Un manteau obscur enveloppait déjà le château de Poudlard en ce début de soirée ; à l'approche de l'hiver le Soleil laissait sa place à la Lune de plus en plus tôt. Et dans le sillon de la Lune brillaient les étoiles, ces scintillements dans le ciel semblant à la fois si près et si loin. C'était ces étoiles qu'Alyssa avait envie de regarder ce soir afin de dissiper son esprit préoccupé.

Ses baskets râclaient les volées de marches d'escaliers menant jusqu'au plus près du ciel de Poudlard, sa main ne tenait qu'à peine la rampe. Les pensées de la jeune fille était ailleurs, ne cessant de ramener au présent les deux évènements l'ayant particulièrement marquée durant ces deux derniers mois. Les malheurs causés à Narcisse par le kidnapping de Klee. L'incident avec le Calmar Géant à la rentrée. Et dans ces faits se répétaient des noms que la Gryffondor n'aurait jamais voulu savoir. Parfois, Alyssa se sentait comme écrasée, compressée par ses pensées, et regarder les étoiles lui semblait être une formidable idée pour ce soir.

La jeune fille arriva enfin en haut de la tour dans un soupir de soulagement. Elle allait finalement pouvoir souffler seule, sans avoir à voir qui que ce soit. Mais lorsque son regard bleuté se dirigea tout naturellement vers la rambarde de la tour, elle eut la surprise de constater que non, elle n'était pas toute seule en haut de la tour. Il y avait déjà un homme, un homme qu'Alyssa reconnut rapidement comme étant l'infirmier de Poudlard, Monsieur O'Belt.

- Bonjour M'sieur..., dit la Gryffondor d'un ton surpris, quoique lasse de voir sa tranquillité tant espérée déjà s'éloigner.

A une distance raisonnable de l'infirmier, Alyssa s'approcha du bord de la tour afin de pouvoir voir les étoiles. Elles étaient déjà bien visibles à cette heure là -sans aucun doute l'un des seuls intérêts de voir la nuit se coucher aussi tôt. Mais le regard de la jeune fille dériva rapidement vers l'étendue noire, plate et calme, qui s'étendait tout autour de Poudlard. Elle aurait tant aimé que le château ne se trouve pas sur une île qui la ramenait sans cesse à ses peurs.

La présence imprévue de Monsieur O'Belt alluma néanmoins une petite lumière dans la tête d'Alyssa. Quelques semaines auparavant, la jeune fille avait songé à lui demander quelque chose en particulier, sans finalement trouver l'occasion, le temps, ou peut-être le courage de le faire. Elle se retourna vers lui, semblant prête à lui dire quelque chose, elle ouvrit la bouche... Mais aucun son n'en sortit.

Non... Ce soir là ne semblait pas être l'occasion non plus.

Diarmuid avait toujours aimé admirer le ciel la nuit. Il n'avait pas grand attrait pour l'astronomie u delà des quelques nécessités liées à tout ce qui touchait aux soins et pourtant... Pourtant il venait régulièrement ici une fois la nuit tombée. Ou bien profitait d'une des fenêtres du couloir de l'infirmerie pour perdre longuement son regard sur les étoiles qui peuplaient la voute céleste. Il savait en reconnaître bon nombre et en retrouver au moins autant. Mais beaucoup de détail de leurs histoires ou de leurs symboliques lui échappait. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu un cours sur le sujet. Ni à Poudlard, ni de la part de son précepteur Mister Lynch. Cela ne le dérangeait pas spécialement et puis s'il les nommait dans le silence de son esprit, c'était plus par habitude que nécessité. Comme un rituel qui lui permettait de ne penser à rien d'autre. Ca faisait du bien, de ne penser à rien. Il était tellement accaparé par les scintillements, nez en l'air et donc nuque et cervicales en extension, qu'il prêta à peine attention à la porte qui s'ouvrait. Après tout, le couvre feu était encore bien loin, donc les élèves pouvaient bien venir. Tant que c'était calme, il s'en fichait. Et il en avait besoin après sa journée. Juste quelques minutes de paix avant de rentrer chez lui.

Une voix féminine résonna bientôt, d'un ton ambivalent qu'il n'était pas à même d'interpréter ce soir là. Il se contenta de tourner la tête vers la jeune fille, Gryffondor de son état, pour ui rendre la salutation. "Bonsoir Miss." Il passa ensuite une main distraite dans son cou, massage rapide pour faire passer la gêne liée à sa position précédente, avant de reprendre son observation contemplative et apaisante. Il inspira longuement avant de se laisser aller à un soupir d'aise.

