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08 déc. 2023, 12:59
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
Avertissement
Reducio
Cette fanfiction fait directement suite à la saga Honor Brando. Il va donc de soi que l'intégralité de cette saga sera spoilée dans celle-ci. Aussi, si vous n'avez pas lu cette saga, et que vous souhaitez conserver la surprise, je vous invite à faire un tour par ici.
Honor Brando - Mission Consilium
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Certains chapitres peuvent contenir du contenu sensible, lisez avec précaution si vous l'êtes.
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Afin que vous puissiez lire cette histoire le plus confortablement possible, j'ai décidé de présenter le contexte de façon extradiégétique (c'est à dire hors de l'histoire), ainsi que certains personnages importants. Vous pouvez évidemment passer cette partie, mais j'estime qu'elle est assez importante pour la compréhension globale.
Présentation du contexte
Reducio
En 2064, beaucoup de choses ont changé. Le Conseil des sorciers n'est plus, et un tout autre gouvernement a été mis en place suite au Coup d’État de Narcisse.

Le gouvernement sorcier est désormais une République : la Nouvelle République Démocratique Sorcière, dont chaque membre ou presque est élu par le peuple sorcier. Plus aucun siège n'est héréditaire, et les statuts de sang n'accordent plus aucun avantage. Une explication simple de son fonctionnement :
Tous les 5 ans, trois Piliers sont élus. Chaque Pilier est un représentant des grands groupes sorcier : Les Nés-Moldus, les Sangs-Mêlés, et les Nés-Sorciers. Ces Piliers gouvernent ensemble et en coopération.
Pour garantir la légitimité de chacun d'eux, ils ne sont pas élus au sein de leur communauté. Lors des élections, une liste de candidats est soumise par les trois communautés, dont leurs membres sont estimés représenter ces dernières. Mais c'est bel et bien l'ensemble de la population sorcière qui vote, et pour les trois. Chacun ou chacune est donc individuellement élu par l'ensemble des sorciers.
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Présentation des personnages
Reducio
Narcisse Brando
Reducio
Image
1m80, les cheveux aussi noirs que les yeux. Une mèche blanche est apparue quelques mois après les événements d'il y a dix ans. Ceux et celles qui ont connu Kristen Loewy ne manqueront pas de remarquer qu'elle avait cette même mèche au même endroit à l'époque où elle était en vie. Couturé de cicatrices dans le dos, il tient ces dernières d'un affrontement contre Georges. C'est lors de ce même combat que sa mère lui a entaillé la joue, sous l’œil droit. La cicatrice créée lorsqu'il a obtenu son nouveau bras gauche est toujours aussi visible.

Il porte des lunettes désormais. L'excuse officielle est qu'elles les aident à lire. Mais en réalité, elles sont enchantées d'un puissant sortilège lui permettant, lorsqu'il les porte, de juguler sa magie s'échappant désormais constamment de son corps, pour ne pas affecter ceux et celles qui l'entourent. Il les retire uniquement lorsqu'il affronte un adversaire suffisamment puissant.

Rongé par la culpabilité, il consacre sa vie à protéger les autres, et surtout Dianne et Ella. Il accomplit diverses missions secrètes pour la NRDS, lui permettant de gagner sa vie et de glaner des infirmations. À 29 ans, il est le sorcier le plus puissant actuellement en vie. Sa simple existence suffit à maintenir la stabilité du nouveau gouvernement et la paix dans la société sorcière. En apparence.
Dianne Shell
Reducio
Image
Rousse explosive au caractère attentionné, ses yeux marrons sont toujours baignés, depuis la mort de son mari et de sa fille, d'une tristesse lancinante et ont perdu leur éclat. Malgré le fait qu'elle ait fait leur deuil, elle gardera éternellement une place pour eux dans son cœur. Forte tête taquine de 56 ans, elle a pu trouver un appui sur celui qui a sauvé sa deuxième fille : Narcisse, qui lui a été d'une aide précieuse ces dernières années. Ils ont appris à se reposer l'un sur l'autre, pour faire face à leur douleur, et se sont énormément rapprochés. Également hantée par les souvenirs et les regrets, elle noie sa peine en prenant soin d'Ella, essayant de rattraper les années perdues avec Tiffanie.

Du haut de ses 1m60, elle ne se laisse malgré tout intimider par personne, et même si elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, elle est la meilleure mère dont sa fille puisse rêver.
Ella Shell
Reducio
Dépassant d'une bonne tête sa mère avec ses 1m77, Ella rayonne de sa blondeur déteignant avec ses yeux gris. Malgré son apparence radieuse, les événements de sa vie l'ont forgé bien différemment des autres adolescents de son âge. Perdre sa grande sœur et son père l'a poussé à grandir pour devenir une idéaliste convaincue et une féroce pacifiste. En quête perpétuelle d'elle-même, essayant désespérément d'exister sans rester dans l'ombre de Tiffanie, elle sait malgré tout qu'elle peut compter sur sa mère et Narcisse. Elle aime sa mère autant qu’une adolescente de 16 ans peut aimer une mère.

Au sein de Poudlard, elle ne sera jamais vu sans sa compagne, Emma, avec qui elle aime rendre la vie du personnel infernal. Elle a même adopté Klee, qui ne la quitte jamais non plus.
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Dernière modification par Narcisse Brando le 16 janv. 2024, 13:38, modifié 4 fois.

0131b4
2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

11 déc. 2023, 20:14
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
PROLOGUE
« Fille ingrate, tu m'abandonnes encore pour toute une année, n'as-tu donc aucun cœur ?
Maman... »

Ella était en train de serrer tendrement sa mère contre elle, l'enlaçant de ses bras et s'agrippant à elle malgré le ton désapprobateur dans sa voix. Dianne savait qu'elle aimait se moquer d'elle, de son côté mère poule, de ses incessantes marques d'amour dégoulinantes de niaiserie. Elle le savait, mais pour rien au monde elle ne se serait contenue. La petite rousse était courbée par les ans, ridée par l'âge et les soucis. Mais en cet instant, elle ne faisait pas son âge, pas le moins du monde. Son sourire rayonnant et l'énergie qu'elle mettait dans le câlin infligé sans pitié à sa fille déteignaient avec la différence de taille entre les deux femmes de la famille Shell. Sa fille avait beau la dépasser d'une bonne tête, en l'occurrence, ce n'était pas elle qui avait la main sur la situation. Dianne comptait bien assouvir son besoin de câlin, aussi longtemps qu'il le faudrait.

Le brouhaha des passants, des parents et des futurs élèves de Poudlard déambulant sur le quai pour monter dans le train arrivèrent soudainement à leurs oreilles. Toutes deux soupirèrent, la façade de l'adolescente se fendilla, elle serra davantage sa mère contre elle.

« Toi aussi, tu vas me manquer.
Tu es sûre que tu ne peux pas me mettre dans une de tes valises ? Je te promets que je me ferai toute petite.
Maman... Arrête, tu me fous la honte.
Mauvaise fille va. »

Leurs rires s'accordèrent parfaitement, secouées l'une contre l'autre en se soutenant mutuellement dans leur étreinte, Dianne se redressa pour regarder sa fille. Son sourire traduisait le mélange submergeant de fierté, de bonheur et de tristesse qui l'envahissait. Une ombre passa sur leur visage, les yeux gris d'Ella se superposèrent à une autre paire, le temps d'un bref instant, leurs sourires se figèrent.

Après une profonde inspiration, la rousse leva sa main pour la déposer tendrement sur la joue de sa fille. Cette dernière laissa ses yeux se clore, avant de lever la sienne avec douceur. Elle entoura la main de sa mère de la sienne, et la serra contre elle, s'abandonnant à ce contact d'une chaleur infinie et réconfortante. De délicats picotements s'échappèrent de leur peau pour venir réchauffer leurs corps. Ella céda soudain, et dans un sourire résigné, elle leva les yeux au ciel avant de se pencher vers sa mère pour lui baiser le front avec amour. Le sourire de Dianne s'illumina.

« Ah, enfin ! »

Un nouveau rire complice, qui fut interrompu par un soudain couinement désapprobateur.

Le regard de Dianne se lève lorsqu'elle tourne la tête dans la même direction que sa fille, leurs yeux gris et marrons se posant sur l'imposante silhouette venant d'apparaître aussi silencieusement qu'une ombre à leurs côtés.

Un courant d'air brûlant provoqué par le soudain jet de vapeur de la locomotive du Poudlard Express soulève et fait battre la veste de Narcisse, qui dépose son regard sur Ella et sa mère. Sur son épaule, Klee la boursouflette, qui lance un regard destructeur à son humain de compagnie, comme a-t-elle osé l'oublier sur sa valise ? Elle bondit sur Ella pour se blottir dans le creux de son cou. L'homme tient sur son autre épaule la fameuse valise de la sixième année, sa main libre est glissée dans sa poche. Un petit sourire taquin orne ses lèvres, et son regard rieur, derrière ses lunettes, ne manque pas de faire sourire en retour Dianne. Mais Ella prétend se scandaliser de sa présence, et gonfle les joues en levant le menton. Tout en s'offusquant faussement, elle caresse avec nonchalance la petite boule rose sur son épaule.

« Hey ! Ma valise ! Voleur ! Rends-la-moi ! »

Dianne dissimule son rire derrière sa main, Narcisse arque un sourcil, et tire sa main gantée de sa poche pour rajuster ses lunettes du majeur et du pouce. Prenant un air las, il fait glisser la valise sur son épaule, avant de la tendre à la jeune femme. Il ne prononça pas un mot, mais l'amusement qu'il ne savait pas dissimuler, déformait la commissure de ses lèvres, et le trahissait. Ella n'en tint pas compte, beaucoup trop fière pour reculer. Elle fit un pas en avant et s'empara avec énervement de sa valise. Et bascula immédiatement en avant, manquant de s'écrouler alors que le poids de son bagage l'entraîna vers le sol.

Le bruit sourd de la valise résonna dans l'épaule de la jeune femme, Klee piailla d'agacement, se raccrochant à une mèche de cheveux, avant de lui tirer la langue. Narcisse avait éclaté de rire avec Dianne, mais tous deux s'étaient précipités vers Ella, et Narcisse s'était déjà accroupi pour amortir la chute de la blonde. Entre deux rires, il l'aida à se relever.

« Et bien petite tête ? Je croyais que tu voulais la porter ?
Oh, la ferme toi !
Ella Shell ! »

Le visage de la jeune femme s'assombrit brusquement, elle baissa le regard, en se mordillant l'intérieur de la joue. Narcisse lui lança un regard compatissant, tandis qu'elle se redressait, faisant rouler sa valise à ses côtés.

« Désolé maman. Je le pensais pas vraiment, tu sais ? »

Si ce n'était pour le regard amusé et le sourire de Narcisse, Dianne aurait continué de croiser les bras sur sa poitrine d'un air sévère. Continuant une brève seconde de jouer la mère scandalisée, elle finit par lever les yeux au ciel en claquant de la langue.

« Vous m'épuisez tous les deux. »

Narcisse s'approcha pour lui tapoter l'épaule gentiment.

« Mais oui, je t'aime aussi Dianne.
Roh, bas les pattes ! »
Oui ! Pas touche à ma mère ! Bleeeh ! »

Ella s'interposa en rigolant entre sa mère et Narcisse, sans même chercher à retenir son éclat de rire, avant de lui tirer la langue. Ce dernier leva les mains au niveau de sa tête, l'air de dire : "Je suis innocent madame la juge !" Mais l'adolescente le fixa quelques secondes, le foudroyant du regard. Puis, elle secoua la tête, et soupira, avant de se jeter dans ses bras. Klee protesta avant d'aller se poser sur le sommet de sa tête, pour s'y poser en boule, visiblement mécontente de ne pas être le centre de l'attention.

Narcisse se laissa aller à l'étreinte, après un instant d'hésitation, où il resta figé. Malgré toute l'affection et tout l'amour qu'il portait à Ella et Dianne, il ne s'était encore jamais totalement remis de ses traumatismes physiques. Et parfois, le moindre contact suffisait à lui déclencher une crise. Mais en cet instant, il put s'abandonner à la simple détente et au plaisir profond d'étreindre la petite fille qui avait grandi si vite. Cette dernière s'agrippait à lui, entourant sa nuque de ses bras, apposant sa tête contre la sienne, tandis qu'il lui caressait le dos doucement.

« Tu vas nous manquer, petite tête.
Vous aussi... »

Ella sentit une légère résistance à la fin de son étreinte. La magie de Narcisse finissait toujours par revenir pour l'entourer et le protéger, malgré tous les efforts qu'il fournissait pour tenter d'abaisser son bouclier. Elle n'y pensa pas, et s'accroche plus fermement à lui. Chaque année qui passait, il réussissait à abaisser ses défenses un peu davantage.

« Sabre de bois, si c'est donc pas la famille Shell ! »

La voix nasillarde, caverneuse et grinçante, mais chaleureuse d'un vieil homme aux cheveux grisonnants, de la taille de Dianne, fit sursauter Ella et Narcisse. Cette dernière ferma les yeux en grimaçant, laissant échapper un chuchotement :

« Oh... Pas lui... »

Narcisse lui tapota le dos, avant de la laisser se retourner vers son professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Il salua d'un air bourru Dianne en lui serrant sans hésitation la main.

« M'dame, c'est toujours un plaisir d'vous r'voir !
Plaisir partagé. Comment allez-vous, professeur ? »

Le petit homme rondouillard laissa échapper un puissant éclat de rire, qui pris le pas, plusieurs secondes durant, sur le brouhaha environnant, attirant les regards. Il s'épousseta l'épaule de ses doigts gourds, avant de plonger son regard d'un vert perçant dans celui de Dianne.

« Et bien ma p'tite dame, au poil ! Surtout qu'cette année, croyez bien qu'j'compte bien réussir à faire en sorte qu'votre fille ai davantage qu'un P ! »

Il se tourna vers Ella, la salua rapidement, puis écarquilla de larges yeux lorsqu'ils se posèrent sur Narcisse. Ce dernier secoua la tête, les mains posées sur ses hanches, essayant de s'interposer naturellement entre Ella et lui, tendant la main.

« Archibald, vieille branche.
Si c'est-y pas l'Protecteur d'Poudlard en personne ! Alors p'tit gars, tu viens nous la faire quand ta démonstration dans mon cours ? Mes Prodiges attendent qu'toi ! »

Narcisse rendit avec fermeté la poignée de main, révélateur de la force sous-jacente des deux hommes. Sans agressivité, juste ce qu'il fallait pour bien serrer une main. Narcisse appréciait cela, et malgré sa gêne apparente, il pouffa de rire en rajustant ses lunettes. Ella profita de la largeur de son dos pour s'y recroqueviller derrière, mais fort heureusement, Archibald avait désormais les yeux rivés sur Narcisse. Ce dernier se racla la gorge en se redressant.

« Tu sais ce que j'en pense Archi... Je préfère ne pas faire irruption au milieu des élèves, tu sais pourquoi.
Bah, postiche ! Foutaises, mon cul ouais ! Si y'en a un qu'a un truc à r'dire, j'lui Stupéfix la tronche.
Julius, s'il vous plaît... Devant des enfants. »

Le professeur rougit brusquement, en se raclant la gorge à son tour, après l'intervention de Dianne. Il se frotta l'arrière de la tête.

« Hrm, oui, mes z'excuses m'dame... Mais bref, vraiment gamin, tu d'vrais passer, j'suis sûr qu'ça aidera Ella en plus. Vraiment, vous la verriez, ça m'fait d'la peine, même pas elle veut t'nir sa baguette ! Pourtant, j'le sens l'potentiel, oooh oui j'le sens, si vous...
Professeur Julius ?! Ça par exemple, vous ici ? »

Brisant la montée de gêne et de malaise qui commençait doucement à sous-tendre les corps de Narcisse, Ella et Dianne, une voix que tous les quatre connaissaient bien fit irruption. Ella eut l'air aux anges, soupirant de soulagement, écarquillant les yeux, un sourire jusqu'aux oreilles, avant de rapidement revenir se cacher derrière Narcisse. Archibald, qui avait décidément la capacité d'attention d'une petite cuillère, se détourna immédiatement d'eux pour accueillir la nouvelle venue.

« Emma ! Par les poils de ma barbe ! Ma Prodige préférée ! Viens donc par là ! »

Sans se soucier de quoi que ce soit, débordant de bonheur, le vieux professeur vint faire un câlin à rousse qui venait de débarquer. Légèrement plus petite qu'Ella, plus musclée, rayonnante et attirant tous les regards, ses yeux marrons débordant de vie, elle rendit avec une énergie équivalente l'étreinte de son professeur.

« J'espère que vous allez encore nous laisser exploser des trucs cette année !
Oh comptes-y bien, comptes-y bien ma grande ! »

Tout en distrayant magnifiquement le professeur, Emma fit un geste de tête en direction d'Ella. Cette dernière ne perdit pas un instant, et après avoir déposé un dernier baiser sur la joue de sa mère, elle détala en faisant rouler sa valise, fuyant le plus loin possible de ce professeur un peu trop bourru à son goût. Narcisse et Dianne s'échangèrent un regard entendu. Archibald se redressa ensuite en grognant sous l'effort, tapotant les épaules d'Emma, avant de se tourner vers la rousse et l'homme.

« Aaah, ça, c'est une élève ! Croyez bien c'que j'dis, elle m'épate celle-là ! Ah si seulement sa compagne pouvait s'inspirer un peu plus de... Bah, où qu'elle est partie celle-là ? »

Emma retint son éclat de rire derrière sa main lorsque le professeur tourna la tête dans toutes les directions, tel un écureuil, l'air parfaitement égaré. Même Narcisse et Dianne cédèrent à l'hilarité. Cette dernière s'approcha d'Emma, pour la saluer d'un grand sourire. Et tandis qu'elles discutaient de choses et d'autres, Narcisse et Archibald se rapprochèrent à leur tour. Le vieil homme avait l'air bien embarrassé.

« Raah... j'y ai p't'être été un peu avec pas l'dos d'la cuillère... Boudiou, mais c'est vrai qu'elle gâche son talent Ella, j'sais pas quoi faire moi, j'veux qu'elle réussisse ! »

Narcisse tapota son épaule, avant de secouer la tête, l'air mi-amusé, mi-compatissant.

« Ne te triture pas les méninges Archi. Tu la connais. Et tu sais pourquoi elle est comme ça. »

Leurs visages s'assombrirent, et tous deux regardèrent Dianne, riant aux éclats avec Emma. Un instant s'écoule, le professeur se pencha ensuite pour murmurer à Narcisse, tandis qu'une drôle de tension s'installe. Comme si le temps ralentissait autour d'eux, le jeune adulte sentait toute la puissance magique que le professeur dégageait, usant de son talent pour les isoler mentalement. Il savait, il sentait ce qu'il faisait, la nuque de Narcisse picota, il sentit son cœur s'accélérer. Mais il prit une grande inspiration, et rajusta ses lunettes. Il ne devait surtout pas laisser sa magie déborder ici.

« Tu sais qu'c'est pas pour son bien, gamin, d'la couver comme ça. Ta Ella, si elle apprend pas à s'défendre, elle s'ra jamais qu'une grande gueule. »

Narcisse écarquilla les yeux. Un frisson parcourut sa nuque. Il sentit sa poitrine se serrer, ses mains picotèrent. Il n'avait jamais été bon pour dissimuler sa surprise. Mais avant même qu'il n'ait pu avoir le temps, ne serait-ce que d'ouvrir les lèvres pour répondre, le vieux professeur le libéra de son étreinte magique, tout aussi naturellement qu'il aurait retiré une couverture chauffante. Il souriait, d'un air entendu, puis immédiatement, l'innocence et la joie revinrent sur ses traits. Les paumes de ses mains claquèrent l'une contre l'autre, et il se frotta les doigts.

« On s'voit à la fin du trimestre ? C'coup ci tu vas m'aider, toi et Dianne, à reprendre cette petiote en mains ! Allez, à la r'voyure ! »

Le vieil homme disparut dans la foule aussi discrètement qu'un chat, Narcisse eut à peine le temps de se redresser pour le saluer. Un instant d'immobilité totale, un frisson, puis un sourire. Il secoue la tête en pouffant de rire, avant de se frotter la nuque, pour chercher du regard Dianne. Il la trouva aisément, son regard la trouvait toujours avec une facilité déconcertante, et alors qu'il la rejoignit, il salua Emma de la main, pour la laisser rejoindre Ella dans le wagon. Il posa la main sur l'épaule de la rousse, qui sursauta, avant de lui sourire lorsque son regard croisa le sien.

« Oh, tu m'as fait peur.
Excuse-moi. »

Son sourire étirait doucement les commissures de ses lèvres, il sentait la chaleur de l'épaule de Dianne se diffuser lentement dans sa main. Levant la tête, il l'entraîna jusqu'au bord du quai, pour la laisser dire au revoir à Ella, par la fenêtre. Ce n'était pas qu'il n'avait pas envie de les entendre, mais il considérait que les départs pour Poudlard devaient impérativement contenir un moment en tête-à-tête avec la famille.

S'adossant à une colonne, croisant les bras sur sa poitrine, il sentit une infime décharge électrique lui picoter le cœur. Le souvenir de ses parents lui disant au revoir, avant de partir à Poudlard, lui revint en mémoire. Il entendit des sons, son nez huma une odeur de sang et de parfum familière, un contact lui effleura la joue. Il décida de fermer les yeux, un bref instant, seulement un instant, pour tenter de juguler au moins quelque peu le déluge de souvenirs l'assaillant brusquement.

Ce fut le contact de la main de Dianne sur sa joue qui le tira de sa torpeur. Un réflexe malheureux lui fit tressaillir le bras. Et il aurait agrippé le poignet de Dianne, si elle ne l'avait pas regardé, avec un sourire désarmant, et surtout, ses yeux qui savent. Après un instant de silence, il soupira, son index et son pouce venant frotter l'arête de son nez.

« Pardonne-moi... »

Plusieurs secondes durant, elle conserva sa main sur sa joue, son tendre sourire ne faiblissant pas. Elle fit glisser ses doigts jusqu'à son épaule, avant de secouer la tête.

« Il n'y a rien à pardonner. »

Narcisse prit une grande inspiration. Cette phrase, il ne l'oublierait jamais. L'une des préférées de son père. Chaque début d'année, à la rentrée d'Ella, il réalisait que son deuil n'était pas terminé. Et plus les années passaient, plus il doutait qu'il puisse le faire un jour. De longues minutes durant, dans le silence d'une voie 9 3/4 vidée de toute âme, Narcisse et Dianne contemplèrent les rails. Ella était en chemin jusqu'à Poudlard, et aucun autre endroit n'était plus sûr que celui-là. Et pourtant, sans pouvoir expliquer pourquoi, Narcisse fut pris d'un long frisson qui lui chatouilla le bas du dos.

Il cligna des yeux, et regarda Dianne.

« On rentre ? »

Elle sourit, l'air amusée.

« Oui, je pense qu'il est temps. Si monsieur veut bien se donner la peine... »

Elle leva sa main, paume ouverte vers le haut. Narcisse n'hésita qu'un instant avant de sourire et de poser la sienne dessus. Le claquement de fouet résonna dans le hall, laissant le quai désert, n'attendant que de pouvoir se remplir une nouvelle fois, pour accueillir de nouvelles âmes.
Dernière modification par Narcisse Brando le 20 déc. 2023, 16:52, modifié 1 fois.

