, en dépit de la transpiration qui venait dégrader sa vision. Là bas, quelque chose avait attiré son attention. Ou plutôt, quelqu'un. Il n'était pas inhabituel pour les Griffes Ardentes de trouver quelques personnes assistant à leur entraînement. Mais la silhouette encapuchonnée semblait tenter une approche plus discrète. Là où l'anglais se trouvait, difficile de distinguer avec précision qui se trouvait là, et quel était son objectif. Mais de toute évidence, au vu du poste d'observation qui avait été le choix de ce mystérieux observateur, son regard semblait se diriger vers les deux coéquipiers et leur séance de tirs. Affirmant sa prise sur le souafle, Alexander tourna le dos au curieux personnage qui avait pris place dans les tribunes. Qui que tu sois, tu vas pas regretter d'être venu ! Un adversaire en quête d'informations ? Une fanatique de Quidditch transie de froid ? Peu importe, il n'avait rien à cacher, les qualités techniques individuelles des joueurs de Gryffondor n'étaient un secret pour personne, alors autant en faire profiter son public du jour. Accélérant, il profita de l'inertie naturelle apportée par sa monture pour relancer le souafle en direction de sa coéquipière. Un mouvement aussi précis que puissant, comme il aspirait à réaliser lors de chacun de ses matchs. C'est reparti !

Et c'est quoi l'espoir ?
Du bonheur qui attend.
- Aldebert


Si les moments avaient été des onomatopées, celui-ci aurait été un "mmmmmmmmmmmm" moelleux comme un nuage cotonneux, étendu à perte de vue, à perte de voix, qui se serait logé dans les tribunes, à travers les murmures du vent dans le parc tout proche, par-delà même murs et porches pour se lover enfin dans l'immensité du ciel bleu roche. Après le flash soudain dans le stade, coup de cymbales dans le cœur, "waw" qui avait cogné, le moment présent se présentait sous l'allure d'une longue prolongation qui se parait progressivement et continuellement, dans les replis de chaque minute de plus qui passait à le contempler, de ce qui venait avec chaque prolongation d'un plaisir : l'espérance qu'il allait durer. L'espérance même, qu'il allait s'accentuer. Mmmmmmmm.

Et Carole notait chaque petit détail avec cette attention consciencieuse naturelle : il envoyait la balle de sa main gauche, il déployait son bras en laissant paraître ce bleu sous son muscle, visiblement trace d'un coup, il aimait le négligé et l'emmêlé, que le vent parachevait dans ses cheveux désordonnés et les replis de ces vêtements nonchalamment enfilés... il n'aimait pas : ne pas s'adonner tout entier à l'activité de gardien qui l'occupait, à laquelle il semblait livrer toute son énergie ; chacun des moments décisifs serrait les expressions sur son regard et son front et ses doigts se crispaient un tantinet autour de son balai. Crispations qui n'étaient pas les premières, ce que racontaient ses mains veineuses, noueuses, musculeuses de sportif, qui complétaient le galbé d'une svelte silhouette musclée qui laissait sans peine deviner, sous un tel regard prolongé, les séances de musculation non seulement bien existantes, mais aussi fréquentes qui l'avait dessiné. Toute la rationalité de Carole était, on le voyait, fort occupée à détailler ce ravissement qui la remplissait... et il lui semblait si naturellement logique à y regarder que face à un tel spectacle tout spectateur ne puisse qu'être irrésistiblement aimanté.

Et en même temps d'être si inévitable et évidente, et si facile à expliquer rigoureusement, l'attraction pour le Gryffon échappait à toute logique qu'elle avait connue par le passé. Elle ne pensait pas pouvoir aimer des couleurs aussi claires avant d'avoir vu combien elle était attirée par cette peau aux accents vanille-lin. Elle ne pensait pas pouvoir aimer des corps aussi accidentés avant d'avoir vu la façon dont ses bleus, du même bleu égyptien que celui de ses veines apparentes, agissaient comme un charme coloré sur le vanillé de ses bras musclés. Ni aimer le désordre avant cette impression que lui faisait tout ce désordre dans ses cheveux et ses habits : il lui semblait qu'il aurait pu porter n'importe quoi, se coiffer n'importe comment, et toujours avoir ce je ne-sais-quoi de férocement fascinant qui accroche et retient le regard du passant. En un sens, c'était aussi comme si, dans l'esprit de Carole, le Gryffon avait instillé sa propre logique, bouleversant d'un grand coup de chamboule-tout tous les critères préarrangés qui lui avaient précédé et qu'elle croyait destinés à ne jamais tomber.