Aussi soudainement qu'était apparue l'idée d'Alyssa de demander quelque chose de bien particulier à l'infirmier, elle s'était ravisée et s'était retournée à la contemplation du ciel étoilée, à nouveau appuyée sur la rambarde. La Gryffondor estimait que c'était une mauvaise idée et que, même si Monsieur O'Belt lui avait tout naturellement rendu son salut, il n'était sans doute pas disponible pour discuter en dehors de l'infirmerie ; après tout c'était un infirmier. C'était de même pour les professeurs : c'était généralement mauvais signe lorsque l'un d'eux venait parler à un élève en dehors des cours. A part Monsieur Charleston, bien sûr, il était très attentionné avec les Gryffondors et ne donnait jamais de méchantes punitions.

Maintenant, Alyssa se voyait regretter de ne pas se trouver seule sur cette tour, afin de laisser ses inquiétudes enfin s'envoler avec le vent nocturne. Les bras sur la rambarde, elle appuya sa tête dessus, fixant l'horizon qui se brouillait sur ses rétines. Un soupir d'aise la fit tressaillir avant que la jeune fille n'en comprenne l'origine et elle leva un sourcil. L'infirmier, lui, ne semblait vraiment pas dérangé par sa présence, du moins apparemment.

Bon. Ce n'était vraiment pas dans les habitudes d'Alyssa de rester amorphe, indécise, comme en cette soirée. Elle se força à réfléchir calmement : soit elle partait, soit elle parlait. Mais il ne lui était pas possible de négliger la présence d'un adulte alors que tout ce que la jeune fille avait souhaité en ce lieu si près du ciel, c'était de souffler un peu et cela seule. Aller Alyssa, tu restes polie et gentille et rien ne pourra t'arriver, se dit la blondinette, sentant une légère appréhension poindre face à ce qu'elle se préparait à faire. Une nouvelle fois donc, Alyssa se retourna et ouvrit la bouche, mais cette fois pour vraiment prononcer une question :

- Monsieur O'Belt, je peux vous demander un truc ?, elle hésita un instant avant de rajouter, Si ça ne vous dérange pas.

Concentré sur les étoiles, ou plutôt perdus dans une observation passive de ces dernières, Diarmuid pensait très sincèrement que la jeune fille ferait comme lui. Profiter du calme et du scintillement de ces boules de feu ô combien lointaine sans forcément chercher à socialiser. Car oui, même le plus sociable des O'Belt avait besoin de sa bulle pour se recharger. Il était vrai qu'il y parvenait facilement, y compris au contact de ses proches - contrairement à ses frère et sœur qui avaient vraiment besoin de moments entièrement en solitaire.

Aussi, l'irlandais fut surpris d'entendre la blonde s'adresser à lui et il lui fallu plusieurs secondes pour que son cerveau interprète les différents mots correctement. Il y eut donc un temps de latence entre la question de la Gryffondor et le moment où il baissa la tête pour pivoter vers elle et lui répondre: "Oui allez-y, il n'y a pas de soucis." Certes, son visage avait très probablement arboré un air surpris pendant une fraction de seconde. Mais a priori, au moment où le contact visuel s'était fait avec l'adolescente, il avait repris le contrôle de son expression faciale. Et puis de toute façon, dans la nuit et sans aucune autre source lumineuse que celle des astres, n'importe qui serait bien en peine de distinguer quoique ce soit de la sorte à la distance qui les séparait.

- "Je vous écoute, de quoi voudriez-vous me parler?"

A peine sa question posée, Alyssa regretta instantanément son initiative. Pourquoi ne s'était-elle pas simplement laissée bercer par le spectacle hypnotisant des étoiles ? Pourquoi déjà avait-elle interpellé l'infirmier qui se trouvait ici par un coup du sort ? La réponse s'imposa pourtant tout naturellement à elle : les astres scintillant dans l'épais manteau noir qu'était devenu le ciel ne parvenait pas à étouffer ses pensées, ses inquiétudes.