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Avatar par Merinda Swart

20 déc. 2023, 16:34
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE PREMIER
Ella essuya discrètement de sa manche l'humidité accumulée au bord de ses yeux. Un sourire flottait sur ses lèvres, et l'odeur du parfum de sa mère embaumait encore l'intérieur de ses narines, délicats souvenirs de leur dernière étreinte avant plusieurs mois. Les douces vibrations du train qui démarrait réussirent à déloger une petite perle salée, qui roula le long de sa joue, alors qu'elle se détournait de la fenêtre pour rejoindre Emma, qui cherchait déjà un compartiment pour s'y installer. Poussée par un instinct inexplicable, cette dernière se retourna avant même que sa compagne ne se retrouve derrière elle. Son visage s'adoucit, un sourire compatissant étira la commissure de ses lèvres, tandis que sa main alla se poser sur la joue d'Ella, pour essuyer la larme. Leurs mains se joignirent délicatement sur la joue de la blonde, la rousse pencha sa tête le côté, chacune plongeant son regard dans celui de l'autre.

« Tout va bien ? »

Ella sourit, puis pouffa de rire, ses épaules se secouèrent. Sa tête pivota rapidement de droite à gauche, et elle s'essuya une dernière fois les yeux. Elle déposa sa main sur l'épaule d'Emma.

« Oui, t'inquiètes pas. Allez, on y va ? »

Après un hochement de tête, deux âmes amoureuses se mirent à errer longuement dans les wagons. La sirène du train ponctuait régulièrement les bruissements des portes que l'une ou l'autre ouvrait, puis fermait, désappointée chacun leur tour de voir qu'aucun n'avait l'air vide. Les "Oh, pardon" ou les "Excusez-moi" rythmaient le bruit des valises que les deux adolescentes traînaient derrière elles. Après une énième déception, Emma fut la première à perdre patience, comme à son habitude, et s'agaça de manière faussement ostentatoire. Les mains sur ses hanches, ses cheveux s'agitant sous ses mouvements de tête, elle manifesta sa frustration sans se contenir.

« 'Tain ! Si ça continue, les prochaines premières années qu'on voit, je les jarte à coup de baguette ! »

Oscillant entre l'amusement et un sentiment d'embarras, Ella se précipita vers elle pour la prendre par les épaules, lui implorant de baisser d'un ton.

« Shh ! Ssh ! Mais ça va pas ! Tu vas encore t'attirer des emmerdes ! Sois discrète au moins ! »

Un instant de flottement, un basculement léger du wagon sous un virage, toutes deux finirent par pouffer de rire en posant leur front l'un contre l'autre. Leurs soupirs se mélangèrent, et malgré le fait qu'elles se tenaient au milieu du couloir, leur regard s'accrochèrent. Une hésitation, une main se posa sur une joue, une autre sur une hanche. Nulle n'aurait pu savoir laquelle appartenait à qui, alors qu'une douce chaleur se diffusait de leurs paumes. Deux cœurs accélèrent, quatre joues rougirent, et seul le couinement strident d'une petite boule rose empêcha leurs lèvres de se joindre. Les sourcils arqués, Ella et Emma observaient avec circonspection Klee en train de bondir devant un compartiment, donnant des coups de boule contre la porte, en couinant agressivement.

« Oui, oui, j'arrive. »

Ella fut la première à réagir, un mélange d'inquiétude et de curiosité l'animant. Sa compagne lui emboîta le pas, beaucoup plus amusée de voir encore et toujours cette boule de poils faire n'importe quoi. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Klee avait toujours accompagné Ella, et toujours, elle s'était révélée très véhémente à la moindre occasion. Son sourire se fit doux, alors que les souvenirs affluaient. Même un inconnu aurait aisément pu voir l'étroit lien qui existait entre l'animal et sa propriétaire, qui s'accroupit pour la ramasser, avant de regarder le compartiment. Son visage s'illumina, et elle tourna son regard vers Emma, un sourire jusqu'aux oreilles.

« Eh ! Y'a personne !
Tu déconnes ?
Certainement pas ! »

Quelques têtes blondes se tournèrent vers le couloir lorsque des éclats de rire retentirent. Les deux adolescentes, comme de vraies gamines, s'étaient précipitées dans le compartiment miraculeusement vide, ne perdant pas une seconde. Emma caressa Klee de la main au passage.

« Bonne fille. »

La boule de poils n'était pas aisément corruptible, mais une telle marque d'affectation de la part de cette rousse explosive aurait fait fondre n'importe quel cœur, et Klee se mit en boule d'un air contentée.

Lorsqu'Ella ferma la porte derrière elle, ses yeux se posèrent sur Emma, tandis qu'elle s'adossa au mur, les mains croisées dans le dos. Une chaleur naquit dans ses pommettes, elle rougit, ne pouvant s'empêcher de sourire. Elle ne perdait pas une miette du spectacle que sa compagne lui offrait en installant sa lourde valise dans le filet à bagages au-dessus des sièges. Les muscles de ses épaules et de son dos roulaient sous le tissu de sa chemise. Une brève seconde, le creux de sa nuque apparut lorsqu'elle leva les bras. Son cœur explosa, la blonde baissa les yeux en posant sa main sur sa bouche, l’entièreté de son visage plongé dans un immense brasier. Elle souriait comme une idiote. Mais elle savait que si elle ne se reprenait pas très vite, Emma n'allait pas la lâcher. Aussi se racla-t-elle la gorge d'un air digne, pour elle-même entreprendre l'installation de sa valise dans le filet sur le mur d'en face.

« Attends, laisse-moi t'aider. »

La voix de la rousse résonna aux oreilles d'Ella. Aussi douce que le chant d'une sirène, enrobant ses joues d'une douceur mielleuse. Elle aurait voulu répondre que non, tout allait bien, qu'elle n'avait pas besoin d'aide. Elle détestait l'idée d'avoir besoin d'aide et d'être un poids pour les gens qu'elle aime. Mais pas une syllabe ne put franchir ses lèvres qui se changèrent brusquement en un mince trait sur son visage quand Emma s'installa derrière elle pour apporter son aide en poussant la valise sur le filet.

Son odeur parfumée et la chaleur de son corps manqua de faire fondre l'adolescente. Elle se forçait à penser qu'Emma ne le faisait pas exprès, mais si elle avait eu des yeux derrière la tête, la blonde aurait pu voir aussi clairement que le jour le sourire satisfait de sa compagne. La différence de taille en défaveur d'Emma ne comptait absolument pas. La tête de cette dernière reposait sur l'épaule d'Ella, et ce ne fut qu'au prix d'efforts surhumains qu'aucune des deux ne céda à l'envie d'embrasser l'autre. La plus grande rajusta une mèche de cheveux derrière son oreille, Klee bondit pour s'enrouler sur un siège, ignorant royalement la tension qui régnait dans le compartiment.

« Hrm, merci...
Merci pour quoi ? »

Si Ella était déjà rouge, elle vira littéralement au cramoisi en baissant le regard, incapable de fuir à l'étreinte soudaine de sa compagne qui l'entoura de ses bras. Le souffle de son chuchotement laissa de délicieux picotements s'insinuer sous la peau de sa nuque. Elle tressaillit, peinant à reprendre sa respiration, un sourire idiot aux lèvres.

« Pour m'avoir aidé à porter ma valise...
Bah alors ? Tu vois ? C'était pas si compliqué.
Emma ! Tu m'embêtes ! »

Le rire cristallin qui s'échappa de la poitrine d'Ella affaiblit sa misérable tentative d'échapper à l'étreinte d'Emma. Tout au mieux, se tortilla-t-elle en riant encore et encore, prétendant lui asséner des coups d'une sauvagerie sans nom.

Ce fut le moment où elle pivota la tête pour la regarder, souriant comme une bienheureuse, qu'Emma choisit pour déposer ses lèvres sur sa joue. Tout du moins, était-ce là son intention. Lorsqu'Ella sentit le baiser se déposer sur la commissure de ses lèvres, plus aucune des deux adolescentes n'eut envie de rire.

Le monde autour d'elles s'effaça brusquement. Les bruits environnants s'étouffèrent, indiciblement remplacés par leurs battements de cœur, tonnant puissamment dans leur poitrine. Ella sentait celui d'Emma battre dans son dos, et Emma sentait celui d'Ella battre contre sa poitrine. Leurs regards s'entremêlaient, leurs respirations se synchronisèrent, puis ralentirent lorsqu'Emma desserra imperceptiblement son étreinte pour permettre à sa compagne de pivoter afin de lui faire face. La rousse déposa tendrement sa main sur la hanche d'Ella, et l'autre sur sa nuque, son front vint se coller au sien. La blonde frissonna, et entoura le dos d'Emma de son bras, sa main se déposa entre ses omoplates, son autre main empoigna amoureusement celle posée sur sa joue.

Elles sentirent bien que des paroles voulaient sortir. Des taquineries, des piques, des moqueries. Mais en aucun cas, leurs lèvres ne s'ouvrirent pour parler. Elles se contentèrent de s'écarter pour permettre leur baisé amoureux et affamé, propre à deux adolescentes transies d'amour qui ne se sont pas vues depuis trop longtemps. La préfète-en-cheffe aurait pu pénétrer dans le compartiment qu'elles ne se seraient pas séparées. Elles se perdirent de longues minutes dans leur passion, oublieuses du monde les entourant, simplement concentrée l'une sur l'autre. Elles s'abandonnèrent à la délicieuse sensation qui faisait délicatement picoter l'intérieur de leur poitrine, cette délicate couverture autour de leur cœur, cette indicible chaleur parcourant leurs veines.

Après un temps qui leur parut bien trop court, elles pouffèrent de rire en séparant leurs lèvres, pour de nouveau apposer leur front l'un contre l'autre. Emma caressait tendrement les cheveux blonds de sa compagne, sa voix filtra entre deux respirations essoufflées.

« Tu m'as manqué.
Toi aussi. »

La plus grande déposa un rapide baiser sur les lèvres d'Emma, avant de la faire s'asseoir à côté d'elle, pour pouvoir confortablement installer sa tête sur son épaule. Ella s'affala sans retenue sur elle, et Emma ne s'en plaignit absolument pas, continuant de lui caresser la tête, en embrassant à intervalles réguliers ses cheveux, son autre main étant prise par celle d'Ella, qui avait entrelacé ses doigts aux siens. Reposant sur son ventre, Ella respirait doucement, et Emma profitait de la sensation de sa poitrine se levant et s'abaissant. Plusieurs secondes s'écoulèrent, Ella laissa ses yeux se fermer, plus apaisée que depuis des semaines.

« Je t'aime.
Je t'aime aussi Ella. »

Son sourire idiot se retrouva bâillonné par un énième baiser d'Emma, qui ne put s'empêcher de lui rendre son sourire abruti. Leurs pouces caressaient le dos des mains de l'autre, Ella continuait de s'abandonner aux caresses crâniennes que sa compagne lui infligeait sans pitié. Le silence s'installait, apaisant, délicat, se déposant sur les deux âmes à l'image d'un doux plaid, rassurant et protecteur.

Un léger remous du wagon fit dodeliner la tête de la plus jeune, Ella, qui rouvrit alors les yeux, pour sourire à la jeune femme sur laquelle elle se reposait.

« T'es obligée de partir ? Tu veux pas redoubler ? »

Un soupir s'échappa des narines d'Emma. Ce souffle fut suivi d'un léger rire qui agita sa poitrine, provenant du fond de sa gorge. Un sourire amusé, mais quelque peu lassé, flottait sur ses lèvres. Elle déposa son index sur les lèvres de son amante.

« Ella... Fais pas ton bébé. Toi aussi, tu vas me manquer. Mais eh, je serai pas très loin d'ici ok ? La GEAD, c'est à quoi ? Une seconde en transplanage ?
T'es nulle en transplanage ! Tu vomis tout le temps !
Areuh, areuh ! Babillages de bébé ! J'entends rien ! »

Ella aurait bien rétorqué l'une de ses piques dont elle avait le secret, mais Emma était la seule personne dotée de la parade ultime.

Un éclat de rire monta brusquement dans le wagon, cristallin et euphorique, mêlé avec des supplications et des respirations convulsives. Si quelqu'un s'était inquiété de cette soudaine perturbation dans le silence relatif du train, et s'était donné la peine de jeter un coup d’œil dans le compartiment, il aurait certainement été choqué par la violence de la scène s'y déroulant.

Recroquevillée sur elle-même, les joues ruisselantes de larmes, un sourire étiré jusqu'aux oreilles, la respiration coupée par ses éclats de rire, Ella était en train de subir le supplice du chatouillement d'Emma.

« Alors, comme ça, je suis nulle ?
N... non ! Non ! »

Un autre éclat de rire, la rousse jubilait de toute évidence, et elle n'avait aucun mal à retenir sa compagne qui tentait lamentablement d'échapper à la torture de ses doigts insidieux.

« Demande pardon !
Jamais ! »

Emma aurait continué sans le moindre remords si Klee n'avait pas brusquement bondi en couinant de fureur, toutes pattes dehors, pour atterrir avec toute la violence dont elle était capable sur le visage de la rousse. Dans un cri suraigu, cette dernière se retrouva contrainte de lâcher sa victime, qui profita immédiatement de l'ouverture pour se retourner et tenter de prendre sa revanche.

« Oooh que non ! »

La main gauche d'Emma se tendit brusquement pour saisir Klee, qui couina de surpris en se retrouvant soudainement flottant dans les airs. Elle n'avait même pas eu besoin de verbaliser la formule, et son sourire de pure fierté trahissait l'hilarité que la réussite de ce petit exploit lui faisait ressentir. Quant à Ella, elle ne put rien faire. La main droite de la rousse réagit avec tout autant de vitesse et de précision, pour agripper le bras de sa compagne, qu'elle fit pivoter dans un angle peu naturel, pour le plaquer dans son dos.

« Aïe aïe !
Alors ? C'est qui la plus forte ? Tu capitules ?
Tu vas v... Aaah ! »

Emma affermit sa prise, se retenant d'éclater de rire, tandis qu'Ella prétendait souffrir le martyre en pleurant de rire sans chercher à se retenir, essayant par tous moyens de se libérer. Mais lorsque la rousse vit son amante soudainement se saisir la poitrine, elle compris que les éclats de rire commençaient à lui faire mal. Aussi, elle relâcha sa prise, avant de la prendre dans ses bras, pour lui embrasser le cou avec tendresse. Elle profita des secondes où Ella reprenait sa respiration.

« On dirait que je gagne encore, t'en penses quoi ? »

La blonde mima de la frapper sur la tête, en pouffant de rire, frémissant sous les baisers, tentant vainement de lui en rendre quelques-uns. Finalement, elle leva les bras, à bout de souffle, encore secouée par quelques légers éclats de rire.

« Ok, ok... Houuu... tu gagnes, tu gagnes.
À la bonne heure. »

Et en un éclair, aussi vite qu'elle était venue, l'euphorie retomba doucement. L'intimité grandit de nouveau entre les deux adolescentes, qui se blottirent l'une contre l'autre, profitant simplement du contact et de la douceur de pouvoir tenir l'être aimé dans ses bras. Elles auraient parfaitement pu rester ainsi, sans bouger le moindre muscle, pour le restant du trajet, si Ella n'avait pas ouvert les yeux, et que son regard n'était pas tombé sur la boule de poils flottante dans le compartiment. Elle pouffa de rire, avant d'embrasser Emma sur le menton, pour désigner Klee du doigt.

« Tu comptes la laisser longtemps là-haut ? »

La rousse fit semblant d'hésiter, elle réfléchit en se frottant le menton, jetant des regards perplexes à la boule rose, qui explosa de rage en couinant. Dans un rire simultané, Emma la fit descendre pour qu'Ella puisse la saisir dans le creux de sa main. Pour faire bonne figure, Klee décocha un violent coup de sa longue langue en plein sur le front d'Emma, qui prétendit être mortellement blessée. Fière d'elle-même, la boursouflette se blottit alors entre les deux jeunes femmes, pour se rouler en boule, et s'endormir immédiatement, comme si elle venait de vivre la journée de travail la plus remplie de sa vie. Les deux adolescentes affichaient une mine déconfite.

« Elle me surprendra toujours...
Et encore, il paraît qu'elle s'est assagie, Narc me dit. »

Le visage d'Emma changea imperceptiblement à la mention de Narcisse, pour devenir moins jovial, son sourire s'effaça très légèrement, et elle se raidit quelque peu. Ella soupira en lui caressant la joue, l'air las. La rousse secoua la tête en prenant sa main, s'appuyant dessus et fermant les yeux.

« Excuse-moi, c'est plus fort que moi.
Je sais. Mais ça me fait de la peine, tu sais ? J'aimerais vraiment qu'tu lui donnes sa chance.
J'aurais dû le faire y'a deux ans. Tu te souviens de la tête de ta mère, quand elle a appris pour nous deux ? »

Ella éclata d'un doux rire, en se laissant envahir par les souvenirs.

« Oh ouais, surtout vu comment elle a appris. La honte.
J'ai aucun regret.
Moi non plus, c'était délicieux. »

Les deux filles affichaient un air de fierté à peine dissimulé, tandis que leurs esprits vagabondèrent un bref instant à l'exploration de ces réminiscences. Ella rougit comme une tomate, Emma se mit à pouffer de rire, avant de laisser sa petite amie se blottir davantage contre elle. Un soupir, un silence.

« En tout cas, c'était super impressionnant. Sort informulé et magie sans baguette... Tu plairais à Narcisse, hihi.
Oh, la ferme. Je pourrais t'apprendre, tu sais ? Vraiment. Il faudrait juste que tu me laisses...
Non. »

Ella s'était raidie, Emma ferma les yeux. La tension caractéristique d'un sujet trop souvent discuté, trop souvent écarté, qu'elles savaient toutes deux stérile. La rousse posa sa main dans les cheveux de sa compagne.

« Pas de souci. Mais t'auras pas intérêt à venir chouiner quand tu te mangeras un nouveau D en Défense !
Plutôt crever ! »

La plus jeune couina lorsqu'Emma lui pinça brusquement la joue, ricanant d'un air machiavélique. Ella se laissa ensuite aller à une longue expiration, se retournant pour poser sa tête sur les cuisses d'Emma, et s'allongeant entièrement sur la banquette. La rousse eut un sourire presque peiné. Elle sentait toute la fatigue de sa compagne. Elle avait bien vu ses cernes lorsqu'elle l'avait retrouvé tout à l'heure, ses traits tirés et son air anxieux. Ses doigts parcouraient délicatement son cuir chevelu, tandis que ceux d'Ella agrippèrent fermement la main libre de son amante. Emma déposa un baiser au milieu des cheveux blonds.

« Tu peux te reposer, je suis là. »

Une brusque inspiration pouvant être assimilée à un sanglot brisa le cœur de la rousse, qui sentit ses yeux s'humidifier malgré elle. Elle savait comment Ella se sentait chez elle. Sa mère était formidable, et au fond d'elle, malgré son hostilité envers les hommes, elle avait bien conscience que Narcisse aussi était une bonne personne. Mais en dépit de toutes leurs bonnes intentions, Ella souffrait énormément, plongée au milieu des souvenirs que sa maison lui renvoyait à la figure chaque jour qui passait.

Souvent, Emma écoutait longuement sa compagne culpabiliser de ne pas vouloir rentrer chez elle pendant les vacances. Et toujours, elle la rassurait sur sa légitimité de ressentir pareille émotion. Personne ne pouvait la blâmer de choisir cette fuite en avant. Pas davantage que son refus de brandir sa baguette contre quelconque forme de vie. Emma ne pouvait pas vivre les inquiétudes de sa petite amie, mais elle était bien incapable de ne pas se ronger les sangs à l'idée qu'elle ne pourrait jamais se débarrasser de son passé si elle n'y faisait pas face.

Klee ouvrit les yeux, et se posa délicatement sur la tête d'Ella, qui dormait désormais profondément. La petite boule de poils fixa Emma, et durant un instant, les deux âmes semblèrent partager, seulement un court instant, cette même préoccupation pour la jeune femme qu'elles aimaient. Mais la seconde d'après, Klee reprit son air méprisant et possessif habituel, et tourna sur elle-même avant de se rendormir dans les cheveux de sa maîtresse. Emma pouffa de rire, son regard se tourna vers la fenêtre.

« Encore un an... Je peux le faire. »

Le flou de son visage se reflétant dans la vitre lui renvoya une expression fermée. Les traits tirés, les sourcils froncés, la lèvre pincée, ce ne fut qu'au prix d'un effort immense qu'elle réussit à se détendre, et qu'elle put laisser son regard se défocaliser pour profiter des paysages défilant au gré du trajet.

Emma veilla farouchement à ce que personne ne réveille Ella, son simple regard suffisait à dissuader les plus véhéments des préfets tentant vainement de faire respecter leur badge.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

22 déc. 2023, 15:33
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE DEUXIÈME
Peu importe que l'on soit en 2064, 2000, 1960 ou 1900, les bureaux gouvernementaux du monde des sorciers n'ont jamais énormément évolué. Contrairement aux lieux de travail des moldus, qui eux, ont suivis les progrès de leurs époques. Ce qui fait que si vous aviez pu pénétrer à l'intérieur des bâtiments administratifs de la Nouvelle République Démocratique Sorcière, de nombreux bruits et de nombreuses odeurs vous seraient familières. Le brouhaha omniprésent résonnant dans les couloirs, peu importe l'étage auquel vous vous trouvez, les collègues traçant leur chemin, le visage plongé dans des liasses de parchemin, baguette entre les lèvres, derrière l'oreille ou maintenant leur chignon, l'odeur caractéristique du café, boisson décidément indispensable pour tout agent gouvernemental qui se respecte. Malheureusement pour nos amis fumeurs, il a été décidé, depuis que le bâtiment du Consilium a été réaménagé, qu'il était strictement interdit de fumer dans les locaux. Cet élément seul permet d'expliquer de nombreux allers et retours de beaucoup d'employés.

Beaucoup de services ont été modifiés, renommés, créés, voire supprimés ! L'une des premières mesures notables que le nouveau gouvernement a mise en place, fut de revenir à la dénomination "Auror" pour désigner les forces de l'ordre. Car il paraîtrait que suite à un scrutin populaire, les dirigeants se sont rendus compte que personne n'aimait le fait que les policiers se nomment "policiers". Une énième erreur que la République s'est empressée de corriger, et qui a fait l'unanimité au sein du gouvernement. Il semblerait que même au sein des hautes sphères, personne n'a jamais pensé que c'était une bonne idée.

Si les événements de 2054 ont profondément chamboulé la société, et que de nouveaux pouvoirs ont émergés, il est un petit bureau qui a été créé tout spécialement pour servir de garde-fou au plus puissant de tous. Il est 16h50, et Trevor Hing, sous-directeur du Bureau de Surveillance des Sorcier Hors-Normes, pointe la fin de son service.

Comme tout bon fonctionnaire, il ne rate jamais l'heure du coche. Surtout Hing. Lui et les heures supplémentaires, cela fait deux. Cependant, aujourd'hui, le petit homme brun doit quitter son poste plus tôt pour aller emmener son fils chez le médicomage. Une vilaine grippe qui se profile, dit-il, et mieux vaut prévenir que guérir. Ce départ prématuré ne dérange nullement ses quatre collègues, installés au milieu de la trop grande pièce, destinée à accueillir plusieurs dizaines d'employés. Et pourtant, depuis dix ans, ce bureau demeure presque vide.

Et pour cause : le rôle de ce secrétariat, comme son nom l'indique, est de surveiller les agissements de certains sorciers. Or, le nouveau gouvernement a refusé l'idée que les concitoyens puissent être surveillés sans donner leur accord préalable. De plus, il fallait, pouvoir avoir à figurer sur les listes potentielles, être déjà un sorcier particulièrement puissant. Le genre de sorcier qui, s'il tournait mal, pourrait à lui seul causer d'immenses dégâts. Et il s'avère, qu'au jour d'aujourd'hui, un seul sorcier a accepté bien volontiers de se prêter à cette surveillance.