Et emportée par ce strike dans ses émotions et même ainsi dans toute la logique de ses pensées, Carole était tombée à son tour, amoureuse. Et le temps d'observation contemplative n'arrangeait rien à la chose. Alors au-dessus de ses joues roses, il n'y avait pas de doute : à tout l'agrément et l'attente qui s'y lisaient et y croissaient, s'ajoutait ce supplément d'âme spécial qu'il y a dans un regard qui, en plus de contempler, désire ce qu'il est en train d'observer.

@Carole Kelce merci pour l'invitation
@Alexander Luben quelle notoriété

Britanny semblait l'avoir remarquée, elle aussi. Cette présence dans les tribunes. Et elle aussi semblait être intriguée. Était-elle dérangée ? En tout cas, sa concentration avait été perturbée. Si tel n'avait pas été le cas, elle aurait récupéré le souafle sans se précipiter. Comme à son habitude. Mais sa réception avait quelque chose d'inhabituel. Même si ses mains s'étaient refermées habilement sur la balle de cuir, tout était différent. L'angle formé par ses doigts, le son produit par la réception. Un claquement plus sec, plus sourd. Comme si les muscles de la poursuiveuse s'étaient brutalement tendus, et n'avaient pas eu le temps d'amortir le choc pour accueillir cette balle avec souplesse. Non, quelque chose parasitait son esprit.

Saluer mes fans ? Alexander pouffa de rire. « Dis plutôt que t'as besoin d'une pause, je t'ai vue, en train de t'endormir, à l'instant ! » Un soupçon de mauvaise foi pour lui rendre la pique qu'elle venait de lui envoyer. Mais pour que sa coéquipière se détache de son entraînement, c'est qu'elle devait franchement se demander ce que cette personne pouvait bien manigancer, tapie là-bas. Le regard désormais songeur, il adressa un hochement de tête à son amie. C'était décidé, il allait voir ce qui se tramait. « Je reviens, profite en pour aller boire un coup ! » Puis le gardien transféra progressivement son poids vers l'avant de son Brossdur pour se diriger vers le sol. Sans toutefois atterrir, il récupéra sa gourde, judicieusement posée sur un banc pour pouvoir être attrapée en plein vol, avant de tirer sur son manche pour reprendre de l'altitude. Dans son mouvement, il tenta de capter l'attitude du mystérieux visiteur des tribunes. Toujours assez difficile de déterminer où se portait son regard, mais peut-être que Britanny avait raison. Cette personne était-elle là pour l'observer, lui ? Seulement lui ? Mais Merlin, pour quelle raison ?

Pour ne pas faire fuir l'étrange personnage, l'anglais décida de ne pas se diriger droit vers lui. Non, il allait le prendre par surprise. Cette fois, il se pencha sur son balai, et accélérant, il s'éloigna du terrain, de façon à sortir du champ de son champ de vision, enfin, en considérant l'hypothèse qu'il était vraiment observé. Puis il contourna les tribunes, et repris de l'altitude, arrivé juste derrière celle qui attisait sa curiosité. Là, il s'éleva au dessus des gradins. Juste là, sous ses yeux. Et non sans mal, le gardien reconnut les couleurs de Serpentard. Tiens donc ! Puis, tel un rapace, il fondit sur sa cible avec vitesse, et tira du bout des doigts la capuche de cet enfant de Salazar, découvrant ainsi son visage, avant de s'arrêter net. Juste devant elle. Elle ? Une peau mate, des cheveux bouclés, ce regard indéchiffrable. Son premier réflexe fut le même que la première fois que leurs regards s'étaient croisés. Haussement de sourcil. Pas de doute, il s'agissait bien d'elle. L'étrange Serpentard des tribunes.

