Le troisième mois de l'année était déjà entamé, l'ambiance d'halloween venait laisser place à celle de Noël. La grande salle était baignée d'une douce lumière, qui venait illuminé le sol de la pièce. Moins de monde que d'ordinaire, c'était parfait. Alizée n'aimait pas les endroits remplis de gens, là où personne de se soucie de ce qu'il y a ou de qui il y a à côté. Ce n'est pas tant qu'elle détestait les autres, mais plutôt qu'elle ne les comprenait pas. Elle avait grandi plutôt seule, et le peut de personnes qu'elle avait eu l'occasion de fréquenter était des membres de sa famille.
Depuis la rentrée elle n'avait eu, ou plutôt elle n'avait vu les occasions de se faire des amis, de développer ses connaissances, elle se retrouvait donc là, seule, comme à son habitude.
Elle préférait se concentrer sur les cours, les livres, et sur les objectifs que son père avait fixé pour elle, plutôt que de penser à sa solitude.
En réalité les études qu'elle prenait pour un échappatoire lui permettant de fuir et supporter sa réclusion, n'était qu'une source de stresse l'isolant encore plus des autres. Mais ça, jamais elle n'oserait se l'avouer, cela reviendrais à remettre en question les enseignements de son paternelle.
C'est donc avec la volonté de faire briller le blason de sa prestigieuse famille que la jeune Serpent s'assit sur l'une des longues tables en bois de la Grande Salle. Elle se mit en bout de table, laissant un spacieux écart entre elle et ses voisins, puis elle sortit plume, parchemins et livres, et commença à retravailler ses cours, encore et encore, comme elle le faisait déjà depuis le début de l'année.
Après une bonne heure de travaille, lassée de ses revisions, Alizée posa délicatement sa joue sur le sombre bois de ce qui lui servait de bureau. Elle attendait, quoi ? Aucune idée, mais elle l'attendait. Écoutant durant de longues minutes la façon dont sa respiration accompagnait les battements de son petit cœur.

Malgré ma résolution, je luttais toujours face à l'ennui. Le mois de novembre s'étirait lentement vers l'hiver sans autre séduction que les cours de potions et de botaniques qui rythmaient mes semaines. Mes bonnes aptitudes doublées d'une excellente mémoire facilitaient grandement mes travaux d'apprentissage. J'exécutais et rendais mes devoirs sans la moindre fausse note et n'approfondissais par l'étude que quelques domaines annexes qui me stimulaient. Ainsi, je ne pouvais guère compter sur ce labeur pour me tenir à l'écart d'une langueur qui n'attendait qu'une seule chose ; que je rende les armes.

Heureusement mon cerveau, qui s'agençait comme ces meubles d'imprimerie servant à ranger les lettres et munis de tiroirs divisés en de multiples cases, devenait un outil idéal capable de repousser ma lassitude dans quelques recoins de mon être. Par jeu, j'y emmagasinais que le nécessaire et délaissais l'inutile. Il m'apparaissait, par exemple, superflu de mémoriser un nom tant que la personne ne présentait pas un intérêt particulier. A l'inverse, je conservais précieusement des petites manies, un détail physique ou tout autres renseignements remarquables.

C'est donc par amusement que j'observais depuis de nombreuses minutes une studieuse Serpentard installée à l'extrémité de notre table. Avec son visage fermé et son teint laiteux, elle ressemblait à une de ces poupées d'Albertine, la boutique de Pré au Lard. Pour moi, qui n'étudiais que par petites touches, j'étais fasciné par l'acharnement qu'elle manifestait dans son exercice. Rien ne troublait sa concentration, pas même le fait d'être épié depuis de longues minutes.

Je la scrutais donc depuis au bon d'un moment quand, stoppant subitement son intense activité, elle coucha sa tête de côté sur le bois de la table comme à bout de force et restait inerte. Je la fixais encore, puis intrigué, me rapprochais d'elle :

"Est ce que tout va bien ?"

@Alizée Melrose

Sa respiration était lente et contrôlée, son souffle froid raclait ses voies respiratoires. Les minutes passaient, elle attendait. La lumière venait illuminer avec douceur son visage de porcelaine, faisant ressortir ses délicates joues rosées.