« Eh ben... Regarde ça, Julie, Alpha signale un gros changement de situation, t'as vu ça ? »

L'homme blond, ridiculement grand, dépassant allègrement les deux mètres de haut, mais doux comme un agneau, venait d'ouvrir une lettre cachetée. De ses petits yeux plissés, dont seuls les plus grands observateurs pourraient identifier le marron de ses pupilles, parcouraient les lignes à la calligraphie impeccable. Comme le veut la procédure, il tendit le parchemin à sa collègue, qui le lut à son tour.

« Aha, quoi donc ? Il se fait une nouvelle coupe ? Il achète un nouveau souvenir ? Il... »

Julie se redressa sur sa chaise, écarquillant soudainement les yeux, avant de rajuster une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille.

« Merlin... Attends, c'est un sacré changement ça. Cédric, Léa, venez voir ça ! »

L'énergie de la jeune femme eut tôt fait de tirer de leur léthargie sa collègue, une petite rousse aux yeux verts, dissimulés derrière d'énormes lunettes, qui se dressa en manquant de perdre l'équilibre, accourant pour se placer derrière elle.

« Oooh... Crénom, mais... c'est validé ça ? Enfin, oui, j'pense, t'as vu les signatures ?
Ôte tes sales pattes ! Tu vas encore faire une catastrophe ! »

Kylo, le grand blond, dissimula son éclat de rire derrière sa main, après s'être assis de trois-quarts sur le bureau de sa collègue, en attendant qu'elles aient toutes les deux terminé de lire. Il croisa ensuite les bras sur sa poitrine pour lever le regard. Cédric n'avait pas bougé d'un poil. Son sourcil s'arqua.

« Cédric, tu vas encore rester dans ton coin ? »

Trois paires d'yeux se déposèrent sur l'homme rabougri et grisonnant, qui devait certainement approcher un âge plus élevé que ceux de ses trois collègues réunis. Plusieurs secondes s'écoulèrent, pour qu'enfin, le petit vieux aux yeux marron clair ne daigne relever son visage ridé, dépourvu de séparation entre ses sourcils aussi gris que le peu de cheveux survivants sur sa tête. Ses yeux sournois derrière ses lunettes rondes s'agrandirent pendant quelques secondes. Puis il soupira, avant de faire rouler sa chaise jusqu'à ses collègues, pour jeter à contrecœur un coup d’œil dédaigneux à cette fameuse lettre qui avait l'air de tant les captiver. Sa voix grinçante franchit le seuil de ses lèvres dans un soupir de pure lassitude.

« Laissez-moi deviner, Alpha a décidé d'acquérir une nouvelle veste et... »

L'expression de son visage changea du tout au tout. Sa bouche d'habitude si aigrie lorsqu'il l'ouvrait se ferma pour de longues secondes de silence assourdissant. L'air surpris et incrédule de ses collègues se changea rapidement en amusement lorsque ses yeux de merlan frit repassèrent quatre fois d'affilées sur la même ligne. Julie fut la première à réagir.

« Bah alors papy ? On a du mal à lire ? Faut changer de lunettes ! »

Quelques coups de coudes et quelques rires plus tard, Kylo décida de sévèrement claquer l'épaule de Julie, contenant son immense sourire, essayant d'avoir l'air le plus ferme possible, malgré l'hilarité qui l'envahissait. Léa dissimula son rire cristallin derrière sa main, avant que Julie ne soupire en souriant.

« Je plaisante évidemment, tu me connais voyons.
Pardon ? Oh, oui oui, ce n'est rien... »

Léa et Julie se regardèrent, circonspectes, Kylo pencha la tête, dubitatif. De toute évidence, la réaction du vieil homme n'était pas en accord avec ses habitudes. Ce dernier sentit bien le regard de ses collègues, et après avoir récupéré sa contenance, il haussa machinalement les épaules, déposant la lettre sur le bureau, sans pour autant la quitter facilement des yeux. Les roulettes de sa chaise épousèrent de nouveau le sol marbré.

« Ce n'est vraiment pas grand-chose. De toute manière, cela n'est pas de notre ressort. »

De ses doigts crochus et veinés, translucides au travers de sa peau aussi blanche que du papier, il réorganisa quelques liasses de parchemins. Ses collègues mirent de côté toutes leurs suspicions lorsque Cédric récupéra son air rébarbatif de d'habitude, et qu'il leur lança le regard le plus méprisant du monde.

« Vous devriez y aller. Des petits jeunes comme vous ne devraient pas passer leur soirée à ça. Allez, filez, je m'en occupe. »

Julie s'approcha de lui avant de lui décocher une grande tape dans le dos, manquant de faire tomber ses lunettes, qu'il rajuste prestement, affichant de manière ostentatoire son air grognon.

« Mais c'est qu'il développe le sens de l'humour l'ancêtre ! Mais bon, moi, je vais pas me faire prier ! J'ai un rendez-vous ! »

Légèrement et aussi souple qu'une chatte, elle s'empara de sa veste pour l'enfiler, un grand sourire aux lèvres. Kylo s'étira jusqu'à faire craquer ses épaules, tandis que Léa avait à son tour commencé à se préparer. Il ne fallait pas davantage qu'un aîné qui vous décharge de vos responsabilités pour tenter trois jeunes fonctionnaires de moins de 25 ans. D'un coup de baguette, ils réorganisèrent leur bureau, achevèrent d'enfiler leur veste, et firent rouler leur chaise sous leur table. Discutant à voix basse, dans une ambiance bonne enfant, Léa se tourna cependant vers Cédric, sur le pas de la porte.

« On t'revaudra ça. La prochaine fois, c'est toi qui pars avant nous !
De toute manière, il est plus que probable que ce soit moi qui parte le premier. »

La rousse fronça les sourcils, avant que Julie n'éclate de rire, pleurant joyeusement d'euphorie, pour ensuite prendre sa collègue par les épaules.

« Il a mangé du lion aujourd'hui ! Rassure-toi l'ancêtre, tu nous enterreras tous ! »

Un dernier salut de main, un regard échangé, et enfin, le bruit de la porte claquant doucement, suivi par l'écho étouffé de leurs dernières discussions de couloir, le temps qu'ils arrivent à l’ascenseur.

Une minute s'écoula. Puis deux. Puis trois. Le silence absolu et l'immobilité totale régnèrent dans le secrétariat de Surveillance pendant au total plus d'une dizaine de minutes. Puis, quelque chose bougea. Le vieil homme dressa brusquement la tête, et se précipita contre la porte, pour plaquer son oreille contre le bois, et se figea. Il écouta, longuement, il attendit patiemment. Son souffle était court, la sueur ruisselait sur son front, il tentait vainement d'apaiser les battements de son cœur. Aucun bruit ne vint du couloir. Cédric était seul.

En pivotant sur lui-même, il s'adossa à la porte, avant de pousser un long soupir tremblotant. Son visage se durcit, son regard se posa sur la lettre qu'il avait négligemment déposée sur le bureau. Ses yeux furetèrent de manière suspicieuse de droite à gauche, il s'en approcha aussi discrètement que possible, comme si quelqu'un pouvait débarquer à tout instant. Le parchemin manqua de se froisser sous le tremblement de ses doigts squelettiques lorsqu'il le récupéra pour le lire de nouveau.

« Merlin... »

Son regard glissa sur le côté. Son sourire se fit mauvais, un ricanement s'échappa de sa gorge. Il dégaina sa baguette, en tirant une feuille de parchemin vierge, qu'il déposa à côté de la lettre. À l'image d'une fouine craignant d'être prise par surpris, il tournait la tête de droite à gauche en brandissant son catalyseur.

« Sponte Scripto. »

*
*---*

La copie de la lettre soigneusement pliée pesait surprenamment lourd dans la poche de veston de Cédric. Le vieil homme se retournait à tous les coins de rue, son col relevé pour dissimuler le bas de son visage, son souffle court générant d'épais nuages de vapeur d'eau devant sa bouche. Le bruit de ses pas crissant dans l'épaisse couche de neige contrastait avec le glacial silence régnant dans les rues du centre-ville. Il avait de la chance, pour un vendredi soir, il n'y avait pas âme qui vive. Il était indispensable de se faire discret pour ce qu'il s'apprêtait à entreprendre.

Lorsqu'il s'arrêta devant un grand manoir, il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas regarder dans toutes les directions. Mieux valait qu'il se fasse voir toquant naturellement à une porte plutôt que d'agir de façon suspicieuse. Après tout, il allait juste rendre visite à un ami. Oui, c'est cela. C'était ce qu'il répondrait si jamais on lui demandait ce qu'il avait fait de son vendredi soir. La lourde poignée cogna deux fois contre l'épaisse porte. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'un petit elfe correctement habillé ne lui ouvre. Cédric le reconnut, et inversement. Immédiatement, la petite créature se raidit, et ouvrit la porte en grand. Le vieil homme s'y engouffra sans la moindre formalité.

« Préviens ton maître immédiatement, allez ! »

L'elfe inclina la tête sans un mot, avant de refermer la tête pour transplaner dans un claquement de fouet. Cédric n'attendit même pas son retour pour prendre la direction du grand salon. Où pourrait se trouver Phillips Shell, à part dans son luxueux salon ? Aussi loin que Cédric s'en souvienne, jamais son employeur officieux et lui n'avaient discuté ailleurs qu'à cet endroit. Et encore une fois, cela se confirma. Suffisamment haut de plafond pour pouvoir échelonner 10 hommes de sa taille, rempli à dégorger d’œuvres d'art et des tapis magnifiques, de tentures somptueuses. Un immense feu brûlait dans l'âtre de la cheminée en marbre blanc. Le grand canapé dans lequel était assis son hôte faisait directement face à ce brasier, et plusieurs fauteuil étaient disposés aux alentours. L'elfe était en train de servir un deuxième verre de vin, avant que le maître des lieux ne lève un doigt.

« Tu peux disposer, Fritzy. »

Ce dernier s'exécuta sans la moindre hésitation, disparaissant aussi efficacement que si l'on avait placé un petit tas de neige sous une chaleur intense. Cédric s'immobilisa à la jonction entre le couloir et le salon. Phillips, un homme tout aussi âgé que l'espion, roux et le visage parsemé de taches de rousseur, voûté par les ans, richement vêtu, les traits nobles, durs et méprisants. Il respirait à tout instant une profonde satisfaction de lui-même. Ses yeux gris perçants se posèrent alors sur le vieil homme aux cheveux blancs, il frissonna. D'un simple geste de la main, il l'invita à s'asseoir.

Pas un mot ne fut échangé. Cédric baissa immédiatement le regard avant de s'exécuter, retirant discrètement sa veste pour la confier à l'elfe qui venait de réapparaître. Il disparut en un battement de cils, et le vieil homme savait qu'il retrouverait sa veste repassée et impeccablement nettoyée.

Le silence se prolongea quelques instants, avant que Phillips n'arque un sourcil en portant à ses lèvres son verre.

« Et bien ? Que me vaut le plaisir de votre visite impromptue ? »

Cédric se redressa brusquement en bloquant sa respiration, sentant un lourd poids appuyer de plus en plus sur sa poitrine. Un raclement de gorge s'échappa péniblement, ses doigts gourds et squelettiques s'entremêlaient de gêne.

« Hrm, en fait... Monsieur, mais... Nous avons reçu une actualisation de la situation pour Alpha, et j'ai pensé que vous devriez être mis au courant le plus rapidement possible. »

Un nouveau silence, Phillips écarta les bras, d'un air presque irrité, fronçant les sourcils.

« Et donc ? Je suis censé deviner par la magie du saint Merlin l'information apparemment capitale que vous souhaitiez me révéler ? »

L'homme aux cheveux dégarnis baissa le visage de honte et d'embarras, avant de reprendre son souffle pour se lever en récupérant la lettre dans son veston. S'avançant à pas précautionneux jusqu'à Phillips, il lui tendit d'une main tremblante. Tandis que son employeur la décachetait calmement, son visage reflétant toujours cette même sérénité suffisante insupportable, Cédric croisa les bras derrière son dos, basculant son poids d'un pied à l'autre dans l'attente de sa lecture.

L'expression du roux changea imperceptiblement, il se redressa dans son canapé, fronçant légèrement les sourcils. Puis un mince sourire étira la commissure de ses lèvres, qui tremblotèrent un court instant. Lorsqu'il releva ses yeux gris, une effrayante lueur fit frissonner le fonctionnaire qui dut se retenir faire un pas en arrière.

« Bien... »

Il relut une dernière fois, avant de froisser la lettre entre ses doigts, pour finalement la carboniser d'un geste de main.

« Très bien. »

Dans un souffle et un bruissement de cuir, il reprit sa position dans son canapé, les coudes sur le dossier, impeccablement droit. Il indiqua le fauteuil en travers de lui d'un mouvement de tête méprisant, Cédric s'y installa de nouveau. Un soupir de contentement, Phillips se frotta le menton.

« Ils n'ont pas perdu de temps... »

Cédric osa enfin reprendre la parole.

« Monsieur... Si je peux me permettre, n'avez-vous pas manqué de discrétion ? Peut-être qu'ils n'auraient pas réagi de cette manière si...
Vous ne comprenez rien. »

Le ton sec de sa voix fit blêmir le petit homme, qui reprit son souffle avec peine.

« C'était exactement ce que je voulais. Cependant, je reconnais admettre que je n'avais pas envisagé qu'ils agissent de manière si... expéditive. Ils doivent se douter de quelque chose. Montmort a finalement l'air d'avoir plus de jugeote que certains n'aiment à le clamer. »

Son pouce et son index frottèrent l'un contre l'autre, avant qu'ils ne ferment ses doigts pour serrer le poing. Il plongea son regard dans celui de Cédric.

« Il serait inconsidéré de continuer dans ces conditions... À quand remonte la dernière tentative ? »

Un raclement de gorge, le retour sur un terrain familier réconforta le fonctionnaire.

« Il y a un mois, je dirais. Une embuscade lors de sa dernière mission. Et comme d'habitude, Alpha n'a même pas transpiré. Nous commençons à manquer de mercenaires...
Mh... »

Une nouvelle minute de réflexion, comme si Cédric n'était plus dans la pièce. Phillips serra de nouveau son poing, avant de lever les yeux, en passant sa main dans ses cheveux.

« Si une nouvelle attaque devait être ordonnée, qui est disponible ? »

Après un sursaut, Cédric tapota son veston, pour finalement en tirer une liasse de parchemins. Une longue liste de noms, presque tous étaient désormais rayés ou raturés. Il feuilleta rapidement les dernières feuilles, secouant la tête d'un air désapprobateur.

« Hélas... Il ne reste que des incompétents... Enfin, sauf une, mais elle est épouvantablement cher, c'est pour cela que nous l'avions mise de côté et... »

Un claquement de doigts, la liasse se retrouva entre les mains de Phillips, qui fit courir son regard gris sur un nom qui n'était pas raturé.

« Irène Jourov... Merlin. 30.000 Gallions ? Et ce n'est que l'acompte !?
Et 70.000 de plus une fois le travail accompli... »

Le roux passa rageusement sa main sur son front, dans un soupir d'exaspération, et s'immobilisa un instant. Le cœur de Cédric battait fortement dans sa poitrine, il régnait dans la pièce une telle tension qu'il craignait que le moindre mot de travers ne cause sa perte. Une sueur froide entailla sa colonne vertébrale, il se contraint à l'immobilité totale. Enfin, après un temps qui lui parut infini, Phillips poussa un soupir résigné, et replia la liasse de parchemins, pour la renvoyer à son espion. Il croisa ses mains sur ses genoux, son index tapotant sur le dos de sa main.

« C'est abordable. »

Un moment de silence. Son regard dur et froid pénétra celui de Cédric, un sourire mesquin aux lèvres.

« Vous savez ce que vous avez à faire. Je ne veux pas de retombées imprévues. Elles me seraient fort déplaisantes... Et funestes pour vous. »

Le bruit de la salive que l'on déglutit difficilement, le fonctionnaire hocha vivement la tête en dissimulant la liasse dans son veston. Une goutte de sueur roula sur sa tempe, malgré la fraîcheur ambiante.

« Bien monsieur, je m'occupe de tout. »

Phillips le congédia d'un mouvement dédaigneux de la main, claquant des doigts ensuite pour que son elfe ramène la veste de son invité. Parfaitement repassée, et impeccablement nettoyée, comme attendue. Le vieil homme fit appel à tout son courage pour ne pas s'enfuir en courant de cette maison, et lorsqu'il ferma violemment la lourde porte derrière lui, le bruit sourd de ses respirations paniquées créèrent d'épais nuages de vapeur. Ces derniers se dissipèrent dans le vent gelé, les flocons se mirent à tomber, recouvrant ses pas, comme s'il n'était jamais venu.

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27 déc. 2023, 00:02
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE TROISIÈME
« À tes souhaits Emma !
Oh, la ferme toi ! »

Un éclat de rire résonna à la suite de l'éternuement plus que sonore de la petite rousse. Le bas de son visage, qu'elle dissimulait derrière ses mains, était recouvert de morve, le haut de ses joues flamboyant d'une indignation exagérée. Ella, assise juste devant elle, s'empressait de manifester son faux dégoût en s'écartant, tirant la langue à outre mesure. Elle ne cherchait en aucun cas à contenir l'hilarité que la petite blague que son camarade avait infligée à sa compagne déclenchait. Un grand brun aux yeux bleus, Jack, tendit alors un paquet de mouchoirs à Emma. Soigneusement vêtu d'une chemise impeccablement repassée, sa robe de sorcier soigneusement rangée sur le dossier de sa chaise, il était aussi propre sur lui que son sourire illuminait son visage. Il était si maigre que ses amis aimaient dire que lorsqu'il se mettait de profil et tirait la langue, il ressemblait à une fermeture éclair. Son air malicieux ne trompait personne : dans son autre main, il tenait sa baguette, fumante du sort qu'il venait de lancer à Emma pour la faire éternuer. Cette dernière s'empara rageusement du paquet pour nettoyer le bas de son visage, tout en le menaçant de son poing brandi.

« Espèce de sale petit... »

Son juron se perdit lorsqu'elle se moucha, provoquant un nouvel éclat de rire, qui attira quelques regards d'une salle de classe en plein brouhaha. Les élèves avaient depuis une bonne dizaine de minutes abandonnés leur place habituelle pour se regrouper et discuter. Emma renifla une dernière fois, avant de carboniser le mouchoir usagé entre ses doigts, fixant Jack d'un air fier, un sourire satisfait étirant la commissure de ses lèvres.

« Petit con ! Voilà c'que j'allais dire !
J'aurais plutôt dit "grand" con... Aurais-tu oublié que c'est à toi que revient la palme de la petitesse parmi nous ? »

Dissimulée derrière un occulte traité de botanique qu'elle seule semblait comprendre et apprécier, Valentine ne s'embarrassa même pas à lever les yeux pour regarder ses camarades. Affalée sur son bureau, ses cheveux noirs ébouriffés aux quelques mèches bordeaux, ne sachant s'ils devaient s'arrêter à ses épaules ou à sa nuque. Elle rajusta ses énormes lunettes rondes sur le bout de son nez, laissant apparaître un court instant le marron de ses pupilles. Malgré l'hilarité que déclencha sa petite pique, excepté de la part d'Emma, aucun sourire ne déforma ses lèvres. Cette dernière lui projeta alors une boulette de papier, en pleine joue, rejoignant finalement Ella et Jack dans leur rire.

« De quoi je me mêle d'abord ! Retenez-moi, je vais me la faire celle-là !
Emmaaaa, arrête ! »

Ella tenta vainement de s'interposer, en agrippant sa compagne par les hanches de toute la longueur de ses bras, davantage dans une étreinte amoureuse qu'une véritable tentative d'immobilisation. La disposition de la salle de classe en amphithéâtre faisait que pour une fois, la blonde arrivait à la hauteur du visage de sa compagne. Cette dernière ne perdit pas une seconde pour l'embrasser afin de court-circuiter son effort méritoire mais futile pour la retenir. Ce fut la voix du dernier membre de leur groupe qui réussit enfin à la calmer.

« Emma ! Ne m'oblige pas à de nouveau te retirer des points. Notre amitié ne doit pas te laisser penser que tu es au-dessus des règles. »

Un grand gaillard, assis droitement sur sa chaise, sa main droite s'affairant à habilement prendre des notes d'un cours inexistant, trouva malgré sa posture pourtant déjà impeccable, le moyen de se redresser en tourna le regard vers ses camarades. Ses yeux perçants d'un marron sombre s'accordaient à la perfection avec le blond de ses cheveux plaqués sur sa tête. Il attirait énormément de regards, et s'il en avait eu conscience, William aurait pu devenir le bourreau des cœurs de ces dames... et de ces messieurs. Mais en attendant, il se contentait de remplir à la perfection son rôle de préfet-en-chef, n'hésitant jamais à brandir son insigne à tout-va.

La mâchoire d'Emma manqua de se décrocher, tandis que ses camarades retinrent tous un éclat de rire derrière leur main, sauf Valentine, qui fronça les sourcils en lisant une ligne particulièrement alambiquée. Cette fois-ci, il fallut les efforts conjoints de Jack et d'Ella pour arrêter la rousse.

« Mais j'hallucine !! Et l'autre fermeture éclair là ?! C'est lui qu'a commencé !
J'ai rien fait m'dame ! C'est ma baguette qui est partie toute seule ! »

De son index accusateur, la rousse explosive laissait ressortir toute sa révolte face à cette profonde injustice, se moquant bien des regards de jugement que ses exaltations attiraient. Et ce, malgré toutes les tentatives de sa compagne pour essayer de lui faire baisser la voix. William pivota enfin pleinement, laissant son poing fermement tonner sur son bureau, faisant s'envoler son parchemin de quelques centimètres, interrompant l'éclat de rire de Jack.

« Lui, au moins, n'a pas brandi le poing en hurlant au milieu d'une salle de classe ! »

Prévenant toute intervention d'Ella, qui avait déjà entrouvert les lèvres, il se tourna prestement en direction de Jack, levant à son tour son index.

« Ne crois tout de même pas que je t'ai pour autant oublié, la prochaine fois que tu lances un sort sur un ou une camarade, je sévirai.
Oh la laaaa... Qu'est-ce que t'es sévère, monsieur le préfet-en-chef... »

Ella avait croisé les bras sur sa poitrine, prétendant frissonner d'une frayeur indicible, mais le sourire séparant son visage en deux contredisait magistralement son langage corporel. Jack avait déposé la main sur sa poitrine, prétendument profondément choqué par les basses accusations de son ami. Tous et toutes se fixèrent quelques secondes durant —sauf Valentine, qui décidément ne décrochait pas ses yeux de son livre— avant de brusquement éclater de rire. Ella se mit à pleurer d'hilarité, Emma manqua de basculer en avant en s'appuyant sur elle, Jack se plia en deux en retombant sur sa chaise, plongeant son visage dans ses mains. Même Valentin eut finalement un sourire, clignant des yeux brièvement pour se détacher de sa lecture.

Les joues de William rougirent, elles gonflèrent alors qu'il se redressa brusquement, inspirant sous le coup de l'offense certaine. D'autres rires se firent entendre dans la classe. Le grand blond, bien propre sur lui, rajuste une mèche de cheveux derrière son oreille, un tic agitant sa paupière inférieure.

« Dernier avertissement ! Vous avez intérêt à vous calmer, ou...
Rictusempra. »

Le geste fut vif, précis, et surtout d'une grande efficacité. William n'eut même pas le temps d'apercevoir la baguette de Valentine, qui, sans quitter ses pages des yeux, avait décidé qu'elle en avait assez d'entendre la voix de son ami, qu'elle trouvait un peu trop zélé. Un silence se fit. Puis un rire, de plus en plus fort. Rares étaient les moments où le préfet riait. Rares étaient les moments où il souriait même. Mais lorsque cela arrivait, il se changeait en véritable soleil, rayonnant et provoquant l'hilarité de tous ceux qui l'entouraient.

