15h30, c'était l'heure à laquelle il avait donné rendez-vous à l'élève de Gryffondor qui lui avait fait une vilaine farce la semaine précédente. Debout à l'entrée des serres, Sigmund attendait l'élève, les bras croisés. Le petit marmot n'avait pas intérêt à être en retard, sinon quoi il risquerait une multiplication de ses retenues. Plusieurs jours étaient passés et pourtant, le professeur de botanique n'était pas parvenu à se débarrasser de son agacement croissant. Jamais, au grand jamais plus il ne voulait qu'une Bombabouse explose dans ses serres, et encore moins si proche de sa fragile moustache. Pourtant, malgré la rancune étonnamment coriace qui tranchait avec ses habitudes, Sigmund était revenu sur sa décision d'imposer plusieurs retenues au garçon. Évidemment, il se garderait bien de lui dire sur l'instant. Tout dépendrait donc de son comportement durant ce premier temps partagé à deux.

C'était chose curieuse de lui avoir donné rendez-vous à l'exact même endroit où Lyam avait lancé sa Bombabouse, mais à sa connaissance, le garçon n'était pas encore revenu sur les lieux depuis. C'était l'occasion, même si quelques jours s'étaient écoulés, de reprendre leur échange exactement où il en était, et de confronter encore une fois le Gryffondor à ses farces douteuses. Adossé contre une des grandes baies vitrées de la serre Méditerranée, Sigmund se fit la réflexion que les blagues de Dean et Sebastian lui manquaient presque. Il ne les avait pas connus longtemps, mais ces deux-là cachaient au moins un certain génie dans leur façon de faire. Il y avait la puérilité en moins et l'art en plus, même s'il se doutait qu'à l'âge de Lyam, ces deux derniers ne devaient pas être très malins non plus.

L'heure approchait. Lyam serait-il en avance ? Pile à l'heure, ou retard ? Pire, lui ferait-il faux bond... ?

298

J'avais longtemps pensé à sécher ce rendez vous. Mais après la lettre d'Aisling pour me prévenir de la réaction de mes parents, mon avis s'était fixé. Je tiens à la vie. A vrai dire, je savais parfaitement qu'ils réagiraient comme ça. Ce n'est pas pour rien que je l'ai fait. Il était évident que je détestais l'autorité. Et montrer à mes parents que j'en avais rien à faire de s'te foutu règlement était amusant. Enfin tant que je ne rentrais pas à la maison. Oh et puis va pas me dire que je suis le premier à faire ça ! Bon dans le nez du prof, je veux bien. Mais si je suis vraiment le premier à lancer une bombabouse, alors cette école est vraiment nul ! En plus de ça, je n'avais qu'une demi-heure pour sortir du cour de vol, aller me débarbouiller et me changer parce que hein eu on est en novembre, la pelouse est pas forcément toute sèche, puis redescendre jusqu'aux serres. Tout ça en prenant mon gouter par ce que c'est pas tout mais le vol, ça creuse.
Je devais être à peu près dans les temps lorsque je sortit du château. Plus je me rapprochais des serres, et plus l'impression que j'allais m'en prendre une s'accentuait. Je me répétais donc en boucle "Aller Lyam, c'est un prof il a pas le droit de te frapper" puis "alors c'est sûr que si ça serait ton père, là il faudrait se préparer à avoir mal à la joue".
C'est certain que quand j'aurais le malheur de renter à la maison ça aller mal tourner. Pour moi en tout cas. Si j'arrivais à tenir une conversation avec mon père sans qu'il ne m'en décolle une après ça…
Alors je ne suis pas une horloge sur patte mais je pense ne pas trop être ne retard lorsque je me présenta devant Mr. Charleston. Enfin j'espère.