Pendant un court instant, Alyssa cru que l'homme n'avait pas entendu sa question. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Peut-être que tourner les talons et oublier cette occasion serait finalement la bonne option ? Mais finalement, celui-ci pivota en la direction de la blondinette et lui indiqua qu'il n'y avait pas de soucis à ce qu'elle lui parle. Plongée dans la nuit illuminée seulement par les astres lointains, Alyssa ne put lire une expression sur son visage. Mais s'il n'y avait "pas de soucis", alors elle pouvait parler sans risque ?

L'homme reprit la parole. "Je vous écoute"... Cela détendit légèrement Alyssa, l'infirmier semblait honnête. Elle prit une inspiration pour se préparer, ouvrit alors la bouche et commença à mi-voix :

- OK, alors...

Alyssa s'interrompit instantanément alors que des évènements bien plus récents à ceux mêlés au kidnapping de Klee ou a l'incident au lac lui revenaient en tête. La nuit d'Halloween, avec le dessin étrange de Gideon, les machinations de Niks, l'alliance des deux avec Éli allant jusqu'à accuser Alyssa de fautes qu'elle n'avait pas commises. Et plus récemment encore, littéralement la veille même : sa dispute avec Éli. L'esprit d'Alyssa avait été torturé toute la soirée par cette scène qui n'avait cessé de se rembobiner sous ses yeux perdus, alors qu'elle peinait à réaliser toutes ces choses qu'elle avait pu dire à cette fille qui était autrefois son amie.

Alyssa pouvait-elle vraiment se confier à Diarmuid en gardant l'esprit tranquille ? Est-ce que parler ne l'exposerait au contraire pas davantage ? Sa respiration s'était bloquée dans sa gorge et la jeune fille eut besoin de quelques instants supplémentaires avant d'oser dire :

- Est-ce qu'avant que je vous le dise, vous pourriez me jur... Enfin me promettre que vous n'en parleriez à personne ? Pas à un professeur, pas au concierge... (Alyssa fit une grimace en pensant à l'homme.) Pas à Ennis ou à un autre élève... Vous voulez bien ?

Le ton interrogatif qu'Alyssa avait utilisé pour ses derniers mots était tinté d'inquiétude, elle avait vraiment besoin de cette garantie pour ne pas se sentir exposée par ses paroles. Pour une fois qu'elle essayait de prévoir le danger...

Bien qu'il lui ait assuré être attentif à ce qu'elle souhaitait lui dire, il sentait que la petite restait hésitante. C'était donc que le sujet la préoccupait grandement, sinon, elle ne resterait pas silencieuse. Il en savait quelque chose, lui-même, son frère, sa sœur tous les trois avaient de grandes difficultés à se confier et demander de l'aide. Alors, il patienta, laissant à la petite blonde le temps dont elle avait besoin pour commencer à parler. Par la suite, il savait qu'il y aurait plusieurs possibilités; soit elle parlerait d'une traite, soit il devrait l'aider en posant des question pour l'aider à organiser son récit.

Après un court moment, la Gryffondor se lança, mais pas en exposant son souci, plutôt en lui demandant une preuve de confiance. Elle voulait sa parole qu'il n'en parlerait pas, à personne, en citant des noms bien précis, y compris celui d'Ennis. "Quand bien même je suis proche de ma sœur," le nier ne servait à rien, "je n'ai aucune raison de lui parler de ce que me confie les autres élèves. Ni à elle, ni à aucun de vos camarades. Même si ça n'a rien à voir avec un problème médical. Sauf si c'est une demande de votre part." Il restait la question des adultes. Ca, c'était plus complexe. Parce que selon ce que la blonde allait lui confier, il savait qu'il ne pourrait pas juste laisser faire. Que s'il devait agir pour la sécurité d'un élève, il ne pourrait pas faire comme s'il ne savait pas.

- "Je ne sais pas encore de quoi vous voulez me parler. Mais je suppose que vous ressentez le besoin de vous confiez, que peut-être vous avez besoin d'aide." Posa-t-il doucement avant de poursuivre. "Je comprends votre inquiétude à l'idée que je puisse en parler à quelqu'un, je vous promets de ne pas en parler à une condition," il n'avait pas élevé la voix pour parler, il continuait calmement comme l'incitaient à le faire les toiles, "si quelqu'un court un risque, il faudra que je puisse intervenir." Il laissa une petite seconde et continua. "Je vous promets cependant de vous prévenir si c'est le cas. Et si c'est possible nous pouvons décider ensemble de comment je pourrais le faire." Il n'avait pas quitté l'adolescente des yeux pour parler. "Est-ce que ce marché vous convient?" Le souafle était entre ses mains.