En un instant, toute la tension provoquée par son comportement fut évacuée, alors que ses amis le rejoignirent dans son éclat de rire cristallin, qui résonna dans la salle de classe. Une petite larme roula le long de sa joue, il l'essuya en se redressant, avant de finalement s'asseoir, tourné vers ses camarades. Il secoua la tête d'un air désapprobateur, mais son sourire demeurait malgré lui.

« Miséricorde... Vous êtes intenables.
Mais oui, nous aussi, on t'aime. »

Emma souriait fièrement, tout en s'asseyant directement sur son bureau, laissant pendre ses jambes dans le vide. Ella en profita pour venir poser sa nuque sur la table qui supportait le poids de sa compagne, entre ses jambes, pour laisser la rousse venir lui caresser les cheveux tout en parlant.

« Tu sais, si tu te sortais un peu le balai entier que t'as dans le cul, tu profiterais davantage. »

Jack et William réagirent vivement. L'un écarquillant de grands yeux et l'autre rougissant, mais toujours incapable de réellement s'énerver, encore sous le coup de l'euphorie. Ella se contenta de secouer la tête, plongeant lentement dans les bras de Morphée sous les caresses de son amante.

« Emma ! T'as de la chance que le prof soit pas là, imagine s'il t'avait entendu ! Je n'aurais pas pu t'éviter une punition.
Tu déconnes ? Il m'adore le Julius, il me passerait tout.
Sauf un savon, apparemment. »

Les quatre adolescents pouffèrent de rire, pris au dépourvu par la nouvelle pique de Valentine. Cette dernière avait le don de sortir des bombes au moment propice, sans jamais pour autant perdre son sérieux. C'était d'ailleurs ce qui la rendait proprement hilarante à leurs yeux : le fait qu'elle dise tout au premier degré, et qu'elle prenne tout au pied de la lettre. Emma fronça les sourcils avant de lui tirer la langue.

« Jalouse.
Fayotte. »

Un nouvel éclat de rire les secoua doucement, mais cette fois-ci, le silence qui le suivi dura. Les discussions alentours continuaient, mais William fut le premier à porter son regard en direction de la porte, suivi rapidement par ses camarades.

« Plus sérieusement, quelqu'un a des nouvelles du professeur ? »

Tous secouèrent la tête de manière négative, et Jack regarda Emma.

« Même pas toi ? Il t'as pas fait passer un message que t'aurais oublié de nous transmettre ?
Mh mh.

Elle secoua de nouveau la tête, ignorant le regard inquiet que lui lançait sa compagne.

« Non, ça fait une semaine que je l'ai pas vu. Il est même pas venu à la séance du club...
Peut-être qu'il est mort ? Vu son âge...
Valentine ! »

Les quatre voix s'élevèrent à l'unisson, ce qui fit bondir la Serdaigle, qui manqua de lâcher son livre. L'espace d'un moment, elle eut l'air totalement perdue, à regarder dans toutes les directions. Puis, elle repéra son livre, qu'elle récupéra avec un soulagement non dissimulé, pour le serrer contre elle. Enfin, elle remarqua les regards de ses amis. Elle rajusta ses lunettes en fronçant les sourcils.

« Bah quoi ? Vous pensez vraiment qu'il est fort au point de ne pas être concerné par ça ? C'est bien naïf de votre part.
Jamais dans l'excès celle-là... »

Ella pouffa de rire, avant de lever les yeux une dernière fois vers Emma, pour finalement se redresser souplement. Elle s'étira en bâillant, avant de croiser les bras sur sa poitrine.

« Bon, moi j'm'ennuie !
Dis carrément qu'on t'embête...
Oups ? »

Jack souriait en se moquant, Ella pouffa de rire en haussant les épaules. William fronça les sourcils en observant Ella descendre brusquement vers l'entrée de l'amphithéâtre pour poser sa main sur la poignée. Il se leva d'un bond, les mains sur sa table.

« Ella ! Où tu crois aller ? »

Elle tressaillit, se figea, et tourna son regard vers lui. Emma dissimulait son sourire derrière sa main, mais au fond, elle désapprouverait si sa compagne venait à déserter le cours. Valentine s'était désintéressée de la situation, et Jack suivait, en se contentant de les regarder, profitant simplement de ce qu'il pensait être une future embrouille. La blonde lança une moue au préfet, avant de lever les yeux au ciel en soupirant.

« J'vais pas partir... mais c'est pas l'envie qui m'en manque. Par contre... »

Elle tourna sur elle-même, semblant chercher quelque chose du regard. Ses yeux s'illuminèrent lorsqu'enfin, elle trouva l'objet de ses désirs. Emma pouffa de rire, William fronça de nouveau ses sourcils, et Jack fut incapable de comprendre où elle voulait en venir. L'air parfaitement innocent, Ella se rapprocha du tableau noir, pour saisir la brosse, déposée par aimantation sur le côté. Elle se mit à siffloter gaiement, puis entreprit d'effacer les anciennes notes du précédent cours, pour charger la brosse de poussière de craie. Valentine jeta un coup d'œil, et elle replongea dans sa lecture, hochant la tête, l'air d'avoir tout compris.

Ce qui n'était pas le cas de ses autres camarades, qui se contentaient de l'observer, jusqu'à ce qu'elle se rapproche de la porte, la brosse en main. Un frisson parcourut la colonne vertébrale de ses camarades, et leur cœur bondit dans leur poitrine lorsqu'Ella entrouvrit la porte. William s'insurgea de nouveau.

« Mais, Ella, qu'est-ce que tu...
Ella ! Sérieusement ? »

La voix d'Emma était partagée entre l'amusement et une certaine irritation. Elle s'était laissé glisser jusqu'au banc du rang inférieur, avant de plaquer les mains sur le bureau d'Ella. En temps normal, la rousse était toujours la première à blaguer et repousser les limites. Mais son affection envers le professeur Julius la poussa à ressentir une petite pique au cœur à l'idée que l'on puisse lui faire un tel coup bas. Ella ne manifesta cependant pas la moindre réaction, et continuant de siffloter innocemment, elle se dressa de toute sa hauteur, et bloqua la brosse entre la porte et son encadrement, aussi haut qu'elle le put. Une bonne partie de la classe avait désormais les yeux rivés sur elle, prétendant continuer leur conversation.

Quelques rires s'élevèrent, William se frappa le front de sa main, mais ne put retenir son rire en se rasseyant.

« À tes risques et périls... On se décharge de toute responsabilité.
Ella ! Ça marchera jamais, on dirait que tu connais zéro le prof, c'est pas cette petite blague qui va...
Oui, bah, dans ce cas, ça ne lui fera pas de mal, pas vrai ? »

Le petit rire moqueur et innocent de la grande blonde désarma toute tentative de protestation de sa compagne, qui la fixa, bouche bée, avant de subir le bref assaut de ses lèvres contre les siennes. Elle rougit, se racla la gorge, avant de lever les yeux au ciel, désarmée par le sourire de sa compagne.

« Toi alors...
Ouiiiii ? »

Ce furent des éclats de voix en provenance du couloir qui interrompirent soudainement les discussions de la classe. Des bruits de pas se rapprochaient, et dans l'urgent, chaque élève se hâta de regagner sa place, avec plus ou moins de discrétion. William rajusta ses cheveux, Jack manqua de trébucher sur sa chaise, Ella et Emma s'assirent prestement après un dernier baiser. Il n'y avait que Valentine, qui, n'ayant jamais quitté sa place, n'eut pas besoin de faire le moindre déplacement. Elle eut même l'air blasée de ce soudain remue-ménage.

Ella se frottait les mains en ricanant comme une enfant, dans l'attente de voir si sa petite blague fonctionnerait ou non. William avait l'air profondément blasé, et Emma désespérée, mais ne pouvait s'empêcher de la regarder d'un air amoureux.

Les voix continuèrent à résonner dans le couloir. Ella reconnut la voix d'Elina Montmort, la directrice, mais elle fronça les sourcils en entendant la deuxième... Emma réagit également, et elles se regardèrent. Un frisson parcourut la blonde, ses sourcils se froncèrent sous la réflexion, alors qu'elle tentait vainement de replacer cette voix...

Le temps lui manqua lorsque le bruit de la poignée retentit, tous les regards étaient tournés vers la porte. Certains dans l'attente de revoir leur professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et d'autres dans l'attente de voir si la blague d'Ella allait porter ses fruits ou échouer lamentablement...

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29 déc. 2023, 16:14
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE QUATRIÈME
Dans le silence nouveau de la salle de classe, les élèves auraient pu jurer avoir été capables d'entendre les battements de cœur de son voisin, le temps d'un instant. Et durant ce clignement de cils, cet infime seconde insignifiante, même le bruit de la brosse chutant et fendant l'air résonna comme le bruissement d'un brusque coup de vent. Le son du bois touchant un crâne, amorti par une masse de cheveux virant en un éclair au blanc sous la poussière de craie s'élevant soudainement, entourant la tête de la personne venant d'ouvrir la porte. La grande silhouette, vêtue d'une veste grise et d'un ensemble assorti, tâché des salissures de la poudre blanche s'accrochant au tissu, s'était immobilisée. Il s'écoula bien une longue seconde avant que le premier rire ne se fasse entendre.

Ce fut une élève au premier rang, qui commença par pouffer de rire. Aussi discrètement qu'elle le put, recouvrant sa bouche de ses mains pour en étouffer les échos. Mais cela fut plus que suffisant pour provoquer une réaction en chaîne propre à celle d'une classe qui attendait son professeur depuis un trop long moment. Toute la pression et l'impatience accumulées dans des corps emplis d'hormones et d'impulsivité ne demandèrent qu'à être libérée. Chaque rire du voisin entraînant irrémédiablement celui de l'autre.

Mais alors que la poussière de craie retombait aussi lentement que l'hilarité s'achevait, deux âmes partageaient la même émotion. Le doute. La suspicion. Emma et Ella se regardèrent à l'instant où la silhouette entra dans la pièce. Leur visage reflétait leur anxiété, ignorant les rires des camarades qui les entouraient. Aucune n'eut besoin de parler. Chacune avait l'impression d'entendre parfaitement les pensées de l'autre.

« Ella, on dirait pas...
Si, mais c'est impossible ! »

Une légère quinte de toux interrompit le train de leurs pensées, les forçant à tourner leurs têtes en direction de la silhouette. Cette dernière était en train de balayer l'air devant son visage pour en dissiper la poussière. Lorsqu'enfin sa tête se retrouva visible, l'hilarité de la classe retomba brutalement. Le silence devint pesant, simplement entrecoupé de quelques toussotements que laissait échapper Narcisse.

« Et bien... Quel accueil ! »

Ses cheveux étaient entièrement blancs, la poussière de craie s'y accrochait. Son sourire était sincère et amusé, ses yeux pétillaient de malice et d'euphorie. Mais Ella le connaissait mieux que quiconque ici. Bien que plongée au cœur d'une tourmente de confusion et de questionnement laissant entrebâiller sa bouche sous le choc, elle ne peut que remarquer la légère tension qui parcourait ses épaules. Les imperceptibles coups d'œil qu'il lançait à droite et à gauche, l'infime froncement de ses sourcils. Ella n'en revenait pas, il était bien plus tendu que d'habitude. Et le fait qu'elle n'arrive pas à comprendre pourquoi ne fit que renforcer sa confusion.

Ce fut plus fort qu'elle. Lorsque Narcisse se pencha souplement pour ramasser la brosse, elle se dressa, nerveusement, ignorant les tentatives d'Emma de la retenir par le bras. Sa voix manqua de se briser, légèrement tremblante.

« Mais, Narcisse ! Pourquoi t'es là ?! »

Sa compagne ne réussit pas à la faire se rassoir avant la fin de sa phrase. Mais lorsqu'elle réussit à enfin s'imposer, un murmure parcourait déjà les rangs de l'amphithéâtre. Narcisse avait tressailli, il s'était figé en redressant soudainement le visage pour regarder Ella, tenant la brosse entre ses doigts. William tourna la tête vers Ella, puis en direction de Narcisse, écarquillant de grands yeux. Jack avait la main posée sur ses lèvres, pris sous le coup de l'émotion. Même Valentine avait enfin déposé son livre, et posait sur l'adulte un regard plein de curiosité et d'appréhension. Emma le fixait sans discontinuer, tiraillée entre la colère et la confusion. Narcisse soupira, et se redressa lentement.

Ignorant parfaitement les murmures devenant brouhaha, il déposa son sac à dos à côté du bureau. Ce même sac à dos qui l'accompagnait depuis son entrée à Poudlard. C'était sa mère qui l'avait choisi, et elle ne s'était pas trompée. Autrefois bien trop grand pour lui, il lui allait désormais parfaitement. Il ignora la poussière de craie, il ignora les regards, les index qui se levaient pour le désigner, les têtes se retournant, les expressions de visage s'opposant en tout point.

Ella fut consternée d'observer avec lui la myriade d'émotions qui se déchaînait. Peur, surprise, consternation, effroi même, pour certains. Mais également admiration, fascination, incrédulité, et fanatisme même. Ella serra avec force la main de sa compagne, s'y accrochant comme à un phare en pleine nuit. Certains élèves avaient même commencé à se lever. La blonde sentit une soudaine pression grandir dans sa poitrine. Sa respiration s'accéléra, les bruits se démultiplièrent. Emma posa immédiatement la main sur son épaule.

--------------CLAC

Aussi brusquement que le vacarme était né, il s'éteignit en l'espace d'une respiration. Narcisse avait ôté ses gants, qu'il avait glissés dans sa poche, les laissant dépasser, pour claquer ses paumes nues l'une contre l'autre. Sèchement, droitement. Mais avec une tranquillité qui se diffusa indiciblement dans toute la pièce. Le tintement de ses paumes résonna plusieurs longues secondes, et seule Emma perçut toute la magie qu'il y avait entremêlé. Aussi subtile qu'un bruissement de tissu, mais aussi présente que l'éclat du soleil. Tous et toutes se figèrent, comme piqués au vif. Ella put reprendre sa respiration, elle ferma les yeux, serrant ses mains contre ses bras, réussissant enfin à calmer ses balancements paniqués. Emma lui caressa doucement le dos, et Narcisse l'en remercia d'un hochement de tête.

« Bien. »

Dans un chuintement, il remit ses gants. Son regard parcourut lentement l'assemblée, faisant rassoir ceux qui s'étaient dressés. Son sourire étirait ses lèvres, il se laissa aller à un profond soupir. Il ne prêta pas attention aux regards curieux et insistants sur ses mains. Après avoir renfilé ses gants, il croisa les bras sur sa poitrine et s'appuya sur le bureau. Son index se leva, une craie vola et commença à écrire son nom et prénom au tableau, son âge, ainsi qu'une phrase qui fit froncer les sourcils de plus d'un.

« J'aurais aimé que notre présentation se déroule d'une autre manière, vraiment, j'aurais aimé. J'me doute bien que vous devez vous sentir un peu... »

Il haussa les épaules en secouant la tête.

« Je n'ai pas le mot, mais je me doute que c'est bizarre pour vous. Je vais essayer de faire concis. »

Sa main passa dans ses cheveux, nettoyant d'une traite la poussière de craie. Il ignora les réactions plus ou moins discrètes lorsqu'une de ses mèches demeura aussi blanche que la neige. Il sentait les regards pesants, aussi bien sur ses cheveux, que sur la cicatrice de sa joue. Il les balaya d'un clignement d'yeux. Désormais, il sentit qu'il avait l'entière attention de la classe, et se mit à faire les cent pas en se frottant la nuque.

« Malgré le fait que certains ont l'air de me connaître, j'aimerais me présenter à nouveau... »

Cette fois-ci, Ella ne put se retenir de pouffer de rire. Dire que certains le connaissaient était l'euphémisme du siècle. Il n'y avait littéralement pas un sorcier en vie actuellement, en Grande-Bretagne, qui ignorait son nom et son visage. Cela lui permit de se détendre, elle se moquait de savoir s'il l'avait fait exprès ou pas. Mais elle ne lâcha pas pour autant la main d'Emma, qui était elle aussi suspendue aux lèvres de Narcisse. Valentine tenait sa tête entre ses mains, et soupira lascivement. Son groupe d'amis ne put s'empêcher de la regarder avec un amusement non dissimulé que l'adulte ne remarqua pas, ou ignora.

« Comme vous pouvez le lire au tableau, n'hésitez d'ailleurs pas à me dire si quelqu'un a des difficultés à me lire... Non ? Tout va bien ? Parfait. »

Il s'était stoppé le temps de regarder les élèves, avec une attention et une sollicitude des plus sincères, qui en désarçonna plus d'un.

« Moi, c'est Narcisse, Narcisse Brando, j'ai 29 ans, bientôt 30. Et comme je l'ai écrit, je serai, pour cette année, votre nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal. »

À peine eut-il terminé cette phrase que déjà une élève leva la main d'un air pressé. Elle eut cependant la force de caractère d'attendre que Narcisse la désigne d'un regard pour prendre la parole.

« Mais... Attendez, c'est quoi ce bazar ? Ça fait juste deux semaines qu'on a repris ! Pourquoi on nous change déjà de prof ?
Ah... Oui, bien sûr, je comprends votre confusion... »

Il passa sa main sur sa nuque et dans ses cheveux en reprenant sa démarche répétitive. Un instant de silence.

« Il vous aura pas échappé que la semaine dernière, vous avez pas eu cours avec Archibald, c'est ça ? »

Quelques regards s'échangèrent timidement, quelques chuchotements d'approbation se firent entendre, presque à contrecœur. Il soupira.

« Je vais être honnête. On m'a demandé de ne pas vous le dire, mais je pense que vous pouvez l'entendre. Le professeur Julius est porté disparu. »

Le brouhaha aurait pu se répandre s'il n'avait pas levé la main aussi prestement, empêchant les esprits de s'échauffer. Emma eut l'air profondément abattue, incrédule. Ella sentit les tremblements de sa main et serra délicatement ses doigts.

« Je pense que vous êtes suffisamment grands pour l'entendre. Ne vous rongez pas d'inquiétude. Il arrive de temps à autre qu'Archibald décide de... s'éclipser. Il m'a déjà fait le coup. »

Ses mots ne rassurèrent qu'à peine, et la tension qui régnait désormais dans l'amphithéâtre ne put se dissiper avant plusieurs minutes. Narcisse prit une grande inspiration en passant derrière le bureau, et posa ses mains à plat sur le bois. Sa stature changea légèrement. Aux yeux des élèves, il apparut presque magiquement comme plus imposant et plus grand.

« Bon, j'vais crever l'abcès tout de suite. »

Il se redressa en glissant une main dans sa poche, laissant pendre l'autre le long de sa hanche, son regard parcourait les bancs.

« Est-ce que quelqu'un ici à un problème avec le fait que je remplace le professeur Julius ? »

Incrédulité, doute. Les élèves se retrouvèrent pris au dépourvu, ce qui permis au silence de s'installer. Si la question de l'adulte n'avait pas été sincère, il l'aurait certainement pris pour une approbation silencieuse. Mais en l'espèce, ce n'était pas le cas. Et ce qui déstabilisait les adolescents. Ils sentaient au plus profond d'eux-mêmes que leur avis était réellement sollicité. Il ne se contentait pas de poser la question pour la forme, ou pour balayer les potentielles oppositions d'un revers dédaigneux de la main. Le regard de Narcisse parcourait lentement l'assemblée avec toute la sincérité dont un être humain peut faire preuve.

Ce n'est cependant pas ce qui empêcha un élève de se lever brusquement, après quelques secondes de silence. Narcisse posa ses yeux sur lui, un sourire aux lèvres, l'air prêt à écouter. Ella et sa bande continrent leur soupir. Emma se passa même la main sur le visage, et même William laissa ses yeux rouler vers le plafond. Si l'adulte avait été plus suspicieux, il aurait compris que cet élève avait déjà sa petite réputation.

« Oui ! Euh... Alexander Hartley ! Euh... »

Beaucoup se tournèrent vers lui. Mais ce fut la surpris qui motiva ce geste. En temps normal, Alexander était potentiellement la plus grande gueule de la classe, et le voir ainsi hésiter en se tordant les doigts était tout sauf habituel. Narcisse se contenta de froncer les sourcils à la mention du nom de famille, en se redressant, son sourire s'élargit. Le petit blond se redressa en affichant un masque de pur mépris.

« Je suis certain que je parle au nom de tous quand je dis que non, vous n'êtes pas le mieux placé pour nous enseigner ! Acceptons que l'on mette de côté le fait que vous ne soyez qu'un anarchiste, qui nous dit que vous êtes compétent ?!
Redis-le ! Essaye seulement de redire ça enfoiré ! »

Ella était connue pour être également une grande gueule, au même titre que sa compagne. Mais même elle, en cet instant, sa réaction en choqua plus d'un. Elle était du genre à se contenir un minimum, témoignage de l'éducation impeccable que sa mère lui avait inculqué. Mais là, c'en était trop pour elle. Et si Emma n'avait pas été là, elle se serait tout simplement rué sur le blond pour lui faire la peau. Narcisse aurait voulu laisser les tensions s'apaiser d'elles-mêmes, mais encore une fois, il s'interposa verbalement.

« S'il vous plaît ! »

Ce n'était pas un ordre, mais une réelle demande. Il n'agissait aucunement comme un professeur avec ses élèves, mais comme quelqu'un dénué de tout lien hiérarchique avec eux. Et ce fut, encore une fois, ce qui désamorça la situation. Ella se figea, tourna son regard jusqu'à lui. Elle eut l'impression de se recevoir une douche glacée. Narcisse la suppliait du regard de se calmer. Une inquiétude tellement vive et candide qu'elle désarma toute la rage qui venait d'exploser dans la poitrine de l'adolescente. Enfin, elle se laissa guider par sa compagne, qui lui tirait le bras, pour se rassoir. Alexander se redressa, il s'était recroquevillé sur lui-même, et rajusta ses cheveux en essayant d'avoir l'air le plus digne possible.

Narcisse soupira en se frottant la nuque.

« Oui... J'entends... »

Il s'assit souplement sur le fauteuil avant de le faire rouler jusqu'au bureau. Après un instant de recherche, il tira une planchette avec quelques feuilles attachées. Sans relever le visage, il parcourut les feuilles, l'air de chercher quelque chose, avant que son visage ne s'illumine. Son index inspecta le papier.

« Vous pouvez me rappeler votre nom ? »

Un frisson parcourut l'amphithéâtre. Le visage d'Alexander pâlit, il blêmit. Celui d'Ella se décomposa, ainsi que celui d'Emma. Toute la classe s'attendait à ce que l'adulte fasse payer à l'adolescent son insolence. Après tout, peut-être qu'il avait raison, et que le Narcisse dépeint dans les médias était bel et bien celui que le blond prétendait. Une compassion solidaire se noua, et chacun se mit à regarder Narcisse d'un air furibond. Alexander se gorgea de ce soutien aussi inattendu qu'inédit pour bomber le torse.

« Alexander Hartley ! Et je peux même encore le répéter si vous voulez ! »

L'adulte hocha distraitement la tête, avant que ses yeux ne s'agrandissent lorsque son index trouva enfin le nom. De là, ses lèvres s'agitèrent silencieusement. Plusieurs fois. Beaucoup déglutirent avec difficulté. C'était sûr cette fois, il allait écrire une note pour le marquer comme un élève qu'il fallait mettre de côté, qu'il fallait se souvenir pour mieux se venger.