Après quelques secondes d'observation, Alexander fut rappelé à lui par sa soif. Le bouchon de sa gourde entre les dents, tentant d'offrir à son corps un rafraîchissement bien mérité, il tenta toutefois d'articuler quelques mots. « Ch'peux t'aider ? » Puis un silence, le temps de profiter de l'eau, si précieuse, qui venait lui redonner un peu d'énergie. Soupir de satisfaction. Pfiou, ça fait du bien ! Désormais, il était pleinement concentré sur la mystérieuse vert et argent.

Le Gryffondor avait visiblement annoncé qu'il s'en allait, et procéda aussi selon ses dires, laissant notre Serpentard un instant rêveuse, le menton déposé entre ses mains, comme si le contact de ses mains avec sa tête allait lui permettre de mettre le doigt sur ce rêve des minutes passées, de capturer ce rêve comme lui capturait les souafles. Aaaah.

Elle savourait la magie de ce moment de rêverie, son attention toute à ses émotions qui faisaient tout valser en elle - elle s'était tant focalisé sur le garçon que la présence encore d'une autre coéquipière n'avait fait qu'effleurer ses idées pour aussi vite en ressortir. Et une fois ce souvenir de la contemplation d'aujourd'hui chéri, bercé dans ses pensées, elle en imaginait la suite comme un épisode supplémentaire d'une histoire d'un livre à écrire. Un livre qui raconterait une histoire absolument géniale. Qui raconterait comment, à l'avenir, les deux héros se rencontreraient et se plairaient.

Mais ce conte n'était pas encore entièrement écrit qu'un grand frisson froid traversa sans s'arrêter toute son échine, faisant trembler toutes les parcelles de sa peau. C'était le vent, qui venait de faire tomber sa capuche. Mais ledit vent qui venait d'apparaître avait des doigts lisses et c'était leur frôlement sur ses cheveux enchevêtrés qui avait provoqué ce contact d'un instant, le tout premier, entre le Gryffon et la Serpentard.

Et, non content d'avoir déjà retiré sa capuche, le gardien s'installait juste devant son regard à elle, avec cette légère oscillation en arrière de la tête d'un freinage juste sous ses pupilles déjà conquises. Alors que son corps à lui ainsi ralentissait, tout dans son corps à elle au contraire se dilatait, s'emballait. Et des pulsations plurielles frappaient, trottant trépidantes sur ses tempes. C'était comme si, dans ce palpitant papillonnant, sa peau avait découvert le versant plein de chaleur du premier frisson éprouvé lorsqu'il l'avait frôlé.

Il y avait en effet quelque chose d'éminemment artistique dans le contact entre l'eau et le Gryffon, l'eau dans ses bulbes papillaires avait ce brillant... ce brillant des rosées de printemps. Et chacun de ses mouvements, chacun des petits instants qui en composaient leur déploiement, qui avait lieu si près d'elle maintenant, l'émouvait profondément.

Et ses gestes sans retenue qui cherchaient à maintenir la gourde ou le balai, occupaient le paysage qui s'évanouissait tout autour. Il l'avait ouvert de ses dents et semblait habile à cet endroit, pensa Carole, peu surprise de ce fait finalement, s'attardant encore un instant sur la fibre de ses lèvres.

Le regard de la brune dut finalement plonger dans celui du Gryffon quand celui-ci lui adressa la parole. "Waaaw" parvint-elle à articuler en réponse à la question, sans parvenir à l'assurance à faire tout tomber à la renverse, les défenses et les coeurs, du Gryffon. Et ses yeux clignèrent. Elle ne savait pas si elle était émue ou éblouie par ce qu'elle voyait, ce qu'elle entendait. Très probablement émublouie, si vous voulez mon avis.