Elle ferma les yeux un instant, songeant à la lettre qu'elle écrirait à son frère lors du début du mois de décembre. Les yeux clos, le brouhaha de la salle s'estompait, comme si un voile venait le couvrir.
Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, Alizée entendit une voix, celle-ci semblait étrangement proche, d'autres élèves avaient-ils décidé de se positionner à proximité de la seprentarde ?
Elle n'y prêta pas attention, elle préférait ne pas avoir affaire à un groupe d'élèves, de toute façon elle n'avait aucune idée de comment se comporter face à eux.
Cependant, une longue minute s'écoula sans que la voix n'obtienne de réponse. Se pourrait-il que celle-ci s'adressait à la jeune élève de la maison aux couleurs verte et argent ?
Avec appréhension, la fillette se releva gracieusement, ouvrant dans un même temps ses beaux yeux d'émeraude.

Elle se retrouva face un jeune garçon, délicatement elle fit défiler ses yeux le long du visage et du corps de l'inconnu, captant avec attention le moindre détail sur l'identité du jeune homme. Il était grand, du moins bien plus que la jeune fille, et devait avoir 1 an de plus qu'elle, 2 dans le meilleur des cas. Il arborait lui aussi les couleurs de la noble maison de Salazar. Ses longs cheveux épais lui donnaient un côté mystérieux, ou juste désorganisé, Alizée n'aurait su le determiner.
Après une vingtaine de secondes, son insistant regard finit par se poser dans les yeux du garçon.

- Je te prie de bien vouloir m'excuser, est-ce à moi que tu souhaitais parler ?

Ses lèvres se mouvaient avec élégance sur son visage froid. Sa voix douce et affirmée rappelait le froid de l'hiver, lorsque la neige tombe avec délicatesse sur l'herbe morte et que la moindre plante ayant survécu constitue un véritable miracle. Assise, droite, le visage froid, et le regard perçant, elle attendait la réponse de son aîné, dissimulant derrière cette façade une certaine perplexité.

@Ezra Waite

Je n'obtins pas de réaction. La fille demeurait inerte. Je doutais qu'elle fut endormie ou qu'elle ne m'ait pas entendu. J'imaginais d'avantage une divagation, une envolée de ses pensées hors de ces murs. Je ne trompais pas. Au bout d'un moment, la rêveuse se redressa et posa son regard sur moi.

Ses yeux verts opéraient de rapides saccades. Ils balayaient mes traits puis le reste de ma silhouette sans le moindre souci de discrétion. Gauche, droite. Bas, haut. Je ne bougeais pas d'un cil. Ce crible n'était pas désagréable. Il éveillait même en moi un vague amusement. La fille pouvait prendre tout son temps, collecter les détails que ses deux globes lui restituaient et, si elle était habile, déduire quelques vérités sur ma personne. Cela dura ainsi quelques secondes, jusqu'au moment où sa bouche s'anima.

"Je te prie de bien vouloir m'excuser, est-ce à moi que tu souhaitais parler ?"

Je discernais nettement ses traits délicats et parfaitement hermétiques. Sa peau immaculée, lisse et blanche, avait l'aspect de la porcelaine. Les muscles faciaux n'opérant plus leur fonction, je n'identifiais pas la moindre expression, même furtive. C'était un masque atone et froid, déroutant. Je répondais :

"En dehors de toi, ce bout de table est assez... désert. Alors oui, c'est bien à toi que je parlais. Je t'observais faire tes devoirs. Se mettre à l'écart pour être tranquille, c'était pour travailler dans le calme. Mais j'ai eu le sentiment que ce n'était pas la seule raison. Tu es plutôt du genre à éviter les autres. Est ce que je trompe ?"

La jeune fille jeta discrètement un rapide coup d'œil autour d'elle, vérifiant que personne d'autre ne viendrait la déranger. Puis, elle observa attentivement son interlocuteur, faisant attention aux oscillations de sa voix. On pouvait en apprendre beaucoup sur quelqu'un, grâce à sa manière de s'exprimer. Ce garçon était plutôt assuré, ou du moins, il le paraissait. Et il était du genre extraverti, sinon il n'aurait sûrement pas abordé la première année.
Les conclusions qu'il tirait sur Alizée étaient plutôt justes, cela démontrait qu'il était observateur. Bien que ce genre de déductions ne soit pas bien compliqué à obtenir, la serpente préférait se tenir sur ses gardes.
Le temps d'une seconde, ses sourcils se froncèrent face aux affirmations de son camarade. Elle restait dans une position plutôt défensive, ne sachant pas à qui elle avait affaire.

-Mmmh ? Et tu es ? Je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà rencontré auparavant, tu m'as l'air très intéressé par la vie d'une inconnue.