« Hartley, hein ? Oui, je connais bien ta maman, tu sais ! C'est une bonne amie. »

Et là, ce fut une nouvelle douche froide. Des mâchoires tombèrent, des yeux s'écarquillèrent, même Alexander fronça les sourcils. Narcisse se redressa en tenant la liste d'appel, un immense sourire aux lèvres.

« Pardonne-moi pour la question, mais j'ai du mal avec les prénoms ! Il faut que je les répète plusieurs fois pour bien m'en souvenir. Mais je promets de faire cet effort avec chacun de vous. »

Ella ne retint pas son soupir de soulagement. Elle se rendit compte que ce n'était pas le fait qu'elle ait douté de lui qui l'avait mise dans cet état. Elle n'avait jamais douté de lui. Mais l'espace d'un instant beaucoup trop long, elle ne sait pas comment aurait réagi si elle avait découvert que l'homme qu'elle admirait et aimait tant s'était révélé comme elle avait craint qu'il soit. Comment avait-elle pu penser ainsi ?

« Donc... Alexander, c'est ça ? »

Après un hochement de tête du blond, Narcisse soupira en s'asseyant de nouveau sur le bureau, regardant l'élève sans la moindre animosité. Ce dernier dut d'ailleurs s'asseoir, tant il se sentait perdu.

« Je suis navré que tu penses ainsi, sincèrement. »

Il regarda les autres.

« Quelqu'un partage son point de vue ? Comme il dit qu'il parle pour tout l'monde... »

Une vraie préoccupation sous-tendait ce questionnement. Vraiment, des adolescents de cet âge n'étaient pas habitués à ce qu'un adulte, encore moins un professeur, ne leur parle ainsi, surtout dans une situation pareille. Plusieurs élèves secouèrent négativement la tête, d'autres se contentèrent de hausser les épaules. Mais une majorité trouva le moyen d'infirmer les dires d'Alexander. Et à part deux, trois autres élèves, le blond était le seul à émettre des oppositions. Mais pour Narcisse, cela suffisait. Il déposa la planchette sur le bureau, à côté de lui.

« Bien. Je vais être honnête. Je ne cherche pas à vous convaincre ni à vous persuader. Je ne veux que vous dire ce que je pense être la vérité, et ce sera à vous de faire avec. »

Une inspiration.

« Tout ce que vous avez lu sur moi n'est pas forcément vrai. Et je serai ravi de démêler avec vous le vrai du faux, mais je ne veux pas prendre sur le temps de cours qui vous est accordé. Aussi, pour ceux et celles qui en ont besoin, je vous invite à venir me voir après le repas, nous en parlerons ensemble et autant que vous voudrez. C'est un arrangement qui vous convient ? »

Les concernés hochèrent la tête, plus qu'apaisés et rassurés de voir que l'homme qu'ils craignaient apparaissait si conciliant. Ce dernier se redressa, apparemment satisfait, un sourire aux lèvres.

« Bien ! C'est parfait. Pour ce qui est des compétences. Vous avez le droit d'émettre vos doutes, et...
Euh, monsieur, si j'ai dit ça, c'était surtout pour vous accabler, je ne pensais pas...
Je tiens à y répondre, Alexander. »

Le mélange de fermeté et de douceur dans sa voix interrompit l'élève sans qu'il ne se braque. Il avait la pleine et entière attention de l'adulte, qui hocha la tête.

« Et au passage, tutoyez-moi, par pitié. Moi, en tout cas, je vous tutoierai. Cependant, si vous avez un problème avec ça, encore une fois, vous pouvez m'en parler. Où j'en étais... Ah oui. »

Il redressa la tête.

« Je suis diplômé de la GEAD. Tout le monde connaît la Grande École des Arts du Duel ?.. Oui ? Parfait. Tout comme Archibald. Alors, évidemment, je n'ai pas son expérience, mais je me donnerai à fond, promis ! »

Une élève au premier rang, celle qui fut la première à rire tout à l'heure, leva la main.

« Excusez... euh, t'as été classé combien ? Parce que... euh, c'est juste que...
Parle sans crainte, dis-moi. »

Encouragé par la franchise de Narcisse, la brune bomba le torse en souriant. Elle regrettait d'avoir commencé à poser la question, mais sans être certaine du pourquoi, elle se trouva animée d'une audace nouvelle.

« C'est juste que le professeur Julius, il était premier. Et vraiment... je, je veux pas vous, enfin, te manquer de respect, mais j'ai peur que tu puisses pas nous offrir la même qualité d'enseignement que lui... Désolée. »

Il leva la main, un doux sourire aux lèvres.

« Le prochain qui s'excuse pour dire ce qu'il pense, je le suspends par les pieds. »

Le rire gêné eut du mal à se répandre, mais la tension s'apaisa légèrement. Même Alexander sourit. Narcisse soupira en se redressant, et il se tut durant plusieurs secondes. Ella le regardait, un grand sourire aux lèvres, confiante dans sa réponse, et dans le fait qu'il allait rabattre le caquet de l'impolie qui avait remis en doute ses compétences !

« Je ne partagerai pas mon rang de classement à l'examen final, mes excuses. »

Un mouvement de surprise général. De la déception, de la résignation, une certaine surprise, un agacement pour certains. Ella se serait exprimée si elle en avait eu le temps. Il n'y prêta pas attention.

« Plus de 40 ans séparent l'examen qu'il a effectué avec celui que j'ai moi-même fait. Il serait absurde de comparer les deux. Et je n'aime pas... enfin, c'est mon problème, je te demande pardon. Cependant, si tu trouves que mon enseignement manque de quelque chose, et si m'en parler ne résout rien, j'essaierai de faire en sorte que tu reçoives des cours avec d'autres professeurs, en plus. Est-ce que ça te convient ?
Euh, je... oui, oui. »

Il hocha la tête, son éternel sourire aux lèvres, avant de s'adresser à l'assemblée.

« Et c'est valable pour vous tous. N'hésitez surtout pas. »

De ses mains gantées, il laissa doucement claquer ses paumes l'une contre l'autre, avant se se frotter les mains.

« Bien ! Si personne n'a plus rien à dire, je vais faire l'appel, et nous essaierons de faire un cours à peu près complet. Alors... Attendez. »

Son visage se durcit. L'ambiance devint lourde. Ce fut presque comme si l'air autour de lui se mit à onduler.

« Pourquoi vos statuts de sang sont inscrit à côté de vos noms ? C'est quoi cette histoire ?! »

Le fait qu'enfin, son calme absolu se fissure légèrement, força plusieurs élèves à se recroqueviller sur eux-mêmes. Si la soudaine émotion de Narcisse avait été dirigée directement contre eux, personne n'aurait trouvé la force de répondre. Ce fut William qui leva la main, attirant le regard noir du professeur.

« C'est le professeur Julius qui a eu cette idée. Il voulait qu'on soit fier de notre naissance, peu importe de laquelle on est, surtout, il voulait prouver que ça ne comptait pas dans nos résultats, que chacun et chacune pouvait se démarquer en toute connaissance de cause. »

Narcisse inspira et expira plusieurs fois. Son regard alternait entre la feuille et le préfet. Il ferma les yeux en soupirant, son visage se radoucit, mais une certaine fermeté continuait de sous-tendre les traits de son visage. Du bout de l'index, il rajusta ses lunettes.

« Je vois... »

Un instant d'immobilité, puis en un éclair, il leva l'index, et un bruit de déchirement de papier retentit. Aussi proprement que si elle avait été découpée avec des ciseaux, la bandelette de papier sur laquelle était inscrit les statuts vola dans sa main.

« Ce n'est cependant pas quelque chose avec lequel je suis en accord. »

Il écrasa le morceau de papier, et la seconde suivante, les élèves sursautèrent de voir une flamme éclater de son poing. En un battement de cils, le papier fut réduit en cendres. Et enfin, Narcisse retrouva son sourire, et commença l'appel.

Les noms défilèrent, et cette étrange habitude dissipa encore davantage la tension insaisissable qui s'était emparée de l'amphithéâtre depuis quelques minutes. Ella était encore en proie à des doutes, assaillie par l'incompréhension, se triturant les méninges en se mordillant l'ongle du pouce. Narcisse dut répéter plusieurs fois son prénom, et Emma dut lui tapoter l'épaule pour qu'elle réagisse. Enfin, ce dernier buta sur le nom de la rousse.

« Emma... Vanderberg ? Mais... »

Dans un froncement de sourcils, perplexe, il releva le visage pour la regarder.

« Il me semblait que tu étais en septième année, non ?
Euh... oui, mais c'est un accord avec le professeur Julius et la direction. J'assiste Ella, vu qu'elle a des difficultés et...
Ella est d'accord avec ça ? »

La question qu'il posa, en tournant ses yeux vers la blonde, causa une soudaine tension. Ella baissa immédiatement les yeux, Emma les détourna. Narcisse les regarda longuement, et sourit.

« Je vois... Nous en reparlerons. Tu peux rester en attendant, je te prie. »

Une petite signature de son stylo sur le bas de la page, et il déposa finalement la planchette dans un sourire.

« Bien ! Enfin, nous allons pouvoir commencer ! Quelqu'un peut-il me dire où vous vous étiez arrêté ?.. »

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

04 janv. 2024, 22:25
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE CINQUIÈME
« Mais bordel, Ella ! Bien sûr que si, il est moins compétent que le professeur Julius ! T'as bien vu qu'il s'est pris la brosse sans réagir, sans rien du tout ! Il a pas fait attention et il s'est laissé prendre par surprise, Julius aurait jamais...
Shh, parle moins fort ! »

Ella agrippa d'un air paniqué le bras de sa compagne, avant de le tirer de toutes ses forces pour s'éloigner de la porte de la salle de cours dont elles venaient de sortir. Ses yeux gris parcourant nerveusement les alentours avant de cacher Emma derrière le tournant d'un couloir, elle prit une grande inspiration. Du fond de son cœur, elle espérait qu'aucun de ses camarades, toujours en train de sortir de la salle, n'ait entendu le coup de gueule de la rousse. Même si la blonde n'avait certainement pas la langue dans sa poche, elle détestait l'idée que la femme qu'elle aime s'expose inconsidérément. Cette dernière semblait n'en avoir strictement rien à faire, comme en témoignait le brusque regard exaspéré qu'elle leva au plafond en soupirant, avant de croiser les bras sur sa poitrine, s'adossant au mur.

Le léger brouhaha caractéristique de la fin d'un cours emplissait délicatement les couloirs dans un écho presque apaisant. Les bruits de pas toquant sur la pierre froide, les bruissements de parchemin que l'on range précipitamment dans son sac à la dernière minute, le discret éclat de rire d'un camarade, tout cela constituait un tout indivisible propre à cet endroit. Bon nombre d'élèves était resté dans la salle lorsque le professeur Brando avait ajourné le cours. Mais il n'empêchait que quelques regards se portèrent sur le couple dissimulé en passant pour prendre la direction de la grande salle. Ella fit de son mieux pour les ignorer, tout en se déplaçant entre Emma et les regards.

Son regard alternait à droite et à gauche, et son air préoccupé poussa la rousse à se taire un instant.

« Emma, s'il te plaît... »

Ses doigts s'entremêlaient nerveusement, elle se mordilla la lèvre inférieure en reprenant sa respiration. Le visage d'Emma s'adoucit légèrement. Profitant de l'intimité relative offerte par cette alcôve à ce croisement de couloir, l'opposition de leurs forts caractères s'émoussait indiciblement. La blonde soupira.

« Tu... je veux pas que tu juges Narc comme ça. Tu l'connais pas comme je le connais.
Ella, soyons sérieuses, tu l'as vu ?! »

Emma leva brusquement son bras pour tendre la main en direction de la salle de classe, exaspérée. Le haut de ses joues se teinta d'un léger rouge. Ella l'avait toujours trouvé très jolie quand elle était énervée, malgré le malaise certain qu'elle ressentait dans ces moments. Elle l'écouta, les lèvres pincées, son pouce frottant fébrilement son index.

« Il a même pas été foutu d'éviter la brosse que t'avais mise ! Un gosse aurait réagi, il est resté figé ! Et puis son histoire de bouclier perpétuel là, dont tu me parles tout le temps, c'est de la merde en fait ! Il a rien paré du tout ! »

Ella se braqua en un éclair, prenant son air renfrogné, les yeux scintillants et se dressant de toute sa hauteur, raide comme un manche à balai.

« Il devait être fatigué ! Ou il l'a fait exprès pour détendre l'ambiance ! Il aime pas se la péter, tu l'as bien vu, il... Emma, je te jure, il est incroyable ! Tu l'as pas vu comme je l'ai vu... »

Malgré son évidente émotion, la blonde tirait de l'éducation de sa mère une capacité à dissimuler ses propres ressentis d'une manière extraordinaire. Ella savait mettre ce qu'elle pensait de côté pour ne pas prendre trop de place, elle adorait taquiner et pousser les autres, mais lorsque l'on touchait un sujet qui l'affectait à ce point, elle se renfermait. Elle se renfermait, et elle perdait son sang-froid. Emma avait déjà constaté à plusieurs reprises que le sujet Narcisse était épineux et délicat. Mais l'ego de la rousse rivalisait avec celui de sa compagne, et elle posa fermement le pied au sol en se redressant également.

« Ella, sérieusement, c'est quand la dernière fois que tu l'as vu en action ?! »

Le visage de la blonde se décomposa un bref instant, avant d'être à nouveau remplacé par le masque de pierre que l'adolescente était capable de coller sur ses traits. Elle respirait profondément, les poings serrés, la gorge serrée, tentant vainement de contenir l'humidité qui commençait à s'accumuler aux coins de ses yeux. Emma se figea à son tour, avant de détourner le regard en croisant les bras sur sa poitrine. Elle laissa échapper un claquement de langue.

« T'étais toute petite... J'étais pas là, Ella, mais tu l'idéalises trop. »

La plus grande eut l'impression de se recevoir en pleine figure une véritable douche glacée. Ce n'était pas la première fois qu'Emma exprimait ses doutes à l'encontre de Narcisse, mais jamais auparavant elle n'avait été aussi amer et violente. Ella détestait le conflit. Elle le fuyait par tous les moyens. Toute excuse était bonne pour se recroqueviller et céder du terrain, pour s'effacer et s'adapter à l'autre afin d'à tout prix éviter que les gens qu'elle aime se retournent contre elle. Mais là, elle se sentait parfaitement incapable de laisser sa compagne déclamer les mots qui s'échappaient de sa bouche. Cette dernière avait toujours le regard braqué contre le mur.

« Tout le monde l'idéalise trop... T'as forcément dû imaginer des choses, c'est normal, personne peut...
Je sais c'que j'ai vu ! »

Le brusque éclat de voix de sa compagne fit tressaillir Emma. Ses yeux s'écarquillèrent, elle sentit une affreuse douleur dans sa poitrine lorsque son cœur manqua un battement. D'une lenteur qui apparut comme impossible, elle releva le visage pour regarder Ella. Elle eut l'impression de chuter dans un trou sans fond, un abysse de désespoir glacé et obscur, l'enserrant et l'entaillant sans merci de ses serres. La rousse ne supportait pas de voir sa compagne pleurer.

Elle détestait cela. Elle aurait tout fait pour l'éviter, pour la protéger et prendre soin d'elle, pour l'épargner de toute forme de souffrance qu'elle avait déjà trop connu dans sa vie. C'était son rôle, son devoir, et son ego venait de la faire faillir dans sa mission. Un reniflement de la part d'Ella, Emma secoua la tête en s'approchant d'elle.

« Excuse-moi... »

Délicatement, en plongeant son regard dans celui de sa compagne, elle prit avec une douceur infinie sa main. D'un mouvement mille fois répété, guidée par son instinct et par les connaissances qu'elle avait accumulé lors de leurs longs mois de relation. Elle savait qu'elle ne devait pas trop la toucher. Mais elle savait également qu'elle ne devait pas la laisser se renfermer sur elle-même. Et lui prendre la main, calmement et simplement, était encore aujourd'hui la meilleure solution qu'elle avait trouvé dans ce genre de situation. Elle attendit quelques secondes, et lorsqu'elle sentit qu'Ella se détendit dans une expiration, elle reprit.

« C'était pas la bonne manière de te le dire. Mais faut que tu m'écoutes, sérieux, je pense que...
Ella ? Tout va bien ? »

Les deux âmes tressaillirent brusquement lorsque la voix de Narcisse retentit brusquement derrière elles. Son sac à dos sur son épaule, les sourcils froncés de perplexité, une main dans la poche et l'autre sur la sangle de son sac, il les toisait d'un air préoccupé. Un élève passa dans son dos, le saluant d'un immense sourire. L'adulte se tourna prestement pour lui rendre son salut avec la même énergie.

Après s'être figée, Ella pivota en un éclair, les joues rouges, le visage décomposé. Emma s'était renfrogné, irrité d'avoir été ainsi prise par surprise par un professeur qu'elle considérait aussi médiocre. Mais le fait que sa compagne se place devant elle en dressant légèrement le bras la calma, et elle ne put empêcher la commissure de ses lèvres de s'étirer en un petit sourire.

« Rien ! Tout va bien ! On... Juste... »

Si Ella affichait son masque d'indifférence et de détachement face à tout le monde, Narcisse était la seule exception. Depuis qu'elle était petite, l'homme s'était présenté comme la figure plus paternelle, fraternelle, amicale, protectrice et bienveillante qu'elle ait connu excepté son défunt père. Elle lui vouait une confiance proprement aveugle, et une admiration sans borne, un amour profond et sincère. Mais c'est précisément à cause de cet amour qu'elle se retrouva profondément déstabilisée, le temps d'un instant. Il était le seul à l'avoir vu s'effondrer, le seul face à qui elle osait s'exposer, se mettre à nu, se confier et s'abandonner pour parler. Les événements de leurs vies et les liens qui les rattachaient à Tiffanie les avaient naturellement poussés à se rapprocher considérablement l'un de l'autre.

Or, ils n'étaient pas seuls. Emma était là. Et Ella se retrouvait tiraillée entre l'absolue nécessité de ne pas se montrer faible et s'exposer face à sa compagne, et le besoin de tout lui raconter. Narcisse le remarqua, même s'il n'était pas certain de réussir à correctement interpréter son comportement. De l'index, il rajusta ses lunettes en laissant glisser son regard sur Emma, qui semblait nettement moins hésitante que sa compagne. Elle le défiait du regard, les bras croisés sur la poitrine, un sourcil arqué.

« Je comprends. J'imagine que ça doit être vraiment bizarre pour toi, plus qu'pour les autres. J'aurais vraiment aimé t'en parler avant, mais j'ai juste appris hier soir que j'devais venir ! »

Tout en se laissant aller à un petit rire, il leva doucement le bras avant de venir le poser sur l'épaule d'Ella. Son regard plongé dans le sien, son sourire réconfortant, il savait parfaitement abaisser son bouclier dans les moments de calme, comme celui-ci. Aussi, sa main put-elle frotter délicatement l'épaule de la blonde, qui secoua la tête en se frottant le visage, incapable de résister à son sourire.

Emma leva les yeux au ciel, Narcisse fronça les sourcils, confus. Après avoir abaissé le bras, il redirigea son attention sur Ella.

« Tu es sûre que tout va bien ? Tu peux m'en parler, j'pense que tu dois avoir des choses à dire non ?
Je... Bah, en vrai, j'sais pas trop, mais...
Moi, j'ai un truc à dire ! »

Ella n'eut pas le temps de réagir. Trop perturbée par la situation, bouleversée par sa discussion avec Emma, et encore légèrement fébrile, elle ne put que l'observer s'interposer entre elle et Narcisse, se dressant de toute sa hauteur. Elle avait beau faire vingt centimètres de moins que l'adulte, et être moins massive que lui, elle n'était pas le moins du monde ébranlée par ces éléments. Mains sur les hanches, ses longs cheveux roux détachés s'agitant en cascade sur ses épaules, Ella sentit son cœur bondir dans sa poitrine.

Oh non.

« Emma ! Tais-toi ! »

Elle voulut bondir pour de nouveau s'interposer, mais Narcisse leva calmement la main, en souriant, les yeux plongés dans les siens.

« Je me doutais qu'elle aurait quelque chose à dire, t'inquiète pas. »

Contrainte à l'immobilité par la surprise, Ella ne put qu'observer, impuissante, sa compagne commencer à se prendre le chou avec le professeur Brando. Son index se leva, brandit devant son visage.

« Déjà, jamais je te vouvoierai !
Ça... tombe bien... vu que j'ai jamais...
Oh, fais pas ton grand prince avec moi ! Je vois très clair dans ton petit jeu ! Tu fais ton tout-gentil parce que t'as pas ce qu'il faut pour remplacer le professeur Julius ! »

Là où le choc d'Ella fut parfaitement visible de par ses mains qui se plaquèrent sur le bas de son visage, ses yeux qui s'écarquillèrent, ses joues qui rougirent et son pas en arrière, Narcisse se montra totalement imperturbable. Le regard de la blonde allait de l'adulte à sa compagne, et inversement. Cette dernière ne retenait en aucun cas sa voix, qui résonnait librement dans les couloirs. Plus elle parlait, plus elle se laissait emporter, de façon encore plus impulsive qu'Ella.

La rousse rapprocha son visage de Narcisse, le défiant sans réserve du regard, les poings sur les hanches.

« Je laisserai pas n'importe qui reprendre le Club Prodigium ! Surtout pas pour ma dernière année, je suis numéro 1, alors je vais pas laisser quelqu'un que je peux probablement écraser en duel nous apprendre ! »

Et telle une comédienne terminant sa tirade, elle conclut d'un hochement de tête, avant de croiser les bras sur la poitrine pour reculer d'un pas. Le regard fier, provocateur, un petit sourire satisfait flottant sur ses lèvres, elle garda le silence plusieurs longues secondes. La main d'Ella était remontée sur son front, alors qu'elle secouait la tête de gauche à droite en souriant. De la consternation, elle était passée à l'amusement. Mais elle restait très gênée. Enfin, elle trouva le courage de saisir la manche de sa compagne pour lui chuchoter, tandis que Narcisse réfléchissait, après avoir rajusté la sangle de son sac sur son épaule.

« Emma... Bordel, mais tu peux pas te taire parfois ? »

L'adulte pouffa de rire, avant de soupirer en souriant. Il remit sa main gantée dans sa poche dans un bruissement de tissu, dans détourner le regard un seul instant, malgré le fait qu'Emma avait brièvement regardé sa compagne.

« Je vois. »

Sa voix résonna dans le silence, alors qu'il hochait doucement la tête, une moue pensive déformant ses lèvres. La rousse finit par le toiser fièrement, satisfaite d'elle-même, convaincue d'avoir touché là où il fallait. Elle était prête à saisir sa baguette pour lui apprendre une bonne leçon. Elle se voyait déjà comme la nouvelle professeure de Défense, reprenant elle-même le Club Prodigium et...

« Je te présente mes excuses. »

Une petite inclination de la tête, un clignement d'yeux accompagnant le mouvement. Emma et Ella se figèrent, proprement bouche bée. Narcisse s'en amusa d'un sourire, avant de reprendre.

« C'est difficile de changer de professeur, je le sais bien. Surtout quand on a une confiance aveugle comme toi dans l'ancien. Je ne prétends pas vouloir remplacer Archibald, je ne veux même pas essayer. »

Il tira de nouveau sa main de sa poche pour se frotter la nuque en soupirant, l'air embarrassé et préoccupé. Plusieurs secondes de silence s'écoulèrent, Emma totalement hébétée, Narcisse plongé en pleine réflexion, ses yeux noirs virevoltants sous ses paupières closes. Lorsqu'il les rouvrit, une petite étincelle brillait au fond.