La pénombre ambiante aurait pu être inquiétante pour d'autres jeunes élèves : ne pas être capable de distinguer précisément les expressions de son interlocuteur ou même les environs rendus fantomatiques par le scintillements des étoiles. Mais pour Alyssa, ne pas discerner les traits du visage de Diarmuid ne lui posait nullement problème, bien au contraire même : se confier à un adulte était une décision déjà bien assez difficile, l'obscurité les entourant rendait la situation moins réelle. Et cette décision née d'une réflexion mêlée à une impulsion ne cessait de faire miroiter ses doutes à la Gryffondor. Était-ce la bonne décision ? Depuis quand se préoccupait-elle de prendre de bonnes décisions ?

C'était pour cela qu'en dépit de l'accessibilité et de l'oreille que l'infirmier de Poudlard lui avait démontré, la jeune fille avait préféré assurer ses arrières. S'assurer que l'adulte ne dirait rien. S'assurer que personne ne pourrait savoir qu'elle avait demandé de l'aide. Après qu'elle eut posé sa question, Alyssa avait détourné le regard, pas vers le paysage qui ne lui rappelait que sa peur la plus profonde mais vers cette la porte qui l'avait menée jusqu'ici quelques instants plus tôt. Si Monsieur O'Belt ne lui promettait pas de garder le silence, il y avait seulement quelques enjambées à faire pour s'enfuir loin de cette situation. Fuir ne figurait pourtant pas dans le vocabulaire courant d'Alyssa : elle ne fuirait pas face à un adversaire lui fonçant dessus au Quidditch, elle ne fuirait pas face à un élève d'une année supérieure la menaçant, mais cette simple idée de se confier à un adulte la faisait sérieusement chanceler.

Néanmoins, les premiers mots qu'eut prononcé l'homme rassurèrent légèrement Alyssa. Des phrases claires et direct, dites de manière sincère. OK... Au niveau des autres ça devrait aller..., se dit doucement la jeune fille avec prudence. Mais... Et les adultes ? Elle fronça légèrement les sourcils en se rendant alors compte de ce détail de la plus grande importance alors que l'infirmier poursuivait. Besoin d'aide... Alyssa haussa évasivement les épaules à ces paroles, son regard clair refusant toujours de croiser celui plus foncé de son interlocuteur. Ce dernier avait bien compris que la troisième année avait besoin d'aide, et ce peut-être même plus vite qu'elle-même. Mais qu'est-ce que c'était dur à admettre...

Cependant le ton doux qu'employait l'infirmier incitait Alyssa à l'écouter docilement sans se braquer. Elle avait relevé les yeux vers lui au mot "condition", sans être trop marquée par la méfiance mais plutôt par l'attente de savoir. A ses paroles, la jeune fille resta un instant immobile, songeuse, avant d'hocher presque imperceptiblement la tête du haut vers le bas. Cela faisait sens, oui. En fait, si l'adulte lui avait immédiatement promis de garder le silence, peu importe le contenu de sa confession, cela aurait pu au contraire renforcer la méfiance et les doutes d'Alyssa. Mais là, l'homme lui proposait un marché, lui donnant la sensation de n'être considérée ni comme une gamine immature ni comme une élève pas très sage. Et elle comptait bien honorer ce choix.

Alyssa planta alors ses yeux dans ceux de l'infirmier qui ne l'avait pas quittée du regard et dit simplement :

- Oui. Ca me convient.

Curieusement, à ses propres mots, la jeune adolescente eut l'étrange impression qu'un poids important s'était retiré de son cœur. Elle allait pouvoir parler et à cette pensée, elle respirait mieux... Peut-être même un peu trop en fait. Son souffle se coupa un court instant en comprenant qu'Alyssa était à l'imminence de ce qu'elle n'avait cessé de repousser durant des semaines. La jeune fille rompit le contact visuel avec Diarmuid et son regard se dirigea de lui-même pas vers la porte, non, mais vers le lac qui miroitait au loin sous les étoiles. Ce lac qui lui était si difficile de contempler alors qu'il n'était pour ainsi dire guère difficile à rater, étreignant la bordure de l'école, ou l'emprisonnant comme le soufflait le cœur d'Alyssa.