Au fond, ce n'est pas tant que la jeunette évitait les gens, c'est plutôt qu'elle évitait le conflit, les incompréhensions et les malentendus que pouvait engendrer le contact avec ceux-ci. Ceci dit, c'était peut-être sa chance. Bien que son père priorisait quoi qu'il arrive les notes et résultats scolaires, il accordait également énormément d'importance aux relations. Jusqu'ici, la jeune fille remplissait à merveille la première partie, mais la seconde... Comment savoir qui serait un bon contact ? Comment faire pour lancer une conversation intéressante ? Comment créer du lien ? Toutes ces questions se bousculaient dans la tête de la Serpentard, qui attendait avec attention la réponse de son camarade.

@Ezra Waite

Ne pas répondre, répliquer sur un tout autre sujet par une autre question, voilà qui était habile. La technique ne m'était pas inconnue, je l'employais même assez souvent. De cette manière, vous gagnez du temps et mettez votre interlocuteur dans la position de l'interrogé. D'ordinaire, je n'aurais pas lâché l'affaire et poursuivis sur ma lancée en retournant la conversation à mon avantage. J'optais pour une nouvelle approche, plus amicale :

"Pardon, je suis malpoli. Mon nom est Ezra Waite. Je suis en deuxième année."

Est ce que je m'intéressais à la vie d'une inconnue ? Peut être. Je n'avais pas réellement réfléchi à ça. Jusqu'à présent, je n'avais fait que jouer au chat et à la souris avec mon propre ennui. Mais la question était pertinente. Après tout, c'était peut être comme ça qu'il fallait s'y prendre : nouer des liens, s'intéresser aux autres, se faire des connaissances...

"Pour être franc, c'est aussi la première fois que je te remarque, ce ne signifie pas que tu n'es pas intéressante. Par exemple, en t'observant, j'ai déjà noté quelques détails remarquables. Tu es une personne plutôt discrète et solitaire, qui apprécie l'étude et ne rechigne pas devant un long travail. Mais une fois lassée par tes devoirs, tu as du mal à te trouver d'autres occupations. Tu n'as peut être pas d'ami et donc personne avec qui parler et t'amuser."

Je souriais, plutôt fier de ma tirade puis enchainais :

"Je peux m'assoir avec toi ?"

@Alizée Melrose

Le jeune homme se présenta, un deuxième année d'après ses dires. Il semblait que la jeune Serpentard avait raison, elle ne l'avait jamais croisé en cours. Après ça, il commença à faire un portrait d'Alizée, quelle sensation désagréable ! Elle avait l'impression d'être un livre qu'on lisait avec facilité. Solitaire, oui, sûrement, mais vraiment par choix. Aimer les études ? Il fut un temps où c'était le cas, mais cela faisait bien longtemps qu'elle n'y avait pas songé. Des amis ? Est-ce qu'il existe encore des personnes croyant réellement à ces valeurs ? Tout n'est que relations, paraître et réputation. Du moins, c'est ce qu'on lui avait toujours appris. La brune soupira avant de répondre. 

- Tu es quelqu'un de flegmatique, nonchalant et tu n'as généralement pas la motivation de travailler. Tu t'ennuies, ce qui te pousse à utiliser ton côté observateur pour mener des petites enquêtes, si je puis nommer ça comme ça, sur les gens que tu ne connais pas. Voilà ce que je déduis en te voyant. Par conséquent, je doute que si je te demandais de partir, tu t'exécuterais, donc, je t'en prie, tu peux t'installer.

La fillette fit un signe de la main, désignant la place à côté d'elle, avant de se mettre à empiler ses parchemins, auparavant éparpillés devant elle. Une fois terminée, elle se tourna vers le jeune homme, elle attendait silencieusement de savoir ce qu'il voulait, ce qu'il allait dire, ou ce qu'il allait faire.

@Ezra Waite

Je faisais des efforts. Entrer en contact avec les gens autrement que par le rapport de force n'était ni simple, ni naturel pour moi. S'intéresser à eux, être plaisant, engager la discussion, donner le change, pour tout cela je manquais de repère, d'automatisme. Et depuis plus d'un an hors de ma zone de confort, il fallait bien l'admettre : je ne savais toujours pas m'y prendre.