@Sigmund Charleston, j'ai peur

« Lyam, te voilà. » salua sobrement le professeur de botanique. Sans avoir l'air spécialement agacé ou sec, le ton simple de l'enseignait tranchait toutefois nettement avec son enthousiasme habituel. Voyant cependant le gamin fort peu à l'aise voire certainement inquiet pour ce qui l'attendait, Sigmund se permit un léger sourire pour le détendre. « Ne t'en fais pas, va. Je ne vais pas te manger. Suis-moi. » Il quitta le confort de la large vitre contre laquelle il était adossé pour se diriger vers la porte, juste à côté. D'un mouvement de baguette magique, la serre méditerranée s'ouvrit pour laisser passer le professeur et son élève. Les lieux avaient été grandement nettoyés - même si ce n'était pas vraiment nécessaire - et surtout bien aérés depuis l'incident de la semaine précédente. À vue d'yeux et de nez, il n'y avait donc plus aucune trace du passage de la Bombabouse, si ce n'était le mauvais souvenir laissé au professeur.

« Je voulais éclaircir quelque chose avec toi avant de commencer, Lyam. J'ai déjà contacté tes parents, comme tu le sais, et tu as écopé d'un blâme pour ton comportement. Tu sais que ce que tu as fait n'était pas acceptable. Mais pourquoi être venu me demander si la possession de Bombabouses était autorisée en premier lieu, avant de m'en lancer une ? C'était pour te payer ma tête ? » Le ton, loin d'être accusateur, se voulait simplement posé et curieux. Sigmund avait envie de comprendre ce qui pouvait se tramer dans la tête d'un petit garçon de onze ans, car pour lui ses actes étaient parfaitement incompréhensibles, et il était frustrant de ne pas réussir à se mettre à sa place pour s'expliquer puis pardonner.

289

Mr. Charleston m'invita à le suivre à l'intérieur de la serre. Cette même serre où avait explosé ma Bombabouse. Je le laissa parler en baissant les yeux. Sa dernière question faisait mal. Pas mal comme un coup de poing dans le ventre. Mal à l'intérieur. Et c'est pire encore. Aisling m'avait prévenue de la réaction de mes parents. Je commencerais donc par là. D'un ton presque ironique je dit au professeur

- Oh et la réponse de mes parents vous à plu ? Vous avez vu, ils sont sympa hein.

Puis je recommença à fixer le sol. C'est bien le sol. Il te râle pas dessus lui au moins. Je savais parfaitement ce que je voulais dire à Mr. Charleston. Ce que je voulais lui faire comprendre. Ce qu'il devait comprendre. A tout pris. Dans un chuchotement, je lui livrais ceci

- Ch'uis désolé m'sieur. A la base c'était pas sur vous que je voulais faire ça. C'était sur Miss. Valerion, histoire d'énerver mes parents. Mais ch'uis pas suicidaire m'sieur. Pas à ce point en tout cas.
En fait si vous voulez tout savoir, j'ai fait ça uniquement pour énerver bien fort mes parents. Et ça à marché non ? Mon père à promis de m'taper n'est ce pas ? Vous inquiétez pas qu'il le fera. Il tient toujours ses promesses. Ce qui veut pas dire que je recommencerais pas. Au contraire.

Quoi que pouvait en penser le prof, je n'avais pas tout dit. Loin de là Je pourrais tenir un monologue sur mon père, et mon grand-père par dessus le marché, pendant une heure. Sans aucun problème. Malheureusement.

@Sigmund Charleston

Ça lui faisait mal au cœur de voir le gamin, yeux baissés vers le sol. Sigmund n'aimait pas le rôle qu'il jouait actuellement - celui de l'adulte qui demandait des explications à un enfant fautif, mais en tant que professeur et directeur d'une maison, c'était toutefois parfois nécessaire.

Lyam se montra particulièrement amer, à la limite de l'insolence. Mais surtout, son récit était très inquiétant. Si au début, Sigmund tiqua sur le fait qu'il avait songé à lancer une Bombabouse sur la professeure Valerion - son acte était donc totalement prémédité, sa pensée fut rapidement chassée par les aveux qui suivaient. Vouloir énerver ses parents, c'était parfaitement normal à son âge. Ce qui l'était moins, c'était la violence dont il semblait être victime. Même s'il ne cautionnait absolument pas l'acte de Lyam, Sigmund commençait à comprendre qu'il avait été le dommage collatéral d'une tentative de rébellion, et de la reproduction d'un schéma familial tâché de violence.