Les mains de la jeune fille se tordaient maintenant l'une contre l'autre avec nervosité et la blondinette tarda à s'en rendre compte avant de les plonger dans ses poches, pour les cacher. Elle se força à inspirer une fois, puis à expirer. Il n'était pas question de montrer une telle faiblesse devant un adulte alors qu'elle n'était plus qu'à deux boursouflets de se confier. Pas question de lui montrer ô combien ce dont elle voulait parler lui tenait tant à cœur. Alyssa devait se comporter comme une véritable Gryffondor, car c'était son évidence de toujours qu'elle serait répartie en la maison des plus courageux.

Même si aujourd'hui, c'était une peur qu'elle voulait confier.

- C'est que... C'est que... Malgré l'apparence qu'elle essayait de se donner, Alyssa n'en menait vraiment pas large, et gardait maintenant ses grands yeux posés sur le lac, comme hypnotisée. Hypnotisée par ce manteau d'eau si lisse, si calme, qui l'avait pourtant à la rentrée entraînée dans les profondeurs, et les semaines suivantes jusqu'à ses plus profonds cauchemars. Son cœur rata un nouveau battement avant que la jeune fille ne ferme fortement ses yeux l'espace d'un instant, avant de se forcer à, une nouvelle fois, regarder l'infirmier. J'ai peur de quelque chose... Elle marqua une pause. Tellement peur que je peux pas dormir, pas penser à autre chose, pas trembler en le voyant... Et... Et... Nouvelle pause chancelante. J'crois qu'à cause de ça, il se passe bien trop de trucs mauvais pour moi cette année...

Alyssa s'interrompit brusquement, entendre ses propres paroles lui donnait presque le vertige, un vertige qu'elle ne ressentait jamais lorsqu'elle volait à haute altitude sur son balai ou lorsqu'elle se trouvait en haut de la tour d'Astronomie comme maintenant. La jeune fille prononça maintenant à mi-voix :

- Et j'sais pas comment arrêter ça...

Ses mots se turent alors dans sa gorge et la blondinette baissa le regard, incapable de garder la tête haute plus longtemps sous le poids de ces paroles qu'elle n'aurait jamais cru prononcer un jour.

La blonde mit du temps à analyser son offre. Enfin du temps... Quelques minutes pour qu'elle considère son unique condition et la manière de la mettre en application. Finalement, assez peu de temps pour qu'elle accepte le tout sans chercher à rediscuter de quoi que ce soit. Diarmuid hocha alors la tête avant de se redresser, dos au vide, le bassin et les mains en appui sur le parapet; en posture d'écoute. "Dites-moi." Deux petits mots prononcés assez doucement pour l'inviter à se confier.

Et puis l'attente. Une attente où il perçut certains signes de stress. Le regard dans le vide, les mains qui se tordent l'une contre l'autre et une sensation dans l'air... Il sentit sa magie s'agiter en lui et se diriger, non pas vers ce qu'il appelait son noyau mais vers son crâne. Une manifestation qui se produisait quand il s'apprêtait à user de Legilimencie. Sauf que là, il n'en était rien. Il percevait simplement une émotion assez forte. C'était étrange que cela provoque une telle réaction en lui. Il prit le temps de se concentrer su sa respiration, la faisant longue mais discrète et l'ébullition magique se calma, lui permettant d'être tout à fait disposé à écouter. Et heureusement car la petite lui confiait là, non pas de soucis de harcèlement comme il avait pu l'imaginer mais une peur paralysante. Avec tellement d'emprise que même trouver du repos lui était impossible. Une peur qui allait donc la consumer petit à petit

- "Si je comprends bien, ce... quelque chose fait parti de votre quotidien au château?" Une phrase mi-affirmative mi-interrogative qu'il avait dite après les derniers mots de la Gryffondor, ceux qui s'étaient perdu dans la nuit. Il avait l'essentiel mais il lui manquait des éléments pour saisir de quoi il retournait. "Je peux vous aider, il existe des potions pour favoriser l'endormissement et le sommeil. Dans un premier temps ça vous aidera à vous reposer. Mais..." Les yeux marrons de Diarmuid cherchèrent ceux de son interlocutrice. "Il faudrait que j'en sache plus sur ce..." il ne pouvait pas nommé ce dont il ignorait la dénomination, "... et bien ce quelque chose pour que je puisse vous aider à gérer votre peur. Pour qu'elle ne vous paralyse plus." Expliqua l'irlandais sans hausser le ton. "Qu'est-ce que vous en dites?" Dans un premier temps, il ne pouvait pas parler de Mia. Non, c'était trop tôt. D'abord, réussir à apaiser la jeune fille, ensuite, tenter d'aborder le cœur de la question et seulement après tenter d'inclure la spécialiste de l'esprit dans l'équation.