Le petit jeu de l'enquête, comme elle l'appelait, ne m'amusait plus surtout depuis qu'elle s'y employait. J'aurai pû continuer et évoquer sa manière particulière de prononcer les "r" faisant ainsi rouler ses mots hors de sa bouche, une particularité typique des gens du coin. Mais en réalité, j'étais las de me démener, las de parler avec des gens qui ne voulaient pas des autres. Depuis que j'avais découvert un autre monde en vivant entre ces murs, le besoin de solitude des autres me blessaient. Cette expérience de promiscuité nous obligeait, rendant les distants encore plus distants, les présents... Il y avait comme des verrous chez certains, des serrures que les sorts ne pouvaient déverrouiller, des barrières à franchir, des mots de passe à prononcer, des clefs à trouver. J'allais tenter une dernière fois.

Je prenais place à l'endroit qu'elle me désignait et la remercia d'un beau sourire :

"C'est juste, sur certains points. Nous avons au moins ce don en commun. Mais ce que l'observation ne révèle pas ce sont les noms. Comment t'appelles tu ?"

@Alizée Melrose

Pendant un court laps de temps, le garçon sembla légèrement déçu ou ennuyé, mais il finit par s'asseoir en affichant un sourire radieux à l'écossaise. Apparemment, elle l’avait bien cerné, dans l’ensemble.

- Excuse-moi, ton arrivée intrusive m’a fait oublier mes bonnes manières. Je m’appelle Alizée, fille cadette de la famille Melrose. C’est un plaisir de faire ta connaissance, Ezra.

Ce n’était vraiment pas dans ses habitudes de sourire, donc son visage restait neutre, mais son regard était malgré tout moins glaçant que quelques instants plus tôt. Elle aurait souhaité adresser un sourire à son interlocuteur, mais elle ne voyait pas l'utilité de se forcer. C’est peut-être quelque chose qu’elle devrait apprendre à faire. Cependant, à l'heure actuelle, elle ne s'en souciait pas particulièrement. Les sourires devaient être sincères et venir du cœur. Si l’un d’entre eux se dessinait sur son visage, c’est qu’il y avait une raison, sinon, c’est que cela ne servait à rien, voilà ce qu'elle pensait.

- Et donc, Ezra, tu souhaitais me parler de quelque chose ou simplement pallier ton ennui ?

Alizée tenta de relancer la conversation. Elle avait encore beaucoup de mal à le faire, mais elle s'efforçait de s’améliorer, afin de ne pas paraître trop hautaine, comme cela pouvait parfois être le cas.
De plus, son paternel avait émis le souhait qu’elle se crée des contacts et son frère l'envie qu’elle trouve des amis sincères avec qui elle pourrait nouer des relations de confiance. Si elle voulait honorer ces deux volontés, elle devait faire des efforts. Bien qu’un peu rude ou froide, ne valait-il pas mieux qu’elle réponde plutôt qu’elle laisse un blanc froid dans l'échange avec son camarade ?

@Ezra Waite

"A vrai dire, je m'ennuyais et ton comportement m'intriguais. C'est pour cela que je suis venu te parler. Je n'avais rien de spécial à te dire, j'ai juste pensé que ça n'allait pas."

Alizée me donnait l'impression d'avoir les mêmes soucis que moi bien que nos attitudes fussent à priori différentes. Certains élèves se méfiaient de moi ou me craignaient. J'étais le gars louche de la promo, sans raison. Je ne me l'expliquais pas. Peut être que je renvoyais quelque chose sans m'en rendre compte, un truc qui les dérangeait. Pourtant, je ne souhaitais de mal à personne, ni ne rejetais les gens en général. Alizée, elle, mettait volontairement de la distance, physiquement et émotionnellement. Il ne m'avait pas fallu longtemps pour le comprendre. Elle restait polie mais froide, sans aucune démonstration d'ouverture aux autres. Pourquoi ? Je n'en savais fichtre rien mais le résultat était le même : elle comme moi n'avions pas de relations.

"Je suis enchanté également Alizée. Il faut que tu saches que depuis quelques minutes, mon ennui s'est envolé. Cette conversation doit y être pour quelques choses." Je marquais une pause, d'un geste dégageait la mèche qui me barrait le front et reprenais : "Tu dis "la famille Melrose"... Il y avait un Malone Melrose en septième année ici l'année dernière. Son nom était inscrit sur le tableau des résultats des ASPIC."

C'était le genre de petit détail qui ne m'échappait pas. Je pouvais trouver beaucoup de choses insignifiantes ou sans intérêt alors que d'autres, plus anodines, me restaient gravées en mémoire. Cette fois là, c'était les deux initiales identiques, M et M, qui avait retenu mon attention.

@Alizée Melrose merci pour ta patience.