« Dans ce cas, j'ai une proposition, si tu l'acceptes, évidemment. »

Tout en parlant, il passa la deuxième sangle de son sac à dos sur son épaule libre. Ella arqua un sourcil devant cette faute de goût qu'elle jugeait consternante. La tenue de l'adulte n'était en elle-même pas si mal. Très classieuse et simple, les costumes complets allaient bien au professeur Brando. Sans compter la manière dont il portait sa veste, les manches libres, et simplement déposée sur ses épaules, tenant seule grâce à une force mystérieuse. Et mine de rien, ses lunettes lui rajoutaient une maturité qui ne lui avait que trop manqué lors du reste de sa vie. Cependant, le voir ainsi ruiner cet ensemble par un accessoire aussi grossier et gamin qu'un sac à dos... Ella ne put retenir un regard de jugement alors qu'elle secoua doucement la tête, désapprobatrice.

Emma ne se fit pas autant de réflexions que sa compagne, mais arriva à la même conclusion qu'elle. Et elle ne se retint pas autant de manifester son dédain d'un regard méprisant, atténué par un sourire amusé, mais curieux. Elle avait hâte de voir ce qu'il allait proposer, afin de mieux pouvoir l'écraser. Il se racla la gorge distraitement.

« Les septièmes années ont cours demain matin, c'est ça ?
Mh-mh, et donc ?
Où vous en êtes dans le programme ? »

La rousse se retrouva décontenancée un bref instant. Elle fronça les sourcils, cligna des yeux, et ne put que répondre sans la moindre touche de sarcasme.

« Euh... Feudeymon et Gelo.
Ah ? Déjà ? Très intéressant... »

Déposant son index sur ses lèvres pour réfléchir, Narcisse ne prêta même pas attention à la main d'Ella qui agrippa doucement celle d'Emma. Sans même réfléchir, leurs doigts s'entrelacèrent, mais Emma se sentait quelque peu exposée, ce qui poussa Ella à placer son corps devant leurs mains jointes, dans un réflexe protecteur presque naturel. Après plusieurs secondes de réflexion, seulement ponctuées par le rythme des tapements de pieds de Narcisse sur le pavé, ce dernier pointa Ella du doigt, la faisant sursauter. Une drôle de lueur scintillait au fond de ses yeux.

« Ella ? Les sixièmes années, c'est les sorts informulés là, c'est ça ?
Les, euh, oui, t'as pas lu le programme ? »

Pointe de sarcasme, réflexe défensif d'une Ella prise par surprise, qui ne manqua pas de faire pouffer de rire sa compagne, dont le regard amoureux s'empressa de se poser sur elle. Narcisse rougit, et plongé dans sa réflexion, il ne prit même pas la peine de le relever, se contentant de répondre, comme il savait si bien le faire, au pied de la lettre.

« J'ai pas eu l'temps hier soir, j'ai dû tout préparer en catastrophe et... eh ! Ella ! C'est pas l'moment ! »

D'un léger coup de poing sur l'épaule, Narcisse se laissa aller à un éclat de rire caverneux et cristallin, qui ne manqua pas de provoquer la confusion extrême d'Emma, doublée d'un léger sentiment de révolte. Comment osait-il poser la main sur l'épaule de sa compagne ? Il allait voir ce qu'il allait voir celui-là. Et elle lui aurait peut-être sauté à la gorge si Ella n'avait pas pouffé de rire en retour. La rousse avait déjà eu l'occasion d'observer plusieurs fois la profondeur de leur intimité, mais elle la surprenait encore de temps à autres, surtout dans des situations comme celle-ci.

L'adulte se reprit rapidement en secouant la tête, un sourire aux lèvres, redirigeant son regard sur Emma.

« Du coup... ah oui ! Voilà ma proposition ! Emma, demain, le cours de Défense se tiendra au club de duel. Et je ferai passer le message pour que les sixièmes années puissent y assister aussi. »

Ella arqua un sourcil, presque déçue, mais surtout incrédule.

« Narc, on a sortilèges demain à cette heure...
Ah crotte... euh, ah, je sais, je vais organiser un cours commun ! Très bonne idée Ella !
Mais j'ai pas dit... »

Emma lui pressa la main, se retenant d'éclater de rire, la priant de laisser Narcisse continuer de s'embourber. Son petit côté sadique et taquin ne pouvait laisser passer l'occasion. Voir ainsi le professeur qu'elle peinait à considérer comme compétent galérer était bien trop amusant. Ce dernier laissa donc encore passer plusieurs secondes en se frottant le menton.

« Mh... Oui, ça peut le faire... »

Il claqua des doigts, son visage s'illumina.

« Et bien, c'est réglé donc ! Emma, si après le cours de demain, tu estimes toujours que je ne suis pas compétent, je m'arrangerai avec Elina, ça te convient ? »

Son excitation était palpable, et Emma s'en retrouva décontenancée. Ella lui lança un regard dont elle avait le secret, et la rousse entendit sans même que son amante ait à dire le "Je te l'avais bien dit !" Il faut dire qu'Emma ne s'attendait pas du tout à cette réaction. Elle voulait pousser le nouveau professeur dans ses retranchements, le forcer à réagir, comme elle l'espérait, qu'elle puisse dire à Ella : "Tu vois, je te l'avais dit !" Mais rien. Il ne lui avait pas répondu sur le même ton, il n'était pas sorti de ses gonds, il ne s'était même pas vexé et n'avait pas éludé.

Il était là, à soumettre une idée en s'exposant, en prenant des risques. Il engageait sa confiance, il la mettait dans la balance, et il soumettait même une solution, sans chercher à la contredire ou à lui dire qu'il avait tort. Emma n'aimait pas trop qu'on lui prouve ses torts. Mais la manière dont Narcisse avait réagi avait préemptivement désarmé tout velléité de la part de la rousse. Et qui était-il pour appeler la directrice Montmort "Elina" ?! Aussi ne put elle répondre qu'avec de grands yeux écarquillés :

« Je. Oui ? Je suppose, mais...
Parfait ! »

Narcisse interrompit la réponse de la septième année en claquant dans ses mains gantées, avant de tourner les talons en les saluant.

« C'est réglé donc ! À demain les filles ! Ella, essaye de prendre ta baguette au moins, tu vas voir, ça va être marrant !
Mais... Attends ! Tu m'as même pas dit ce qu'on...
Surprise, madame numéro 1 ! Mais tu auras un super rôle à jouer ! »

Ella pouffa de rire, dissimulant son hilarité derrière ses mains, se détournant pour ne pas affronter le regard effaré de sa compagne. Emma était littéralement bouche bée, les bras légèrement levés, encore figée. Les bruits de pas du professeur s'éloignèrent rapidement, laissant ensuite place à un sifflotement joyeux. Puis le silence, seulement ponctué par les rires de la sixième année.

« Si tu voyais ta tête ! »

D'un mouvement rapide de l'index, Ella s'essuya le coin des yeux, humide de ses larmes de rire. Son autre main se tenant les côtes. Emma ne put se retenir de sourire à son tour, avant de tendre les mains pour les poser avec délicatesse sur les épaules de sa copine. Plus les secondes s'écoulaient, plus l'euphorie l'envahissait.

« Pffrt... Fais attention, ton asthme... »

Elle ne put finir sa phrase, collant brusquement sa main sur sa bouche en éclatant de rire, laissant sa compagne la prendre dans ses bras, l'accompagnant dans ses gloussements.

« Alors madame la numéro 1 ?
Oh, la ferme toi !
Jamaiiiis !
Ah, tu jubiles, hein ?
Ouiiii ! Je te l'avais bien dit que tu pourrais pas le faire sortir de ses gonds !
Tu m'as jamais dit ça, d'abord ! »

Et au lieu de répondre avec ses mots, Ella décida de prendre les devants et de profiter de sa grande taille pour apposer ses lèvres sur celles de son amante en lui attrapant les joues à pleines mains. Le baiser s'éternisa inutilement, l'objectif de faire taire la rousse totalement oublié. Ce ne fut qu'au prix d'un effort douloureux qu'Emma décida de s'écarter, pour tenter d'avoir le dernier mot.

Elle déposa les bras sur les hanches de sa compagne, tandis que sa dernière enroula les siens sur ses épaules.

« Je te le dis, si c'est un duel qu'il me réserve, je vais me le faire d'une force, il osera plus me regarder dans les yeux ! »

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05 janv. 2024, 15:33
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE SIXIÈME
Reducio
Accio et Repulso. Deux facettes de la même pièce. Les deux opposés qui s'attirent et se repoussent perpétuellement, tels les pôles jumeaux de deux aimants, destinés à éternellement coexister sans jamais pouvoir s'effleurer. Tout comme il est impossible que l’œil gauche puisse voir directement le droit, il...

-------toc toc

Olivia sentit ses paupières se clore et ses narines s'évaser. Sa main gantée manqua de briser sa plume sous le coup de l'énervement qui sous-tendit brusquement ses doigts. Le bruit de cuir s'étirant lorsqu'elle serra lentement le poing ponctua le silence de la salle de classe. Elle rouvrit les yeux, posa son regard sur la porte fermée. S'il y avait bien une chose que la professeur Reeves détestait, c'était d'être interrompue lors de la correction d'une bonne copie. Pour un devoir de quatrième année, elle trouvait que l'élève avait déjà une compréhension très étendue des sortilèges. D'autant qu'il maniait très bien sa baguette. Elle l'aimait bien, cet élève dont elle avait déjà oublié le nom, mais qui avait retenu son attention. Il irait loin, il avait du potentiel. La jeune professeur aimait les élèves à haut potentiel.

Durant un court instant, elle se contenta de laisser son index et son majeur frotter sèchement la paume de sa main, ses dents mordillèrent l'intérieur de ses lèvres. Elle avait pourtant été bien clair que quelconque élève souhaitant discuter avec elle devait prendre rendez-vous. Aucun n'avait été pris pour aujourd'hui. Elle hésita à laisser l'importun piétiner devant la porte pour reprendre sa correction. Et elle l'aurait fait, si l'air d'un joyeux sifflotement n'était pas parvenu à ses oreilles.

Les bordures de sa vision s'assombrirent alors que les vents de la colère se mirent à tempêter dans sa poitrine. C'en était trop. Elle braqua son regard sur sa copie, démarrant sa petite mise en scène, avant de claquer des doigts de sa main libre pour ouvrir violemment la porte.

« Vous avez trois secondes pour parler. Après quoi, vous accomplirez la punition que je vous confierai, et je retirerai dix points à votre maison. »

Les crissements agressifs de la plume sur le parchemin rythmaient ses paroles, sans qu'elle adresse un seul regard à la personne se tenant sur le pas de sa porte.

Si Narcisse s'était attendu à un accueil pareil, il se serait bien gardé de sourire autant lorsque la porte s'était ouverte en un instant. Il apparaissait comme incompréhensible pour lui que l'on ne puisse pas prendre plaisir à recevoir un élève dans sa salle après les cours. Ou un collègue. Il avait encore du mal à se faire à l'idée qu'il était passé de l'autre côté de la barrière. Mais en l'occurrence, il constata bien que la professeure pensait s'adresser à un élève... Et quelle réception !

Raide comme la justice, adossée à sa chaise, le regard rivé sur ses copies, la plume s'agitant nerveusement, le visage dur et couturé d'une immense cicatrice, cette femme n'avait pas l'air commode. Elle ne lui accorda même pas un regard ! Décontenancé quelques secondes de trop au goût de la jeune femme, qui ne lui en avait accordé que trois, cette dernière releva enfin le regard, presque satisfaite de n'avoir eu aucune réponse. Elle déposa sa plume et plaqua ses mains sur son bureau en se redressant.

« Bien ! Puisque c'est ainsi, vous... »

Enfin, elle daigna le regarder. Narcisse ne put s'empêcher de sourire en tirant sa main de sa poche pour la saluer d'un air amusé. Elle n'aurait pas eu l'air davantage surprise si une licorne s'était tenue à l'entrée de la classe. La main déposée sur la poitrine de la jeune femme, ses yeux écarquillés et son pas en arrière, rien ne laissait entendre cette nouvelle réaction. Il se racla la gorge avant de se frotter la nuque, ignorant l'immobilité et le silence soudain de la professeure.

Elle n'était pas sans lui rappeler son ancienne professeur de Défense, Miss Valerion. Par son comportement et ses manières. Sa rigidité et l'apparent ennui à l'idée de voir inopinément un élève hors de ses heures de cours. Cela le fit sourire.

« Désolé de vous embêter après les cours, euh... Excusez-moi. »

Laissant son sourire s'élargir, il s'avança prestement en direction de la jeune femme pour lui tendre sa main gauche, grande ouverte. Cette dernière fit un nouveau pas en arrière, les yeux toujours autant écarquillés.

« Bonjour, je m'appelle Narcisse, Narcisse Brando. J'suis le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal. Enchanté ! »

Consternation, immobilité, silence.

Olivia sentit brusquement son cœur s'emballer et ses pensées lui échapper. Les souvenirs affluèrent sans la moindre retenue, la privant de toute sa capacité de discernement. Elle savait qu'elle affichait ses grands yeux de merlan frit, qu'elle ouvrait si grand la bouche que les mouches auraient pu pondre dedans. Mais elle était totalement incapable de réagir autrement.

Brando. Narcisse. Le fils de la femme qui l'avait sauvé, il y a dix ans, ici même. Dans les souterrains, toute la scène lui repassa devant les yeux, toute la violence déchaînée de cette femme enchaînée, dépourvue du moindre pouvoir magique, et qui pourtant avait triomphé de cinq sorciers sous ses yeux. Ou bien étaient-ils six ? Elle n'était plus certaine. Mais elle revoyait tout, elle entendait tout. Les doigts de sa main nue se posèrent malgré elle sur sa cicatrice.

« Tout va bien ? »

La voix de l'homme la ramena à la réalité. Son regard était inquiet, posé sur elle, sa voix était douce, enrobant ses oreilles et apaisant les tourmentes de son esprit. Très vite, l'humiliation et l'embarras remplacèrent la peur et la surprise. Olivia s'y accrocha, sentant ses joues rougir, se redressant brusquement, comme si on venait de la piquer avec une aiguille. Elle épousseta ses épaules avant de se racler la gorge, relevant le menton d'un air digne. Ses yeux se plissèrent, ses lèvres se pincèrent. Elle tendit une main guindée pour serrer celle du professeur.

« Bonjour professeur. Olivia Reeves, professeure de sortilèges, et Directrice de Serpentard. Enchantée.
Directrice ? Très impressionnant, c'est encore mieux, ça tombe bien ! »

Olivia arqua un sourcil en désignant le fauteuil face à son bureau de la main, avant de se rasseoir. Narcisse déposa son sac à côté du siège, s'y installa, et soupira de contentement, les mains sur ses genoux. La professeure lui lança un regard décontenancé, malgré le fait qu'elle-même ait encore du mal à mettre au clair ses propres pensées. Elle secoua la tête, elle n'avait aucune raison de se mettre autant de pression. Après tout, elle était sortie avec les honneurs de son école, et dans le top trois, par-dessus le marché. Elle se redressa en rajustant une mèche derrière son oreille.

Curiosité et hésitation se chamaillaient dans sa tête. Pour un professeur, il avait un comportement bien puéril.

« Mon temps est précieux, ne le gaspillez pas. Vous vouliez me voir ? »

N'importe qui se serait retrouvé désemparé face à tant de froideur et d'aigreur. Narcisse avait déjà entendu parler de cette professeure, mais cela ne lui revenait que maintenant. Ella la décrivait comme une personne taciturne, élitiste, froide et sèche, mais extrêmement efficace. Narcisse voyait pourquoi elle avait dit cela désormais, et pourquoi Ella la détestait. Mais il n'était pas du genre à se laisser démonter par ce genre de choses. D'une respiration, il balaya sans hésiter ces questionnements, pour se concentrer sur la femme en face de lui. Il s'avança vers le bureau, avant de poser les coudes dessus pour croiser les bras sur le bois, s'inclinant légèrement en avant.

Il ne remarqua pas le raidissement et le rougissement de la jeune professeure, il était bien trop emballé à l'idée du projet qu'il s'apprêtait à lui exposer. Du pouce, il remonta ses lunettes sur son nez.

« En gros, j'ai besoin d'emprunter la salle du club de duel pour mon cours de demain matin, Emma m'a expliqué que...
Miss Vanderberg ? Elle ne vous a pas posé de problème, j'ose espérer ?
Non, non, non ! Du tout, euh, absolument pas voyons, au contraire, elle m'a mis au courant sur le programme. Je n'ai été mis au courant qu'hier soir de la proposition de remplacer le professeur Julius qu'hier soir, du coup forcément...
S'il vous plaît, allez à l'essentiel. »

D'un geste ferme et sec de sa main gantée, Olivia fit taire le professeur beaucoup trop bavard à son goût. L'air exaspérée, le regard braqué sur lui, ce dernier se contenta de se racler la gorge en se redressant.

« Hrm, oui, bien sûr ! Désolé. Alors, pour faire court, j'aimerais utiliser la salle de duel demain matin, pour faire des démonstrations. Et j'apprécierais grandement que vous vous joigniez à moi avec votre classe ! Je sais que les sixièmes années ont cours avec vous demain matin aussi, ce s'rait une excellente occasion, vous pensez pas ? On va travailler Feudeymon et Gelo, j'suis sûr que votre expertise sera pas de trop ! »

Concluant d'une légère claque de ses mains, le sourire de Narcisse déteignait brillamment avec le visage fermé d'Olivia. Son regard de pierre et ses lèvres pincées, les mains croisées sur le bureau, c'est à peine si elle faisait bouger sa poitrine en respirant. Une bonne poignée de secondes s'écoula ainsi, dans le silence le plus absolu. Même Narcisse commença à se poser des questions, il s'agita sur sa chaise puis se frotta la nuque en rougissant légèrement.

« Euh... après, j'peux juste faire le cours avec les septièmes années... J'me disais juste que...
Qu'est-ce que vous avez prévu, concrètement ? »

Un léger moment d'hésitation, leurs regards se croisèrent, et malgré l'aisance habituelle de l'homme pour ne pas se laisser atteindre par ce genre de situation, il fronça les sourcils. Elle ne broncha pas.

« Et bien, Emma à un peu d'mal a accepter le fait que je sois son prof. Faut dire qu'on se connaît depuis un moment, ça doit leur faire bizarre, à elle et Ella, j'imagine ! »

Olivia ferma une seconde de trop les yeux, sous le coup de l'ennui et en l'entendant une nouvelle fois pouffer de rire.

« Du coup, j'm'étais dit que je pourrais faire la démonstration avec elle ! Elle a l'air très douée, mais j'pense que si on s'affronte amicalement, elle se sentira mieux, en plus, je crois que pour les sixièmes années, ils commencent l'étude des sorts informulés, non ? Ça pourrait très bien se concilier avec votre cours ! Vous en pensez quoi ?
Attendez... »

Sans s'attarder sur les détails, la professeure leva la main pour venir se frotter les paupières de son pouce et de son index nus. Elle qui ne souriait jamais, qui ne se relâchait jamais, la voilà désormais en train de sourire malgré elle. Elle sentait les commissures de ses lèvres s'étirer malgré elle, et du fond de sa poitrine, une secousse. Un gloussement de rire, elle rouvrit les yeux en secouant la tête, l'air éberluée.

« J'ignore par où commencer... »

Narcisse pencha la tête sur le côté, clignant des yeux d'un air confus, désabusé. De toute évidence, il ne voyait pas le problème de sa demande. Après tout, de son point de vue, elle n'avait qu'à dire non si cela lui posait problème.

« Vous débarquez ainsi, et dès votre premier jour, vous voulez déjà chambouler les emplois du temps ?
Et bien... Non, pas du tout, ce serait exceptionnel ! Mais vous inquiétez pas ! Si ça vous embête, vous pouvez juste dire non, ça me faisait juste plaisir de faire une petite démonstration... Julius m'avait beaucoup demandé, vous savez ?
Ah, je vois... »

De sa main nue, Olivia se frotta lentement le menton. Son regard dériva dans le vide, ses pensées également. Elle se souvenait de quoi Honor avait été capable. Elle l'avait vu de ses yeux. Mais de quoi était capable cet homme... Les médias avaient raconté tout, et son contraire. Un tremblement imperceptible s'empara de ses doigts, elle serra le poing, avant de plonger son regard dans celui de l'homme face à elle.

Elle voulait savoir de quoi était capable le fils de la femme qui l'avait sauvé. Ses bras se croisèrent devant elle, posés sur son bureau.

« Si je comprends bien, vous comptez affronter, dès votre premier jour, la meilleure élève de Poudlard en Défense Contre les Forces du Mal ? Miss Vanderberg est très surprenante, vous savez ? Vous risquez de vous embarrasser devant toute l'école, dès votre deuxième jour. »

Olivia le fixait droit dans les yeux. Elle-même savait bien le talent de la jeune Emma dans sa matière et celle de Julius. Elle-même devait donner du sien pour la vaincre en duel. Il fallait qu'elle teste la réaction de ce nouveau professeur, elle devait savoir, elle voulait voir. Personne ne pouvait supporter de telles insinuations sans se braquer. Et lorsque les gens se braquaient, c'était ainsi que l'on pouvait le mieux les cerner. Son petit sourire satisfait, elle ne cherchait même pas à le dissimuler.

« Oh, je sais qu'elle est très forte ! C'est pour ça que c'est elle que je veux pour la démonstration ! »

Un sourire rayonnant, un hochement de tête, et un petit mouvement de la main amusé, telle fut la réaction de Narcisse. La professeure cligna des yeux, sentant son cœur manquer un battement.

« Je me dis que si j'arrive à tenir tête à Emma, ça va rassurer mes élèves ! J'aimerais que tout l'monde se sente bien si je donne cours. Et puis, comme ça, j'pourrais avoir plein de conseils si je fais mon premier cours devant plus de gens ! Vous pensez pas ?
Je... »

Elle referma sa bouche, entrouverte depuis trop longtemps, passant sa main sur le bas de son visage.

« Je suppose, oui. »

Elle plongea tant dans ses réflexions qu'elle en oublia la présence du professeur. Le regard plongé dans les aspérités du bois de son bureau, son esprit tournait à plein régime. Quelle sorte de stratagème était-ce là ? Qu'avait-il en tête ? Personne n'agissait aussi innocemment, c'était ridicule. Surtout pas quelqu'un que l'on présentait comme le plus puissant sorcier en vie. Non, il devait de toute évidence y avoir anguille sous roche, et la jeune professeure irait jusqu'au fond des choses. Elle hocha la tête, décidée, avant de relever les yeux pour le regarder, avant de croiser les jambes. Son regard parcourut le visage de l'homme, et buta sur la cicatrice sous son œil.

Ses doigts effleurèrent la sienne. Une drôle de chaleur se mit à grandir au fond de sa poitrine, elle soupira.

« C'est d'accord. Ma classe sera au rendez-vous. Nous avons hâte de voir votre démonstration.
Vraiment ?! Oh, merci beaucoup, c'est trop bien ! J'aimerais que vous animiez le cours avec moi, si vous le souhaitez, votre expérience sera précieuse, vraiment ! »

Olivia peinait à réagir correctement à toute cette explosion de joie, alors que Narcisse se dressa brusquement pour lui serrer la main avec énergie. Elle ne put retenir son sourire. Cela faisait deux fois qu'elle souriait aujourd'hui, c'était anormal. Après s'être raclé la gorge rapidement, elle se redressa à son tour, soutenant autant qu'elle le put la poigne ferme de l'homme.

« Je vous en prie, c'est un plaisir. »

Une poussée de taquinerie s'empara soudainement d'elle, d'une manière totalement inexplicable.

« En revanche, vous serez seul à faire cours. Après tout, il va bien falloir que vous fassiez vos preuves, très cher. »

Narcisse éclata de rire en se penchant pour récupérer son sac, avant de le faire glisser sur l'une de ses épaules, en prenant la direction de la porte.