Les paroles d'Alyssa s'étaient éteintes dans l'ombre des étoiles et elle gardait maintenant sa tête ostensiblement baissée. Dans l'obscurité à peine éclairée par la Lune, la jeune fille ne distinguait que vaguement la pointe de ses baskets, et même ; elle était bien trop troublée par ses propres mots pour être capable de se concentrer dessus. Avoir dit à voix haute les effets que lui procuraient cette peur d'une intensité inqualifiable pour son esprit ne semblait la rendre que plus réelle. Alyssa n'en revenait pas d'avoir avoué, et cette réalisation pour la moins laborieuse lui donnait un vertige qui n'était en rien dû à la hauteur de la Tour d'Astronomie. Les battements de son cœur redoublèrent d'intensité, tintant à ses oreilles, lui donnant l'impression que l'obscurité entière lui pressait le corps, tandis que sa respiration s'accélérait légèrement.

Elle ne savait pas comment, pour l'une des rares fois de sa vie -la première fois ?, elle avait parlé d'une de ses peurs. Ce simple fait d'avoir peur qui pouvait paraître si anodin pour certaines personnes mais si intolérable pour son propre esprit. Peut-être était-ce parce que la jeune fille ne connaissait pas vraiment cet homme, peut-être parce qu'il l'avait aidé le soir où tout avait commencé, peut-être aussi que sa position d'écoute l'avait rassurée ; et surtout ce marché qu'il avait bien voulu lui proposer.

A la question de l'infirmier s'élevant alors, Alyssa eut un petit hochement de tête : il avait compris que ce "quelque chose" était toujours présent ici. Elle refusait toutefois de prendre le risque de rencontrer le regard de l'adulte et gardait ainsi ses yeux clairs rivés vers le sol. Une affirmation de Monsieur O'Belt arriva alors : "Je peux vous aider". Il pouvait donc vraiment l'aider... Ces simples mots arrivèrent directement dans le cœur de la jeune fille qui sentit son pouls quelque peu se soulager. Des potions pour s'endormir et surtout bien dormir, cela signifiait que les cauchemars peuplant ses nuits disparaîtraient ? Nouveau petit hochement de tête d'Alyssa.

Mais son regard restait fixé sur le bout de ses baskets, alors que l'infirmier poursuivait doucement, d'un ton calme qui restait accepté dans la tête d'Alyssa. Ce dernier reprenait ses propres mots, ce qui aidait l'esprit troublé de la jeune fille à comprendre... Mais elle réalisa alors qu'il fallait vraiment indiquer à à l'homme la nature de sa peur. La respiration de la troisième année s'accéléra à nouveau sans qu'elle ne puisse la contrôler, et regardant dans toutes directions sauf celle de l'infirmier, elle tourna sa tête rapidement plusieurs fois à droite et à gauche, avant de reculer d'un pas, le visage blême sous la lueur de la lune.

Le regard d'Alyssa se dirigea alors à nouveau vers la porte la séparant des escaliers qui pouvaient la mener vers sa salle commune, avec ses fauteuils rouges rassurants et son feu de cheminée réconfortant. L'homme ne l'empêcherait jamais de partir et peut-être même, avec un peu de chance, qu'il ne connaissait même pas son prénom. Quelques pas seulement la séparaient d'un monde où cette conversation n'arriverait jamais à son terme, une solution pour la moins séduisante.

Mais dans ce monde, Alyssa ne voyait aucune lumière à son... Problème. Aucune solution à ce "quelque chose" qui lui empoisonnait tout bonnement la vie. Il s'écoula quelques instants pendant lesquels la jeune fille ne distinguait même plus -ou plutôt refusait de voir- le visage de l'infirmier. Elle recula d'un autre pas, et son dos rencontra alors la paroi glacial du parapet la séparant du vide, lui procurant comme un flash de lucidité éclairant ce que son cœur essayait de lui souffler. Une seule option s'imposa à son esprit.