Abandonnant sur l'instant la punition qu'il avait en tête, le professeur de botanique fixa un instant le garçon avant de pousser un léger soupir, désolé.

« Suis-moi, Lyam. Nous allons plutôt discuter dans mon bureau, ça sera plus confortable. »

Il se dirigea sans attendre vers la petite porte au fond de sa salle, derrière le bureau de sa classe. Ouvrant magiquement la porte, il se décala pour laisser passer l'enfant.

227

Mr. Charleston semblait sincèrement désolé lorsque je releva la tête. Il n'y avait pourtant pas de quoi s'inquiéter. Ca ne fait plus si mal que ça à force. J'ai l'habitude.
Le professeur m'invita à le suivre dans ce qui semblait, si on en crois ses propos, son bureau. De mon point de vue on dirai plutôt la chambre d'un enfant de trois ans mais tout est relatif… Un nombre inimaginable de photos et de dessins de gamins ornent les murs. Si trouve aussi une table basse et un petit canapé. Avec un service à thé. Maintenant, ça ressemble plus au salon d'une grand mère moldue.
Je me demande bien ce que le professeur va vouloir que je lui dise maintenant qu'on est dans son bureau. J'aurais pas plus de choses à dire ici que dehors.
Avançant dans la pièce, je vint me poster derrière le petit canapé, les mains posées sur le dossier. Si bien sûr que je sais ce qu'il va me dire. Mais je ne lui dirais que ce qui est indispensable pour qu'il me laisse partir. C'est pas pour rien que j'en parle à personne. Même mes frères ne sont pas totalement au courant. Il y a des choses que je ne veux pas dire. Qu'il ne faut pas dire. Rien que pour sa propre sécurité. Je l'apprécie quand même. Ca me ferais mal qu'on le retrouve mort dans son lit dans moins d'un mois. A cause de moi.

242 mots
@Sigmund Charleston

Après avoir laissé Lyam prendre place dans son petit bureau, Sigmund referma la porte derrière eux. Alors qu'il s'installait sur le petit fauteuil faisant face au canapé, il eut la drôle d'impression que le marmot cherchait à se glisser derrière ce dernier, pourtant bien calé contre le mur. Si telle était son intention, alors il se retrouverait bien vite face au choix de rebrousser chemin, ou de décoller le canapé du mur pour se poster derrière.

Passé le moment d'incompréhension, le Directeur de Gryffondor retrouva bien vite son sérieux. Sa moustache ne camouflait cette fois aucun sourire. Le sorcier s'essayait à la lecture du visage de l'enfant, à la recherche d'une quelconque émotion ou signe d'inconfort.

« Assis-toi, si tu veux. Mon canapé ne va pas te manger. Après quarante ans de bons services, il n'a plus vraiment de dents, tu sais. » dit-il avec douceur, tentant de désamorcer la situation par une petite blague qu'il espérait de pas trop mauvais goût. « Comment te sens-tu, Lyam ? Tu as reçu un blâme pour ton comportement, ce n'est pas anodin. Comment le vis-tu ?» Il avançait à tâtons, sans trop savoir où il s'engageait. Pas Psychomage pour un sou, il n'en demeurait pas moins le Directeur de maison du jeune sorcier. Si l'enfant rencontrait des problèmes à son domicile, il était de sa responsabilité en tant qu'adulte d'intervenir à son échelle ou de porter un signalement. Encore fallait-il que le garçon ait envie de lui parler...

Navré pour le retard !

Poussé par le professeur, je m'assis sur le canapé. C'est vrai qu'il n'avait pas l'air tout jeune. Mais confortable et c'était le principal.

Plus que la blague, ce fut les questions qui me firent sourire. Les adultes pensaient donc vraiment qu'on était obligé de mal réagir après s'être fait disputé. Comme si j'en avais éprouvé le moindre remord. L'ironie et la provocation étaient des moyens de défense. Et malgré le peu de sérieux que j'éprouvais, ce fut comme ça que je répondis.

- Très bien, pour ne pas dire que je m'en fiche.