« Oui, bon, d'accord ! Je peux pas vous contredire sur ça, mais j'espère que vous m'aiderez quand même !
Peut-être bien, nous verrons. Je ferai passer le message à mes élèves. »

La professeure se leva souplement, dissimulant sa légère claudication de la jambe droite, comme à son habitude. Cet effort la poussait à afficher une silhouette incroyablement raide, en toute circonstances. Mais mieux valait cela que laisser savoir que sa jambe droite était affaiblie. Elle lui ouvrit la porte en se décalant, lui affichant un sourire qu'elle ne se connaissait pas. Narcisse semblait trépigner d'excitation et d'impatience, ne cessant de sourire. Voir un homme d'un mètre quatre-vingts manifester sa joie avec autant d'effusion était inhabituel. Inhabituel, mais pas déplaisant.

« Merci infiniment, je l'oublierai pas ! Bonne soirée, euh... Miss ?
Reeves, mais je vous en prie, appelez-moi Olivia.
Très joli ! Olivia, Olivia... Je retiens, il va falloir que je retienne les autres maintenant, je m'y entraînerai ce soir haha ! Merci encore ! »

Elle lui rendit discrètement son hochement de tête, toujours autant dans la retenue, avant de fermer la porte derrière lui, alors qu'il s'éclipsait, aussi discrètement qu'une ombre. Drôle de détail pour un homme de sa stature, mais Olivia ne releva pas consciemment cet élément. Une fois la porte verrouillée, un joyeux sifflotement se fit entendre, résonnant dans les couloirs.

La jeune femme poussa un soupir amusé, secoua la tête, et passa sa main dans ses cheveux pour les rajuster et les aérer. Ce n'est qu'à présent qu'elle se rendit compte de l'effet qu'avait sur elle le départ de cette homme. Elle était incapable de l'expliquer, mais c'est comme si l'on venait de retirer un énorme poids sur sa poitrine, mais que l'on avait aussi, dans le même temps, retiré une épaisse couverture chaleureuse et rassurante.

Elle secoua la tête en fronçant les sourcils. Il était temps pour elle de reprendre la correction de ses copies. Qui était-elle en train de corriger déjà ?

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06 janv. 2024, 22:28
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE SEPTIÈME
Emma Vanderberg s'était donnée corps et âme pour devenir la jeune femme qu'elle était aujourd'hui. Née d'une famille de Sang-pur populaire, elle avait eu l'incroyable chance d'être toujours soutenue dans ses choix. Ils n'avaient rien dit quand elle avait refusé le mariage, ils n'avaient rien dit quand elle a commencé à sortir avec Ella, ils n'avaient rien dit quand elle a annoncé vouloir aller à la GEAD au lieu de faire de la politique. Ils ne comprenaient pas tout, mais ils faisaient des efforts, et pour elle, c'était plus qu'assez. Aussi, Emma adorait sa famille. Cependant, aucun Sang-pur ne pouvait se targuer de ne pas avoir été inquiété après les événements d'il y a dix ans. Les premiers mois à Poudlard pour Emma avaient été particulièrement difficiles.

Comme il était fascinant de voir à quel point les mentalités pouvaient rapidement évoluer. Voire même totalement s'inverser. Depuis que Narcisse Brando avait renversé le Conseil, les Sang-pur étaient vus comme les parias de la société, les cibles à abattre, les jeteurs de chaos et de discorde, fauteurs de troubles et de zizanie. Haine et rejet envers eux, après tout, c'était de leur faute si un monstre comme Georges Tuséki avait pu voir le jour, pas vrai ? Emma ne l'avait jamais compris. Elle n'avait jamais accepté toute cette haine, toute cette souffrance, tout ce rejet. Si les choses s'étaient calmées aujourd'hui, elle n'avait pas oublié. Ni pardon, ni oubli. Et si elle n'avait pas rencontré Ella, elle savait qu'elle aurait pris un chemin bien différent de celui d'aujourd'hui.

La jeune femme tenait sa baguette entre ses doigts. Fermement, sa compagne de toujours, qui ne l'avait trahi, jamais déçu, qui avait toujours été là pour elle. Du bois de pin, du ventricule de dragon. Un bois conçu pour une maîtresse individualiste, idéal pour les sorts informulés.

Le bruit de deux mains claquant l'une contre l'autre, étouffé par le tissu des gants, perturba ses pensées.

« Bien ! Euh, merci d'être aussi nombreux, c'était pas... prévu... Mais c'est pas grave ! Bonjour les collègues ! Vraiment merci d'être là, promis ça va être bien ! S'il vous plaît, essayez de ne pas franchir les lignes de sécurité, là, vous voyez, les lignes jaunes et... ah, purée, attendez j'arrive ! Non c'est pas grave mon grand ! Regarde, tu vois, juste tu prononces ça et... »

L'adolescente sentit un frisson la parcourir.

Aujourd'hui, elle était la meilleure. Elle pensait l'être. Aucun élève ne lui arrivait à la cheville, plus personne ne pouvait la battre en duel. Le professeur Julius avait fait d'elle sa chouchoute. Le délicieux goût de la revanche qu'elle avait pris sur la vie était particulièrement grisant, et n'avait jamais cessé de l'envahir chaque fois qu'elle s'emparait de sa baguette. Les picotements électriques qui remontaient le long de son bras l'ancraient dans la réalité. Le brouhaha alentour étouffait son ouïe, et surchargeait ses sens.

Une grande inspiration. L'air passa dans ses poumons. Elle ferma les yeux.

Prendre conscience de ses doigts, jusqu'au bout des ongles. De ses bras, de ses orteils, de ses jambes. Laisser la sensation remonter jusqu'à la poitrine, doucement faire glisser ses pieds sur l'estrade de duel pour se mettre en position. La toile bleutée, parsemée de petites étoiles dorées, se plie imperceptiblement sous ses docks. Elle se concentra. Sentir les battements de son cœur, les laisser résonner, laisser le sang battre puissamment dans ses veines. Elle avait les cheveux attachés en chignon grossier, laissant sa nuque exposée aux picotements de sa peau. Un sourire étira la commissure de ses lèvres. Elle rouvrit les yeux. Du regard, elle chercha les yeux gris d'Ella, qu'elle repéra sans difficulté. Grande perche blonde aux traits doux, au sourire réconfortant, la rousse lui fit un imperceptible hochement de tête.

En un instant, le calme revint, ses sens ne se concentrèrent que sur une seule chose. Un seul homme, qui avait eu l'impertinence de descendre de l'estrade de duel pour aller s'occuper d'un deuxième année insignifiant. Ce dernier avait par mégarde effacé une partie de la ligne de peinture jaune délimitant un périmètre de sécurité, et le professeur était en train de lui apprendre à lancer le sort pour la repeindre.

« Tsk. »

Pourquoi perdait-il son temps de cette façon ?

Un tremblement agita sa main gauche, elle serra le poing. Pourquoi ressentait-elle un tel soulagement ? Pourquoi avait-elle eu l'impression qu'un immense rocher avait été ôté de ses épaules lorsqu'il était descendu de la piste ?

Tous les regards étaient posés sur elle. L'entièreté des élèves de Poudlard était rassemblée ici, la salle avait même été agrandie spécialement pour l'occasion, et des bancs escaliers avaient été disposé le long des murs. Le corps professoral se tenait à même le sol, sur des fauteuils. Elina Montmort, prostrée de son cache-oeil d'un noir spatial, se tenait les bras croisés et le dos droit. L'adulte hocha la tête en direction de l'adolescente, elle expira, et sourit.

« Et bah voilà ! Bravo ! T'as géré ! Bon, tu retiens bien la formule hein ? Au pire, tu redemandes à Miss Reeves, ok ?
Merci m'sieur ! »

Narcisse ébouriffa les cheveux du petit deuxième année, avant de prestement remonter sur l'estrade d'un bond agile, laissant battre sa veste en atterrissant. Un sourire léger déformait ses lèvres, son regard était pétillant, et son visage d'une infinie douceur. Emma en eut la chair de poule. Et le fait qu'elle n'arrive pas à expliquer pourquoi la plongea dans un désarroi bien plus grand. L'adulte commença à regarder autour de lui en parlant.

« Mesdames et messieurs ! Jeunes gens, euh, s'il vous plaît, un peu d'votre attention ! »

Il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour obtenir un silence relatif. Il n'utilisa ni magie, ni injonction, mais sa voix posée et calme finit par avoir raison de la rumeur ambiante. Une petite tape de ses paumes, et il poussa un long soupir de contentement.

« Ah, vraiment, merci d'être là ! Bon, par où commencer... »

Il se racla la gorge, ses doigts s'entremêlaient doucement. Le voir ainsi nerveux donna un grand sourire à l'adolescente, qui se gorgeait des regards admiratifs et envieux de ses camarades. Regardez-moi, regardez-moi bien briller.

« Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis Narcisse, Narcisse Brando ! »

Quelques murmures parcoururent l'assemblée. Si Narcisse les ignora et continua de parler, les regards du corps professoral eurent tôt fait de les réduire au silence.

« Je suis le nouveau professeur de Défense ! Et aujourd'hui, j'avais prévu de donner un cours un peu spécial, pour me mettre en jambe, aux septièmes années. »

Il pouffa de rire.

« Bon, il semblerait que d'autres se soient joints... Mais c'est pas grave ! J'suis content ! Simplement, j'aurais donner quelques indications. »

Il leva la main au niveau de sa poitrine, et dressa les doigts au fil de ses énumérations.

« Tout d'abord, le cours d'aujourd'hui porte sur deux sortilèges particulièrement puissants : Feudeymon et Gelo. Si beaucoup doivent connaître le premier, le deuxième est moins connu, quelqu'un aurait... oui, mademoiselle au premier rang ? Rappelle-moi ton nom s'il te plaît ! »

Emma écarquilla de grands yeux en reconnaissant la camarade d'Ella, cachée derrière ses énormes lunettes rondes. Depuis quand elle participait à l'oral, celle-là ?

« Valentine Trilonay professeur ! Gelo est le sortilège qui protège des flammes ! En revanche, il n'est pas censé protéger des Feudeymon, cependant...
Cependant, ce n'est pas impossible. Tout à fait Valentine ! Bravo, 5 points pour Serdaigle ! »

Narcisse ne coupa pas la parole à l'adolescente, mais se contenta de superposer sa voix à la sienne. Emma manqua d'éclater de rire en voyant Valentine se mettre à brusquement rougir en se trémoussant sur sa chaise avec un sourire idiot, son livre serré contre sa poitrine. La rousse secoua la tête en levant les yeux au ciel. Lorsque l'adulte se racla la gorge, toute l'attention se focalisa sur lui, son visage devint plus grave.

« Feudeymon est un sortilège particulièrement dangereux. »

Emma fronça les sourcils lorsqu'elle le vit agripper son bras gauche. Si elle avait tourné le regard vers Ella, elle aurait vu la blonde les larmes aux yeux, les mains sur la bouche.

« Je le sais d'expérience. Ne vous amusez jamais avec. La magie est merveilleuse, mais elle peut être très dangereuse. Mortelle, en l'occurrence, et douloureuse. »

Plusieurs secondes s'écoulèrent, puis, comme si de rien n'était, il se remit à sourire, et glissa une main dans sa poche, en agitant l'autre au rythme de ses mots.

« Mais ne vous inquiétez pas ! C'est un sort très délicat à lancer, vous aurez le temps de vous y entraîner ! Et pour ce qui est des sixièmes années, j'avais également prévu de donner un cours sur les sortilèges informulés. »

L'excitation parcourut la salle, il n'y avait presque aucun élève qui n'avait pas sa plume entre les doigts et qui ne griffonnait pas sur son parchemin.

« En temps normal, les sorts informulés sont impossibles d'utilisation avec les sorts de haut niveau. Mais encore une fois, rien n'est impossible. Je... je suis pas très doué pour expliquer les choses, c'est pour ça... »

Il leva brusquement la main pour désigner Emma, rajustant ses lunettes du pouce.

« Que j'ai demandé la participation d'Emma, ici présente, j'aimerais que vous la remerciez, tout comme je la remercie, ce cours n'aurait pas été possible sans elle ! »

Plusieurs applaudissements commencèrent à monter, timidement au début, puis plus confiants lorsque Narcisse s'y mit également. Emma rougit comme une pivoine, elle sentit ses joues devenir brûlantes. Elle serra les doigts autour de sa baguette, qui vibrait contre sa peau. Elle avait hâte de lui rabaisser le caquet. Ella pouffait de rire en applaudissant, se délectant sans se dissimuler de l'embarras de sa compagne. La rousse lui fit une grimace discrète.

« Pour la première partie du cours, nous allons faire la démonstration des différents sorts, à tour de rôle. Pour la deuxième partie, Miss Reeves ici présente viendra sur l'estrade avec nous ! Merci à elle également. »

De nouveaux applaudissements. Emma n'en revint pas de voir la professeure d'habitude si taciturne et aigrie papillonner des yeux en rougissant. Lorsque son regard se posa de nouveau sur Narcisse, la rousse se demanda quelle sorte de sorcier cet homme était... Elle n'y comprenait rien.

« Si tout le monde est prêt, nous allons commencer. »

Une fois les applaudissements dissipés, Narcisse prit une grande inspiration, et se tourna vers Emma, pour la regarder. Il s'inclina maladroitement, souriant toujours, sans détacher son regard.

Ah, enfin.

« C'est pas trop tôt. »

Il pouffa de rire lorsqu'elle s'inclina à son tour, plus sèchement, rapidement, avant de se mettre immédiatement en position. Baguette dans la main droite, le poignet souple, genoux légèrement repliés, main gauche le long du corps, imperceptiblement relevée. Elle laissa l'euphorie du duel à venir l'envahir, elle savait que l'adrénaline ne manquerait pas...

Un frisson.

Un mouvement. Un infime mouvement de la part du professeur. Sa main gauche qui se leva pour retirer sa veste, posée sur ses épaules, avant de la laisser s'envoler sur sa chaise derrière lui. Emma était totalement figée. Son cœur battit brusquement la chamade, des sueurs froides lui parcoururent le dos. Qu'est-ce qui se passait ?! Elle n'y comprenait rien ! Pourquoi tout lui paraissait si lourd brusquement ? Ses vêtements devinrent inconfortables et lui collèrent à la peau, sa gorge s'assécha, sa respiration se bloqua, sa gorge fut prise dans l'étau d'un carcan invisible, et ses épaules se retrouvèrent soudainement écrasée par une pression incommensurable.

Même face à Elina, Emma ne réagissait pas ainsi.

Et toute la pièce semblait être réceptive à cette impression. Chacun guettait le moindre mouvement du professeur, qui se contenta de pivoter sur le côté, affichant son profil gauche. La main droite dans sa poche, l'autre le long du corps, il ne quittait pas des yeux l'élève.

Cette dernière se retint de tousser, et se força à sourire, refusant d'essuyer la goutte de sueur roulant le long de sa tempe, causant des murmures dans le public.

« Elle est où ta baguette ? Peur que je te désarme avant que t'ai pu bouger ? »

Narcisse arqua les sourcils de surprise, avant de lever la main gauche. Emma dut faire appel à toutes ses forces mentales pour ne pas reculer brusquement. L'entièreté de ses sens tirait la sonnette d'alarme, hurlait à la panique et scandait leur terreur.

Il desserra son écharpe, pour la laisser flotter le long de son cou.

« Fais-moi confiance. Je me disais que ce serait également l'occasion de faire une démonstration de magie sans baguette. »

Emma pouffa de rire. Nerveux, évidemment, mais elle refusa de l'admettre. Elle balaya toutes ses inquiétudes d'un mouvement de la main. Ce type se payait sa tête. Et elle n'allait pas se laisser faire, hors de question ! Elle se remit en position, braquant sa baguette sur lui. Narcisse continua de parler, mais il ne détachait pas son regard de la rousse.

N'était-ce que l'imagination d'Emma, ou bien croyait-elle voir quelques flammes blanches dansantes au creux des yeux de Narcisse, dissimulées derrière ses lunettes ?

« Bien, à présent, Emma va essayer de catalyser un Feudeymon, pour le projeter sur moi. Suivez bien ses mouvements, et prenez des notes. »

Mais, il ne se mettait même pas en posture de garde !! C'en fut trop pour Emma. Le cœur de l'adolescente explosa, un mélange d'humiliation et de rage coula dans ses veines. Un infime mouvement agita la pointe de sa baguette. Ses narines s'évasèrent.

« J'ai pas besoin de ta permission ! Feudeymon ! »

Du plus profond de sa gorge, sa voix trembla sur la première syllabe, avant de s'affermir. Elle oublia ses doutes, et ses craintes, et se laissa envahir par la puissance flamboyante de sa magie. Ce sort, elle le maîtrisait. Julius le lui avait appris. Ce fut donc en l'espace de quelques secondes qu'une lumière aveuglante se matérialisa au-dessus de sa tête, éclairant les alentours. L'air se distordit, il se mit à vrombir sous l'effet de la chaleur. Un immense cobra enflammé, mêlé à des gerbes de feu, apparu. Guidé par la pointe de sa baguette, elle s'amusa à le faire tournoyer autour d'elle, causant des éclats de voix dans le public.

Narcisse ne bougeait pas. Il demeurait parfaitement immobile. Pourquoi ne bougeait-il pas ?!

« Tsk. »

Emma ne se laissa pas décontenancer. Il ne bougeait pas ? Tant pis pour lui !

« Prends ça ! »

Malgré toute la rage qu'elle ressentait, elle ne put se résoudre à lancer le sort sur lui sans prévenir. Mais lorsque l'immense créature de feu rugit en fonçant sur lui, elle ne put retenir un frisson de triomphe.

« Gelo. »

Un silence assourdissant. Une onde de choc balaya les cheveux de l'adulte, tel un blast causé par l'arrêt soudain du Feudeymon. L'air, qui vibrait il y a encore une seconde, s'immobilisa entièrement. Narcisse avait la main dressée, la paume ouverte, le visage calme et apaisé. Le sort d'Emma avait été figé en plein élan. Les flammes s'étaient teintes d'un bleu ondulant, et la gueule ouverte du cobra s'était stoppée à quelques centimètres du visage du professeur.

Pas un souffle ne se fit entendre. Si les plus jeunes étaient entièrement sous le coup de l'émotion, ce fut l'admiration et l'extrême impression des plus âgés qui marqua surtout Emma. Comment ?! Elle avait pourtant toujours sa baguette tendue, elle continuait de faire affluer sa magie, mais en cet instant, c'est comme si elle essayait de mouvoir sa baguette contre un bloc de roche. Sa deuxième main vint agripper son poignet pour le soutenir. Narcisse détourna le visage.

« Je vous montre un niveau au-dessus. Gelo a certes pour intérêt de se protéger du feu. Mais j'ai découvert que contre un Feudeymon, il peut servir à autre chose. Gardez les yeux ouverts encore quelques instants, s'il vous plaît. »

Tandis qu'Emma s'échinait, les dents serrées, les veines de sa gorge battantes, à reprendre le contrôle de son sort, Narcisse fit doucement pivoter sa main. Parfaitement détendu, les doigts souples et agiles, il ferma brusquement le poing.

Dans un bruit de tempête, le cobra de feu se retrouva emprisonné à l'intérieur de ses doigts, fumant et crachotant, frémissant et se tortillant, la main de l'homme devint un point bleu aveuglant. Des flammes l'entouraient, s'agitant faiblement, comme étouffée. Emma expira brusquement, sentant sa magie court-circuitée, son emprise totalement supprimée. Ses bras tombèrent le long de son corps, elle reprit avec difficulté son souffle, les épaules voûtées.

Narcisse montra à l'assemblée son poing fermé, contenant le Feudeymon, causant des émois incommensurables.

« Gelo protège du feu. Mais ce sort, suffisamment maîtrisé, permet également de retourner les flammes maudites contre son lanceur. »

Il plongea ses yeux dans ceux d'Emma, qui se figea, la respiration coupée.

« Emma ? Tu maîtrises Protego Totalum ?
Hein ? Euh... »

La surprise de la rousse fut elle qu'elle bégaya un court instant. Le visage de Narcisse était sévère et dur.

« Sois sincère, s'il te plaît, ce n'est pas un jeu ni un concours. »

Elle entrouvrit les lèvres, les referma, et serra les dents en détournant le regard, d'un air rageur. Son poing serrait son catalyseur en tremblant légèrement.

« Les sorts défensifs, c'est pas mon fort...
Je vois, pas de souci ! Ne bouge pas. »

Tirant son autre main de sa poche, Narcisse braqua sa paume sur la rousse.

« Protego Totalum. »

L'air ondula autour de la rousse, dans un bruit de tôle pliée, et elle se retrouva brusquement entourée d'un bouclier aussi blanc qu'aveuglant si on le regardait directement. Elle ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux en posant ses doigts sur la surface. Plus solide que tout ce qu'elle avait jamais touché. Les émotions se bataillaient une première place dans son cœur : rage, jalousie, incrédulité, incompréhension. Mais en cet instant, elle était comme paralysée par une telle démonstration de puissance.

Narcisse lança un sourire à l'assemblée.

« Ce sort sera pour un prochain cours. Emma, prépare-toi. »

Balayant soudainement l'air face à lui, il abaissa en un éclair son poing, libérant le Feudeymon emprisonné, pour le déchaîner sur elle. Le feu rugissant de façon tonitruante, et libéra une puissante chaleur qui fit onduler les tentures des murs, plusieurs élèves se bouchèrent les oreilles, d'autres poussèrent des cris de surprise.

La rousse était paralysée, et ne put que se laisser consumer par le feu. Ou tout du moins le pensa-t-elle. La lumière bleutée l'aveugla, l'entourant aussi rapidement qu'un raz-de-marée, le bouclier ne frémit même pas. Elle crut que ses genoux allaient lâcher, et seule sa fierté la poussa à s'accrocher. Pas comme ça !

Lorsque les flammes se dissipèrent, un silence absolu se fit, durant plusieurs longues secondes. Narcisse fit disparaître le bouclier, et tourna le regard vers les élèves.

« Tout le monde a bien vu ? On va refaire une démonstration pour...
Un... Un duel ! Je veux un vrai duel ! »

Incrédulité, flottement. Les visages se tournèrent en direction de l'origine de la voix. Emma s'était redressée, avait de nouveau levé sa baguette et la pointait sur l'adulte. Ses jambes tremblantes étaient dissimulées derrière son masque d'arrogance et de confiance. Son regard marron éclatait de fureur. L'humiliation qu'elle ressentait ne pouvait demeurer sans réponse. Elina posa les mains sur les dossiers de sa chaise, Olivia croisa les bras sur sa poitrine. Narcisse, quant à lui, se tourna doucement vers elle, le regard perdu.

« Un duel ? Mais, euh, on n'est pas là pour ça, enfin, si tu veux, on pourra...
Oh si, allez ! Règle-lui son compte Narc !
Oui ! Un duel ! On veut voir d'autres sorts ! »

Des éclats de voix se firent retentir. Plusieurs élèves se levèrent en scandant un appel à l'affrontement. Ella fut évidemment la première à le réclamer, un sourire mesquin aux lèvres. Narcisse se frotta la nuque d'un air embarrassé, et se tourna vers les professeurs.

« Euh... Je... Vous en pensez quoi ? On était pas là pour ça, à la base, j'voudrais pas... »

Les professeurs se regardèrent, Elina sourit, hocha la tête, d'autres le firent également en réaction.

« Puisque Miss Vanderberg semble désireuse de faire la démonstration de ses capacités, il serait bon de voir si le nouveau professeur de Défense est capable de la suivre. »

Quelques rires se firent entendre, Emma prit une grande inspiration, n'attendant qu'un signe. Narcisse s'immobilisa, et réfléchit. Puis, lentement, très lentement, il retira entièrement son écharpe, pour l'enrouler autour de son bras, avant de faire un nœud. Il se racla la gorge, fit craquer son index contre son pouce. Et enfin, il regarda Emma.