Il fallait qu'elle réponde.

Mais... Comment ? Alyssa était déjà bien en peine de ne pas céder à la fuite -ou pire à la panique qui l'étreignait à nouveau.

- Heu..., marmonna-t-elle en plaquant ses mains dans son dos, sentant à nouveau le contact froid de la roche du parapet, essayant vainement de se concentrer dessus. Pourquoi, déjà, avait-elle voulu demander de l'aide à l'infirmier ? C'était... C'était... C'était lui qui l'avait aidée, ce soir là, n'est-ce pas ? Peut-être pouvait-elle partir de cela ?

Alyssa disait généralement les choses directement, et agissait même de manière assez directe, sans s'embêter à prendre des détours inutiles. Mais ici, même avec un adulte se montrant pour le moins à l'écoute et rassurant, c'était bien trop dur ; et l'air tantôt affolé, tantôt déboussolé, de la jeune fille l'illustrait peut-être à merveille. Ce fut ainsi qu'elle répondit après quelques instants encore, d'un ton presque inaudible, coupé par sa respiration répétée :

- Vous... Vous vous souvenez à la rentrée ? Après... Heu... Les barques... J'crois... C'est vous qui m'avez... Aidée... A... Heu...

Le regard d'Alyssa se dirigea à nouveau par dessus le parapet, vers là où brillait innocemment le lac sous les rayons de la Lune. Elle avait l'impression que si elle parlait plus, elle devrait vite se pencher par dessus bord pour vomir toute la pression qui l'étouffait.

Le regard de la blonde était fixé sur le bout de ses pieds, comme si relever la tête et le regarder - pour ce qui était visible dans la luminosité ambiante -, était trop difficilement surmontable. C'était une posture de défense que le châtain connaissait pour l'avoir tant de fois observée en consultation mais aussi pour l'avoir lui même expérimenté en tant que personne ayant besoin de parler. Quand on avait honte de quelque chose - voir qu'on se sentait coupable - dire ou avouer quelque chose droit dans les yeux était une telle difficulté...! Alors une nouvelle fois, il patienta, récupérant les indices comme il le pouvait.

Un hochement de tête, un deuxième, les épaules qui se soulevaient bien plus vite d'un coup, le mouvement de panique qui alerta ses propres sens puisqu'elle reculait dangereusement vers le vide. L'irlandais se prépara et porta doucement sa main à sa baguette, le début de nuit l'aidant à être discret. A tout moment, il devrait lancer un sort pour l'empêcher de tomber ou la rattraper. Et puis elle s'était plus ou moins ressaisit et il put à nouveau respirer. Elle restait dos au parapet mais aussi pleine de signe d'anxiété. Et pourtant elle parla. La rentrée, les nombreux élèves dans le lac, trempés jusqu'aux os. Il avait fallu faire vite pour sécher tout le monde et les faire remonter au château. Trop sûrement, l'aspect traumatisant avait probablement été négligé tant par Elina que par lui. Pourtant il avait souvenir d'avoir abordé les choses en donnant de la Pimentine à chacun. Il aurait probablement dû être plus attentif. Sauf qu'on ne refaisait pas le passé alors il devait se concentrer sur l'instant présent.

- "Je me souviens oui." Dit-il en s'avançant doucement jusqu'à se trouver près d'elle, quoiqu'à un bon mètre de distance. Il ne fallait pas qu'elle se sente oppressée. "Ca vous dirait de vous asseoir?" Il comptait lancer un sortilège de coussinage pour que cela soit plus confortable pour leurs postérieurs respectif mais aussi faire apparaître une petite balle à malaxer qu'il proposerait à la jeune fille pour s'occuper les mains. "J'ai vu beaucoup de monde ce soir là. Vous avez subi les retournements des barques." Posa-t-il doucement en suivant le mouvement de la Gryffonne pour s'asseoir en même tant qu'elle si elle le faisait bien. "C'est l'eau? Le lac? qui vous fait si peur?" Continua-t-il sans hausser le ton avant de regarder le sol puis de revenir vers elle. "Vous n'avez pas appris à nager avant d'arriver à Poudlard peut-être?" Pour le coup, il savait très bien ce que c'était, il avait appris sur le tard, en sixième ou septième année quand Owen avait compris qu'il ne savait pas.