En général, les adultes réagissait assez mal à ce genre de remarque. Mais c'est plus drôle que de faire la gueule. Je savais que je risquais d'avoir des ennuis pour répondre de cette manière. Mais comme je l'avais dit au prof, je m'en fichais comme de mon premier gnome. Provoquer les gens était toujours très drôle. Drôle mais risqué. Plus c'est risqué, plus c'est drôle.

Je me doutais que Mr. Charleston avait très mal pris mon lancé de bombabouse. Pourtant je ne parvenais pas à m'en vouloir. Pas que ça me paraisse normal, mais pas de là à m'en vouloir. Si ça ça me faisais culpabiliser, rien ne pourrait me paraître anodin. Me faire coller pour ça, quand on voit tout ce que j'ai fait. C'est pitoyable.

220 mots
@Sigmund Charleston

Je m'en fiche. Ça ne l'avançait pas beaucoup, le professeur Charleston. Qu'était-il censé faire d'un enfant qui disait de pas se soucier d'une sanction reçue, pourtant loin d'être anodine. Il était pourtant le premier à s'inquiéter, à priori, de la réaction de ses parents. C'était peut-être au final sa seule préoccupation. À cet instant, Sigmund regrettait de ne pas avoir lu davantage de bouquins sur la psychologie enfantine et adolescente : il lui manquait nettement des clefs pour comprendre le fonctionnement du garçon, et malheureusement, ses propres douze ans étaient trop loin pour qu'il s'en souvienne parfaitement.

« Tu t'en fiches. » répéta-t-il, penaud. Sigmund cligna des yeux deux fois, puis se gratta le bout du nez. « As-tu déjà reçu une lettre de tes parents, depuis ? » demanda-t-il avec hésitation. Aussi délicat que fut le sujet, le garçon se montrait aussi peu coopératif qu'expressif. Alors, quitte à être muet ou peu causant, l'enseignant confus se résolut à poser frontalement les questions qui le taraudaient, sans détour. Merlin, ça lui en refilait presque des frissons. Lui n'avait pas du tout aimé l'expérience : ça l'avait presque traumatisé, cette histoire de bombabouse. Il en faisait encore des cauchemars et sentait l'odeur partout autour de lui, malgré les bons soins de ce cher petit Diarmuid. Et ça lui avait fendu le cœur, ce blâme, même si dans son malheur, il lui avait paru tout nécessaire. Et Lyam disait qu'il s'en fichait ? Merlin, malheur, Merlin !

J'acquiesça à l'affirmation du professeur. Oui je m'en fiche et alors ? Sa question en revanche me fit nettement moins sourire. Même si je m'y attendais. C'était une question logique. Mais néanmoins embêtante. Je mis quelques temps à trouver une réponse convenable. Fallait il dire la vérité ou mentir une fois de plus ? Et puis, que m'apporterait telle ou telle option ? Je poussais un soupir et répondis sincèrement.

- Non. Mais ma sœur m'a prévenu. Du contenu de votre lettre comme de celui de la réponse.

Est-ce que je commençais à regretter mon acte ? Je ne crois pas. Je dirais même que ça m'étonnerais grandement. Difficile de ne pas rigoler en y repensant. Malgré l'air un poil traumatisé de Mr. Charleston. J'aurais voulu ajouter quelques chose mais rien en me vint. J'attendais patiemment que le professeur me pose d'autres question. Je me perdis dans mes pensées. Une d'elles retient mon attention.

- Je note que vous n'avez toujours pas répondu à ma première question.
C'était une simple constatation, dite en passant. Je n'attendais absolument pas de réponse. Encore moins de réponse positive. Si j'en croyais Aisling, j'allais me faire sévèrement taper dessus. Je n'avais pas grand besoin qu'on me le rappel. Même si certains dirait que ça ne me ferais pas de mal sans, bien sûr, viser personne. Comme si je pouvais oublier que mes parents n'étaient que des fraochmhá de sorciers qui se croient supérieur à tout le monde.

244 mots
@Sigmund Charleston
fraochmhá = un mot pas très gentil qui comment par un "p". Je vous laisse deviner