« Tu es sûre ?
Bats-toi ! »

Le silence dans le public était absolu. Une expiration de Narcisse, puis il retira lentement ses gants. Ce fut comme si l'on venait d'entrouvrir la porte d'une cheminée rugissante. Emma en frissonna. Mais plus la tension grandissait, plus, paradoxalement, elle s'apaisait. Son instinct reprenait le dessus. Sa détermination également, toute sa motivation, toutes les raisons de ses combats quotidiens, tout cela lui revint en un éclair. Elle s'était retenue jusqu'ici. Elle ne voulait pas prendre le risque de blesser qui que ce soit. Julius lui avait toujours dit de se contenir, et...

« Tu peux ne pas te retenir. »

Comme s'il avait lu dans ses pensées, Narcisse anticipa les questionnements de la jeune femme, avant de claquer soudainement dans ses mains, et d'écarter lentement les bras. De la jonction de ses paumes, grandit alors un immense bouclier translucide qui entoura l'estrade de duel. Si l'air autour d'eux ondula quelques secondes, il se retrouva finalement aussi calme qu'au départ, comme si aucun bouclier n'était là. L'adulte ne put s'empêcher de sourire en retour, avant de rajuster ses lunettes du pouce. Emma claqua de la langue.

« T'as pas peur de casser tes lunettes, binoclard ? »

Des murmures parcoururent l'assemblée, Narcisse la regarda, et secoua doucement la tête. Olivia leva les yeux au ciel, Elina ferma les yeux un instant de trop. Les autres profs réagirent de façon similaire. La grande gueule d'Emma était reconnue. Après avoir pris une nouvelle inspiration, l'adulte plia imperceptiblement les genoux, pivotant sur le côté, les bras le long du corps, l'épaule en avant. Emma sentit son cœur s'arrêter. Sa colonne vertébrale devint glacée, ses doigts tremblèrent. Elle fit appel à toutes les réserves de sa détermination pour soutenir les yeux de l'adulte. Emma avait toujours été du genre à se fier à ses ressentis, à faire confiance à son instinct. La rousse commença à mesurer l'ampleur de l'erreur qu'elle avait commise en jugeant l'homme face à elle.

« Ne t'inquiète pas pour ça. Tu es prête ? »

Avant de répondre bien évidemment par la positive, Emma ne put s'empêcher de remarquer un drôle d'éclat se refléter sur les verres des lunettes de Narcisse. Un petit éclat blanc, qui semblait avoir ricoché contre la surface, avant de revenir se loger au creux des pupilles du professeur.

Sans attendre un instant, Emma brandit sa baguette, voulant profiter de l'effet de surprise.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

09 janv. 2024, 17:55
 Fanfiction  Narcisse Brando - La famille que l'on choisit
CHAPITRE HUITIÈME
« Aïe ! Merde !
Langage ! »

En présence de Dianne et d'Ella, Narcisse avait pris l'habitude de surveiller sa langue en toutes circonstances. Devant l'adulte, car la rousse s'était mis un point d'honneur à ne pas laisser passer le moindre juron, et devant Ella, car sa mère n'était jamais loin. Mais quelques fois, l'adolescent perdait le contrôle.

Cette soirée-là était l'une de ces fois.

Ella conservait parfaitement le souvenir de ce soir, l'année de ses sept ans, celui d'une glaciale nuit de janvier, il y a bientôt dix ans. Pourquoi ce souvenir-là refaisait surface en cet instant, l'adolescente l'ignorait. Mais malgré tout ses efforts, elle ne put contenir le flot de réminiscences qui envahit brusquement son cerveau. Le temps s'étira à l'infini autour d'elle, les sons s'étouffèrent, et les battements de son cœur ralentirent. Elle revit sa mère, les manches relevées, les cheveux attachés en chignon brouillon, le visage dur. Son regard était planté dans le dos de l'adolescent. Ce dernier, assis sur une chaise du salon, les dents serrées sous le coup de la douleur, agrippait de ses bras le dossier de sa chaise. Dans la pénombre de la nuit, seulement éclairée par un Lumos Sagitta, petite boule de lumière éclairant la pièce comme un mini-soleil, elle s'échinait à pénétrer le bouclier de Narcisse pour soigner la plaie suppurante sur son flanc. Sa chemise, encroûtée de feuilles et de terre, déchirée et ensanglantée, gisait à même le sol.

Ella se revoyait en train de tenir la bassine d'eau chaude entre ses mains. La petite blondinette avait refusé avec acharnement les ordres de sa mère l'incitant à retourner se coucher. L'enfant avait toujours été une forte tête, à l'image de sa défunte grande sœur. Et plus particulièrement lorsque Narcisse était impliqué. Dans ce genre de cas, même un dragon déchaîné n'aurait pu la faire changer d'avis, et Dianne avait bien suffisamment à faire avec l'adolescent blessé pour s'en soucier maintenant. Le bouclier perpétuel de Narcisse mettait les compétences de la médicomage à rude épreuve.

« Vulnera.
Argh ! »

Les ongles de l'adolescent s'enfoncèrent soudainement dans le bois de la chaise, sa tête plongea dans son coude. Des gouttes de sueur se mirent à perler de son front, se reflétant dans le rayonnement de la lumière.

« Narc ! »

Ella déposa précipitamment la bassine, avant de bondir à ses côtés. Son regard rejoignit celui de sa mère, se déposant sur la blessure, qui peinait à ne serait-ce que s'arrêter de saigner. La petite voulut poser ses mains sur celle de Narcisse. Mais encore une fois, elles furent arrêtées par l'écran invisible, indissociable de lui et indicible, inexorable et infranchissable. La petite n'arrivait pas à comprendre pourquoi Narcisse la repoussait, pourquoi malgré tous ses efforts, elle n'arrivait plus à le toucher. Plus elle s'approchait de lui, plus elle ralentissait, jusqu'à se retrouver totalement figée. Mais butée comme elle était, ce n'est pas cette simple poussée qui allait l'arrêter. Elle continua de presser sur ses mains, encore et encore, grognant malgré elle sous l'effort, poussant sur ses jambes, s'inclinant lentement vers l'avant pour s'appuyer de tout son poids.

« Ella, recule s'il te plaît. Je n'ai pas terminé.
Mais...
Ne discute pas ! »

Ella sentit sa gorge se serrer et sa poitrine la brûler. Le ton inflexible de sa mère ne laissait aucune place à la négociation. Un mélange de peur et de détermination, d'autorité et de désespoir rendait sa voix encore plus terrifiante que la blessure du jeune adulte.

Faisant appel à toute sa volonté d'enfant, elle retint un sanglot en reculant d'un pas, sentant les larmes monter aux coins de ses yeux. Elle ne comprenait pas pourquoi Narcisse avait aussi mal, pourquoi elle ne pouvait rien faire, pourquoi sa mère était aussi méchante. Et Narcisse avait l'air si affaibli, elle avait peur, ses mains serrées l'une contre l'autre se mirent à trembler imperceptiblement. Un froid glacial l'envahit brusquement.

« T'inquiètes pas, p'tite tête... »

Ella manqua une respiration lorsque le regard de Narcisse se posa sur elle. Comme il avait l'air fatigué.

Ses traits étaient tirés, le noir de ses pupilles faisait écho à celui de ses profondes cernes. Il avait perdu du poids depuis qu'elle l'avait rencontré, et de nombreuses nouvelles cicatrices s'étaient ajoutées aux anciennes. Son teint blafard se confondait avec sa mèche de cheveux qui virait de jour en jour au blanc, sans que personne ne comprenne pourquoi. Ses lèvres fendillées ne l'empêchaient malgré tout pas de lui sourire, d'un air rassurant. Enfin, Ella, sentit une larme rouler le long de ses joues.

Le visage de Narcisse se fronça sous la douleur soudaine lorsque Dianne lança de nouveau son sort, faisant bondir son corps. Un cri de peur échappa de la bouche de l'enfant, et Narcisse leva lentement la main dans sa direction.

« T'inquiètes pas... C'est rien ça, ta mère gère, elle va m'remettre d'aplomb.
Tu parles trop, et arrête de remplir les oreilles de ma fille de mensonges, veux-tu ? »

Pourquoi maman disait qu'il mentait ? Il n'allait pas aller, c'est ça ? L'effroi absolu de l'enfant dû transparaître de manière suffisante pour briser la concentration de sa mère, qui lui lança un soudain regard. Ses sourcils s'arquèrent, un sourire malaisé flotta sur ses lèvres, elle secoua la tête.

« Ça va aller, mais il va falloir que je t'interdise de quitter la maison pour deux semaines. Et j'y veillerai. Et comment tu as fait pour te retrouver dans cet état, d'ailleurs ? Tu n'abaisses pas ton bouclier pour moi, mais tu l'abaisses pour un stupide mage noir ?
Gh... J'l'ai pas abaissé... Il m'a pris par surprise, c'est pas... Rah ! »

Un soudain éclat de lumière s'échappa de la pointe de la baguette de Dianne, pointée directement sur la blessure. Le sort peinait encore à franchir le bouclier, et la blessure venait seulement de cesser de saigner abondamment. Tout en laissant échapper un nouveau cri de souffrance, le jeune adulte ne put contrôler ses mains qui vinrent s'écraser sur la table du salon face à lui. Ella se précipita vers lui, ignorant l'ordre de sa mère. Encore une fois, elle voulut déposer ses mains sur celle de Narcisse. En vain. De nouveau, ses doigts furent immobilisés à quelques centimètres de sa peau. Dianne claqua de la langue, sa voix gronda de colère.

« Envoyer un adolescent faire ce genre de mission... Si je tenais les Piliers... »

Narcisse pouffa de rire, le visage plongé dans le creux de son épaule de sa clavicule.

« Faut bien quelqu'un pour le faire. Et mieux vaut moi que...
Ne t'avise surtout pas de terminer ta phrase. Je te l'interdis. »

Ella regarda sa mère. Elle avait les lèvres pincées, les yeux humides, ses mains tremblaient légèrement, elle aussi avait l'air épuisée. La petite ferma les yeux, colla sa tête contre le bouclier au niveau de l'avant-bras de Narcisse, tout en essayant encore une fois de lui prendre la main. Dianne soupira, avant de s'essuyer le front pour rajuster ses mèches collées de sueur.

« Bon, l'hémorragie est stoppée. Je vais aller chercher mes potions. Si tu bouges, je t'arrache les yeux.
Ha... Bien m'dame. »

Malgré leur épuisement évident, tous deux se mirent à sourire, la tension s'apaisa légèrement. Dianne posa sa main sur l'épaule de sa fille, ayant renoncé à l'idée de l'envoyer au lit. Son pouce frotta contre sa chemise de nuit.

« Tu le surveilles pour moi ma puce, d'accord ? »

Ella hocha vivement la tête, ses larmes roulant sur ses joues, d'un air désespéré, s'agrippant au bouclier de Narcisse de toutes ses forces. Elle contenait encore ses sanglots, mais ses épaules s'agitaient. Dianne vit la souffrance sur le visage de Narcisse, elle savait qu'il culpabilisait énormément, qu'il se torturait et qu'il aurait simplement aimé pouvoir la prendre dans ses bras. Elles aussi auraient aimé pouvoir lui rendre la pareille, au passage.

« Je reviens. »

Rajustant sa robe de chambre sur ses épaules après avoir déposé un baiser sur la tête de sa fille, l'adulte prit le chemin de sa chambre, aussi rapidement qu'elle le put.

La respiration de Narcisse était profonde et lente, trop souvent entrecoupée par des petites inspirations crispées, trahissant sa douleur. Ella continuait de s'accrocher à lui. Ses sanglots se calmèrent au rythme des respirations de son aîné. Lentement, elle reprit contenance. En comparaison de certains souvenirs, cette blessure était minime, mais pour une enfant, voir ainsi l'homme qu'elle admirait tant et qui l'avait protégé aussi longtemps qu'elle l'avait connu était insupportable.

« Narc... S'te plaît... »

Sa gorge se serra et la priva de ses derniers mots. Plusieurs longues secondes de silence s'écoulèrent, seulement ponctuées par les respirations de Narcisse, et les bruits de pas de Dianne à l'étage.

« Je suis là. Ça va aller ma grande. »

Ella sentit la main de Narcisse se poser sur sa tête pour lui caresser doucement les cheveux. Ce simple contact l'apaisa d'une ampleur sans commune mesure. Un rire imbibé de sanglots échappa à l'enfant, qui agrippa de toutes ses forces les doigts de l'adolescent. Ce dernier serra sa main autour de la sienne. Elle était rêche, mais chaude et sécurisante. Sa poigne était ferme et sûre. Le front d'Ella reposait désormais contre l'avant-bras de Narcisse, qui continuait de lui caresser les cheveux tendrement.

Ella ouvrit les yeux en se redressant brusquement. Elle le touchait. Sans lâcher sa main, elle leva la tête en direction de l'escalier.

« MAMAN !! Je... J'arrive à l'toucher ! »

Encore aujourd'hui, même plusieurs années après, Ella ne peut repenser à ce souvenir qu'avec bonheur. Et même en cet instant, elle ne put retenir son rire en se remémorant sa mère se précipiter sur Narcisse pour apposer sa main sur sa blessure afin de définitivement la cicatriser. Narcisse avait hurlé de douleur, cognant du poing sur la table en serrant la main de la petite Ella. Aujourd'hui, ils en rigolent tous les trois.

Ce souvenir frappa Ella au même moment où Emma leva sa baguette pour tenter de prendre l'initiative du duel.

La brosse n'était pas tombée sur lui par accident. Son bouclier ne l'avait simplement pas considéré comme une vraie menace. Tout comme il ne considérait plus ni Ella, ni Dianne comme une menace. Elle avait également remarqué qu'au fur et à mesure des années, il arrivait de mieux en mieux à contrôler ce qui traversait ses protections ou ce qui ne les traversait pas. Une vague d'inquiétude envahit alors la blonde, lorsqu'elle vit sa compagne s'élancer sans se douter de la vérité sur Narcisse.

Elle prit une grande inspiration. Elle connaissait Narcisse. Elle savait qu'il ne ferait jamais de mal à Emma.

« Confringo ! »

L'un des sorts favoris d'Emma.

Rapide, efficace, puissant, bruyant. Déstabilisant, qu'il touche ou qu'il ne touche pas, jamais aucun de ses adversaires, mis à part les adultes, n'avait réussi à correctement contrer ce sort. Elle était déjà en train d'anticiper sa prochaine attaque. L'explosion se matérialisant à l'endroit où l'adulte se tenait aveugla les spectateurs trop avides, l'air à l'intérieur du bouclier trembla sous l'onde de choc. La détonation assourdissante fit siffler les oreilles de la rousse, qui jubila en voyant l'adulte disparaître dans le nuage de fumée enflammé. Son sourire étira la commissure de ses lèvres, alors que son corps se redressait et qu'elle brandissait à nouveau sa baguette.

« Qu'est-ce que tu dis de ça ? Et... »

Et c'est que le début. Les mots moururent sur ses lèvres. Une rumeur parcourut l'assemblée tandis qu'un bloc de glace chuta au creux de l'estomac de la rousse. La fumée qui se dissipait laissa apparaître la silhouette de l'adulte, se tenant parfaitement droit, le visage neutre, et le regard concentré. Pas la moindre poussière n'avait tâché ses vêtements, ses cheveux ne semblaient même pas avoir été décoiffés par le blast. Puis, il se mit à sourire, et hocha la tête d'un air satisfait.

« Impressionnant ! »

Il claqua quelques fois dans ses mains pour applaudir, réellement heureux, tout en parcourant l'assemblée du regard, avant de lever l'index d'un air professoral.

« Vous avez vu à quelle vitesse elle a exécuté le sort ? Et la prononciation ? Vous l'avez bien entendu ? Les bonnes syllabes ont bien été accentuées, et on sent toute la pratique dans le geste ! »

Emma n'en revenait pas. Elle se sentit secouée jusqu'à ses tréfonds. Il y a encore quelques secondes, elle aurait attribué cette désinvolture à de la moquerie, à du sarcasme. Mais désormais, elle doutait que cet homme en soit réellement capable... Un frisson. Une telle désinvolture lui rappela ses nombreux duels contre Julius. Ce dernier n'avait jamais perçu la jeune femme comme une réelle menace. La réalisation que Narcisse non plus ne la percevait pas ainsi lui serra la gorge au point de manquer de l'empêcher de respirer.

« Enfoiré...
Bien, à mon tour. »

Emma avait déjà levé sa baguette. Et elle en remercia le ciel, car si elle l'avait laissé le long de sa hanche, elle sut qu'à l'instant où Narcisse croisa son regard, elle s'en serait retrouvé incapable. Le tremblement qui s'empara de son bras lorsqu'elle sentit une pression incommensurable écraser ses épaules manqua de se transmettre jusqu'à l'épaule. Et dire qu'il continuait de sourire. Elle déglutit avec difficulté, se raccrochant à sa fierté pour ne pas se décomposer.

Le professeur leva lentement le bras gauche, tendu face à lui, paume ouverte en direction d'Emma. Les secondes semblaient s'étirer éternellement, les battements de cœur de l'adolescente résonnaient à ses oreilles.

« Aguamenti. »

Emma ne réussit pas à comprendre pourquoi ni comment elle se retrouva brusquement face à un gigantesque raz-de-marée. L'air face à elle fut balayé avec violence, écrasé contre elle sous la pression de l'immense trombe d'eau déferlant sur elle à toute allure.

Bouge. Bouge. Bouge. Bouge !

« Partis Temporus ! »

Un réflexe désespéré, agissant purement par instinct, profitant d'avoir réussi à lever sa baguette avant même qu'il n'attaque. Emma se félicita pour son catalogue de sorts, sans qui elle n'aurait probablement pas pu réagir avec autant de rapidité. De plus, il était plus que probable qu'il ne s'attende pas à ce qu'elle pare avec ce sort. Il devait certainement avoir anticipé un Protego quelconque, mais avec ce sort, le trou qu'elle avait réussi à percer dans le typhon lui permettra de contrer...

Où il était ?

La vague scindée en deux emplissait les côtés de l'estrade, s'écrasant contre le bouclier, créant des mini-étangs à même le sol. L'estrade de duel se retrouvait entièrement trempée, imbibée du surplus d'eau ayant inondé l'intérieur du bouclier, manquant de déborder sur la piste. Mais sur l'estrade, là où était censé se trouver son adversaire, seul l'absence criante de ce dernier sauta aux yeux de la rousse.

Elle n'eut même pas le temps de ressentir pleinement son frisson.

« Supers réflexes ! »

Une lourde présence pesa soudainement dans le dos d'Emma. Ses sueurs glacées lui parcoururent le dos, et même les spectateurs laissèrent échapper des exclamations de surprise ou de consternation. Apparemment, certains avaient pris des paris.

La rousse ferma les yeux, pris une grande inspiration, et se tourna lentement pour regarder derrière elle, sa main le long du corps, agrippant sa baguette de toutes ses forces. Narcisse n'était même pas mouillé. Il la regardait d'un air bienveillant, la dominant de toute sa taille, se tenant à une dizaine de centimètres d'elle. Une main dans la poche, l'autre le long du corps, Emma n'avait pas la moindre idée de comment il s'était retrouvé derrière elle. Elle avait été si rapide, comment...

« Partis Temporus était un choix judicieux. Mais le défaut, c'est qu'en coupant le sort en deux, tu as bloqué ta vision périphérique. »

Alerte. Danger. Danger mortel. Emma écarquilla les yeux, incapable de retenir son pas en arrière. Narcisse avait levé la main pour la placer face à son visage, paume ouverte.

« Et pouf, tu as perdu ton adversaire des yeux. Tu es morte. »

Un violent tournis s'empara de l'adolescente. Puis, en un éclair, avant même qu'elle n'ait pu se poser la moindre question, un grand silence se fit. Le bouclier autour de l'estrade s'effaça, l'eau disparut. Narcisse avait claqué des doigts de son autre main. Durant plusieurs longues secondes, seules les lourdes respirations d'Emma emplissaient les oreilles des élèves autour.

Narcisse posa sa main sur son épaule, et hocha la tête avec un grand sourire. Il n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche d'un tonnerre d'applaudissements et d'ovations retentirent. Déchirant l'air et inondant l'espace, beaucoup se levèrent pour se déchaîner. Valentine fut l'une des premières par ailleurs. Les professeurs demeurèrent plus restreints, évidemment, toujours dans la retenue. Ella était en train de se ruer sur la piste, l'air mi-ravie, mi-inquiète. Narcisse plongea alors son regard dans celui de la rousse, et tapota son épaule.

« Très bien joué. J'espère que tu me laisseras t'enseigner, j'suis sûr qu'on peut beaucoup apprendre l'un de l'autre ! Si tu veux, on pourras discuter d'ce duel à la prochaine séance du Club ! À très vite ! »

Il leva le pouce, lui fit un clin d’œil, pour finalement se diriger vers le flot des élèves se précipitant sur lui pour l'assaillir de questions ou de remarques. Emma n'en entendit aucune. Elle demeura totalement immobile, à simplement compter ses membres, vérifier qu'il n'en manquait aucun, et qu'elle était bien vivante. Elle avait du mal à y croire. Une présence taquine et malicieuse s'arrêta à côté d'elle.

« Je vais pas dire que j'te l'avais dit... »

Elle déposa un baiser sur sa joue, avant de s'agripper à ses épaules en éclatant de rire. Par réflexe, Emma prit avec délicatesse son avant-bras, toujours sous le choc.

« Mais j'te l'avais dit ! Hihi, tu vois ? Qui c'est qui avait encore raison ? »

Ignorant totalement le vacarme et les discussions alentours, Ella fronça brusquement les sourcils, avant de se placer face à sa compagne pour saisir ses joues. Leurs regards se croisèrent, une sincère inquiétude remplaça la taquinerie.

« Hey, ça va ? »

Emma ne put que la regarder, longuement. Trop de pensées se heurtaient dans son esprit. La désillusion, le choc, la honte et l'embarras. Et une certaine crainte. Elle secoua la tête en fermant les yeux. Le poids de sa baguette commença à se sentir entre ses doigts. Sa main libre vint se raccrocher à celle de sa compagne.

« Je crois... »

Elle pivota sur elle-même, ses yeux se posèrent sur le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal, en train de joyeusement répondre à absolument toutes les questions qu'on lui posait. Sourire et légèreté, familiarité et bonne humeur, tout le contraire de l'adolescente. Elle pouffa de rire, posant sa main sur sa poitrine, en expirant doucement.

« Ella.
Oui ? »

La blonde pencha la tête sur le côté, croisant ses bras sur sa poitrine, l'air soucieuse. Emma prit une grande inspiration, pour finalement regarder sa compagne.

« Tu veux dire que tu vis avec ce monstre depuis des années ? »

Une horreur indicible se mit à insidieusement ramper à l'intérieur du cœur de la rousse. L'idée qu'un tel individu côtoie régulièrement la femme qu'elle aimait la terrifiait proprement. Lorsqu'elle dirigea à nouveau son regard en direction du professeur, elle repensa à tous les articles qu'elle avait lu sur lui. L'un d'entre eux titrait : "Narcisse Brando, tueur de Sang-Pur !"

Elle n'entendit même pas la réponse joyeuse et rassurante de son amante. Elle voulait avoir confiance, mais elle savait que quiconque dispose de pouvoir est tenté d'en abuser. Pourquoi cet homme ferait-il exception à la règle ? Et qui pourrait l'arrêter s'il décidait soudainement de tuer qui il voulait ?

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart